Le jeu symbolique soutenu par l'enseignante est plus efficace que l'enseignement explicite de la lecture

C’est la conclusion à laquelle la chercheure Kraismira Marinova, de l'Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, et ses chercheurs associés  en sont venus dans l’étude « Lire et écrire dans des situations d’apprentissages issues du jeu : construire un savoir partagé» (juin 2019). 

L’apprentissage par le jeu produit de meilleurs résultats en lecture /écriture que d’autres types d’enseignement plus formels. Il est plus efficace, en particulier pour les garçons. « Rien ne justifie donc  la recommandation (parfois l’imposition) d’autres types d’enseignement», enseignements plus systématiques.

Une approche par le jeu

Les serveuses prennent les commande des clients puis les attachent sur un fil pour le cuisinier.

Derrière le comptoir, deux enfants pèsent des objets (marchandises) 
et font semblant d'en calculer le prix, selon le poids de cette marchandise.
Lire, c'est faire du sens à partir de symboles. Ils utilisent des symboles mathématiques dans leur jeu.

Déguisé en policier, il apporte sa tablette pour noter les règlements :
«Je respecte les limites de vitesse, j’arrête au feu rouge..." 

Une affiche pour jouer à la clinique vétérinaire

Les chercheurs ont comparé les résultats de  363 enfants (pré-test et post-test) de 24  classes dont les enseignantes favorisaient soit l’enseignement explicite soit une approche par le jeu.

Ils ont constaté que les enfants qui peuvent s’adonner au jeu symbolique dans un environnement riche en écrits, tout en profitant du soutien de l’adulte dans le jeu, obtiennent de meilleurs résultats  sur les quatre variables étudiées :

•         les  habiletés et connaissances de l’enfant reliées à l’émergence de l’écrit, ,
•         les habiletés  reliées à l’aspect  fonctionnel (qui a des incidences sur la compréhension),
•         les habiletés et connaissances reliées à l’aspect conventionnel de l’écrit,
•        Les habiletés et connaissances reliées à l’aspect sonore de l’écrit.

«L’approche d’apprentissage basé sur le jeu donne de meilleurs résultats en lecture et écriture que d’autres types d’enseignement [plus formels] des lettres et des sons». Il en va de même pour la conscience phonologique.

Le jeu crée des occasions de jouer avec le langage écrit avec d’autres. Lorsque les enfants jouent avec l’écrit dans des activités librement choisies, «ces expériences deviennent plus signifiantes pour eux et renforcent leur motivation, ce n’est pas le cas lorsque les tâches sont perçues comme imposées par l’adulte.» (Brandscombe, 1991, Christie, 1991).

Cette recherche confirme «le lien entre jeu symbolique et l’émergence de l’écrit».

 Le jeu est même vu comme un moyen de «prévenir les difficultés en lecture».

Les auteurs notent aussi l’importance à accorder aux différences d’âge dans une classe, car des écarts qui existent se maintiennent « jusqu’à la fin de l’âge préscolaire, peu importe l’approche utilisée». On doit en tenir compte dans nos actions et nos évaluations et «orientations relatives au dépistage de difficultés d’apprentissage en lecture».

Ils font remarquer que les enfants qui possèdent un « haut» niveau de jeu, c’est-à dire qui possèdent plus d’habiletés au jeu,  obtiennent de meilleurs scores dans tous les aspects mentionnés, d’où la nécessité pour l’enseignante d’aider les enfants à devenir de meilleurs joueurs.

Ils insistent aussi sur la nécessité de formation pour les enseignantes sur l’apprentissage par le jeu.

Voici certaines recommandations des auteurs de la recherche :

• Aux décideurs : selon les auteurs, ces résultats devraient convaincre les décideurs au Ministère de l'Éducation de conserver une approche développementale dans le nouveau programme cycle du préscolaire. Ils suggèrent «au MEES de rendre accessibles aux commissions scolaires et aux directions d’école les résultats des recherches révélant qu’un apprentissage par le jeu donne de meilleurs résultats en lecture et en écriture que d’autres types d’enseignement des lettres et des sons. »

• Aux directions d’école ils recommandent «d'orienter les projets éducatifs vers un modèle d’apprentissage par le jeu». Les directions d’école sont invitées à «reconnaître et à apprécier davantage le travail de l’enseignante dans une approche par le jeu», et à informer tous les intervenants en éducation préscolaire (orthopédagogues, orthophonistes, conseillères pédagogiques, techniciennes en adaptation scolaire), afin qu’elles puissent adapter leurs pratiques au besoin. Certains gestionnaires, dans les commissions scolaires, «sont aussi invités à rompre avec la vision qu’un enseignement explicite des lettres et des sons est le seul modèle à appliquer à l’éducation préscolaire.» 

• Aux enseignantes, ils recommandent «d'accorder une place dans l’espace et dans le temps au jeu symbolique et le considérer comme une période dans l’horaire de la journée qui revêt une grande importance pour les apprentissages du langage écrit.»   Ils donnent aux enseignantes des arguments solides pour utiliser la pédagogie du jeu même pour favoriser l'émergence de l’écrit.

Résumé fait par Anne Gillain Mauffette, novembre 2019.

Lire et écrire dans des situations
d'apprentissage issues du jeu :
construire un savoir partagé

Rapport de recherche