mercredi 28 avril 2021

Que penser du coloriage?

 Par Anne Gillain Mauffette

Voici quelques énoncés sur les désavantages du coloriage glanés dans mes lectures à propos du coloriage.

Certains appellent le coloriage : «dictated art» (de l’art directif, sur commande). Car le produit fini (la forme du personnage, animal, objet) est déterminé par l’adulte  (même si l’enfant choisit la page qu’il veut). Les effets de ce dirigisme sont bien documentés.

Ceux-ci incluent :

- Une diminution de la créativité car cela ne stimule pas l’imagination.

- Un effet négatif sur la pensée autonome de l’enfant et sur sa confiance en soi.

- Cela prive les enfants de leur expression personnelle puisqu’ils ne peuvent pas exprimer leurs propres relations (représentations) du sujet.

 

«Un spectacle d’arbres»  Jacopo 4.1ans       Reggio Children:  https://vimeo.com/492163719

- Cela les prive aussi d’une soupape émotive puisque cela ne donne pas l’occasion à l’enfant d’exprimer son expérience et ainsi de se libérer de certaines tensions, émotions (peur, préoccupation) ou sentiments (joie…).

- Ce n’est pas le travail original, authentique de l’enfant et sa fierté est donc limitée à son habileté à contrôler son geste, au choix et gradation des couleurs (et là il y a des adultes pour leur dire parfois quelle couleur utiliser ou alors le choix de teintes des crayons peut être parfois très limité).

- Cela fait la promotion d’une activité qui demande peu de réflexion.

- Cela mène à la conformité car on amène ainsi les enfants à faire des représentations stéréotypées (formes très simplifiées, cœurs, oiseaux en V…) qui n’ont rien à voir avec les images qu’eux-mêmes pourraient créer.

- Cela développe l’impression chez l’enfant qu’il ne peut pas produire lui-même ses représentations d’objets et il finit par croire que ces contours au trait noir sont plus beaux que ce qu’il sait faire. Dû à ce manque de confiance appris, il développera une attitude de passivité et de dépendance par rapport à la création. Lorsqu’on lui proposera de dessiner, l’enfant répondra qu’il ne sait pas comment représenter ceci ou cela et va vous demander de le faire.

 

Immagina un bosco (Imaginez une forêt)  Reggio Children
“Gli alberi regalano alla terra la vita e la bellezza.” (Laura, 5 anni)
«Les arbres donnent en cadeau à la terre : la vie et la beauté » (Laura 5 ans)

- Le trait noir du contour qui caractérise ces images donne l’idée que tout dessin commence par un contour alors qu’un objet peut  être évoqué sans besoin de contour contrastant.

-Ajoutez à cela qu’il s’agit de gestes répétitifs d’aller- retour du crayon (à l’horizontale, en diagonale ou à la verticale) pendant de longues périodes de temps qui une fois maîtrisés offrent peu d’autres défis.

L’argument qui me rejoint le plus est que cela ne permet pas aux enfants de construire leurs représentations du monde (qui évidemment évoluent avec leur développement graphique : passant du gribouillis, au pré schématique puis au schématique puis au réalisme) et de ce fait, ne nous permet pas à nous, les témoins de leurs gestes, de découvrir comment ils se le représentent, ce qu’ils savent, leurs théories, leurs histoires, leurs sentiments.

 

Dessin de Zoé 4ans 7mois                Photo© Anne Mauffette

Je sais que les tenants du coloriage vont dire que l’enfant apprend à contrôler son geste en apprenant à ne pas dépasser mais le dessin exige lui aussi un grand contrôle visuo-moteur (il faut être précis par exemple pour boucler un cercle: l’œil suit le tracé et l’enfant anticipe la direction et le point d’arrivée du geste) sans les contraintes ci-haut mentionnées.

Utiliser des livres à coloriage me semble inutile à cette fin puisque les enfants vont spontanément colorier les formes et représentations qu’ils auront eux-mêmes choisies de faire (la robe ou le pantalon de la maman ou papa).

Un deuxième argument utilisé est que les enfants y prennent plaisir. On ne peut nier ce fait. Mais qu’aime l’enfant dans cette activité ? La complicité avec un ami ou adulte qui colorie juste à côté ? Le repos mental que lui procure le fait de se retirer seul à faire cela ou le fait que cela lui demande peu d’effort ?

Faut-il encourager une activité où l’enfant est relativement passif et où les possibilités de développement sont limitées en en faisant une pratique régulière ?

Une enseignante me disait laisser des feuilles à colorier en début d’année ; cela permettait à certains enfants de montrer fièrement ce qu’ils savaient faire, cette activité connue les rassurait.

Mais il faut aussi penser aux enfants qui ne maîtrisent pas tout à fait encore leurs tracés et qui sont jugés par leurs pairs (et parfois par des adultes) quand ils « dépassent».

 D’autres m’ont dit que cela calmait certains enfants et leur apprenait à se concentrer. Il s’agit de cas particuliers.

Bien sûr, si un enfant amène un cahier à colorier au CPE, à la maternelle ou en garderie scolaire, on laissera les enfants l’utiliser. Mais dans le programme quotidien, on évitera les feuilles polycopiées (du genre écureuils à l’automne…) et on tendra à offrir une multitude d’outils (crayons de qualité, feutres à pointes fines et larges, stylos, pastels, fusains, encre noire et de couleurs, aquarelle, gouache, acrylique) ainsi que toutes sortes de supports (papiers et cartons de différentes, forme, couleurs, grandeurs, roches, tuiles…) et une multitude de médiums (glaise, fil de fer, matériel pour collages, assemblages, compositions photographiques ou avec la lumière, blocs…). 

On va soutenir les enfants qui hésitent à représenter quelque chose en évoquant avec eux les parties de l’objet («Un avion c’est fait comment? Oui, il y a les ailes…»), en leur montrant plusieurs types de représentations d’un sujet ou leur fournissant un objet (un petit animal Schleich par exemple) et même en leur proposant de faire du dessin en observant l’objet lui-même.

Pour des exemples de dessins faits après observations : voir Un projet emballanthttps://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/03/un-projet-emballant-de-luf-la-poule-ou.html

Source : coloori.com         Photos© Suzie Nadeau        Dessin enfant de 5 ans

 

Il y a aussi sur le marcher des livres dits  «anti-coloriage». Typiquement, ceux-ci présentent certains éléments (ex. : une boite) et on suggère à l’enfant de compléter la scène (dessine quel cadeau il y dans la  boite). S’ils semblent offrir plus de latitude, ils n’en imposent pas moins la thématique du dessin qui n’aura souvent aucun lien avec la vie affective et mentale de l’enfant à ce moment là ainsi que des formes étrangères à son imaginaire.

Alors, encourageons-les plutôt à s'exprimer par le langage du dessin.

Anne Gillain Mauffette (révisé 2021).

lundi 19 avril 2021

Les LETTRES : parlons en ! (2)

 Les  lettres, parlons-en! 

Par Anne Gillain Mauffette

Deuxième partie : Comment étayer, dans un groupe, l'émergence de l'écrit?

Que peut-on faire pour éveiller chez les uns le goût de la lecture-écriture et consolider chez les autres leurs acquis?


En groupe, il y a une merveilleuse contagion des apprentissages, les enfants étant enclins à imiter leurs pairs. Il suffit d’être attentif à ce qui se passe et se dit entre enfants pour revenir sur quelque chose qu’un enfant a dit ou fait et le partager aux autres et les engager  dans des découvertes langagières et graphiques.

 À nous de remplir l’environnement d’objets intéressants à observer, à manipuler, à comparer : des livres évidemment mais aussi toutes sortes de jouets, d’objets, d’outils graphiques et scripteurs et de papiers attirants.

Notre rôle est de proposer (et non pas imposer) aux enfants des activités signifiantes où les lettres et les mots auront leur place (chansons, comptines, lecture et invention de poésies, recherches, discussions, etc.).

Il faut aussi considérer les exigences des programmes qui nous régissent.

Les programmes

En CPE, le programme Accueillir la petite enfance (2019) (6), demande «des actions éducatives centrées sur les compétences, les besoins, la curiosité et la créativité des jeunes enfants plutôt que sur des contenus à lui transmettre de façons systématique. On y précise que : «Le soutien à l’apprentissage vise également à sensibiliser les jeunes enfants au plaisir de la lecture, de l’écriture…à partir du jeu (dans le jeu symbolique par exemple) et d’actions de la vie quotidienne». On ajoute qu’on  doit « soutenir les enfants par un accompagnement approprié aux mode spécifiques d’apprentissage et de développement pendant la petite enfance et non transmettre des contenus prédéterminées pour l’ensemble du groupe». En plus du développement du vocabulaire, « L’éveil à la lecture et à écriture se réalise aussi par l’exploration des fonctions de l’écrit, de la sensibilité phonologique, le principe alphabétique et l’écriture spontanée».

«L’apprentissage du principe alphabétique ne consiste pas à réciter les 26 lettres de l’alphabet mais plutôt à saisir le lien entre les sons qui composent les mots entendus et les lettre employées pour les écrire». «Au cours de ses dernières années de fréquentation du SGEE, l’enfant peut être initié à associer quelques phonèmes aux lettres signifiantes… par exemple celles de son prénom, son mon et ceux de ses proches». Quant aux activités proposées par les adultes : « L’enfant peut toutefois choisir de ne pas y participer.»

En maternelle, le nouveau programme cycle (7)  énonce que l’enfant va interagir avec l’écrit : connaître des conventions propres à la lecture-écriture, découvrir des fonctions de l’écrit, connaître les lettres de l’alphabet (nom et sons). Dans les attentes de fin de cycle, on précise : connaître la plupart des lettres de l’alphabet en majuscules et minuscules. L’enfant doit développer une conscience phonologique, repérer des syllabes, des rimes et des phonèmes.

Mais nulle part n’oblige-t-on les enseignantes à faire un enseignement systématique des lettres.

Et nulle part ne fait-on mention par exemple de faire des exercices de fusions (!). Là on est au-delà du programme.

Voyons cela de plus près.


Notre vision

 «Très tôt les enfants rencontrent des formes d’écriture et cherchent à les interpréter, ont des idées à propos de celles-ci et posent des questions…1».

«Les enfants entre eux et avec les adultes essaient de représenter des choses et la réalité par des mots et cherchent à comprendre comment les mots- ou de façon plus générale le langage parlé- peut être représenté dans l’écriture» (idem p.101).

Il s’agit de prendre la langue parlée et écrite comme objet d’investigation, d’en faire un projet de recherche avec les enfants. On va attirer l’attention des enfants non seulement sur le sens mais aussi sur la structure des mots.

Il ne s’agit pas de leçons (!!) mais d’une familiarisation, soutenue de façon concrète par l’enseignante, avec le principe alphabétique c'est-à-dire la construction «d’une première compréhension» (2) des relations entre l’oral et l’écrit et du fonctionnement de notre système alphabétique et ce dans le quotidien des activités de la classe. 

«Les enfants doivent avoir l’occasion d’être placés dans des contextes de communication qui favorisent la production de sens, l’acquisition d’informations et de règles concernant le code de l’écrit - en prenant le temps nécessaire-  dans des situations de communication à la fois désirées et efficaces» 1 p.102.

«L’important c’est de laisser l’enfant construire son système personnel d’écriture qui va dialoguer avec celui des autres enfants et avec les codes convenus de la culture dans lequel il vit. C’est en comparant avec les autres que les enfants essaient, vérifient leurs hypothèses et les étendent» 1p.98.

Nous croyons que la compréhension de notre système alphabétique est une démarche qui prend du temps et que chaque enfant évolue à son rythme vers cette compréhension. Que l’enseignante devra donc adapter les propositions aux capacités et intérêts de chacun et fournir du matériel ouvert et adéquat pour tous les niveaux de compétences.

Nous reconnaissons que les mots sont la plus petite unité de sens et que l’exploration des codes doit rester liée à ceux-ci. Que toute cette exploration doit se faire dans des contextes langagiers signifiants pour les enfants.

Nous affirmons que les noms des enfants sont le premier matériau  à analyser avec eux (longueur, forme…) et à utiliser pour découvrir la structure de mots (syllabes, phonèmes, lettres) et le « support privilégié pour mettre en évidence la permanence des lettres et leur alignement de gauche à droite»2.

Notre approche est basée sur une conception socioconstructiviste de l’apprentissage. 

«Adopter une telle (perspective) change non seulement les questions que l’adulte pose  mais change aussi les contextes d’enseignement/apprentissages qu’il offre et demande aussi aux écoles d’accorder aux enfants un rôle actif et constructif dans leurs trajectoires d’apprentissages» 1 p.100-101.


L'enfant et l'écrit

                                                        Photo : www.videatives.com

Les enfants sont exposés dans et hors de l’école à de l’écrit sous toutes sortes de formes (panneaux publicitaires, affiches sur les murs, revues, journaux…). Les enfants fréquentant les CPE ont déjà des expériences avec l’écrit entre autres par les lectures qui leur sont faites. Cependant il y a de grandes différences dans les familles par rapport à la fréquentation des livres et au niveau langage. L’école et la classe sont les lieux de prédilection pour enrichir les connaissances des enfants et étayer leurs compétences par rapport à la lecture/écriture. Ces lieux devront donc être organisés en conséquence et fournir les contextes favorables à la découverte des secrets du monde de l’écrit.


Contextes et situations favorisant la découverte  et l'exploration des lettres et leur usage ainsi que le sens des mots écrits

Voici quelques exemples de contextes, situations et activités qui peuvent advenir (donc émergentes) et qu’on peut soutenir, ou que l’on peut intentionnellement créer et proposer (invitations)  qui favorisent la découverte des lettres et la compréhension progressive du principe alphabétique c’est-à dire que les lettres reproduisent les sons que l’on dit, ainsi que du sens des mots écrits. Cette liste de suggestions est évidemment incomplète car les situations en classes sont multiples et souvent imprévisibles. On pourrait ajouter d’autres propositions et ce probablement à l’infini.

L'environnement :

     Photo © Sylvie Rayna https://vimeo.com/111743430

 Organisation de l’espace 

- Le vestiaire

Les enfants vont y retrouver leurs noms avec des photos sur leurs casiers. La plupart sont déjà habitués à cet alignement de ces formes et certains le reconnaissent grâce à un ou deux indices sans toutefois savoir le reproduire.

- L’entrée :

Les groupes de maternelles ont souvent un nom qu’on peut retrouver écrit sur la porte.

Les lettres de cette banderole peuvent être décorées par les enfants.

- Le coin lecture :

  Photo © Sylvie Rayna https://vimeo.com/111743430

Il est entendu que des livres sont présents dans tous les coins de la classe : livres de

recettes dans le coin maison, livres sur les métiers de la construction, les habitats dans différents pays dans le coin des blocs, livre d’arts dans le coin dessin/écriture/arts) mais on doit également prévoir un coin lecture confortable,  avec moultes coussins et choix de livres (qu’on va sans cesse enrichir) dont des abécédaires achetés ou/et fabriqués avec les enfants. 

-


-     Le coin enregistrement

Les enfants peuvent enregistrer leurs histoires inventées (qu’on pourra transcrire et inclure, illustrés par eux dans notre coin lecture). 

Ils peuvent aussi s’enregistrer chantant, inventer des chansons.

Ils y  écoutent aussi des histoires.

- L’alphabet personnalisé au mur

Si on y tient, on peut fabriquer un alphabet avec les enfants (en remplacement du matériel commercial). On prend des photos des enfants (ils peuvent le faire eux-mêmes). Celles-ci seront sont, avec la première lettre de leurs noms, placées dans l’ordre de l’alphabet. Pour les lettres manquantes on choisira ensemble le nom de quelqu’un, un animal ou quelque chose de signifiant pour tous. On pourrait plus tard, aussi laisser les enfants photographier des objets dehors ou dedans qui commencent par les lettres et les mettre au mur.

- Un coin correspondance : un lieu social d’échanges

Un coin où chaque enfant a sa case (de petites boîtes transparentes de préférence comme cela on voit qui a eu du courrier et qui n’en a pas et on peut compenser). Les enfants peuvent s’envoyer des dessins, des messages, des petits objets ou jouer au facteur. Du matériel de dessin et écritures (feutres, stylos, enveloppes, cartes) présenté de façon attirante complète ce coin. On y inclue aussi des copies de photos des enfants, des bandelettes pré-écrites des noms des enfants et de mots qu’on sait qu’ils voudront écrire (à coller ou copier selon leurs désirs et capacités). Des revues dans lesquelles on peut découper des mots…

- Le coin dessin/écriture

Photo : www.videatives.com

                                 Photo ©Danielle Jasmin

Dessiner c’est représenter.

Écrire c’est aussi représenter.

Une multitude d’outils et de supports sont accessibles aux enfants pour les inciter à communiquer à travers leurs dessins et leurs essais d’écriture.

À un moment donné, ils aiment écrire leur nom sur leurs dessins, certains sont fascinés de voir leur nom écrit.


Le matériel

Le matériel est un grand incitatif pour explorer des aspects de la lecture- écriture. 

L’enseignante va inviter les enfants à utiliser tel ou tel matériel : «Est-ce qu’il y en a qui aimeraient…»

 Ce jeu de formes composé de droites et de courbes à assembler peut être utilisé sur des tables, par terre ou sur la table lumineuse. Ici un enfant a choisi d’écrire son surnom sur la table lumineuse.


On retrouvera dans tous les coins de la classe des livres et du matériel pour écrire (faire des listes, menus…).

Mais plus spécifiquement:

Étampes de lettres et tampons encreurs

Lettres magnétiques


Casse-têtes avec des lettres et images  et d’autres avec des lettres qui s’emboitent ou se juxtaposent pour former un mot et une image

Lettre découpées, placées dans de petites boîtes, mots découpés et revues dans lesquelles découper des mots

Matériel Montessorien : lettres de papier sablé. Pochoirs de lettres

I Pad, ordinateur, rétroprojecteur, table lumineuse, etc.

Photo © Danielle Jasmin


Les expériences et activités à la maison, en CPE, en classe et ailleurs :

Note : les activités mentionnées sont proposées aux enfants non pas de façon isolée où à un moment déterminé mais en lien avec ce qui se passe en classe. L’enseignante va profiter de quelque chose qu’elle a entendu, observé pour lancer l’idée aux enfants et poursuivra si l’enthousiasme, l’intérêt y est. Elle tiendra évidemment compte des capacités actuelles des enfants.

- Le Menu du jour est souvent présent dans les classes maternelles

 Quoique pas obligatoire, (on peut très bien commencer la journée autrement, en jouant, en chantant), il se prête à l’observation des lettres.

Bonjour, Bonne journée (Voyez-vous des ressemblances?)

Le menu va permettre à l’enseignante de lire en accentuant la segmentation des mots, en les balayant du doigt et offre des occasions aux enfants de remarquer des caractéristiques de certains mots ou lettres (des analogies rapprochant des mots par exemple).

- Le calendrier (là encore, pas absolument nécessaire même s’il fait partie de la routine de bien des classes) : 

On y retrouve les noms des jours de la semaine ainsi que le nom des mois. Il est inutile de proposer à des enfants qui ne connaissent pas encore les chiffres au-delà de dix, de s’attarder sur la date qu’ils ne comprennent pas.

- Les présences

La liste des noms des enfants affichée va donner spontanément lieu à des comparaisons entre la longueur de ceux-ci et certaines caractéristiques (présence d’un tiret, première lettre pareille). L’enseignante profite de ces occasions pour faire remarquer d’autres similitudes ou différences (en questionnant les enfants).

Une enseignante me racontait que les enfants avaient un jour échangé leurs étiquettes de noms et trouvaient très drôle de mystifier une visiteuse qui naturellement les appelait du nom de quelqu’un d’autre.

- La causerie et autres moments de partage

Occasion de langage ils  peuvent aussi être l’occasion d’échanges spontanés ou provoqués sur les sonorités des mots.

- Les chansons, comptines et poésies

Les chansons ont été reconnues comme un moyen plus efficace pour favoriser les compétences phonologiques et la connaissance lettre/son (Walton, Canaday et Dixon, 2009). Elles sont cependant sont sous utilisées dans certains milieux. On les choisira ainsi que les comptines en fonction de ce qui se passe dans la classe ou dehors (ex : Mon petit lapin n’a plus de chagrin, ou le Brouillard, Monsieur le Vent 4).

Les chansons bien choisies (et leur répétitions) sont des occasions de compréhension de texte, d’exercer sa mémoire auditive, de découvrir des nouveaux mots ou de nouveaux sens aux mots connus, enrichissant le vocabulaire et la syntaxe des enfants ainsi que leurs connaissances phonologiques. On y retrouve aussi la notion de séquence et d’alternance (refrain couplet). Sans compter les autres bienfaits physiques (respirer, réduction du stress, possibilité de bouger) sociaux (se sentir faire partie d’un groupe) et la joie éprouvée à chanter ensemble.

On peut utiliser les chansons de la Méthode de musique Kodaly, traduites par J. Rivière Raverlat où l’on rythme les syllabes des mots des chansons en frappant des mains, des pieds en se déplaçant ce qui amène les enfants à ressentir la structure des mots et le rythme des phrases et à acquérir une conscience syllabique. Peut-être avez-vous déjà joué à chanter en remplaçant progressivement les syllabes par un frappé des mains ? 

On peut écouter ou mettre à notre répertoire des chansons qui mettent en vedette certaines sonorités (ex. Duteil qui chante Lucille et les libellules) ou la suite des voyelles et bien sûr la comptine de l’alphabet (qui aide à prononcer correctement et mémoriser les lettres mais ne garantit pas par contre pas la compréhension de l’usage des lettres). 

Le rythme des chansons met souvent l’accent sur les syllabes et sont souvent rimées. Ceci peut donner lieu à des jeux de rimes (Par quoi pourrait-on remplacer, qu’est-ce qui ressemble à…?).

On chante en classe, dehors, lors des sorties.

Les mots des chansons comptines et poésies sont écrites et présentées au mur au tableau (interactif ou pas) ou sur un chevalet. Ces affiches peuvent être rangées dans un porte document où les enfants iront les chercher (reconnaître le titre).  Les chansons peuvent aussi être rassemblées dans un classeur qui peut être amené à la maison.

Entendre et apprendre des comptines et courtes poésies font remarquer les rimes souvent en fin de mots et aide à a mémorisation. On peut proposer aux enfants d’en créer eux-mêmes.

- La lecture de livres

C’est par les histoires lues que les enfants vont être motivés à comprendre ces petits signes sur la page afin de retrouver les émotions éprouvées. C’est la variété des livres qui va stimuler leur curiosité. La littérature enfantine est au cœur de l’éveil à la lecture.

Tous les livres se prêtent à des découvertes (livres cartonnés, albums, documentaires, de poésies) et à  la compréhension de la lecture mais certains attirent l’attention  davantage sur certaines propriétés des mots.

Les livres de Pef : La lisse poire du mot tordu, Le Monstre Poilu (la princesse fait des rimes), Le Petit Prinche (accent sur deux sons : s et ch) et bien d’autres, travaillent les sonorités des lettres.

Mais ils sont, avant tout, lus pour le plaisir.

- L’invention d’histoires seul à deux ou en collectif

Début d'une conte. Photo © Danielle Jasmin


-  Les jeux sonores et musicaux

Photo© Danielle Jasmin

Reconnaître les différentes caractéristiques des sons : longs, courts, aigus, graves, identifier les sons de différents instruments, leur localisation, inventer des sons (forts, faibles…), enregistrer des sons avec des objets de la classe et les réécouter pour les reconnaître) sont des exercices de discrimination auditive, une habileté liée à la conscience phonologique.

Jeux d’écoute, de reproduction de rythmes et invention de rythmes aiguisent la perception. L’utilisation de petits instruments peuvent être utilisés pour rythmer la chanson. 

Jouer avec sa voix. Le Ho ho ho, du père Noël. Dire  ou chanter son nom, une lettre de différentes façons. AAAAAAAAAAAAAAAAA ou A   A   A, fort ou doucement, avec la voix qui monte ou qui descends de façon fâchée, surprise…

L’éveil sonore et musical est malheureusement un domaine où beaucoup d’enseignantes ne se sentent pas à l’aise. (Voir aussi les travaux de Jonathan Bolduc).

- Les jeux de langages : expérimenter avec les lettres et les mots 

Au préscolaire, tout énoncé peut devenir prétexte à jouer avec les mots. Mais on peut aussi provoquer les occasions. Les devinettes en sont propices. Chercher par exemple une lettre/son qui fait peur (le S de serpent peut-être?). Chercher plein de mots qui commencent, finissent ou qui incluent tel son/telle lettre. Je vois quelque chose qui commence par le son M.

Ou des devinettes autour d’un son/lettre: C’est un abri quand je veux dormir dehors et qui commence par T (tente). C’est un animal qui se déplace lentement et dont le nom commence par T (tortue).

-  Tracer des signes dans le sable

Jouer à tracer des signes avec son doigt et des lettres dans du sable noir (ou autre) sur une table lumineuse ou simplement dans le sable dedans ou dehors sont des gestes que les enfants font spontanément.

- Les marionnettes :

Sous utilisées en maternelle, elles sont pourtant des occasions d’expression et donc du développement du langage de des capacités de narration des enfants. Ils sont appelés comme dans les livres à inventer, un début, un milieu et une fin.

- Transformer des lettres en dessins : jouer avec leur graphisme, leurs images

             

   «Un A qui sourit» Un A Volcan

Deux O O deviennent une bicyclette, une paire de lunettes, des yeux de hibou…

Agrémenter une ou des lettres de leurs noms : 

Écrire des lettres qui font peur (le T est le tonnerre, le S un serpent), ou des mots qui pleurent, qui rient, frissonnent, qui ont trop mangé, sont fâchés, etc. et les illustrer en utilisant différents médiums et supports1. 

Ici, l’enfant a choisi un carton noir, un feutre métallique doré, un feutre doré avec des brillants pour le remplissage et un feutre  argenté pour représenter : « Le C, c’est comme un croissant».

Utiliser l’ordinateur pour explorer les formes que peut prendre une lettre selon les types de calligraphie

- Expression dramatique

On  peut jouer au robot et on parle de façon saccadée (segmenter l’oral en syllabes).

Les enfants sont invités (s’ils le veulent) à dicter une histoire à l’enseignante qui lui relit ce qu’il lui a dit. (Voir les travaux de Vivian Paley). Ils pourront ensuite rejouer leur histoire au milieu du cercle des amis en choisissant des camarades pour jouer les rôles. L’enseignante fait le narrateur et les enfants jouent.

- Le jeu symbolique

Le jeu symbolique est à la fois un moyen inestimable d’expression pour l’enfant et le lieu par excellence du développement du langage (clé de la lecture). C’est aussi une façon de se familiariser avec les symboles.

Faire semblant est une façon de penser où on joue avec les symboles et les idées. Utiliser un objet (un bloc) pour un autre (un téléphone) est une geste mental similaire à celui de représenter un objet par un mot et un mot par l’écrit.

Dans le jeu les enfants révèlent aussi ce qu’ils savent par rapport à la langue (Ex. : en faisant semblant de préparer un sandwich, un enfant dit «sandwich c’est comme Sandrine» et «fraise c’est comme fraiche». Parfois même ils s’apprennent des choses sur la formation des mots : «Dans s’époumoner, il y a poumon» fait remarquer un enfant à un autre. À une autre occasion, où on jouait au loup, un enfant crie danger et l’autre commente «dans danger, il y a ange»). 

Les jeux du restaurant, de l’épicerie, la pâtisserie, la bijouterie, le médecin, etc. amènent les enfants à écrire

Un enfant jouant au vétérinaire à fait une affiche : VTRINR.  

Il y a milles occasions pour l’adulte attentif de noter les apprentissages et d’identifier des erreurs révélatrices de connaissances. Savez-vous ce que sont des novales ? «Il y en a des roses dans la baguette magique». Réponse : un oval au pluriel. La liaison faisait pour cet enfant partie du mot.

De plus, l’habillage et déshabillage des poupées (boutonnières, boutons pressions, nœuds) sont toutes des occasions d’exercer sa motricité fine.

- La peinture

Par  la peinture les enfants s’exercent  à représenter le monde. Ils font des tracés de lignes ondulées, brisées, de boucles, de points, de tirets et autres formes graphiques se rapprochant de l’écriture.

On sait qu’à cet âge on voit apparaître dans les dessins et peintures des enfants, des lettres ou leur nom, signe de leur intérêt pour les lettres. L’enseignante commente : Oh!, je vois que tu as écrit…

  


Les enfants peuvent être invités à « signer» leurs peintures derrière leur œuvre ou sur un collant.

       L'imprimerie


Les enfants vont créer des formes et des lettres avec de petits cartons et de la gouache. Voir: https://jeulibrequebec.blogspot.com/search?q=Impressions

- Modelage

La pâte à modeler et la glaise sont des matériaux malléables qui peuvent prendre toutes sortes de forme. Certains enfants seront peut-être intéressés à modeler la première lettre de leur prénom ou leur nom.

En plus d’être une forme d’expression et un moyen de libérer les tensions, la manipulation de ces matériaux donne de la force aux doigts des enfants pour les aider dans leurs initiatives d’écriture.

- Le jeu et la manipulation de petit matériel mobile : 

 Tout le petit matériel de manipulation : petits blocs, cailloux, et autres peuvent aussi servir pour façonner des lettres si désiré.

Lettres faites spontanément sur la table lumineuse par différents enfants.

Avec des blocs de construction


Certains enfants vont aimer écrire leur nom sur le rétroprojecteur pour le voir en grand.

  

Ici un enfant a décidé d’écrire son nom sur le rétroprojecteur avec des objets : pince à linges, etc.


- Motricité fine :

Tout ce qui aide à la fine motricité (enfiler des perles, coudre, le tissage, le collage, le modelage, la cuisine, les petits blocs Légos ou autres, etc.) va aider les enfants dans la souplesse des poignets, la force des doigts et  le contrôle de leurs gestes.


- Les projets

Des enfants prennent de notes. Photo © Danielle Jasmin

Les projets sont des situations riches d’occasions d’écriture/lecture. Pour faciliter la tâche aux enfants on leur fournira plusieurs référents (documentaires).

Un exemple : Dans le cadre d’un projet, les enfants de la classe ont  visité animalerie (personne n’a d’allergies). Il est décidé qu’on adopterait trois poissons (c’est malheureusement de moins en moins permis). On leur cherche des noms : les enfants suggèrent et l’enseignante écrit devant eux en fragmentant les mots et commentant ce qu’elle écrit. Elle en profite pour faire remarquer certaines caractéristiques (si les enfants n’en ont pas pris l’initiative avant elle). On peut ensuite mettre les noms dans un sac et on en pigera trois.

Ces noms pourront être copiés par des enfants qui en ont envie et collés sur l’aquarium.

On peut faire la même chose pour les papillons ou poussins éclos…

- Écrire c’est  lire

Les enfants qui choisiront de jouer/travailler dans le coin de dessin/ écriture (bien sûr on peut écrire ailleurs) vont avoir envie de et pouvoir y :

Dessiner et signer à leur manière leurs dessins (derrière la feuille ou ailleurs). 

Écrire leur nom  ou certaines lettres de leurs noms ou de ceux de leurs camarades.


Faire des affiches pour nommer leur constructions ou autres œuvres ou les protéger (S.V. P. Ne pas toucher  ou simplement un signe d’interdit). Ou encore un jardin : («S’il vous plait, ne pas marcher ici»). Des écriteaux pour annoncer un spectacle de marionnettes. Pour présenter nos découvertes dans un projet.


Faire des cartes d’invitations, de souhaits ou pour envoyer un mot à un enfant malade…comme ils le peuvent (ils évolueront du dessin au trait ou symbole vers les pseudo-lettres et lettres à l’écriture approchée vers l’écriture conventionnelle).

Les enfants vont s’entraider, discuter de solutions, faire des hypothèses et parfois chercher l’aide de l’adulte.

 L’enseignante va encourager ces initiatives faites d’essais et d’erreurs, soutenir l’enfant qui ose, encourager celui qui n’ose pas et célébrer les efforts. Elle pourra faire des suggestions respectueuses pour aider l’enfant dans sa démarche. Elle met à leur disposition des référents (en lettres majuscules et minuscules de différents format et polices).

La correspondance avec une autre classe serait aussi une occasion de chercher à communiquer.

Décorer des lettres (motifs, faire des variations).

Ma boite aux trésors :

Il s’agit d’une boîte que l’enfant aura décorée et dans laquelle il conservera les signes- mots ou les mots (orthographe approchée ou conventionnelle) qu’il sait écrire (son nom, maman, nom de son chien). On s’entend que cette activité ne convient pas à tous et certainement pas en début d’année.

Affiches faites par l’enseignante (en collaboration parfois avec les enfants) qui documentent les faits et dires des enfants en prenant des photos et en transcrivant leurs paroles. Revisiter ces affiches avec les enfants en relisant ce qu’ils ont dit puis les mettre au mur à la disposition des enfants, parents et autres visiteurs de la classe et de l’école. (Cela fait comprendre que l’écrit représente nos mots et que l’écrit est immuable).

À l’extérieur :

Faire une promenade dans le quartier de l’école et faire la chasse aux lettres : il y a des o et des y dans les arbres, des affiches, etc..

 

«Écrire» une lettre ou tout son prénom dans le sable ou la terre avec un bâton.

Utiliser des éléments naturels (roches, bâtons, cocottes, glands…) pour faire la forme d’une lettre.

Écrire le nom de notre école sur le trottoir devant l’école.

Dessiner et écrire avec de la craie sur l’asphalte de la cour d’école

Course au trésor sur la cour (des roches peintes avec des lettres sont cachées). On pourra plus tard chercher à composer des mots avec.

Au gymnase  et dans la cour: 

Tous les jeux de réaction à des consignes (quand je dis rouge on arrête…) sont des jeux de perception auditive et de contrôle du corps.

Les jeux de psychomotricité qui favorisent la dissociation des bras, avant-bras, poignet et  les rotations du poignet (rubans rythmiques, tourner une corde à sauter, dessiner en l’air ou sur papier ou même des miroirs (voir le travail de  Segni Mossi https://youtu.be/iL_JsN3P4ic ) en faisant des grands cercles ou spirales puis des plus petits) sont tous nécessaires au contrôle de l’écriture. Les jeux de tension et relâchement également (les enfants ont tendance à tendre tout leur corps en écrivant). Le travail des notions spatiales (en haut en bas, devant, derrière, à côté) et d’orientation dans l’espace (notion de droite gauche) sont des concepts dont l’acquisition se fait d’abord par le corps (la danse en est un exemple) et doit précéder les propositions d’écriture. 

Note : Ce n’est pas avant 5 ans que les enfants peuvent  commencer à distinguer leur droite de leur gauche (celle des autres est encore plus difficile). Certains n’ont pas encore trouvé leur dominante : main œil, oreille, pied. Des jeux de psychomotricité: un foulard dans une main, un sac dans l’autre, etc… vont les aider dans ce sens.

Faire des lettres avec notre corps (peut aussi se faire en classe).

Les sorties

L’environnement extérieur est plein de mots, de sons et lettres qui deviennent sujets à interrogations, hypothèses, vérifications, rectifications.

Qu’est-ce que cela peut vouloir dire?

  «Pas de camions»     «C’est comme MAXIME»                                    «C’est écrit : STOP»

Les sorties au musée, à la bibliothèque, au théâtre, au marcher, sont toutes des occasions d'entendre et de voir des mots.

Les enfants pourront tenter de légender à leur façon les photos d’une sortie et de «relire» les affiches faites par l'enseignante racontant leur questionnements, commentaires, etc.

Rôle de l'adulte (parent, éducatrice, enseignante et autres intervenants)

Le rôle de l’adulte dans cette démarche d’appropriation par les enfants des mécanismes de notre système graphique est :

∙ D’installer un climat de confiance

∙ D’abord d’être à l’écoute (dans tous les sens) de ce qu’ils savent, ce qui les intéresse, de leurs questions. 

∙ D’être aux aguets pour pouvoir profiter des nombreuses occasions qui se présentent de souligner, commenter ou enrichir une situation se prêtant à la progression d’un ou des enfants dans sa/leur compréhension des liens entre la chaine orale et l’écrit et du fonctionnement du système alphabétique (syllabes, lettres, ordre des lettres pour former les mots, espaces entre les mots, ordre des mots…).

∙ De favoriser les prises de conscience par des questions, provoquer des réflexions.

∙ D’encourager tous les efforts de communication des enfants, aider et soutenir leurs premières tentatives d’écriture (des premières traces vers une écriture normée). Valoriser les découvertes. Accepter les erreurs. Se réjouir avec eux de leur compétence grandissante. S’enchanter de leurs astuces.

∙ De créer des contextes de communication où le langage parlé et écrit est utilisé socialement

∙ De ne proposer que des activités signifiantes pour les enfants.

∙ D’intervenir de façon directe (encouragement commentaires questionnement) et indirecte (organisation de la  classe, des sorties, des invités, apport de matériel et autres ressources)

∙ D’accompagner les enfants alors qu’ils transforment leurs théories provisoires et «inexactes» en se rapprochant progressivement de l’écriture conventionnelle (1).

∙ D’assurer un cheminement personnel de l’enfant et  suivre l’évolution de chacun en documentant ses essais et ses dires révélant ses apprentissages. Conserver les productions. On peut prendre des photos des réalisations et les accumuler pour les comparer et évaluer et partager les progrès avec les parents. On peut aussi garder des enregistrements des enfants.

∙ De lire des livres variés aux enfants tous les jours

∙ De lire et écrire pour différentes raisons devant les enfants.


Conclusion

Voilà toutes sortes de manières  possibles  (et il y en a d’autres) de soutenir l’émergence de l'écrit chez les enfants.

 Avec cet éventail de choix à offrir aux enfants, qui a besoin de méthodes d’enseignement systématiques de la lecture-écriture? Surtout que celles-ci se sont montrées peu efficaces au préscolaire et engendrent des problèmes (du stress entre autres) chez les enfants qu’on voulait justement aider.

En documentant les dires et réalisations des enfants, on peut constater concrètement leur évolution et partager ces informations avec les parents (et les administrateurs) qui seront rassurés sur leurs progrès et sans doute aussi sur nos méthodes.

Anne Gillain Mauffette, avril 2021

Note : Les photos sont propriété d’Anne Mauffette sauf celles mentionnées autrement.

Références

1 The enchantment of writing. Un chapitre dans: The Wonder of Learning. The Hundred Languages of Childre. Reggio Children, 2011

2. L’écrit-Découverte du principe alphabétique. Edusol Ministère de L’éduction nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche. 2015

3. Walton, P.D.; Canaday, M.; Dixon A. Utiliser les chansons et le mouvement pour enseigner la lecture aux enfants autochtones (2009)

4. 60 poésies, 60 comptines de Pomme d’Api chez Centurion Jeunesse.

5. Art as literacy (CD): The Learning Moments series. See what children know TM  Videatives : www.videatives.com 

6. Accueillir la petite enfance: Programme éducatif pour les sevices de garde éducatifs à l'enfance (version 2019). Ministère de la Famille. Les publications du Québec

7. Progamme-cycle de l’éducation préscolaire. Programme de formation de l’école québécoise. Éducation préscolaire (2021). Ministère de l’éducation . Québec

Un autre  livre pour vous inspirer :

We write shapes that look like a book. Pablo Picasso Infant Toddler Centrer.  Coriandolli Micro Publishing. Reggio Children 2008

 Retour au sommaire

Voir la Première partie au complet

Voir la Première partie au complet en Format PDF

Voir la La Deuxième  partie en entier en Format PDF




Les LETTRES : parlons-en ! (1)

 Les  lettres, parlons-en!  

Par Anne Gillain Mauffette

Cet article comprend deux parties. La première retrace le cheminement de deux enfants par rapport à la lecture-écriture, la deuxième propose des situations et du matériel qui permettent aux enfants à la maison, en CPE ou en maternelle de progresser dans leur compréhension du langage écrit.

Première partie : En suivant le parcours de deux enfants

Introduction

Puisque le débat faire rage autour de l’apprentissage des lettres, parlons-en. 

Plusieurs personnes pensent que lorsqu’on est des adeptes du jeu au préscolaire, on ne veut pas que les enfants apprennent les lettres. Il n’en est rien. C’est dans la manière de les aborder que nous nous différencions.

 En fait  la question à se poser n’est pas «est-ce que les enfants doivent apprendre les lettres ou pas?», mais «comment les enfants arrivent-ils le mieux, à comprendre progressivement le fonctionnement de l’écrit»?

   

Je répondrai : d’abord par la littérature jeunesse, le jeu, les projets, les chansons, les comptines, les conversations et dans tous les  moments du quotidien.

J’ai déjà écrit ailleurs  (voir : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2020/01/comment-les-differents-types-de-jeux.html ) qu’il faut bien plus que de connaître les lettres pour en arriver à lire et écrire et comprendre ce qu’on lit et que les enfants ont besoin d’apprendre à développer prioritairement bien d’autres choses dont leur motricité, l’auto régulation et leurs rapports sociaux etc. à l’âge préscolaire.

Mais étant donné l’accent mis sur celles-ci, regardons comment les enfants approchent l’écrit, comment les lettres et le sens des mots écrits  viennent aux enfants. 

Comment ils apprennent, au fil des jours, à reconnaître des lettres, en connaître progressivement les noms, leur son, comment les écrire et écrire des mots. Comment ils acquièrent la discrimination auditive et la conscience phonologique, la compréhension progressive  du principe alphabétique ainsi que l’acquisition du vocabulaire nécessaires à l’écriture et lecture, etc., et ce, à leur rythme.

Des exemples:

Je vais illustrer mon propos de petites histoires tirées de ma documentation sur l’évolution de deux enfants : Nathan et Guillaume.

Première trajectoire : Nathan 



3 février 2015 (3 ans) : 

«Valérie c’est comme Mamie». «Tu as raison Nathan, on entend le même son au bout du mot : ie.»

 Avant d’entrer dans la maison, Nathan prend une craie et dit : «je vais écrire la lettre de Maman. Il hésite puis me demande : «Comment on fait»?  Je lui écris au sol  le M. Il retrace pardessus la première ligne et me dit : J’ai écrit la lettre de Maman». « Oui, tu as écrit la première lettre du mot Maman». Puis il me demande celle de Papa, la mienne. Et moi j’ajoute le N de Nathan.

Plus tard à l’ordinateur alors qu’il me demande s’il peut taper sur le clavier ( il aime venir dans mon bureau jouer avec la souris qui fait une petite lumière rouge et qu’il promène comme une petite auto ou un avion) et que j’acquiesce, il demande où il peut taper. Je lui montre qu’il y a des lettres sur le clavier et qu’il peut taper où il veut. «Où est la lettre de Papa» me demande-t-il. Je lui montre et il tape le P. Je mets la forme en gros pour qu’il voit l’effet de ses actions. Puis il demande la lettre de Maman qui arrive justement.

Un autre jour

Nathan regarde la couverture du livre et me dit : « C’est je t’ai vu» (le titre du livre). «C’est exact : c’est écrit ici» et je fais glisser mon doigt de gauche à droite sous les lettres en prononçant : Je/t’ai/vu. Bien sûr, il n’a pas reconnu les lettres mais associé le titre à l’image de la couverture mais j’en profite pour lui monter les lettres du titre et le sens de l’écriture.




Il voit ensuite les crayons (Creamy crayons) qui ressemblent à des baumes à lèvres. Il prend chaque couleur enlève le bouchon puis fait tourner la base pour faire apparaître le tube. Je lui glisse un carton en forme de cœur et il  crayonne en nommant les couleurs. À un moment donné il fait des cercles. Je lui fais remarquer: « Tu fais des ronds, des spirales. Il s’arrête et devant une forme arrondie, fermée, dit : « O c’est comme Océane»  (une petite fille dans son groupe à la garderie. «Tu as tout à fait raison» dis-je.   « J’ai tout à fait raison» répète-t-il

«Comment on fait la lettre de Papa sur le micro-ondes?», me demande-t-il. Je ne comprends pas très bien ce qu’il veut. Puis je me rends compte que quand on appuie sur une touche, une bande rouge défile sur le mini écran avec des mots: Press ou P10 (pour indiquer la puissance). Il y a effectivement la première lettre du mot Papa sur le micro-onde!


Le lendemain :

J’aurai plusieurs fois dans la journée l’occasion de confirmer son intérêt pour les lettres. Quand il arrive le matin, il décide de jouer avec la plaque à dessin magnétique (limaille de fer). Il déclare : «je vais faire la lettre de maman, elle va être contente» Puis il fait des tracés mais conclue : « je n’ai pas réussi». Je lui offre de lui montrer comment on fait. Il me regarde mais ne fait plus de tentative.




Plus tard par contre, avec le crayon feutre (qu’il empoigne de toute sa main fermée/ prise encore réflexe?) il commence une forme arrondie mais ne la ferme pas et commente : «C’est la lettre de Claudine» (leur gardienne).

 


Plus tard encore, il aperçoit les lettres d’un casse-tête éparpillées, en tas au sol. Il prend le P et dit à son grand père : « Je la connais celle-là, c’est la lettre de Papa».





Et encore… Il aperçoit une boîte dans laquelle il y a une petite imprimante. Nous la sortons et il l’examine. Je lui montre ensuite comment elle fonctionne. Il fait tourner la poignée pour imprimer. Il me dit : je vois la lettre de Zoé. Moi je pensais qu’il n’y avait que des dessins mais en regardant de plus près, il y a effectivement le nom de Zoé.

PMOC et Z, voilà les premières lettres que Nathan commence à reconnaître. Bien sûr il y a le matériel qui est disponible qui lui donne plein d’occasion d’explorer les lettres à sa guise, mais les questionnements viennent de lui. Z comme dans zèbre me dit-il. 



Nathan prend un contenant de lettres magnétiques qu’il vide sur le divan puis décide de les mettre dans un contenant transparent en forme de camion. «Ça c’est la lettre de quoi?» me demande-t-il. Je lui donne plusieurs exemples où le son initial correspond à la lettre qu’il me montre. Il trouve un M et je lui dis que c’est la première lettre du mot Maman. Plus tard, il en verra une autre et annoncera : « Ça c’est la lettre de Maman». «Valérie », ajoute-t-il. Je lui montre que Valérie commence avec un V mais que le mot Maman commence avec la lettre qu’il m’a montrée. Puis il prend un K : je lui dis que c’est un k   « Comme dans Lucas», fait-il remarquer. Oui cela fait le même son (et n’ajoute pas qu’il ne s’agit pas de la même lettre : je trouve que cela ferait trop d’information à la fois). On y reviendra une autre fois.

Sa  grande sœur et son grand frère vont faire une chasse au trésor. Nathan veut participer mais il faut savoir lire. Je lui promets qu’après la sieste, il pourra en faire. J’ai été déposer dans sa brouette une enveloppe avec son nom écrit dessus dans laquelle il y a une photo de la boîte à lettre. C’est là que j’ai mis un petit paquet pour lui. Quand j’annonce que la chasse au trésor est prête, il demande : « C’est quoi une chasse au trésor?»  Nous lui expliquons que c’est quand on cherche quelque chose. Je lui dis d’aller voir dans sa brouette il va trouver quelque chose qui va lui dire où est le trésor. Il trouve l’enveloppe : je lui demande ce qui est écrit dessus. Il hausse les épaules. « C’est  ton nom, cela veut dire que c’est pour toi; ouvre». Il regarde la photo.

 Je lui demande ce que c’est : il dit d’abord qu’il ne sait pas, mais tout à coup, il s’anime :  « la boîte aux lettres». Je  lui explique que c’est là que se trouve le trésor. 

Quand on arrive devant la boîte noire il me montre le chiffre 5 et dit : «C’est cinq». Il lit donc le chiffre 5. Quand il ouvre, il prend le paquet jaune sur lequel j’ai écrit son nom. Je lui demande : « Qu’est-ce qui est écrit?» «Mon nom!» Puis il ouvre le trésor : « Des Playmobils!»



Dans la première semaine d’avril.


Nathan fait un premier dessin à grands gestes tourbillonants sur le tableau magnétique. Je commente tu as fait beaucoup de lignes qui tournent. Il efface le tout. Je n’ai pas le temps de photographier mais cela ressemble à d’autres dessins de ce type qu'il fait en ce moment (exemple).

 


Puis il recommence mais cette fois il fait de touts petits traits. On sent qu’il s’applique pour contrôler ses tracés.« J’écris à papa» me dit-il. 

Il fait donc la différence entre dessin écriture. Cette dernière est pour lui constituée de petites traces éparpillées sur la surface. Ce n’est pas la première fois que je note cette nuance chez lui.

Il joue avec la chatte : « Elle aime ça jouer avec moi». Il commente : « minette c’est comme mitaine». La première syllabe est en effet la même. 

Nathan me demande d’installer le trampoline. «Trampoline, c’est comme le mot Pauline» fait-il remarquer.  

Nathan fait de la menuiserie avec son grand père. J’entends Jacques qui lui dit : « Ça c’est un vilebrequin». «Vilebrequin, cela ressemble à requin» dit Nathan. Il fait donc des liens entre les mots nouveaux et ceux qu’il connait et démontre son habileté à discriminer les sons et reconnaître les ressemblances de sons dans les mots (trois habiletés nécessaires en lecture).

7 Mai

Nous parlons de sa cheville. «Cheville c’est comme chenille». Puis après une pause, il ajoute : «et c’est comme «cheveux». 

14 mai : Nous sommes souvent dans la reconnaissance des similitudes sonores entre les mots. «Accrochage c’est comme « acrobate» me dit Nathan. Oui on entend les sons « acro» dans les deux mots et le a dans ate et age.»

Non seulement il démontre qu’il reconnait des similitudes dans les sons des mots mais aussi l’étendue du vocabulaire dont il dispose.

Semaine du 17 mai

Nathan se met au clavier de mon ordinateur. Il reconnait le O le P le N le M.

Puis il me demande d’un air triste : « Mamie, pourquoi je ne peux pas lire les mots?» Il voit son frère et sa sœur lire tout le temps et voudrait bien faire comme eux. Quelle motivation pour apprendre.

Au sous-sol il voit un morceau de styromousse. C’est un A me dit-il. Nous le retournons et cela fait un V et dans un autre sens un L.

En sortant de la garderie, Nathan remarque : « Ils ont écrit des lettres». En effet quelqu’un a écrit PANDA à la craie au sol. Nous regardons les lettres. Je lui fais remarquer qu’il y a le PA de Papa dans ce mot.

Nathan me dit qu’il veut « faire une recherche à l’ordinateur pour papa». Nous examinons le clavier : la première lettre du nom de papa etc. J’ai agrandi la taille des caractères. Il est très content d’avoir écrit des mots : c’est lui qui me suggère les mots et je lui montre où sont les lettres en les nommant et faisant le son. Nous reprendrons ce jeu plusieurs fois. Cette fois, il inclue le nom d’une éducatrice IMA.

Sa maman lit Martine à la montagne à Nathan. Elle se rend compte que c’est une histoire qu’ils ont écoutée parfois dans l’auto. Elle se rend compte que Nathan connait les mots par cœur car quand elle s’arrête au milieu d’une phrase, il la complète (mémoire auditive).

Un autre jour alors que je lis un autre Martine, j’évite le mot ornières et le remplace par un trou dans le chemin. Il me corrige : «c’est des ornières mamie». Cela démontre à la fois son attention, sa mémoire et la latitude de son vocabulaire. Nous commentons qu’il y a des ornières dans l’entrée de sa maison.

Nathan veut que je lui raconte : Martine à Bruxelles. Je lui explique que Bruxelles est une ville dans le pays d’où je viens, la Belgique. « Bruxelles c’est comme Cristelle» (une éducatrice à la garderie) fait-il remarquer.

12 février 2016 : Ces temps-ci, je lis à Nathan les contes classiques (Jacques et le haricot magique, le petit bonhomme de pain d’épice, etc.). Aujourd’hui c’est au tour du cordonnier. Je lui demande s’il sait ce qu’est un cordonnier. Il semble hésiter (ou suis-je trop rapide à intervenir?).  Je lui souffle : il répare des…«souliers» complète-t-il. Il ajoute : « Et il casse aussi des cailloux». «Ah! Ça c’est le cantonnier dans la chanson!» « C’est vrai que cordonnier et cantonnier ça se ressemble».

Lundi 4 avril : Nathan indiquant la page de gauche d’une livre : « Ça c’est des petites lettres; puis à droite, c’est une image».

 11 mai : Avant la sieste, nous avons lu, à sa demande, des histoires dans la revue Babar (thème des pompiers). Dans l’une d’elle l’enfant lit avec l’adulte des mots illustrés par des dessins de loin en loin tout au long du texte. Je fais glisser mon doigt sous chaque mot et arrête quand c’est à lui de me fournir le mot. (Sens de la lecture, notion de mot).

 25 mai : Nathan emprunte le gros camion de pompier (il emporte toujours quelque chose d’ici). Alors que je le descends dans l’escalier,  le camion en métal cogne sur les marches. « Ça fait un bruit assourdissant» commente-t-il vocabulaire).

3 Juin : Nathan m’a demandé de sortir la boîte « avec les chiffres».

«Tu veux dire les lettres» lui dis-je en lui tendant. «Comment on écrit ours me demande-t-il. Nous commençons ensemble à dire le son et le nom des lettres composant chaque animal. Je lui montre qu’il y a un code de couleur pour retrouver les lettres et que toute la comptine de l’alphabet est là. Les lettres sont  écrites ici en script minuscule. Il connait quelques lettres en majuscules mais pas dans cette forme. Je l’aide donc en lui donnant des indices. Le i a un petit point, etc. Il complète toute la feuille à mon grand étonnement car je pensais que cela serait trop long. Nathan est fier et veut que je prenne une photo.

30 juillet (4 ans) : Nathan nous demande souvent d’écrire des messages pour lui.  Cette fin de semaine Sarah s’est occupée de lui.  Nathan a dicté ceci : «Sarah tu es  la meilleure cousine au monde», ce que j’ai écrit et relu en balayant du doigt les mots de gauche à droite.


Il va au tableau et efface les dessins qui y étaient, puis dessine des lettres.

Une première série : XNI. Il me demande quel mot cela fait. J’explique que ce mot n’existe pas en français mais que cela pourrait être le nom d’un personnage (comme dans Star Wars). Il va vite chercher un personnage : « C’est lui XNI»

Deuxième série : Il choisit une autre couleur (rouge) et écrit (par hasard) UNO comme le jeu du même nom.

 




Deuxième trajectoire : Guillaume et la lecture et l’écriture

16 janvier 2012 (4 ans). 

Guillaume décide de faire de la « cuisine». «Où est ma toque ?» demande-t-il (nous démontrant un élément de son vocabulaire).


Découvrant une pipette. Il prend de l’eau. Il laisse tomber des gouttes dans le sable. Cela fait des traces. Il dit : «Regarde, je fais des lettres».

 




Nous lisons Pomme d’Api. Dans ce même numéro il y a des enfants qui chantent : Vivien chante Vive le vent mais ses amis déforment les mots : Flavien fait Flif le fent, Zazie avec des Z, etc. Il a bien ri quand je l’ai chanté avec Guigue le guent. Il rit et  me demande de le refaire. Cette fois j’ajoute la première lettre du nom de Patrick (son papa).  (Petit jeu de conscience du son des mots et lettre).

Guillaume avait demandé à son papa de lui écrire une carte où il écrirait : « Je t’aime Guillaume» et le mot fleurs car il aime les fleurs et de la mettre dans la boîte à lettres. (Il nous montre ainsi qu’il connait une des fonctions de l’écriture).

23 avril

Il choisit un Pomme d’Api. « Même pas peur» annonce-t-il. C’est en effet le titre de ce numéro de la revue. Je lui dis : «Tu lis». Il me répond : « Non, je ne sais pas lire». « Mais tu sais lire les images et tu te rappelles du titre» lui rétorquai-je. Je lui montre où le titre est inscrit : trois mots l’un au-dessous de l’autre. « Même pas peur» dit-il en balayant les mots du doigt de gauche à droite mais partant du bas vers le haut. Je refais le geste mais de haut en bas en redisant le titre.

Je constate qu’il a donc une petite  idée de l’orientation de la lecture (de gauche à droite) mais pas encore de son sens (haut/bas).

Il me raconte l’histoire d’un petit garçon et des fourmis (un film qu’il a vu chez lui) de façon linéaire en  enchaînant les « et alors….et alors…» (Il s’initie à la narration)

Avant de partir : « Est-ce que je peux jouer avec la baliste ?» « Je lance des projectiles». (Il retient facilement les nouveaux mots de vocabulaire et utilise des mots précis).

Guillaume s’exerce maintenant à écrire.

Samedi (août): G.  s’est appliqué longuement à écrire et me remet une feuille pliée en deux et cachetée avec une gommette et de la colle.

On note certaines lettres de son nom : le G à l’envers, le i le l et le u ainsi que le o


24 septembre : 


Guillaume a écrit des lettres sur une feuille. Il me la montre en disant : « J’ai fait de belles lettres».  J’identifie pour lui les lettres qu’il a écrit en pointant et commentant par exemple : « Ici, tu a écrit le A, c’est la première lettre de mon nom, Anne». «Il y a un O comme cela dans Togo (son chien)

 




Il décide d’en écrire d’autres et choisit un autre médium (des gels plus épais). Il me tend la feuille en disant : « J’ai écrit : J’aime mamie». 

 




Juste avant de partir, Guillaume déclare : je dois faire un petit devoir. Il s’installa à la table de dessin/écriture. Puis il me tend une feuille : « Maîtresse, est-ce que j’ai fait des belles lettres».

 J’indique du doigt certaines lettres en les nommant : « Je vois que tu as fait un A ; c’est la première lettre de mon nom, des O comme dans Togo (son chien), un X des e un I.

 


Il retourne à la table « travailler» dit-il et m’enjoint de ne pas regarder. Une fois terminé il me demande où je couche (il connait bien ma chambre mais je crois qu’il veut savoir de quel côté du lit  pour glisser la feuille sous mon oreiller). Arrivé dans la chambre il me tend la feuille en disant que finalement il a décidé de me la donner tout de suite. «C’est une lettre.» Étant donné qu’il vient de faire une série de lettres, je lui demande de quelle lettre il s’agit. Mais en voyant, je comprends.

 


D’ailleurs, il explicite : « C’est une enveloppe d’amour». Je la place, émue, sur mon oreiller. Cela sera comme un bisou du soir.




Nous jouons souvent à l’école, souvent c’est lui le professeur mais aujourd’hui, c’est moi. Nous jouons au cours d’éducation physique de musique d’anglais, à la récréation (séances dont le début et la fin sont signalées par un sifflet selon son souhait) et de français. Il écrit alors une série de lettres. Je lui propose d’écrire des G et lui en fait un modèle. Il l’écrit mais la représente comme toujours à l’envers. Je comprends pourquoi en observant son tracé. Il commence dans le sens des aiguilles d’une montre ce qui fait que la lettre est inversée. Puis il continue à en écrire d’autres.

Il feuillette des livres seul, de plus en plus souvent. Quand je lui offre de lui lire parfois il accepte et d’autres fois non. Ou bien c’est lui qui à un moment donné me le demande.

Il regarde une histoire que nous avons lue la semaine dernière.

6 Janvier 2013  (bientôt 5 ans) (Guillaume n’est pas encore en maternelle)

On aperçoit ici les lettres en majuscules (plus faciles à dessiner pour les jeunes enfants) avec lesquelles il a voulu représenter le nom du personnage Géonosian (il a utilisé des lettres qu’il connaissait de son nom ( je remarque que le G est maintenant dans le bon sens), du mien (le A) et le O qu’on retrouve dans le nom de sa sœur (Zoé) et de son chien (Togo). Il m’explique ensuite que ce n’est pas le personnage qu’il aime mais bien son nom.

Lundi  11 mars : Je commente qu’à cinq ans, on est capable de faire beaucoup de choses par soi-même. « Je sais même écrire» me dit-il. «En lettres toutes attachées» ajoute-t-il. « Je vais te montrer.» Note : Sa sœur est en deuxième année où elle a appris à écrire en cursive.

Il revient avec plusieurs lignes de boucles et de traits (pré écriture). Il me demande ce qu’il a écrit. Je lui dis qu’il a fait de formes qui ressemblent à certaines lettres : n, m, r, w, e… mais que cela ne fait pas des mots parce que les lettres doivent être dans un certain ordre pour faire des mots.


«Et si on jouait à l’école»  suggère Guillaume.  « Tu serais le professeur et moi  l’élève. Nous jouerons à ce jeu pendant presqu’une heure.  Nous ferons des mathématiques, du français de l’anglais, une collation, de l’éducation physique, une récréation, des sciences.

À l’occasion de la période d’écriture, il écrit une autre série de lignes. Je lui rappelle d’écrire son nom sur sa feuille mais cette fois en lettres détachées.

Il précise : « Mais je m’appellerais pas Guillaume» précise-t-il en traçant des lettres. Il utilise cependant certaines lettres de son nom G et U ainsi que le T et le O de Togo son chien, le A, le V et le i (sans oublier le point).

  1er avril


Guillaume a donné un dessin à son grand papa : d’un côté les armes des chevaliers, de l’autre l’histoire écrite. Comme dans de nombreux albums où l'image est à gauche et le texte à droite.


25 avril (5 ans 3 mois)


Guillaume a dessiné deux personnages. Un a pris la voiture de l’autre me raconte-t-il. Me montrant son dessin, il attire mon attention sur les lettres qu’il a introduites spontanément : «Regarde,  j’ai fait un O». « Et tu as fait un E aussi» lui dis-je en pointant. « Non, c’est un É» corrige-t-il. Mais oui, je vois bien l’accent aigu du É. (Note : sa sœur s’appelle Zoé).



29 avril 

 Guillaume dessine. Je vois qu’il a mis le livre des Schtroumpfs à côté de lui.

Quand il me montre son dessin je vois deux personnages : une mère enceinte (on voit le cordon ombilical) et un enfant.  Dans la bulle je lis son message: J’ai faim (GFIN). Il a utilisé le son de l’appellation de la première lettre de son nom, le G. Il a copié dans le livre le mot FIN qui a le même son que Faim pour s’exprimer (même s’il sait que dans le livre cela veut dire que l’histoire est finie).

L’enfant a  la bouche grande ouverte (pour montrer qu’il parle), la maman sourit.

Il a signé son dessin avec  la première lettre de son nom en script majuscule et a complété avec un semblant de lettre attachées (sa sœur est en deuxième année). Il reprendra cette signature dans plusieurs de ses dessins.

Il a utilisé des conventions de BD (la flèche montrant que le personnage parle).

Ce dessin me montre donc que Guillaume s’intéresse aux lettres, à la fonction de l’écriture et aux mécanismes de construction de mots. Il me montre qu’il sait représenter son expérience et ses désirs par le dessin et l’écriture approchée (une première). Les lettres ont maintenant une signification par rapport au dessin, dessin et texte sont liés et se complètent.


Spontanément Guillaume prend deux livres et copie les lettres du titre : L’ŒUF ET  LES SCHTROUMPS et DANS UN JARDIN (un livre qu'il aime beaucoup).




Décembre : (Voilà 3 mois que Guillaume est en maternelle, il a 5 ans 10 mois).

Je lui demande s’il a envie de fabriquer des cadeaux pour ses parents. Il préfère préparer quelque chose pour son enseignante.

Il s’installe à la table à dessin/écriture.

 Il fait d’abord un mot : JE TEME  AA Diane de Guillaume. On peut voir qu’il fait de l’orthographe approchée et je m’en réjouis. On voit qu’il réfléchit. Quand il écrit le e il me dit « C’est le È/AI». Je ne le corrige pas le laissant à son plaisir d’écrire ce message.

  J’espère que l’enseignante ne le corrigera pas non plus. Apercevant des collants de formes géométriques, il est emballé. Il en colle en disant « Diane va aimer ça».

Il plie sa feuille et décore l’endos.



Comme Guillaume s’intéresse aux lettres, je lui  propose de jouer à un jeu pour apprendre à lire. « Mais je sais lire» me répond-t-il. Mais pour lire plus de mots lui rétorquai-je et il accepte. Le voilà en train d’écrire un mot, puis plusieurs. Je lui explique qu’il y a parfois des lettres muettes qu’on n’entend pas comme le ts dans puits. 

Puis il continue et en fait toute une série.






Puis il décide d’aller faire «une promesse d’amour» me dit-il. Je ne dois pas regarder. Il me demande comment on écrit certains sons me spécifiant qu’il sait comment faire le ou. Il écrit une lettre : Je t’adore (et le nom de son amoureuse). Il me la montre ensuite fièrement.

Il intègre de plus en plus de mots dans ses dessins.


On reconnait ici entre autre : épée de  NINDJA (le J est à l’envers)





Noel 2013

Comme d’habitude, les enfants dessinent et Guillaume s’installe aussi mais il écrit : les mots de deux chansons de Noël

Ainsi qu’une représentation des planètes. Et leurs noms.

Jour des Rois 2014

Sa maman m’informe que Guillaume aime déchiffrer des mots : il a décrypté entre autres : moussaillon et aventurier.

Il se met ensuite à écrire un message. Quand il a terminé je lui demande si je peux le lire : il accepte. C’est une lettre pour son enseignante. Je lui montre que nous avons des nouvelles gommettes et collants s’il désire s’en servir. Il décide d’en mettre un de chaque couleur. Il est très satisfait du résultat que je qualifie de très joyeux.

On notera que comme il a manqué d’espace il a continué en dessous en petit mais écrivant alors les mots de droite à gauche avec certaines  lettres inversées.  On reconnait  TE SOUÈ te (te souhaite) une bonne journée.

Quand je lui lis le livre (à l’heure du coucher) qu’il vient de recevoir (des questions et réponses sous les rabats), il me lit le titre du livre (qu’il sait sans doute par cœur mais cela démontre son désir de lire).

J’avais laissé ses dessins en exposition.  Il  y ajoute du texte. On y voit des bulles où il écrit :

À l’attaque (ALATAK) Ça t’apprendra (SATAPRANDRA)   C’que tu …va voir (SKETU????VA VOUAR)

15 février 2014 : Guillaume joue avec moi au jeu d’observation  puis il va à la table à dessin et apporte une surprise à sa maman.


Il faudrait mentionner par exemple toutes les fois au cours des ans où il a remarqué des ressemblances dans des mots : «ange c’est comme danger»,  «divan c’est comme Divane» (une enfant dans sa classe), «caramel, c'est comme catapulte», etc.

À  la fin de sa maternelle : Guillaume aime lire tout  seul.  Depuis que je lui ai signalé que ce n’est pas parce qu’il sait lire qu’il ne peut pas aussi se faire lire des histoires,  il accepte ou le demande parfois.

Mot de la fin :

Guillaume et Nicolas (de six mois plus jeune) regardent ensemble des livres assis par terre. « Tu veux que je t’apprende à lire» demande Guillaume à son cousin.

Note : Toutes ces activités ont été entreprises spontanément ou volontairement. Ceci a bien sûr été soutenu par des centaines de livres lus, de conversations, de multiples dessins, peintures, jeux de  toutes sortes à l’intérieur et l’extérieur tant  à la maison, chez sa mamie, au CPE et finalement à la maternelle ainsi que les voyages, sorties, bref toutes les expériences qui ont favorisé son développement global dont  l’émergence de l’écrit.



MAIS COMMENT FAIRE AVEC UN GROUPE ? 





Quelques idées d’expériences à faire à l’extérieur

  Par Anne Gillain Mauffette Il ne s’agit pas de reproduire une classe à l’extérieur avec tableau etc. mais de profiter de ce que l’exté...