dimanche 30 avril 2023

Oui ou Non aux Jeux de Super-Héros?

 Explorer le concept de POUVOIR avec les enfants

par Anne Gillain Mauffette

 

                                   Ninjas            Power Ranger                         Samouraï                 
Photos Anne Mauffette

 

Introduction

On est tous ambivalents par rapport à ces jeux, souvent basés sur des films ou émissions, où la violence est justifiée par le but (sauver quelqu’un ou le monde).

On est mal à l’aise face à l’usage de fusils (même inventés) et les armes. Les enfants font preuve d’imagination pour en fabriquer.

   

       Un fusil en Duplos.         Avec des cylindres de plastique      Capitaine crochet (un cintre)        
Photos Anne Mauffette    

   

La petite fille a fabriqué une arbalette en « Tinkertoys».    Celui-ci a utilisé le bout d’un bâton de golf.

                                    

Cet enfant a reproduit avec précision les armes de son château Playmobil, me dit-il.

 

On essaie de prôner la non-violence mais on voit bien que les enfants sont fascinés par ces personnages et ont tendance à imiter leurs agissements dans leurs jeux.

Qu’en est-il du développement moral des enfants qui jouent à ces jeux?

Nathan me dit candidement: « Tu n’aimes pas la violence toi, moi oui». Il a bien saisi mes valeurs mais ose affirmer ses goûts (et c’est très bien). Je lui dis qu’il n’aimerait pas recevoir de vrais coups ou se faire blesser mais qu’il aime faire semblant de se battre. Ou regarder des émissions. Mais, il a raison, je n’aime pas la violence : même dans les films, cela me dérange.

Mais est-ce si différent de la violence des contes, recommandés par Bruno Bettelheim, où un parent meurt et se fait remplacer par une marâtre qui veut faire tuer l’enfant, un loup qui avale une grand mère puis est éventré, un ogre qui cherche à manger des enfants, etc.?

Nos attitudes par rapport à ces jeux varient de l’interdiction au laisser-faire, en passant par l’accompagnement. Comme  chacun a des degrés de tolérance différents, cela peut causer des tensions dans des couples ou avec des collègues ou entre les parents et le personnel des milieux préscolaires.

 On a beau se dire qu’il ne faut pas projeter nos idées de la violence, sur le faire semblant des enfants qui n’y attachent pas le même sens que nous, on a quand même peur qu’ils ne se fassent mal, qu’ils apprennent que la violence est un moyen efficace pour régler des problèmes ou avoir ce qu’on veut. On craint qu’ils se désensibilisent à la violence et qu’ils l’utilisent non seulement dans leurs jeux mais que cela ne déborde dans le reste de leur vie. Qu’ils développent des comportements agressifs.

Mais les recherches n’ont pas établi de relation de cause à effet entre les émissions de super-héros et la vraie violence. S’il est vrai qu’après avoir visionné un épisode, les enfants sont excités et se mettent à imiter les personnages, ce n’est que de courte durée : ils se sont identifiés à ces personnages et rejouent la scène, mais cela reste du jeu et n’a pas d’effets à long terme sur leurs comportements dans la vie. Plusieurs études se sont avérées fausses et ont pris des corrélations pour des causalités ou ne se sont pas préoccupés des enjeux socio-économiques et d’autres déterminants. La vraie violence est causée par un ensemble de facteurs complexes.

En fait, dans leurs jeux symboliques, les jeunes enfants commencent par imiter les rôles qui leurs sont les plus familiers : les parents qui cuisinent, bercent les bébés, font les courses, tondent le gazon, conduisent l’auto, vont au travail, vont en vacances, etc.

Puis ils ajoutent des personnages de la communauté qu’ils ont eu l’occasion de voir : restaurateurs, médecins, vétérinaire, pompiers, policiers, paramédics...

Influencés par les histoires et les médias, ils endossent ensuite les rôles de Chevaliers de Pirates, de Rois et de Reines, de Sorcières, de Dinosaures et  de Super-héros. Ces derniers, très prisés des garçons présentent plusieurs aspects qui déplaisent en général aux adultes : énergie débordante et déplacements rapides et bruit. Ils impliquent souvent des fusils ou autres armes pour pourfendre les dragons et autres monstres et « tuer les méchants» et amènent aussi parfois des scénarios répétitifs calqués sur certaines scènes vues. Ils peuvent aussi incommoder certains enfants.

Aussi pour des raisons de sécurité ou pacifistes ou pour favoriser d’autres types de jeux, ces jeux sont interdits dans certains milieux préscolaires.

Pourtant nous savons que le jeu symbolique est la forme de jeu par excellence pour développer de nombreux apprentissages et que c’est à travers les Super-Héros que certains garçons s’y adonnent davantage.


Mais pourquoi les enfants et des garçons en particulier sont-ils fascinés par ces personnages hors normes? Que leur apporte cet imaginaire au niveau émotionnel, social, physique, cognitif? Quels concepts abordent-ils? Quels rôles ces thèmes violents jouent-ils dans leur vie?

Quelles vulnérabilités se cachent sous ce besoin? Quelles fonctions, ces fictions de violence exercent-elles dans leur développement? Pourquoi aiment-ils ce qu’ils aiment?

Pour le savoir, il faut d’abord les observer, les écouter sans jugement, en parler avec eux en dehors du jeu, essayer de les comprendre. Comment se sentent-ils quand ils jouent à ces jeux ? Et comment sont-ils après : apaisés, plus calmes ou encore plus inquiets?      

Quels sont les effets, lorsque ces jeux sont interdits, de cette séparation entre la culture de la garderie ou de l’école et la culture des enfants qui devient « underground»? Que l’intérêt demeure mais qu’il n’est pas partagé et est vécu en cachette?

 

Y aurait-il des avantages à  les permettre, à observer les enfants dans ces jeux et à analyser avec eux les notions sous jacentes à ceux-ci? À discuter des émissions et films qu’ils regardent? À utiliser cet intérêt pour varier leurs représentations et connaissances?              

 

Contributions de ces jeux au développement

Quand on interroge des enfants sur pourquoi ils aiment les Super-héros : un qualificatif est souvent employé : ils sont «forts». Ils nomment aussi des caractéristiques et habiletés hors du commun (ils volent dans les airs, des pouvoirs spéciaux sortent de leurs mains…).

Les enfants choisissent les personnages selon certaines préférences personnelles. Un enfant mentionne : « Je cours vite, j'aime Black Panther  parce qu'il court vite comme moi». Un autre, qu'il «aime Ant-Man parce qu'il est nocturne et qu'il aime la nuit». Un autre les aime «parce qu’ils sont forts et peuvent casser des choses.»

Dans les jeux de Super-héros, les enfants incarnent des personnages et s’arrogent l’espace de quelques moments la puissance de ces héros. Ils compensent pour ce pouvoir qu’ils n’ont pas dans leur vie quotidienne. Ils font semblant d’être quelqu’un qu’ils ne seront, en fait, jamais.

C’est aussi une façon pour eux de combattre leurs peurs. Car les enfants sont, même quand les parents évitent, autant que faire se peut, les occasions pour leurs enfants de voir des scènes de violence et bannissent les fusils, exposés par  les médias et annonces à une violence fictive (Super-héros) ou réelle (la guerre, les tueries dans les nouvelles). L’industrie du film et des jouets sont liés. Il suffit d’entrer dans un magasin de type Toys ‘R’ Us pour constater ce qu’on propose aux garçons et aux filles. Le militantisme pour les garçons et la sexualité et la domesticité pour les filles. On retrouve des Super-héros sur les boîtes à goûter, les pyjamas, etc. Même la restauration rapide avec ses surprises est de la partie.

On sait que les enfants utilisent le jeu pour traiter de sujets qui les préoccupent. Il en va  de même pour la violence. Ils ont donc besoin d’explorer ces forces obscures, de les maîtriser, de contrôler les émotions et l’anxiété que cela crée chez eux, de s’en libérer. Cela leur permet de réorganiser le  monde sous des formes qu’ils peuvent manipuler et de mettre de l’ordre dans leurs pensées. De donner du sens à ce qu’ils voient et entendent. Ils prennent ainsi plus confiance en eux.

Cela leur sert d’antidote en quelque sorte et les aide à faire la différence entre l’imaginaire et la réalité.

C’est aussi une façon pour eux de canaliser leur agressivité refoulée face aux contraintes qu’on leur impose. On demande aux enfants d’être gentils et sages, de faire ce que nous, les adultes, voulons. Ces jeux relâchent leurs tensions. Ils  expriment leur énergie en actes et en mots. Ces jeux peuvent leur servir d’outils pour diminuer leurs stress.  Cela peut les aider dans les moments de transitions difficiles pour eux (passer de la garderie à la maternelle par exemple). Et à faire face à la séparation et gagner en autonomie.

Certains enfants vivent à la maison des situations très stressantes. Le processus de s’identifier émotivement avec un personnage qui  est menacé physiquement et qui prend tous les moyens à sa disposition pour y faire face, peut être thérapeutique pour eux. Cela leur donne le sentiment que malgré tout, eux aussi surmonteront les obstacles.

Les Super-héros fournissent des symboles de pouvoir qui alimentent les jeux symboliques. Malgré la violence, ils sont des modèles d’affirmation de soi, de détermination, de courage et d’altruisme.

Quand les enfants jouent à ces jeux, leurs forces semblent décuplées : ils courent, sautent, donnent des coups de pieds en l’air, grimpent dans les structures de jeu (les accaparant parfois), exerçant un haut niveau d’exercice, nécessaire au bon développement moteur.

Les enfants mentionnent aussi que les Super-héros forment des équipes. Les enfants vont donc collaborer en vue d’un but commun (comme les Power Rangers par exemple).

Il y a une affiliation qui se crée entre les enfants qui connaissent les personnages aimés : cela devient une façon de se faire des amis.

Certains deviennent des «leaders» et quand l’un d’eux est absent, un autre va avoir l’occasion de l’être.

Les enfants doivent négocier bien des choses : quels Super-héros on va imiter, qui peut jouer («Juste ceux qui ont des capes»), qui va être qui. Les Super-héros vont varier avec la nouvelle émission ou le nouveau film paru (Avatar, par exemple). Ils vont aussi décider de l’action. Ils vont apprendre à fonctionner ensemble. Ils inventent leurs propres règles et établissent leurs limites : «C’est pas comme ça qu’on joue aux Power Rangers».

Souvent personne ne veut être «les méchants», certains s’y plient y trouvant un certain leadership ou au moins une place dans le jeu convoité, mais les enfants s’en passent souvent, courant après des personnages imaginaires.

Parfois un enfant s’ajoute et ils doivent alors ajuster les rôles et le scénario.

Ils vont inventer le scénario qui comporte souvent un type de danger : un personnage est pris par les méchants et les autres le délivrent. Ou des personnes sont menacées et ils viennent à la rescousse. Ils vont même jusqu’à faire revivre des personnages qui ont été tués. Cela peut être une copie de parties d’émissions ou de films mais cela peut aussi être une réinterprétation de ceux-ci.

Ils jouent avec les concepts de justice et d’injustice, d’amitiés et d’ennemis, de sécurité et de danger, de guerre et de paix, de solidarité et d’entraide, de vie et de mort, de survie de la planète parfois.

Photo Anne Mauffette

Bien sûr il y a des exclusions (des filles, ou de certains  qui ne connaissent pas bien les codes du jeu, etc.). Mais il y en a aussi dans d’autres jeux, même chez les filles. C’est souvent pour préserver le jeu en cours ou les liens dans le groupe qu’ils excluent.

Il y a aussi le fait qu’il y a assez peu de modèles de Super-Héroïnes et celles-ci sont souvent des subalternes. Elles ont souvent, comme la princesse Leia, besoin d’être sauvées plutôt que présentées comme des femmes autonomes.

Les filles sont capables de s’identifier aux héros masculins.

 Mais quand elles endossent des personnages, certaines ont tendance davantage à intégrer des éléments de la vie quotidienne dans leurs jeux.

Ici, une jeune pirate (impressionnée par Rackam le rouge) incorpore dans son jeu, la dînette  avec ses toutous. Puis  ayant dessiné un drapeau pour son bateau, puisque il n’y avait pas de vent, a préparé une fête pour son mari le capitaine et s’est faite belle. Plus tard, elle a dessiné un bateau inspiré de la scène de l’abordage dans Tintin

 

                        Photos Anne Mauffette

De plus ces jeux exacerbent la séparation entre les filles et les garçons.


Mais n’encourageons-nous pas nous-mêmes parfois ce clivage garçon filles?

Une enseignante avait proposé aux enfants de se déguiser le lendemain : les filles en princesses et les garçons en chevaliers.  Cette petite fille avait demandé si elle pourrait être un chevalier. L’enseignante, surprise, a été demander conseil à une collègue et lui a finalement permis.

Les jeunes enfants sont en train de construire leur identité de genre, ils cherchent autour d’eux des indices de ce qu’est un garçon, une fille et intègrent certains stéréotypes (ou pas) de leur genre. Les garçons  trouvent dans les Super-héros des modèles d’hommes invincibles. Et certaines filles aussi.

 

 

 Bien sûr il y a parfois des conflits et des coups « pas faits exprès»; mais les enfants apprennent ainsi à établir des relations entre leurs actions et les conséquences de celles-ci. Ils apprennent à gérer leur impulsivité et gagnent progressivement en autocontrôle. Surtout si on les encourage : « Je vois que vous faites bien attention pour ne pas vous faire mal».

 Ils doivent aussi apprendre la dimension de leurs corps dans l’espace, à contrôler la latitude et la force de leurs gestes  et à anticiper les gestes de l’autre.

Ils doivent s’exercer à la résolution de conflits et apprendre à pardonner le geste malhabile d’un ami. Ils apprennent à considérer la perspective de l’autre et les règles qui gouvernent les interactions sociales.

L’importance que prennent ces jeux fluctue avec les enfants présents. Certains ne sont pas intéressés, d’autres en parlent mais n’y jouent pas,  certains ne feraient que cela dans les jeux libres et d’autres, moins «obsédés», vont varier davantage leurs jeux surtout s’il y a du matériel intéressant à manipuler.

Si on bannit ces jeux, non seulement on prive les enfants d’un exutoire pour leurs angoisses mais on se prive d’informations sur ce qu’ils voient, ce qu’ils pensent et ressentent et surtout d’occasions de pouvoir contribuer à leur réflexion et décider comment on peut les aider.

Alors, que peut-on faire pour que les enfants profitent des avantages développementaux cognitifs, émotionnels, sociaux de ces jeux tout en s’assurant de la de la sécurité psychique et physique de tous (les joueurs et non joueurs), de leur développement moral et sociopolitique (la paix, la diversité, l’égalité, les droits, la responsabilité…).

Nos actions vont dépendre du groupe et des individus. Chaque parent, chaque éducatrice ou enseignante va adapter ses interventions.

Il y a des enfants que cela rend plus agités et qu’on devra surveiller et aider davantage. Quelques-uns font preuve de plus d’agressivité. On devra parfois leur demander de faire une pause, de changer de jeu. Ils pourront y rejouer plus tard à condition de ne faire mal à personne, que cela reste du jeu.

Il y en a d’autres que ces jeux  insécurisent et qu’il faudra protéger et soutenir. En définissant une aire spécifique et un temps pour ces jeux par exemple.

Dans certains cas, malgré les efforts des adultes de tempérer le jeu, le jeu devra être arrêté et des explications du pourquoi et des alternatives données aux enfants : «Malgré nos efforts, il y en a qui se font encore mal ou qui se sentent menacés ; je dois m’assurer de la sécurité de tout le monde, alors ces jeux ne seront plus permis mais vous pouvez toujours en parler, dessiner vos Super-héros, faire semblant autrement.»

Certaines éducatrices ou enseignantes favorisent le jeu en incorporant des costumes de Super-héros dans leurs déguisements ou des objets pouvant être utilisés à cet effet (capes, etc.) et remarquent que s’ils sont très populaires en début d’année, ils sont moins utilisés en fin d’année.

                Photos Young Children, Juillet 2011

D'autres permettent que les enfants viennent à la maternelle déguisés.

Une des clés pour intervenir est l’observation du jeu des enfants. Est-ce qu’ils sont en train de régler des choses et si oui, lesquelles? Leur jeu est-il une pure imitation répétitive d’un scénario conçu par des adultes ou leur appartient-il? Est-ce qu’il évolue? Est-ce qu’ils y exercent leur créativité? La nature et la qualité du jeu des enfants va déterminer si celui-ci répondra, vraiment ou non, à leurs besoins développementaux.

On va aussi examiner la dynamique entre les enfants. Est-ce qu’il y en a que cela indispose, qui ne se sentent pas en sécurité dans le local ou sur la cour.

Qui initie ces jeux, qui mène le jeu, qui suit, qui est exclu ? À quelle fréquence les enfants s’y adonnent-ils?

Si on veut que le jeu remplisse son rôle au niveau du développement, il faut s’assurer que les enfants soient actifs dans le déroulement des scénarios et ne répètent pas inlassablement les mêmes gestes violents et les aider à élaborer des variations : « Qu’est-ce qui arrive après ceci?»


À  la recherche de stratégies : des exemples

-         Un projet autour des super-héros :

Qu’est-ce qui vous rend puissant?

Dans un milieu préscolaire, les éducatrices avaient remarqué que dehors, des enfants se liguaient pour faire semblant de «se battre avec des fusils». Ils savaient bien pourtant que les adultes n’aimaient pas ces jeux. Des filles avaient fait une alliance contre les garçons. Les deux groupes argumentaient combien ils seraient les plus forts dans une bataille l’un contre l’autre. 

Photo Teacher Tom’s blog

Plusieurs garçons jouaient des scénarios autour de l’émission des Power Rangers. Certaines filles faisaient références à Wonder Woman qui les inspirait dans leurs inventions de  super pouvoirs. L’une d’elle  se battait contre un Power Rangers en tournoyant et disant : « J’ai des pouvoirs de dragons, je peux les battre avec mes pouvoirs de dragon!»

Même si les enseignantes demandaient aux enfants d’inclure d’autres enfants dans leurs jeux, ils continuaient à exclure les autres.

Au lieu d’arrêter le jeu, les enseignantes ont décidé d’explorer avec les enfants leurs perceptions et sentiments autour du pouvoir qu’ils représentaient dans leurs jeux.

Un groupe en particulier était très intéressé par ce jeu qui se résumait à courir partout et s’entraîner et à sauver des gens. Ils disaient souvent : « On est une équipe!».

Les enseignantes se sont mises à les observer, les écouter, à documenter leurs jeux et à les questionner afin de comprendre le sens et les objectifs de leurs jeux.

-          «À quoi jouez-vous les garçons?» « À Power Rangers : moi je suis le bleu et eux ils sont le rouge, le doré et le vert».

-          «Quels genres d’armes utilisent-ils? » « Des fusils, des épées et leurs pouvoirs».

-          «Hey les gars, il faut s’entraîner!»: Il tourne sur lui-même et donne des coups de pieds dans un arbre en faisant des sons.

-          Un autre dit : «Mettons nos pierres d’énergie ici pendant qu’on s’entraîne»

-          Le troisième dépose celles-ci (des morceaux de branches et des fèves vertes du jardin) sur le banc.

-          «Qu’est-ce que c’est que des «pierres d’énergie?» «On les utilise pour se recharger.»

Elles ont questionné les enfants;

-          Qu’est- ce qui rend les Power Ranges puissants?

-          Qu’est-ce qu’il y a d’autre qui est fort et puissant? Les enfants ont identifié le vent, les volcans, le froid, par exemple).    
Une tornade (mai 2019) Photo Anne Mauffette

-          Comment est-ce qu’on utilise le pouvoir et pourquoi?

Elles se sont posées toutes sortes de questions : comment aider les enfants à sortir des scénarios stéréotypés? Comment faire évoluer leurs jeux et les diversifier?

Elles en sont venues à identifier certaines caractéristiques de la pensée des enfants par rapport au pouvoir physique (actions et entraînement).

Elles ont tenté d’enrichir le curriculum en tenant compte de cet intérêt. Elles ont :

-          Multiplié les occasions de jeux physiques avec l’ensemble du groupe, leur proposant de «s’entrainer» en faisant des parcours par exemple;

-          Proposé des personnages articulés, neutres, pour représenter des mouvements qui ont permis de jouer autrement:


-          Apporté des livres sur les pierres précieuses qui ont émerveillés les enfants.

-           Les enfants ont pu examiner de vraies pierres semi-précieuses et précieuses avec des loupes et sur la table lumineuse.

Photos Innovations 2022
       

-          Regardé des cristaux et des roches sous un microscope

Cela a amené un nouveau vocabulaire et un accent plus scientifique à leurs explorations.

L’atmosphère a changé, les enfants étaient toujours intéressés par les jeux de pouvoir mais s’exprimaient moins agressivement.

Ils ont parlé des pouvoirs de la nature (le feu). Les filles ont trouvé leur place. Une enfant dit : « Je suis la fille tornade, toi tu peux être le garçon tornade»

Les enseignantes en sont arrivées à leur proposer différentes façons de représenter le pouvoir. Les enfants ont imaginé et dessiné ou fabriqué :

-          D’où vient et où va le pouvoir («dans mes jambes», «dans mon cœur», «dans mes mains»), est-ce qu’on peut le transmettre et comment?

-          Des cartes pour trouver des pierres précieuses;

-          Des contenants pour garder leurs pierres précieuses.

Ils donné des pouvoirs précis à certains objets: cette roche me fait danser, celle-ci me fait sauter et celle-ci tourner…

Ils se sont inventé des pouvoirs : produire des arcs en ciel avec ses mains par exemple.

Des livres sur des couronnes et autres bijoux sur d’élégants costumes ont donné lieu à la création de bijoux et de costumes. Ils ont inventé de nouveaux personnages puissants et sont devenus des créateurs de Super-Héros, comme un Cheetah par exemple, un personnage de l’espace.

            Exposition des travaux, documentation. Photo : Innovations, Été 2022 (avec la permission des auteures).


-         Deux autres projets dans deux maternelles

Dans deux autres milieux les Super-héros ont aussi fait l’objet d’un projet.

 

Dans la première les enfants ont construit avec l’enseignante un tableau  de ce que chaque Super-héros pouvait faire, des pouvoirs spéciaux et ressources qu’il avait et ont établi les similitudes et différences entre les uns et les autres.

Ils ont identifié comme caractéristiques communes entre autres:  la puissance, l’esprit d’équipe, la persévérance, l’esprit sacrificiel, la résolution de problèmes; ils aident, sauvent le monde, combattent le crime, gagnent , sont bons et sont des bons amis.


                            Photo : Mrs. Myers Kindergarten

 

Dans la deuxième, l’enseignante inspirée par la précédente a fait avec les enfants un tableau synthèse de ce que leurs héros pouvaient faire, comment et de leurs qualités.


                                    The Curious Kindergarten

 

Dans les deux, les enseignantes ont proposé toutes sortes d’activités touchant à tous les domaines de développement et utilisé plusieurs modes d’expression.

 

Une des enseignante a proposé : Batman a une Batmobile : Pourriez vous inventer un véhicule pour un Super-héros en Légos? Puis le dessiner?

                                     (Photos The Curious Kindergarten)

Pourriez-vous représenter un Super-héros avec de la pâte à modeler?

                         Des personnages en aplat par des filles 

                            Deux photos : The Curious Kindergarten                                                     Mrs. Myers Kindergarten

D’autres expériences faites dans ces classes sont explicitées plus bas.

 

-         Jouer à certaines conditions

Dans un autre milieu, voyant l’intérêt des enfants mais voulant qu’ils profitent aussi des autres possibilités dans l’environnement, des règles ont été établies en collaboration avec les enfants.

Les enseignantes  sont revenues sur certains aspects problématiques : l’espace, bousculer les autres. Ne pas faire peur aux camarades plus réservés…

Les enfants avaient le droit de jouer à ces jeux dehors. Mais à certaines conditions :

-          Les enfants pouvaient jouer à certains moments de la journée

-          Ils devaient épargner ceux qui ne voulaient pas jouer à ces jeux et donc ne pas les viser.

-          Ils pouvaient aussi amener des figurines de la maison (ce qui en général est rare à cause des chicanes, des exclusions et des drames autour des pertes): les montrer à la causerie par exemple, les prendre à l’heure de la sieste ou pendant la période autorisée à ces jeux. Le reste du temps, ils restaient dans leur petit bac personnel.

 

Les enseignantes se sont mises à visionner les émissions suivies par les enfants pour mieux comprendre leurs jeux.

Cela leur a permis de parler en toute connaissance de cause avec les enfants. De commenter certaines scènes. «Qu’est-ce que le personnage aurait pu faire d’autre»?

 

 

À vous de voir si l’intérêt y est et à évaluer les conditions qui pourraient fonctionner pour vous et votre groupe afin d’adopter les stratégies qui conviennent pour étayer le jeu des enfants au besoin.

 

 

Comment utiliser cet intérêt pour amener les enfants plus loin?-

 

-          Proposer aux enfants du matériel intéressant, ouvert, peut diminuer le temps passé à ces jeux.

 

                                                        Photo Peachtree Preschool

-          On pourrait profiter de cet intérêt pour amener des enfants, pas trop portés sur l’expression artistique, par exemple, à dépeindre leurs personnages préférés et à élaborer un scénario,  en dessin en peinture. Ou représenter des personnages en pâte à modeler ou terre glaise. À prendre des photos de leurs réalisations et en faire une histoire, etc.

 Premiers essais avec la pâte à modeler par un petit garçon. Il a représenté Jabba the Hutt et, avec de l’aide, Hans Solo de Star Wars. Je lui ai proposé de fabriquer la maison de Jabba et il s’y est mis avec les Kaplas.

 

Une enseignante a proposé aux enfants : Pourriez-vous représenter des Super-héros. Les enfants avaient des images et des livres qu’ils pouvaient consulter.

                                                    Photos : Mrs. Myers Kindergarten

Superman en peinture.

  Un garçon a  dessiné Hans Solo et la princesse Leia

On peut voir les macarons de chaque côté de la tête de la princesse et la ceinture spéciale de Hans Solo qu’il m’a désignée. (Photo Anne Mauffette)

 

Le fait de représenter les personnages et des bagarres en dessin ou par d’autres médiums  que leurs corps fait en sorte que les enfants se distancient de l’action.

Les petits personnages jouent la même fonction.

G. a choisi entre les blocs Kaplas et les blocs Duplos pour construire le château qui va se faire attaquer. Plus tard, il va y ajouter des meurtrières pour que la contre attaque soit possible. Il connait les noms des différentes armes : la catapulte, la baliste, etc.

Ci-dessous des extraits d’un grand dessin fait par un enfant de 5 ans qui ne dessinait presque jamais. On constate des essais d’orthographe inventé.

 


Une bataille au Laser

 

Influencé par un film, un enfant a inventé, sur le rétroprojecteur, un dragon qui  glace les gens au lieu de cracher du  feu.

 Certains impressionnés par Star Wars ont représenté des vaisseaux en vol : «ils font la course».

Certains ont créé une flotte de vaisseaux en Légo

Photos Anne Mauffette


Et un garage pour abriter les vaisseaux

                                             Photos Anne Mauffette                                     Un vaisseau fait à l’établi.
                              

-          On pourra aussi parler de ceux qui créent les émissions, les auteurs et les dessinateurs qui décident des personnages et actions.

 

Les enfants pourraient ensuite inventer des histoires comme à la télévision et devenir des créateurs : ici un garçon a fait plusieurs dessins et les a attachés ensemble pour les faire défiler et raconter ses aventures.

Photos Anne Mauffette   

 

Comme nous l’avons vu, les dessins peuvent aussi être l’occasion de l’émergence de l’écriture.

Un enfant de 4 ans a représenté un personnage de Star Wars. Je lui demande quel est le nom de celui-ci et il me dit Géonosian. Il n’aime pas le personnage me dit-il, mais aime son nom. Il décide de l’écrire. On voit les premières lettres qui apparaissent dans ses dessins  le G de son nom, le O de son chine Togo, le A de mon nom et le i de son nom.

 

Épée Ninja 
(J à l’envers, puis à l’endroit, le D d’abord à l’endroit puis à l’envers) (Photo Anne Mauffette)

 

-          L’ajout de livres sur les Super-héros appropriés à leur âge dans le coin lecture pourrait peut-être motiver certains dans l’émergence de la lecture. L’ajout de casse-têtes peut inciter peut-être certains qui n’y sont habituellement pas attirés.

On pourra proposer la réalisation de leurs propres bandes dessinées ou livres:

-          Comme dans Astérix et Obélix, mes petits-enfants ont fabriqué beaucoup de potions magiques qui donnaient toutes sortes de pouvoirs : celui de disparaître ou faire disparaître, de guérir, de courir plus vite… Tout en faisant des mélanges, ils évaluaient les quantités, les proportions (mathématiques) et s’exerçaient au transvasage (motricité fine), etc.

Photo Anne Mauffette

-          Les enfants pourraient aussi se choisir un pouvoir qu’ils aimeraient posséder et inventer un nom pour leur personnage.

-          Créer des costumes :

Ici, les enfants qui avaient fabriqué leurs costumes sont allés ensuite jouer dehors avec ceux-ci. 

-          Ils pourraient créer une ville à défendre : soit en dessin ou avec des boites de carton.

 

-          On pourrait proposer aux enfants de créer un hôpital où recevoir les «blessés» ce qui aurait l’avantage d’inclure d’autres enfants ou un restaurant où les Super-héros viendraient se sustenter.

 

-          Ou encore, ajouter des hélicoptères et autres véhicules de sauvetages dans le coin blocs.

 

-          On pourrait introduire des connaissances scientifiques en étudiant certains animaux auxquels certains Super-héros ont emprunté leurs noms et habiletés : Spiderman  (l’Homme araignée) et Bat Man (l’Homme chauve-souris). On pourrait en profiter pour lire sur les chauves-souris (voir le livre d’Élise Gravel), construire et installer une cabane à chauve-souris.

 

On pourrait chercher des toiles d’araignées dans la nature, en regarder dans des livres et en inventer avec toutes sortes de matériaux.

 

Toile d’araignée et parcours

Pour d’autres exemples de toiles d’araignées, voir : https://jeulibrequebec.blogspot.com/search?q=Un+curriculum+%C3%A9mergent+%C3%A7a+a+l%27air+de+quoi

Explorer quels animaux ou insectes grimpent sur les murs : les fourmis, les geckos, certaines grenouilles, les araignées. Comment font-elles? Ceci peut donner lieu à un projet où de petits groupes explorent les propriétés d’un animal ou insecte.

Explorer les notions :

- d’invisibilité (étudier les techniques de camouflage de certains animaux ou insectes)

-de vol (observation d’oiseaux, faire voler des choses : objets, cerfs-volants avions en papier, jouer avec un parachute et faire des parachutes).

Une enseignante a fait une invitation aux enfants: Plusieurs Super-héros volent. Pourriez-vous faire voler des choses sans les lancer avec vos mains?

Photos The curious kindergarten

 

Suspendu par un fil comme une araignée.   Deux garçons ont inventé une catapulte

Qui va aller plus haut ou le plus loin? Pourquoi?           Photos : Mrs. Myers Kindergarten

-de vitesse. Exemple : dans son groupe une enseignante a mis une corde de 90 pieds au sol. Elle a ensuite invités les enfants à courir le plus vite possible en les chronométrant toute en disant les secondes tout haut. Puis elle a montré une photo d’un Cheeta qui le fait en une seconde. Les enfants ont refait plusieurs fois spontanément le parcours sur la cour.

 

Certains animaux qui ont aussi les attributs recherchés comme la force peuvent être exploités comme certains dinosaures mais aussi les éléphants…ou les requins (qui ne sont pas tous «méchants»).

-          Ou encore inventer des personnages de l’espace imaginaires par exemple.

Photo Anne Mauffette

 

-          On pourra aussi discuter avec les enfants de qui a du pouvoir dans la vraie vie ? Les policiers et les militaires (qui ont des armes)  et tous ceux qui décident bien sûr: les adultes (parents, enseignants, éducatrices, entraineurs…), les politiciens, les administrateurs, les patrons, etc.

-          On pourrait discuter avec eux de comment ils pourraient avoir plus de pouvoir : bien manger, faire de l’exercice…

-          Des qualités des Super-héros et comment on pourrait les acquérir.

-          Comment ils pourraient eux-mêmes aider les autres et leur environnement. Un groupe dans un milieu préscolaire a fait une levée de denrées alimentaires. Puis ils ont écrits des mots à des Super-héros du quotidien : « Merci de nous garder en sécurité». Mais cela pourrait être de composter, de ne pas jeter des choses par terre, de faire des affiches pour inciter les gens à garder le terrain de jeu ou la plage propre, d’établir une correspondance avec des personnes âgées, etc.


Ici, les enfants ont apporté des denrées à un centre et aidé la bénévole à mettre les items sur les rayons. Photos Boulder Journey School

-          Pour ceux qui s’intéressent aux vaisseaux spatiaux, leur demander qui, pour vrai, explore l’espace?  Les astronautes et astrophysiciens. Parler des femmes astronautes pour contrer le sexisme.

-          Certains vont peut-être s’intéresser aux avions Supersoniques. Ils pourraient en fabriquer en papier.

-          On peut aborder avec eux le sujet suivant: Qui sauve des vies pour vrai? Les médecins, paramédics, pompiers, policiers, des sauveteurs à la piscine et sur les plages, les pilotes qui luttent contre le feu, de braves gens qui viennent en aide à des personnes en danger et même des chiens (voir des Terre-Neuve sautant à l’eau d’un hélicoptère pour sauver une personne). Qui risque sa vie pour les autres? Les pompiers, policiers ou pour la science : les astronautes, par exemple.


-          On pourrait regarder les émissions que les enfants mentionnent et échanger à propos de celles-ci : « Est-ce que tu as aimé quand…?» «Pourquoi penses-tu que c’est arrivé? » «Moi je n’ai pas aimé quand….».

«Dans la vie, cela ne se passe pas comme ça». « Comment penses-tu qu’ils ont fait cette cascade?» « Est-ce cela pourrait- t’arriver? Qu’est-ce que tu ferais dans cette situation?» « Si tu avais le même problème qu’est-ce que tu ferais?» «Pourrais-tu trouver une solution où personne ne se fait mal?»

 Photo : Mrs. Myers Kindergarten

 

-          Échanger, en dehors du jeu, sur la différence entre la réalité et l’imaginaire. «Penses-tu que cela est possible dans la vraie vie?» « Qu’est-ce que tu as pensé de ceci ou cela?» «On dirait dans l’émission que la violence est un bon moyen de régler des problèmes, qu’est-ce que tu en penses?» « Qu’est-ce qui arriverait si tu sautais de si haut?» « Dans l’émission ils montrent quelqu’un qui saute à travers une fenêtre pour attraper quelqu’un mais dans la vraie vie, on ne peut pas faire cela, on serait vraiment gravement blessé.»

-          Discuter des problèmes rencontrés lors de ces jeux : Il semble que certains veulent jouer aux Power Rangers mais que d’autres n’aiment pas cela quand les Power Rangers les approchent : «Qu’est-ce qu’on pourrait faire?»

 Les enfants sont souvent surpris de la réaction d’autres enfants; « Mais on des bons!»

Utiliser un incident pour discuter en groupe, des façons de prévenir ceux-ci et comment résoudre un conflit. Insister sur la sécurité de tous.

-          On pourrait aussi parler avec les enfants de la publicité : Est-ce que le jouet qu’on leur montre est aussi excitant que dans l’annonce? Aussi solide? Les sensibiliser au fait que des personnes font de l’argent en leur vendant ces produits.

-          On pourrait aussi à travers des histoires contrer les stéréotypes liés au genre : Le monstre poilu de Pef met en vedette une petite fille courageuse qui brave le monstre. 

Lire des histoires d’enfants qui règlent des problèmes sans armes : Le garçon Tam Tam qui met en déroute des ennemis avec son instrument ou Kirikou de Michel Ocelot qui démontre que la valeur n’attend pas le nombre des années.

-          On pourra aussi ouvrir la discussion entre parents et éducatrices ou enseignantes pour qu’ils soient au fait de ce qui se passe en classe et pourquoi.

Ici nous voyons la documentation qu’a préparée l’enseignante pour montrer aux parents lors de leur rencontre ce que les enfants ont fait et appris pendant le projet. (Mrs. Myers Kindergarten)

-          On pourrait proposer des jeux de bagarres supervisés : Voir les articles : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2023/03/faut-il-interdire-les-jeux-de_25.html Et : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2023/03/faut-il-interdire-les-jeux-de.html


-          On pourrait s’interroger sur pourquoi nos enfants se sentent si vulnérables. Quel pouvoir ont-ils dans leur vie? Ont-ils du pouvoir dans le choix de leurs activités par exemple. Un enfant qui a des choix se sent plus en contrôle de sa vie. Sont-ils écoutés, entendus? Pourrait-on encourager les activités qui leur montrent leurs forces, leur résilience  et leur courage (grimper dans un arbre, sauter de plus en plus haut, transporter des choses lourdes, jouer à des jeux risqués,  etc.).

 

Conclusion

Photo The curious Kindergarten
Pouvez-vous deviner de quels personnages il s’agit?

 

L’environnement immédiat des enfants joue un rôle crucial dans l’apprentissage moral et politique des enfants. Les parents jouent un rôle essentiel dans ce processus et les autres adultes, autour d’eux, aussi.

Les enfants construisent graduellement leurs idées sur ce qu’est un pays, un gouvernement, pourquoi des gens ou des pays se battent, pourquoi il y a des riches et des pauvres. Ils vont forger leurs attitudes à travers leurs expériences sociales positives ou négatives et leur exposition aux similitudes et aux différences.

Il y a plusieurs sources de violence dans le monde qu’elles soient d’ordre religieux, patriotique, de territorialité, dans le sport ainsi que dans les émissions, films et jeux vidéo. Certaines sont très réelles et d’autres imaginaires.

Idéalement, on voudrait que les enfants soient le moins possible exposés à la violence des médias.

 Les enfants prennent l’information qu’ils ont et jouent avec, construisent des significations qu’ils utilisent pour interpréter leurs prochaines expériences.

Les jeux de guerre ou de Super-Héros ne sont pas nouveaux, des générations ont joué aux soldats, puis avec la multiplication des médias ont suivi les G.I. Joe, Karate Kid et une multitude de personnages. Des enfants de maternelle nous ont mentionné aimer les aventures de Hulk, Superman, Batman, Batwoman, Spiderman, Capitaine America, Ant-Man, Ironman, les Transformers, les Pokémon (Pikachu), Wonder Woman, Super Hero Girls, Catwoman, les Tortues Ninja, Thor, Miraculous, Shazam.

Il semble cependant que dans les versions récentes, la violence est de plus en plus explicite.

Deux théories s’affrontent face à ceux-ci: la vision développementale qui croit dans la puissance positive du jeu et la vision sociopolitique qui suppose que les enfants apprennent des leçons négatives en jouant à ces jeux. Les deux camps ont des arguments valables et il n’y a pas de solution parfaite ni unique à ce dilemme.

Bannir totalement les jeux est une solution qui parait plus facile car cela règle en apparence la question. Pas de discipline à faire, à part faire respecter l’interdit.

Sauf que les enfants trouveront des moyens détournés de le faire, mais ne pourront pas  parler de ce qui les inquiète: la communication est rompue. Et laissés à eux-mêmes ils deviennent encore plus perméables aux influences extérieures.

La tolérance zéro pour la violence est louable en soi, mais encore faut-il faire la différence entre le jeu, donc la violence imaginaire et la vraie violence.

On ne s’objecte pas, au primaire, au ballon chasseur dont le but est de «tuer» l’adversaire en lançant le ballon le plus fort possible sur lui et de façon précise.

On exploite parfois au préscolaire  les thèmes des Chevaliers et des Pirates qui sont pourtant, eux aussi violents, ou les Monstres. On préfère aussi les baguettes magiques  qui en fait remplissent les mêmes fonctions que les armes comme dans Harry Potter ou les personnages les utilisent pour se défendre contre des vilains.

Quand on dit à un enfant « c’est mal de faire semblant de tirer sur un autre» (même si l’autre est d’accord), on lui met sur les épaules nos propres inquiétudes. En le blâmant pour quelque chose qu’il aime, qui lui fait du bien, il se sent à la fois coupable et incompris. Il se referme.

Les jeux basés sur des émissions de Super-Héros peuvent être bénéfiques aux enfants à condition qu’il y ait la présence constructive d’un adulte lors des visionnements et pendant et après leurs jeux.

Photo Anne Mauffette

Le enfants ne comprennent pas nos réticences face aux jeux de Super-Héros : «mais on fait semblant», «c’est pas pour de vrai». Les désirs des enfants reflètent leurs besoins. Et ils veulent se sentir acceptés et compris.

Et si on essayait de voir leurs jeux avec leurs yeux d’enfants au lieu d’y coller nos préconceptions, nos hantises?  Car certains enfants en ont besoin. Ils y trouvent un moyen de s’enhardir, de devenir plus braves.

Au bout du compte, pour eux, c’est la joie de se sentir grand et fort, d’être capable de survivre à n’importe quoi, de surmonter tous les embûches. De maîtriser sa vie. Leurs héros leur parlent de résilience. Nous pouvons reconnaître la valeur de cela.

Nous voulons tous un monde sans violence. Permettre aux enfants de s’exprimer à travers le jeu est une façon d’y contribuer. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas leur dire  ce que l’on n’aime pas. L’adulte a un rôle de médiateur à jouer dans cette arène.

Il ne s’agit pas bien sûr de faire la promotion des Super-héros. Mais simplement de rester ouverts aux intérêts des enfants quels qu’ils soient.

Nous somme des modèles pour les enfants.  Ce que nous leurs disons compte, les limites et conséquences qu’on leur impose comptent ainsi que les expériences qu’on leur propose.  Mais surtout ils nous regardent. Nous sommes leurs points de référence tous les jours. Quand nous traitons les autres avec bienveillance, faisons preuve d’empathie, de générosité, de tolérance, d’accueil, nous témoignons de nos valeurs et ils auront tendance à nous imiter, nous aussi.

 

Références :

Desalyn De-Souza and Jacqueline Radell  (2011) Superheroes. An Opportunity for Prosocial Play, Young Children, July.

Edman S.; Downing M. (2015) The science of superheroes, Teaching Young Children February Marc. Vol.8 No.3: https://www.naeyc.org/resources/pubs/tyc/feb2015/science-superheroes

Jones, G. (2002) Killing Monsters: Why children need fantasy, heroism and make believe violence, Basic Books

Levin D.; Carlsson- Paige N. (2006) The War Play Dilemma: What Parents and Teachers need to know, second edition Teachers College Press

Levin D. (1998) Remote Control Childhood: Combating the Hazards of Media Culture. National Association for the Education of Young Children, Washington, D.C.

 Paley V. (2014) Boys and Girls: Superheroes in the Doll Corner new edition, University of Chicago Press

Penny Holland: War Play in the Nursery: Zero tolerance May harm Both Boys and Girls

New Therapist (Winter 2000) London; European Therapy Studies Institute.

Venier, A.; Tingle Broderick, J.; Bock Hong, S. (2022) What makes you powerful? Innovations in Early Education: The International Reggio Emilia Exchange.

Les trois blogs:

What we learned by Investigating Superheroes: Inquiring minds, Mrs. Myers Kindergartwn Blog: http://mrsmyerskindergarten.blogspot.com/2017/03/what-we-learned-by-investigating.html

The Superhero Inquiry Project : The Curious Kindertgarten Blog : https://thecuriouskindergarten.blog/2018/02/06/the-super-hero-inquiry-project/

Teacher Tom's blog. 'No Super Hero play here' february 2017: http://teachertomsblog.blogspot.com/2017/02/no-super-hero-play.html


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Par Anne Gillain Mauffette On pense souvent, quand on parle de regroupement, à la «causerie». Mais les occasions de regroupements sont b...