lundi 19 avril 2021

Les lettres, parlons-en! Première partie, deuxième section:

Par Anne Gillain Mauffette

 La trajectoire de Guillaume

16 janvier 2012 (4 ans). 

Guillaume décide de faire de la « cuisine». «Où est ma toque ?» demande-t-il (nous démontrant un élément de son vocabulaire).


Découvrant une pipette. Il prend de l’eau. Il laisse tomber des gouttes dans le sable. Cela fait des traces. Il dit : «Regarde, je fais des lettres».

 




Nous lisons Pomme d’Api. Dans ce même numéro il y a des enfants qui chantent : Vivien chante Vive le vent mais ses amis déforment les mots : Flavien fait Flif le fent, Zazie avec des Z, etc. Il a bien ri quand je l’ai chanté avec Guigue le guent. Il rit et  me demande de le refaire. Cette fois j’ajoute la première lettre du nom de Patrick (son papa).  (Petit jeu de conscience du son des mots et lettre).

Guillaume avait demandé à son papa de lui écrire une carte où il écrirait : « Je t’aime Guillaume» et le mot fleurs car il aime les fleurs et de la mettre dans la boîte à lettres. (Il nous montre ainsi qu’il connait une des fonctions de l’écriture).

23 avril

Il choisit un Pomme d’Api. « Même pas peur» annonce-t-il. C’est en effet le titre de ce numéro de la revue. Je lui dis : «Tu lis». Il me répond : « Non, je ne sais pas lire». « Mais tu sais lire les images et tu te rappelles du titre» lui rétorquai-je. Je lui montre où le titre est inscrit : trois mots l’un au-dessous de l’autre. « Même pas peur» dit-il en balayant les mots du doigt de gauche à droite mais partant du bas vers le haut. Je refais le geste mais de haut en bas en redisant le titre.

Je constate qu’il a donc une petite  idée de l’orientation de la lecture (de gauche à droite) mais pas encore de son sens (haut/bas).

Il me raconte l’histoire d’un petit garçon et des fourmis (un film qu’il a vu chez lui) de façon linéaire en  enchaînant les « et alors….et alors…» (Il s’initie à la narration)

Avant de partir : « Est-ce que je peux jouer avec la baliste ?» « Je lance des projectiles». (Il retient facilement les nouveaux mots de vocabulaire et utilise des mots précis).

Guillaume s’exerce maintenant à écrire.

Samedi (août): G.  s’est appliqué longuement à écrire et me remet une feuille pliée en deux et cachetée avec une gommette et de la colle.

On note certaines lettres de son nom : le G à l’envers, le i le l et le u ainsi que le o


24 septembre : 


Guillaume a écrit des lettres sur une feuille. Il me la montre en disant : « J’ai fait de belles lettres».  J’identifie pour lui les lettres qu’il a écrit en pointant et commentant par exemple : « Ici, tu a écrit le A, c’est la première lettre de mon nom, Anne». «Il y a un O comme cela dans Togo (son chien)

 




Il décide d’en écrire d’autres et choisit un autre médium (des gels plus épais). Il me tend la feuille en disant : « J’ai écrit : J’aime mamie». 

 




Juste avant de partir, Guillaume déclare : je dois faire un petit devoir. Il s’installa à la table de dessin/écriture. Puis il me tend une feuille : « Maîtresse, est-ce que j’ai fait des belles lettres».

 J’indique du doigt certaines lettres en les nommant : « Je vois que tu as fait un A ; c’est la première lettre de mon nom, des O comme dans Togo (son chien), un X des e un I.

 


Il retourne à la table « travailler» dit-il et m’enjoint de ne pas regarder. Une fois terminé il me demande où je couche (il connait bien ma chambre mais je crois qu’il veut savoir de quel côté du lit  pour glisser la feuille sous mon oreiller). Arrivé dans la chambre il me tend la feuille en disant que finalement il a décidé de me la donner tout de suite. «C’est une lettre.» Étant donné qu’il vient de faire une série de lettres, je lui demande de quelle lettre il s’agit. Mais en voyant, je comprends.

 


D’ailleurs, il explicite : « C’est une enveloppe d’amour». Je la place, émue, sur mon oreiller. Cela sera comme un bisou du soir.




Nous jouons souvent à l’école, souvent c’est lui le professeur mais aujourd’hui, c’est moi. Nous jouons au cours d’éducation physique de musique d’anglais, à la récréation (séances dont le début et la fin sont signalées par un sifflet selon son souhait) et de français. Il écrit alors une série de lettres. Je lui propose d’écrire des G et lui en fait un modèle. Il l’écrit mais la représente comme toujours à l’envers. Je comprends pourquoi en observant son tracé. Il commence dans le sens des aiguilles d’une montre ce qui fait que la lettre est inversée. Puis il continue à en écrire d’autres.

Il feuillette des livres seul, de plus en plus souvent. Quand je lui offre de lui lire parfois il accepte et d’autres fois non. Ou bien c’est lui qui à un moment donné me le demande.

Il regarde une histoire que nous avons lue la semaine dernière.

6 Janvier 2013  (bientôt 5 ans) (Guillaume n’est pas encore en maternelle)

On aperçoit ici les lettres en majuscules (plus faciles à dessiner pour les jeunes enfants) avec lesquelles il a voulu représenter le nom du personnage Géonosian (il a utilisé des lettres qu’il connaissait de son nom ( je remarque que le G est maintenant dans le bon sens), du mien (le A) et le O qu’on retrouve dans le nom de sa sœur (Zoé) et de son chien (Togo). Il m’explique ensuite que ce n’est pas le personnage qu’il aime mais bien son nom.

Lundi  11 mars : Je commente qu’à cinq ans, on est capable de faire beaucoup de choses par soi-même. « Je sais même écrire» me dit-il. «En lettres toutes attachées» ajoute-t-il. « Je vais te montrer.» Note : Sa sœur est en deuxième année où elle a appris à écrire en cursive.

Il revient avec plusieurs lignes de boucles et de traits (pré écriture). Il me demande ce qu’il a écrit. Je lui dis qu’il a fait de formes qui ressemblent à certaines lettres : n, m, r, w, e… mais que cela ne fait pas des mots parce que les lettres doivent être dans un certain ordre pour faire des mots.


«Et si on jouait à l’école»  suggère Guillaume.  « Tu serais le professeur et moi  l’élève. Nous jouerons à ce jeu pendant presqu’une heure.  Nous ferons des mathématiques, du français de l’anglais, une collation, de l’éducation physique, une récréation, des sciences.

À l’occasion de la période d’écriture, il écrit une autre série de lignes. Je lui rappelle d’écrire son nom sur sa feuille mais cette fois en lettres détachées.

Il précise : « Mais je m’appellerais pas Guillaume» précise-t-il en traçant des lettres. Il utilise cependant certaines lettres de son nom G et U ainsi que le T et le O de Togo son chien, le A, le V et le i (sans oublier le point).

  1er avril


Guillaume a donné un dessin à son grand papa : d’un côté les armes des chevaliers, de l’autre l’histoire écrite. Comme dans de nombreux albums où l'image est à gauche et le texte à droite.


25 avril (5 ans 3 mois)


Guillaume a dessiné deux personnages. Un a pris la voiture de l’autre me raconte-t-il. Me montrant son dessin, il attire mon attention sur les lettres qu’il a introduites spontanément : «Regarde,  j’ai fait un O». « Et tu as fait un E aussi» lui dis-je en pointant. « Non, c’est un É» corrige-t-il. Mais oui, je vois bien l’accent aigu du É. (Note : sa sœur s’appelle Zoé).



29 avril 

 Guillaume dessine. Je vois qu’il a mis le livre des Schtroumpfs à côté de lui.

Quand il me montre son dessin je vois deux personnages : une mère enceinte (on voit le cordon ombilical) et un enfant.  Dans la bulle je lis son message: J’ai faim (GFIN). Il a utilisé le son de l’appellation de la première lettre de son nom, le G. Il a copié dans le livre le mot FIN qui a le même son que Faim pour s’exprimer (même s’il sait que dans le livre cela veut dire que l’histoire est finie).

L’enfant a  la bouche grande ouverte (pour montrer qu’il parle), la maman sourit.

Il a signé son dessin avec  la première lettre de son nom en script majuscule et a complété avec un semblant de lettre attachées (sa sœur est en deuxième année). Il reprendra cette signature dans plusieurs de ses dessins.

Il a utilisé des conventions de BD (la flèche montrant que le personnage parle).

Ce dessin me montre donc que Guillaume s’intéresse aux lettres, à la fonction de l’écriture et aux mécanismes de construction de mots. Il me montre qu’il sait représenter son expérience et ses désirs par le dessin et l’écriture approchée (une première). Les lettres ont maintenant une signification par rapport au dessin, dessin et texte sont liés et se complètent.


Spontanément Guillaume prend deux livres et copie les lettres du titre : L’ŒUF ET  LES SCHTROUMPS et DANS UN JARDIN (un livre qu'il aime beaucoup).




Décembre : (Voilà 3 mois que Guillaume est en maternelle, il a 5 ans 10 mois).

Je lui demande s’il a envie de fabriquer des cadeaux pour ses parents. Il préfère préparer quelque chose pour son enseignante.

Il s’installe à la table à dessin/écriture.

 Il fait d’abord un mot : JE TEME  AA Diane de Guillaume. On peut voir qu’il fait de l’orthographe approchée et je m’en réjouis. On voit qu’il réfléchit. Quand il écrit le e il me dit « C’est le È/AI». Je ne le corrige pas le laissant à son plaisir d’écrire ce message.

  J’espère que l’enseignante ne le corrigera pas non plus. Apercevant des collants de formes géométriques, il est emballé. Il en colle en disant « Diane va aimer ça».

Il plie sa feuille et décore l’endos.



Comme Guillaume s’intéresse aux lettres, je lui  propose de jouer à un jeu pour apprendre à lire. « Mais je sais lire» me répond-t-il. Mais pour lire plus de mots lui rétorquai-je et il accepte. Le voilà en train d’écrire un mot, puis plusieurs. Je lui explique qu’il y a parfois des lettres muettes qu’on n’entend pas comme le ts dans puits. 

Puis il continue et en fait toute une série.






Puis il décide d’aller faire «une promesse d’amour» me dit-il. Je ne dois pas regarder. Il me demande comment on écrit certains sons me spécifiant qu’il sait comment faire le ou. Il écrit une lettre : Je t’adore (et le nom de son amoureuse). Il me la montre ensuite fièrement.

Il intègre de plus en plus de mots dans ses dessins.


On reconnait ici entre autre : épée de  NINDJA (le J est à l’envers)





Noel 2013

Comme d’habitude, les enfants dessinent et Guillaume s’installe aussi mais il écrit : les mots de deux chansons de Noël

Ainsi qu’une représentation des planètes. Et leurs noms.

Jour des Rois 2014

Sa maman m’informe que Guillaume aime déchiffrer des mots : il a décrypté entre autres : moussaillon et aventurier.

Il se met ensuite à écrire un message. Quand il a terminé je lui demande si je peux le lire : il accepte. C’est une lettre pour son enseignante. Je lui montre que nous avons des nouvelles gommettes et collants s’il désire s’en servir. Il décide d’en mettre un de chaque couleur. Il est très satisfait du résultat que je qualifie de très joyeux.

On notera que comme il a manqué d’espace il a continué en dessous en petit mais écrivant alors les mots de droite à gauche avec certaines  lettres inversées.  On reconnait  TE SOUÈ te (te souhaite) une bonne journée.

Quand je lui lis le livre (à l’heure du coucher) qu’il vient de recevoir (des questions et réponses sous les rabats), il me lit le titre du livre (qu’il sait sans doute par cœur mais cela démontre son désir de lire).

J’avais laissé ses dessins en exposition.  Il  y ajoute du texte. On y voit des bulles où il écrit :

À l’attaque (ALATAK) Ça t’apprendra (SATAPRANDRA)   C’que tu …va voir (SKETU????VA VOUAR)

15 février 2014 : Guillaume joue avec moi au jeu d’observation  puis il va à la table à dessin et apporte une surprise à sa maman.


Il faudrait mentionner par exemple toutes les fois au cours des ans où il a remarqué des ressemblances dans des mots : «ange c’est comme danger»,  «divan c’est comme Divane» (une enfant dans sa classe), «caramel, c'est comme catapulte», etc.

À  la fin de sa maternelle : Guillaume aime lire tout  seul.  Depuis que je lui ai signalé que ce n’est pas parce qu’il sait lire qu’il ne peut pas aussi se faire lire des histoires,  il accepte ou le demande parfois.

Mot de la fin :

Guillaume et Nicolas (de six mois plus jeune) regardent ensemble des livres assis par terre. « Tu veux que je t’apprende à lire» demande Guillaume à son cousin.

Note : Toutes ces activités ont été entreprises spontanément ou volontairement. Ceci a bien sûr été soutenu par des centaines de livres lus, de conversations, de multiples dessins, peintures, jeux de  toutes sortes à l’intérieur et l’extérieur tant  à la maison, chez sa mamie, au CPE et finalement à la maternelle ainsi que les voyages, sorties, bref toutes les expériences qui ont favorisé son développement global dont  l’émergence de l’écrit.



MAIS COMMENT FAIRE EN GROUPE ? 
Voir la Deuxième partie: Comment étayer, avec un groupe, l'émergence de l'écrit: Contextes favorables: https://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/04/les-lettres-parlons-en-deuxieme-partie.html








Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les temps de regroupements au préscolaire

Par Anne Gillain Mauffette On pense souvent, quand on parle de regroupement, à la «causerie». Mais les occasions de regroupements sont b...