mercredi 2 mars 2022

Expérimenter avec les qualités des matériaux : première partie : Introduction, Papier et Carton

 

Par Anne Gillain Mauffette




Photo: Thinking with materials. What can we do with this material? Project ZeroHarvard






Les enfants ont besoin de liberté. Liberté d’investiguer, de tester, de faire des erreurs, de les corriger... Ils doivent apprendre les ressources des mains, de la vue et de l’ouïe, des formes, des matériaux et des couleurs. Ils doivent se rendre compte que la réflexion, la pensée et l’imagination créent des liens entre les choses et du support aux mots… Nous devons offrir à l’enfant et construire avec lui les conditions pour connaître.

Loris Malaguzzi (traduction libre)

INTRODUCTION

Pourquoi ne pas laisser les enfants explorer les propriétés des matériaux avant de leur demander de représenter quelque chose de concret?

Comme adultes nous avons souvent hâte que l'enfant représente un sujet. Pourquoi sommes nous si pressés que les enfants fassent quelque que chose qui ressemble à une chose qu’on peut reconnaître? Et qu’il la nomme?

Certains enfants n’ont jamais encore touché à de la glaise, utilisé de la gouache et autres matériaux «salissants» pour en saisir les possibilités.

Quand les enfants rencontrent un matériau pour la première fois, ils le font avec leurs sens. Ils ne savent pas les usages qu’on en fait habituellement. Souvent l’adulte s’empresse de dire :« regarde c'est comme ça qu'on fait ceci ou cela».

Une expérience a démontré que quand un adulte montre explicitement une fonction d’un jouet, l’enfant n’essaiera même pas de chercher les autres fonctions de cet objet. Il va simplement imiter les gestes de l’adulte. Ceux à qui on a présenté le jouet sans consignes ont découvert plusieurs possibilités de ce jouet. Dans le premier cas, on aura donc  nui à la curiosité, le sens exploratoire, et la créativité des enfants. Il en va de même pour les activités artistiques.

Quand on demande à un enfant de créer un produit spécifique ou de suivre un modèle, on ne lui offre pas tout le potentiel de l’activité car on a un but prédéterminé.

L’enfant pose un regard neuf sur les choses, prenons le temps de l’observer et de l’accompagner dans ses découvertes.

En milieu préscolaire, les adultes et enfants «se réunissent autour des matériaux pour investiguer, négocier, converser et partager»5. «Les matériaux peuvent évoquer des souvenirs, raconter des histoires, inviter des actions et communiquer des idées.» 5  

Chaque matériau  incite l’enfant à se poser des questions : qu’est-ce que celui-ci peut faire et qu’est-ce que je peux faire avec?

Quels types d’actions et de  transformations, les caractéristiques d’un objet ou matériaux vont-ils lui suggérer? 1


EXPÉRIMENTER AVEC LE PAPIER ET LE CARTON

Le papier

Prenons une feuille de papier. On peut leur poser la question : « Qu’est-ce qu’on peut faire avec ça?»

 Les enfants pourraient  la caresser pour en percevoir la texture ou la secouer pour faire du bruit, souffler dessus, la froisser, la déchirer, la plier, la mettre en boule, la lancer,  la plisser, y faire des trous, la rouler, la faire s’enrouler et se dérouler, la couper,  s’en servir pour emballer. Ils pourraient relier ou tisser ou coller des morceaux... 

La feuille peut aussi voler dans l’air ou dans le vent comme un cerf volant....  

Ci- dessous, des enfants font voler une feuille de papier au-dessus d’une bouche d’air 

Photo Patrice Gauthier https://youtu.be/iotX60837LU

                                                                                On peut aussi  faire danser le papier (Voir Segni Mossi)

Les enfants se font des cachettes et cherchent à entrer à plusieurs.

Ils pourraient même se cacher dans un tas de feuilles de papier journal déchiré, puis les balayer, les ramasser.

Pour déchirer le papier les enfants vont découvrir que cela est plus facile dans un sens que l'autre.

Faire des trous, par exemple, demande un certain contrôle. Il faut d’abord découvrir avec quoi faire le plus efficacement des trous sans déchirer la feuille (la pointe d’un crayon, une aiguille à coudre, un ciseau ?). Une fois cette capacité acquise, les enfants pourraient vouloir faire des motifs troués.


Photos©Roberta Pucci Lab: The grammar of matter

Une fois les premières explorations faites, l’enfant va découvrir comment faire des reliefs : papier accordéon, les ponts, les demi cercles, les torsades, etc.
Photo ©Roberta Pucci Lab         Photo : https://encounterswithmaterials.com/

Photo  Thinking with materials, Setting the table : paper ILT 7

Cela peut donner lieu a un projet individuel… ou collectif
Photos © Cathy Weisman Topal, Explorations in Art, Davis Publications10

 Si on ajoute des ciseaux, des agrafeuses et des poinçons, de la colle… Comment peut-on transformer la feuille avec ces outils? On peut  la découper, faire des languettes de différentes largeurs, les brocher et faire des cercles des triangles, des carrés,  faire des trous, des formes, des spirales… On peut en faire des chapeaux, des couronnes, des costumes.

Dans Comment jouer avec des languettes de papier ( How can we play with paperstrips), Roberta Pucci témoigne d’un atelier fait avec des enfants de 4 ans. Dans un premier temps, elle leur a démontré quelques transformations possibles avec une brocheuse: cylindre, prisme triangulaire, carré, etc.

 

Photos© RobertaPucciLab

Puis dans un deuxième temps elle est revenue et a laissé les enfants faire leurs tentatives eux-mêmes :


Un chapeau? Photo ©Nona Orbach, 

Un chapeau?












On peut aussi en faire des assemblages, des sculptures :

Photo © Ann Pelo,The language of art, Redleaf Press

 Ici : papier filtre à café et papier cartouche avec des bâtonnets et une boîte de carton comme socle. Il faudra offrir aux enfants ce dont ils ont besoin pour joindre les éléments : colle, ruban adhésif etc.
















L’adulte peut aussi provoquer, avec du papier, des gestes et des jeux. Suspendues au plafond de longues  languettes (de papier ciré ou de papier crêpe par exemple), surprennent les enfants. Ils peuvent les frôler, les faire bouger, les attacher, danser parmi elles…5 À quoi leur font-elle penser?  Elles peuvent devenir selon leur imagination,  des algues au fond de la mer ou une forêt pleine de lianes…

Les enfants vont, avec certaines manipulations, se rendre compte que le papier est absorbant. Que quand il est mouillé, il colle sur des choses.


Ici les enfants ont déchiré du papier journal. Ils ont ajouté de l’eau et ont observé sa transformation avec le temps. Ils ont été surpris qu’il devienne gris (dû à l’encre).

Puis ils constaté combien cette substance devenait douce et agréable.
Photo© Suzanne Axelsson
Puis ils l'ont laissé sécher pour un usage futur.

On peut aussi faire du papier mâché en trempant des languettes dans la colle et en recouvrant des bols de différentes dimensions pour faire des contenants, des ballons pour en faire des pinatas  ou en enduire des masques faits de glaise pour ensuite les laisser sécher, les décoller, les afficher ou les porter. Les enfants aiment en général beaucoup la sensation douce et lisse de la colle sur le papier. (Voir Expérimenter avec les matériaux: la troisième partie : la colle).

   

Photo© Suzanne Axelsson


On peut faire tout ces découvertes et ces expérimentations avant même de faire des marques avec des outils scripteurs ou de la peinture.


- Le papier d'aluminium

On pourrait aussi expérimenter avec du papier d'aluminium et faire le même processus : toucher, écouter, faire voler, froisser, déchirer, tordre, enrouler etc. et comparer avec les autres papiers.
    Photo Thinking with materials: blog post: The power of materials : exploration with foil 

Quand on l’enroule : «On dirait du feu.» « Des feuilles qui craquent quand on marche dessus» « Ça fait comme la pluie».Quand on la secoue : « C’est comme la pluie» « Ou le tonnerre!»

Les enfants ont tordu l’aluminium dans tous les sens, transformant les formes sans cesse : «Regarde j’ai fait un canard», «J’ai fait un S la lettre de mon nom!»« Moi un W».

Puis ils ont fait des sculptures.

Photo Anne Mauffette

Des invitations à créer:

Il y a toutes sortes de papier d’épaisseur et de textures variable. Certains se prêtant mieux à un médium qu’un autre. On retrouve du papier Kraft Art, cartouche, cellophane, de construction, buvard, d’emballage, à deux couleurs, journal, manille, papier pour pliage, de soie, papier velours, papier d'aluminium, sacs de papier brun...


Photo ©Thinking with materials, Setting the table:paper ITL



On va varier les propositions : les grandeurs des surfaces et leurs formes (sur la longueur, la largeur, cercles, triangles, irrégulières),  l’épaisseur et les textures, ce qui va provoquer d’autres gestes et idées. Donner plusieurs choix aux enfants.

PhotoThinking with materials, Setting the table:paper ITL


Le carton


Il y a du carton de différentes épaisseurs et textures et propriétés (mince et glacé, épais et mat…), du carton ondulé, brun et de couleurs, etc.

 Que feront les enfants avec  un morceau de carton ondulé?

À  le regarder et le toucher, ils vont constater qu’il y a un côté lisse et un autre bosselé; il y a des lignes creuses et d’autres bombées.

Ils vont sans doute découvrir qu’il peut s’enrouler dans un sens mais pas dans l’autre. Mais qu’en l’encavant d’une ligne avec un crayon ou un ciseau, on peut le plier.

Ils auront peut-être envie de faire de la musique en frottant un objet a contrario des rayures (comme on fait avec un bâton sur une clôture) : c’est alors le bruit et le rythme qui leur importe alors.


Photo© Roberta Pucci Lab

En voyant ce carton d’un paquet de biscuits ils seront peut être appelés à découper avec des ciseaux en suivant les lignes du carton. Puis le transformer.

Photos ©Roberta Pucci Lab The grammar of Matter



Il peut aussi bien sûr y avoir la rencontre de deux matériaux : le carton et les feutre, le papier et la colle etc. et toutes les possibilités de ces combinaisons.

  L’enfant peut décider de  faire des traits continus avec des marqueurs dans le sens des rayures ou le contraire.


Un arc en ciel. Photos © RobertaPucciLab, the Grammar of Matter tirées de Mosaic of Marks Words Material Reggio Children

Ils pourraient vouloir faire des volumes: des ponts, un abri…

 Et même de s’enrouler dans de grands rouleaux :

Photo© RobertaPucci Lab

On va proposer différentes épaisseurs, formes, couleurs et sortes de carton.

 


(Voir Expérimenter avec les matériaux: la troisième partie : la colle)On pourrait aussi faire du papier mâché 

Composition libre en aplat avec des formes que l’enfant a préalablement découpées.
Création libre en relief avec de petits objets (Photos Anne Mauffette)


Les enfants un peu plus vieux peuvent apprendre à se servir d’un fusil à colle.

Photo Thinking with materials, Setting the table:cardboard

Si nous ne sommes pas trop centrées sur le résultat, nos attentes ou même nos intentions pédagogiques (car les enfants peuvent nous surprendre et choisir d’autres avenues), chaque enfant va pouvoir exprimer son unicité, à travers les matériaux, à son rythme. 1

Notre travail est de soutenir et stimuler la recherche des enfants, de leur fournir du matériel qui va provoquer des gestes divers. De leur donner la permission d’explorer les différentes façons d’utiliser un matériel.  D'observer et de noter leurs processus pour garder des traces de tous leurs apprentissages..

Références

1.     1. Roberta Pucci (Italie) The grammar of Matter: Voir son site: RobertaPucciLab. Ses textes:  Why do teachers hate mess?

3   3. Nona Orbach (Israel : Voir son site The good enough studio: https://youtu.be/kiyr-vgQVSes livres: The good enough studio et The spirit of matter

Ses textes:

-          Why are adults so involved in children’s drawings?

-          Why do kindergarten children Stop Scribbling?

Ses videos: A four year old scribbling

1.     5.  Encounters with materials in Early childhood (site) et livre : Encounters with materials in Early Childhood Education (2017),par Veronica Pacini-Ketchabaw, Sylvia Kind et Laurie L Kocher,  Routledge, New York.


5    Pour voir la suite: Gribouillis et peinture digitale:https://jeulibrequebec.blogspot.com/2022/03/experimenter-avec-les-materiaux_95.html

Pour la première partie en Format PDF: https://drive.google.com/file/d/1IcwCBTW5r8tfbmvdR_lTFiaohYf3arqC/view?usp=sharing


Expérimenter avec les matériaux, deuxième partie: Gribouillis et Peinture digitale

 Par Anne Gillain Mauffette


Pour voir la partie précédente:

 

En manipulant les matériaux, l’enfant va apprendre à les connaître : c’est comme un dialogue : je fais ceci, le matériel  répond, réagit de telle façon (cause-effet) ce qui m’amène à faire telle autre chose. Il produit des idées. C’est un phénomène interactif. L’enfant transforme le matériau qui le transforme.

En  observant l’enfant, on va découvrir le monde intérieur de l’enfant. On peut se poser toutes sortes de questions :

 Qu’est-ce qui importe pour l’enfant en ce moment : l’aspect sensoriel, le mouvement, le bien-être, l’esthétique, une émotion?

Quels liens fait-il, quelles histoires raconte-t-il en agissant? Quels rapports avec les autres tisse-t-il? Qu’est-ce qu’il me dit de lui?

Quelles connaissances acquière-t-il? Quels gestes développe-t-il? Quels outils apprend-t-il à maîtriser? Quelles techniques?

 

Les gribouillis


Photo©Suzanne Axelsonn, InteractionImagination  


Les gribouillis consistent en des lignes aléatoires qui vont graduellement se transformer en formes. Chaque enfant va créer des points des lignes, des spirales des escargots, etc.


En représentation graphique, chaque individu fait son propre chemin, exprimant son unicité et ses variations personnelles, tout en étant impliqué dans un processus universel de développement 1 : tous les enfants vont se bâtir un répertoire de formes : les mandalas, les cercles, les triangles, les carrés et de gestes.

Le fait d’offrir des cahiers à colorier arrête le processus de gribouillages des enfants et court-circuite son développement symbolique (voir l’article : Que penser du coloriage?  https://jeulibrequebec.blogspot.com/search?q=Que+penser+du+coloriage )


Ce type d’expression est toléré chez les touts petits mais ils sont vite encouragés à passer au « bonhomme» et incités à « ne pas dépasser».

À l’école et même à  4 ans dans les CPE, le dessin représentatif est louangé. Les gribouillages (« barbeaux») sont parfois ridiculisés et facilement jetés.

L’enfant  ne devrait pas y avoir le stress de faire quelque chose à un âge défini. L’enfant en ressent un sentiment d’incompétence.1 Il est privé d’un exutoire et d’une forme d’expression.

À cet âge, il doit pouvoir juste faire des lignes et des formes abstraites pour le plaisir du geste.

 Créer une image et une signification verbale est perçu dans notre société comme un niveau cognitif plus élevé. On a une échelle comparative dans notre tête par rapport aux productions des enfants. Ceci nous pousse à encourager un enfant qui a fait une forme fermée à dessiner un personnage même s’il n’en avait pas encore l’envie. On accélère le processus par des démonstrations, des louanges et des suggestions. 1

 Pourtant, «les gribouillis sont les racines qui nourrissent  le dessin,  l’écriture et l’expression des émotions et des opinions». 1 Ils peuvent être énergiques, démontrer de la colère, etc.

Parfois, dans leurs gribouillis les enfants représentent des mots et même des émotions, des questionnements. 

Exemples :


Photo Anne Mauffette

Ce dessin n’a l’air de rien mais quand on a été là pour observer et entendre l’enfant  de 18 mois qui dit en crayonnant : «Maman, bébé», on comprend qu’avec ces quelques gestes graphiques qu’il possède, il exprime une vraie préoccupation : le rond est le ventre de sa maman et les traits à l’intérieur, le bébé qui s’en vient.



 Cette petite fille fait des tracés de haut en bas. Elle observe les effets de ses gestes et du crayon de cire. Elle écoute les bruits ambiants dont ceux faits par son outil.

Photo Nona Orbach The good enough studio

Travailler à la verticale ou à l’horizontale peut amener l’enfant à explorer des gestes différents.

 

(enfant de 4 ans). Nona Orbach : Thegood enough studio


L’enfant reprend des mouvements circulaires, en changeant de couleur.

Les gribouillis sont à la fois la joie de faire des traces, celle du mouvement mais aussi une communication. Le mouvement plus ou moins énergique, peut être cette communication. Il y a un plaisir physique dans cette activité.

Des traces dans le sable sur la table lumineuse

Photo Anne Mauffette







«Les représentations de l’enfant que ça soit en dessin ou en peinture suivent un cheminement graduel qu’ il est important de connaitre et de respecter» (Dominique Carreau).

Les enfants vont naturellement évoluer et faire à un moment donné une forme fermée et faire un ou des cercles, une mandala (un cercle avec un dessin d’une croix à l’intérieur), un carré, un triangle. Puis vont les agencer et passer au stade pré schématique (4 à 7 ans) puis schématique  (7 à 12 ans).  Un cercle et des lignes va représenter le soleil ou un personnage;  un triangle sur un carré, une maison, etc.

Voir aussi l’article : Jouer avec les lignes, ces précurseurs de l'écriture: https://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/08/jouer-avec-les-lignes-ces-precurseurs.html

 

«On a besoin de gribouiller toute sa vie, ce n’est pas simplement une phase de la petite enfance» (Roberta Pucci ).  Des artistes adultes s’en inspirent d’ailleurs.

Daniel Lahaie                                    Pierre Bourgault

Il  est important d’offrir aux enfants des matériaux qui permettent ses explorations, ses « gribouillis» : dans le sable, la peinture ou tout autre type d’expériences qui libèrent l’enfant de l’obligation de faire quelque chose. (Photos tirées d’un document de Dominique Carreau)

 

La peinture digitale :

C’est une peinture à laquelle on a ajouté de la glycérine. Son onctuosité la rend facile d’emploi. On n’a pas besoin d’outils. On utilise du papier glacé (type peinture tactile, du papier ciré ou de congélation, du papier bulle, des acétates). On peut aussi travailler sur du plexiglas, du verre, des stratifiés (Formica, Arborite).

On peut la préparer soi-même :

1.       1 tasse de colle à tapisserie délayée à une consistance légèrement plus épaisse que désirée

¼ de tasse de gouache liquide

¼ de tasse de savon liquide (type savon à vaisselle)

2.       1 tasse de colle à tapisserie délayée à une consistance plus épaisse que désirée

¼ de tasse de couleur en poudre

¼ de tasse d’empois liquide

¼ de tasse de savon liquide

 

Photo et vidéo Anne Mauffette https://youtu.be/tvE3LQE4tDQ

Dans cette première vidéo, l’enfant n’ose d’abord tremper que qu’un petit doigt puis un autre pour finir par y mettre toute la main. Il est plus intéressé par la sensation tactile : «c’est mou», visuelle (c’est comme des gants) et même sonore (ça fait proutch). C’est la texture qui l’intrigue. Il éprouve une nouvelle sensation.

 Il a fait une association (C’est comme des gants, des mitaines). Il résume bien la situation : « je joue dedans».

Dans cette deuxième vidéo : c’est le mouvement qui prime et la sensation de bien-être qui en découle, plus encore que le mélange des couleurs. Au départ : une discussion sur les couleurs de Noël. Les enfants disent que ce sont  le rouge et le vert. Ce sont les couleurs que les deux filles ont choisies. C’est aussi le travail à deux qui encourage les discussions. Et le plaisir de voir apparaître des lignes sous ses doigts. Ce n’est qu’après un long temps à faire des spirales et autres lignes que les enfants vont finalement, en réponse  à la question de l’adulte : «pouvez-vous chanter en même temps que vous dessinez?»,  chanter et  représenter des personnages  (Sainte Lucie et ses chandelles, une tradition scandinave) et puis sous l’influence de la chanson de l’adulte (un cerf dans une grande maison)  vont dessiner des maisons.

Vidéo Suzanne Axelsson : https://youtu.be/5p1KRsapXCY

Peinture sur la table lumineuse :

«Hier, les enfants étaient invités à faire de la peinture à doigts sur la table lumineuse. Les enfants ont exploré la texture de la peinture à doigts qui est différente de la gouache. Également, les enfants ont pu observer la lumière qui passait au travers de la peinture lorsque ils l’étendaient. Les enfants ont également étendu de la peinture sur leurs jambes et leurs pieds» (Guylaine Painchaud). 


Photos©Guylaine Painchaud. Garderie Imagine




Un enfant  s’engage pleinement quand il explore avec tous ses  sens, son corps et son esprit. Il s’agit d’une expérience holistique qui contient plusieurs dimensions : physique, émotive, cognitive et sociale ainsi que les besoins de l’enfant, ses buts, se histoires, ses questions.1  
Nous en avons une magnifique démonstration ci-dessus. Les enfants observent avec étonnement les effets de leurs actions et de cette substance. Leur intérêt est évident. Ils sont pleinement dans l'expérience.

Les jeunes enfants sont en pleine période de découverte de soi, des autres et du monde. Laissons leur la chance d’accumuler ces expériences fondamentales.

 

Références :

1.       Roberta Pucci (Italie) The grammar of Matter: Voir son site: RobertaPucciLab

Ses textes:  Why do teachers hate mess

 

2.       Suzanne  Axelsson (Suède): Voir son site Interaction Imagination

 Son blog: ses textes :

-           The soothing nature of  scribbles

-           Drawing as an act of democracy

 

3.       Nona Orbach (Israel) : Voir son site The good enough studio

       Ses livres: The good enough studio et The spirit of matter

Ses textes:

-          Why are adults so involved in children’s drawings?

-          Why do kindergarten children Stop Scribbling?

Ses videos: A four year old scribbling

 

Pour voir la troisième partie: La Colle et le Ruban adhésif: https://jeulibrequebec.blogspot.com/2022/03/experimenter-avec-les-materiaux_70.html

Pour imprimer cette deuxième partie en Format PDF:https://drive.google.com/file/d/1JAPtUDSJQS20GIkcjWkgfX2u8GIy5Mhu/view?usp=sharing

Expérimenter avec les matériaux: troisième partie : La colle et le Ruban gommé.

 Par Anne Gillain Mauffette

Pour voir la partie précédente: Gribouillis et peinture digitale:https://jeulibrequebec.blogspot.com/2022/03/experimenter-avec-les-materiaux_95.html


La colle

Liquide, elle intrigue les enfants. Et la première chose qu’on tente de leur faire apprendre c’est d’en mettre peu soit sur le carton ou sur l’objet à coller.

Mais ce que les enfants aiment faire, c’est faire couler la colle, la voir s’étaler et en constater les traces. Donnons-leur donc d’abord cette possibilité.

Photos Anne Mauffette
Ici nous voyons un enfant qui explore la fluidité de la colle colorée avec de la gouache.

Même les plus grands aiment ce genre d’activité. Ce qui leur permet de faire des lignes aléatoires (gribouillis).

Ici : colle sur le rétroprojecteur (une feuille de plexiglas a été mise par-dessus la vitre, mais ce pourrait être un plastique un peu rigide).

Photos Anne Mauffette
Photo de gauche : Le résultat de leurs explorations                                                     
Photo de droite : Je leur montre des peintures de Jackson Pollock (Moma)

 Puis continuant leurs expérimentations, les garçons ont pris des coton tiges pour éclaircir et laisser passer plus de lumière : «Ça fait comme de la calligraphie chinoise» dit l’un.


 

-          Colle et  collages:

Dans un  des ateliers avec des enfants de trois et quatre ans, une seule enfant a représenté un objet avec des languettes de carton. La plupart étaient en train d’explorer, la colle elle-même (la fluidité mais aussi l’aspect collant) ou le fait qu’ils puissent coller et décoller les morceaux ne donnant pas vraiment d’importance au produit fini. C’est le processus qui leur importait.

 

Toute la main dans la colle. Deux ans.
                                                            (Photos© Dominique Carreau)

Trois ans. Celui-ci met plein de colle sur son doigt.          L’autre regarde la colle couler.
Les trois photos ©Dominique Carreau

Les petites mains s’affairent : tremper, laisser  la colle tomber en filet, mettre de la colle sur un morceau, balayer avec la spatule…

C’est complexe pour un jeune enfant d’aller chercher la colle avec un outil. Pourquoi ce morceau ne tient pas (alors qu’il a mis la colle de l’autre côté?  Pourquoi ce morceau reste collé à mes doigts?


Un enfant a choisi de mettre sa feuille verticale et ses languettes aussi, l’autre tout à l’horizontale.

Photos©Dominique Carreau

 Image de gauche : On sent ici un placement intentionnel des morceaux de carton l’un à côté de l’autre et  pour occuper tout l’espace (organisation spatiale). Une petite ligne de colle traverse la feuille.
Image de droite : première tentative de relief

Photos ©Dominique Carreau

Dans ces deux productions,  on voit la superposition des morceaux de papiers fadeless déchirés.
Dans la deuxième on note de filets de colle décoratifs par-dessus les languettes et une générosité dans les collages de papiers qui débordent du cadre support (papier construction 1re qualité), chose qu'on apprécie.

À gauche : Cet enfant a représenté un arbre. Aime-t-elle particulièrement les arbres ou la longueur des languettes lui a-t-elle inspiré l’idée de branche? Ou a-t-elle suivi la proposition de l’adulte?

Photo ©Dominique Carreau           Un satellite ©Photo Anne Mauffette



On pourrait montrer aux enfants (avant ou après l’activité) des collages d’artistes comme Henri Matisse.

HenriMatisse : L’escargot (1953) 

 




Dans un groupe d’âge mixte,  l’animatrice à déposé de petits animaux sur la table comme source d’inspiration pour les plus grands. Certains ont essayé d’en représenter, d’autres non. Tout était accepté.



 Un groupe s’intéresse aux insectes? Après de nombreuses explorations avec la colle et les languettes de cartons, on peut leur proposer de représenter leurs insectes préférés.

On peut proposer des images ou encore des insectes miniatures ou de vrais insectes pour aider les enfants dans leurs représentations.  (Photos Dominique Carreau)




Collage sur papiers translucides, de papier de soie et de papier transparent de couleur, de papier cellophane. (Photo © Dominique Carreau)

           


Photo de gauche: peinture et collage et papier de soie: une prairie (collectif).

Photo ©Suzanne Axelsson Interaction Imagination                 Photo ©Dominique Carreau.

Photo de droite : Collage de papiers blancs : essuie-tout, filtre à café, papier de soie, moule à muffins, papier mouchoirs, etc. Collé sur un carton (papier construction 1re qualité). Les enfants ont choisi entre le bleu foncé et bleu pâle
.Les enfants ont d’abord  touché et exploré toutes les sortes de papiers. Le plus doux, le plus texturé, la forme carrée ou rectangulaire, etc.

Comme cela ressemblait  à de la neige , on aurait pu chanter : «Neige neige blanche, tombe sur mes manches, sur mon petit nez qui est tout gelé».

 

-          Colle papier et poinçon.

 Un  papier métallique de couleur, une feuille rose et un poinçon ont été choisis par cet enfant.

On peut voir l’effort que représente pour les petites mains de pousser sur la bouteille et de contrôler le débit. Ce n’est pas facile de mettre la colle sous ces petits morceaux pour pouvoir les coller.

 

Photos ©Anne Mauffette

On peut faire des collages avec  des papiers à motifs provenant de retailles de papier peint.

Photos Thinking with materials , Setting the table: collages ILT


  
Photo de gauche : Présentation de matériel à coller..
La colle blanche est préférable pour les collages avec un certain poids comme ces différents objets.

Photo de droite : colle et papier de soie
Il vaut mieux diluer la colle  avec un peu d’eau pour éviter que le papier déchire. On peut aussi  utiliser du « mod podge » ou colle polymère.  Photos Thinking with materials ILT7  

Bien sûr il existe la colle en bâton qui facilite les choses mais n’amène pas les mêmes apprentissages.

 

-          Colle liquide et brillants


Photos© Anne Mauffette

Photo de gauche : Cela évoque les peintures de Jackson Pollock

Photo de droite : Cela a demandé beaucoup de patience de faire ce soleil : l’enfant a travaillé longtemps pour le réaliser.

 

Voir aussi l’article : Jouer avec les matériaux : les collages 

 

-          Colle et papier mâché :

Tremper le papier déchiré en bandelettes dans la colle et le papier devient lisse et malléable. Les coller sur une surface. Certains enfants aiment coller et décoller des morceaux au début de leurs explorations.

Ils vont  ensuite découvrir que le papier durcit quand il sèche.

Accompagner les enfants dans la découverte des matériaux, c’est permettre qu’un enfant, par exemple, recouvre sa jambe de papier mâché se faisant un «plâtre».

 On peut utiliser plusieurs types  de papier (journal, sacs d’épicerie, etc.) avec de la colle  de type tapisserie.

Une méthode facile est de faire des boules de papier journal juxtaposées qui vont ensuite être entourées d’autres feuilles de papier, toutes enduites de colle. Cela va permettre de modeler des formes.

 Ici, une chenille et une famille de canards. Un enfant a fait un canard et d’autres ont suivi.



Photos ©Anne Mauffette

 

-          Les Surfaces adhésives

Les surfaces adhésives (du type Mac Tac) peuvent aussi être une alternative surtout pour les promenades à  l’extérieur lorsque on veut récolter des feuilles etc.. Mais elles n’offrent pas  les mêmes explorations. Elles peuvent convenir aux petits.

À gauche: Collage sur papier transparent adhésif  (Photo Thinking with materials).



Le papier collant ou ruban gommé (tape)

Les enfants aiment relier des choses ensemble, découper et coller des rubans de couleurs, faire des lignes et des formes, des effets décoratifs.

(Photo Anne Mauffette)
Une petite fille fait des dessins qu’elle enroule pour faire des cadeaux et qu’elle attache et décore avec des bouts de papiers collants de couleur. Un petit garçon enrubanne ses petites autos.

 

Il existe du « masking tape» (ruban-cache) de couleur (plus facile à couper – déchirer avec les doigts) et le tape électrique de couleur.
       
Photo Thinking with materials, Setting the table : tape

Avec une armature en fil de fer, un dinosaure.
Photo Anne Mauffette

Cet enfant s’est investi dans des assemblages de toutes sortes pendant très longtemps. Ici une de ses créations à partir de rondelles de carton et papier collant transparent de trois pouces. Un travail difficile. (L. 7 ans). Photo Valérie Bouvier 


Photo de gauche : Œuvre collective en noir et rouge. Photo Thinking with materails, Setting the table:tape.                                Photo de droite : Une composition avec du tape. Photo Anne Mauffette



Une auto fabriquée avec une boîte de carton et du « tape» de couleurs. Photos ©Anne Mauffette



Les enfants peuvent faire des tracés avec du ruban adhésif pour faire circuler leurs petits véhicules.(Photo Suzanne Axelsson)

Ou encore construire des ponts: ici avec de bâtonnets (BAM)

Et s'inventer des jeux (saut en longueur, marelle, etc.), à l'intérieur et à l'extérieur.


Conclusion

Avec  toute ces expérimentions, les enfants vont non seulement découvrir les propriétés des matériaux et apprendre s’en servir, mais vont améliorer leur habileté à manier certains outils, à déchirer, découper,  à identifier différentes formes, à les placer dans l’espace (motricité fine, organisation spatiale, concepts mathématiques). On peut leur fournir le vocabulaire qui accompagne leurs gestes : « Je vois que tu as fait des lignes, des cercles, etc.». «Tu en as mis beaucoup ou peu». On nomme les couleurs choisies, le nom des outils, les substances et les supports.

 Ils apprennent aussi à tenter de  représenter des objets, si le cœur leur en dit. Ils font face à de nombreux problèmes à résoudre. Ils développent aussi  leur sens esthétique. 

Mais surtout, ils acquièrent grâce à notre attitude encourageante et bienveillante et notre ouverture, confiance en leurs capacités à d’agir et de s’exprimer.

Pour voir la quatrième partie, section 1: Couleurs et Peinture https://jeulibrequebec.blogspot.com/2022/03/experimenter-avec-les-materiaux_2.html

Pour voir la quatrième partie, section 2: Aquarelle, Encres et techniques d'impressions: https://jeulibrequebec.blogspot.com/2022/03/experimentations-avec-les-materiaux_2.html

Pour imprimer cette troisième partie en Format PDF:https://drive.google.com/file/d/1JI0Vz-aULY4BYK3uHTEP-XxxhvW-IO2t/view?usp=sharing





Impliquer les enfants dans la création des coins de jeu.

Par Anne Gillain Mauffette C’est après avoir écouté une histoire d’arbre (The spooky old tree), où trois petits ours bravent leurs peurs  ...