Par Anne Gillain Mauffette
On pense souvent, quand on parle de regroupement, à la «causerie». Mais les occasions de regroupements sont beaucoup plus nombreuses que cela.
Les moments de regroupements peuvent jouer plusieurs rôles et prendre
plusieurs formes.
On se regroupe pourquoi?
On se regroupe pour :
· se «reconnecter» après une absence,
· se connaître
Les enfants sont tous deux par deux. Ici, un enfant commente une photo.
· établir les règles de vie du groupe
ou de la classe
· planifier la journée,
· prendre connaissance d'un nouveau matériel,
· montrer et commenter ce qu'on a fait,
· questionner les enfants sur ce
qu’ils savent d’un sujet
· discuter d'un point philosophique (c'est quoi un ami?)
· introduire de nouveaux concepts
· dire comment on se sent (éducatrice/enseignante inclue)
· faire le point sur une
situation,
· parler de ce qu’on aime au CPE ou à l’école et ce qu’on aime moins et
pourquoi, ce qu’on aimerait améliorer et comment (exemple : il n’y a rien à
faire dehors).
· regarder un bout d’une vidéo prise en classe et en discuter
· regarder un documentaire sur un sujet d’intérêt du moment
· regarder et commenter des images (des œuvres de peintres, de
sculpteurs, de différentes sortes de maisons et édifices qu’on accrochera dans
le coin des blocs, etc.).
· écouter et commenter une histoire,
· inventer des histoires collectives
· apprendre des comptines, jouer aux devinettes
· chanter,
· écouter ou faire de la musique
· danser
· assister à la
présentation d’une scénette de marionnettes par les camarades ou l’enseignante
· faire des jeux collectifs (le mouchoir, la chaise musicale, de
motricité : préparer un parcours dans la classe, etc.). À l’intérieur et
l’extérieur.
· examiner nos trouvailles (récoltées sur la cour, en promenade -cailloux,
feuilles, insectes-)
· revenir sur une sortie (ce qu’on a appris, aimé, comment cela s’est
passé).
· relever des intérêts observés dans le jeu et
discuter avec les enfants de possibilités d’activités autour de ces thèmes.
·
leur demander ce qu’ils aimeraient faire
· classer les matériaux polyvalents ( loose parts) apportés de la maison
· interpréter un texte dicté à l’adulte (théâtre à la Vivian Paley)
· interpréter un conte, une histoire
· interroger et écouter un invité, un expert
· manger ou collationner ensemble
· préparer une fête ou une sortie, etc.
· fêter quelqu’un
· faire une détente, du yoga, des massages, une pause, la sieste
· s’apprêter à aller dehors ou à faire une visite ou à aller au gymnase, au service de garde, aller dîner, aux toilettes, à l’autobus
· écouter les consignes avant ou pendant une sortie (comment cela se
passe au théâtre, consignes de sécurité, politesse, etc).
· ranger ou déplacer les tables en vue d’une activité
· revenir sur les temps forts de la journée avant de partir ou leur
rappeler l’évènement spécial de demain, rappeler les messages à transmettre aux
parents (apporter des bottes demain pour aller en forêt).
· se déplacer d’un point à l’autre
· lire
· Faire des activités avec les parents et les familles
· etc.
On se regroupe quand?
Certaines commencent la journée par les présences, le calendrier, la
météo, le menu du jour (attention, ça peut devenir vite trop long pour certains
enfants - voir note***).
D’autres, vont permettre une période de jeu dehors ou dedans, avant le
regroupement. D’autres encore, vont commencer la journée par une histoire pour
provoquer une conversation ou en chansons pour se sentir bien, ensemble.
Ce n'est pas obligatoirement le matin en arrivant (mais ça peut l'être).
Ou juste avant de partir (mais ça peut l’être). Il va y en avoir des moments de
regroupement plusieurs fois par jour, en alternance d’actions spontanées et des jeux et activités individuels ou à
plusieurs. Cela dépend de la fonction et du besoin.
On se regroupe comment? Où?
Ce n'est pas non plus obligatoirement en grand groupe; cela peut être aussi en deux groupes (Si on a une stagiaire par exemple), ou en petits groupes (pour travailler à une partie d’un projet ou pour échanger sur un sujet). On peut aussi tous se regrouper par deux. Les petits groupes donnent l’occasion à des enfants qui ne s’exprimeraient pas en grand groupe, d’avoir plus facilement une voix.
Cela peut être à l’intérieur mais aussi dehors.
La durée du regroupement devrait être variable selon l’objectif et l’intérêt des enfants. Si les enfants ne sont plus disponibles, on peut se poser des questions sur la pertinence du regroupement à ce moment là ou du contenu de celui-ci.
Les positions des enfants peuvent aussi être variées et changeantes: assis en tailleur, assis sur les genoux, allongés, certains ou tous debout, ou sur des chaises, des coussins, des ballons, autour de tables, etc.
Certains enfants ont besoin de bouger pour se concentrer et de changer de position pour écouter une histoire ou suivre une conversation.
Dans
les écoles inspirées de Waldorf, pour faciliter l’attention des enfants, on
leur distribue un morceau de cire d’abeille (une sorte de pâte à modeler à base
de cire) pour qu’ils puissent la tripoter pendant qu’ils écoutent. Chez
Montessori aussi.
D’autres proposent que les enfants puissent avoir un toutou dans leurs mains en début d’année (Voir note**).
L’adulte pourrait aussi à l’occasion utiliser une marionnette pour
captiver l’attention des enfants et leur poser des questions.
Les configurations du groupe vont aussi être différentes; souvent en cercles ou en carrés,
mais parfois, comme au cinéma (des
rangées de chaises) ou en file ou sur des bancs, des gradins. À l’intérieur et
à l’extérieur.
Dehors, comme dans ces écoles en Angleterre.
Choisir sa place
On peut laisser les enfants choisir où ils s’assoient plutôt que d’avoir des places désignées (exception faite d’un enfant qui a besoin d’être plus proche de vous par exemple).
Mais on peut, à
l’intérieur, placer des marques au sol (pastilles) pour aider les enfants,
surtout en début d’année, à se placer en cercle.
Moments privilégiés de d’affinement du langage
Dans la plupart de ces moments, on essaie d’encourager les enfants à l’écoute des autres (dont l’éducatrice /enseignante ou un invité) mais aussi de provoquer la parole des enfants.
Mais on ne force personne à parler, évidemment.
C’est «la multiplicité et la diversité des échanges»4 dans différents contextes qui vont consolider le bagage langagier des enfants et leur compréhension du monde.
On a parfois
tendance au préscolaire, à prioriser le langage écrit, alors que l’oral est le
fondement de l’apprentissage et de la compréhension en lecture et de tous les
autres apprentissages présents et futurs.
De plus, «certains moments d’échanges
collectifs sont structurés
autour d’activités d’éveil concernant la prononciation et la sonorité
des mots. Alors, l’enseignante
questionne les élèves
et attend des
réponses précises concernant la phonologie des mots. Or, ce travail sur
les sons, les syllabes et les phonèmes…ne
favoriserait pas la
communication» dans 4.
Bien sûr les enfants parlent à
d’autres moments de la journée, dans les jeux libres, dans le jeu symbolique
particulièrement. Les échanges, pendant toute la journée, entre les pairs de
différents milieux, contribuent à la co-construction du langage de tous4.
Mais les
temps de regroupement permettent à l’adulte d’étayer le langage et l’expression
des enfants.
Les
répercussions de ces temps de groupe
Elles sont
nombreuses, en plus de celles liées à l’activité proposée (travail de la voix
dans les chansons, notion de rythme, hauteur et intensité du son etc., par
exemple) :
· Stimuler le
vocabulaire, le langage, les capacités d’expression, les habiletés de
communication
· Stimuler le développement cognitif, la pensée
· Augmenter le bien-être émotionnel.
· Élargir les connaissances générales des enfants, les
enfants apprenant les uns des autres et ensemble (un enfant est allé en voyage,
on regarde sur la carte, etc.) et abordant des sujets nouveaux pour certains ou
tous.
· Développer la confiance en soi.
· Respecter et apprécier
les idées des uns et des autres
· Apprendre à s’autoréguler
· Etc.
Toutes ces
composantes qu’on retrouve dans les programmes du préscolaire.
Ces temps partagés vont aussi cultiver l’appartenance au groupe, si importante pour le bien-être et la réussite éducative des enfants.
Comme on peut le constater, les temps de regroupement sont plus que la «
la causerie» à laquelle on est habituées où on raconte ce qu’on a fait en fin
de semaine ou autre chose.
Mais revenons à la fameuse « causerie»
Voici les résultats de différentes études :
Dans l’étude de Fisher et Doyon en 20102
Dans
des vidéos d’enseignantes de maternelles 5 ans, on remarquait à l’époque
que :
-
Le
contenu était souvent orienté vers de l’information donnée par l’enseignante
-
Les
enseignantes insistaient pour qu’on reste «sur le sujet»
-
Les
enseignantes posaient des questions dont la réponse était courte
-
La
participation des enfants était inégale
On y définit le
rôle de l’enseignante comme devant:
·
Trouver des «enjeux communicatifs réel», des «défis pour susciter la parole des
enfants»
·
Écouter davantage, suivre la pensée des enfants
· Faciliter les
interventions
·
Étayer les enfants au niveau du langage et de la pensée
· Relancer la
conversation
·
Rétroagir au niveau du langage ou du contenu
· Sentir quand « il se passe quelque chose»
Les
auteures concluaient que «Quand un groupe
est captivé par un sujet, la discipline ne se pose pas».
Un article de 2023, dans la Revue Préscolaire3, inspiré du premier, nous offre lui aussi une série de conseils pour optimiser nos pratiques au niveau de la gestion et du contenu de celles-ci et des interventions à privilégier.
Après avoir visionné 30 causeries avec 11 enseignantes et des enfants de 4 ans, elles ont constaté, entre autres :
- Que les pratiques par rapport à la causerie étaient restées les mêmes depuis l’étude d’il y a dix ans.
- Que le droit de parole était presque toujours donné par l’enseignante ou dans l’ordre où les enfants sont assis, ce qui concentrait les échanges entre l’enseignante et l’enfant, mais réduisait ceux entre enfants.
Les
auteures nous recommandent, afin de favoriser les échanges de:
· «permettre aux enfants de discuter
entre eux, de rétroagir, de se questionner, de communiquer leur opinion et
d’écouter celle des autres».
· permettre
aux enfants «de parler tous en même temps même si cela parait chaotique», car cela
démontre leur intérêt sur le sujet et il en sortira sans doute «des moments
riches».
· permettre parfois
aux enfants de discuter en sous-groupe puis de revenir en grand groupe
·
utiliser du matériel pour stimuler les échanges
· s’assurer du droit de parole de tous ceux qui le désirent
J’ajouterais : aller chercher ceux qui n’ont pas parlé pour s’assurer que, s’ils le veulent, mais sont plus timides, ils auront leur place dans la discussion.
- Que l’enseignante répète souvent aux enfants d’être en position d’écoute, et lever la main, d’attendre son tour (19 interventions par causeries!).
Elles nous recommandent comme dans Fisher et Doyon2 que « les règles de fonctionnement soient annoncées clairement au départ et appliquées comme annoncées».
Mais comme dirait mon amie enseignante : «Quand il faut ramer trop fort, à contre courant, que les enfants se désorganisent et que la seule solution c’est de rappeler les règles, c’est le temps de passer à l’action.»
J’ajouterais qu’il
faut être souple dans nos exigences. D’ailleurs, les adultes ne lèvent pas
souvent la main pour parler lorsqu’ils sont en groupe (sauf sur Teams et autres
plateformes) et se coupent même parfois la parole.
Et que «permettre aux enfants d’enchaîner leurs propos avec celui d’un autre»3, sans respecter un ordre établi, risque de donner des échanges plus intéressants et soutenus.
Je dirais aussi de permettre à un enfant incapable de rester dans le groupe, de faire autre chose de calme, à condition de ne pas déranger le groupe. En général, cet enfant va quand même écouter ce qui se dit. On pourra dire, comme Brigitte Campbell 1 dans son livre, aux enfants qui s’en plaignent, après avoir expliqué les pas à franchir dans tout apprentissage : « que X n’est pas encore rendu à être capable de rester longtemps en groupe» (voir l’extrait plus bas dans la note*).
- L’observation des vidéos a aussi révélé que les thèmes abordés tournaient presque toujours autour des enfants eux-mêmes (« parler de soi»).
On
pourrait penser à :
-
Diversifier
les sujets :
· En utilisant la littérature jeunesse
· En demandant
ce dont les enfants aimeraient parler
· Poser des
questions ouvertes qui demandent un développement (exemple donné :
Pourquoi n’es-tu pas d’accord avec lui?)
· Reformuler les mots des enfants pour enrichir leur vocabulaire
- Ils ont aussi remarqué que les enseignantes parlaient plus souvent et longtemps que les enfants. Pour donner la parole aux enfants, on pourrait :
· Enregistrer
des moments de causerie (sur notre téléphone ou un ipad) ce qui nous
permettrait d’examiner nos pratiques, de revenir sur certains énoncés des
enfants, d’analyser ceux qui parlent et ne parlent pas, de retourner auprès de
certains enfants pour leur permettre de continuer leur histoire interrompue ou
discuter avec eux d’un problème évoqué.
Cela nous donnerait aussi une idée de notre temps de parole et un portrait de nos interventions et de leurs effets.
· Parler de moments vécus ensemble ou d’un projet
commun va amener des conversations, des dialogues plus riches.
Car
parler de soi (de ce qu’on a fait en fin de semaine, de nos intérêts), c’est
bien, mais cela n’inclut pas tous les enfants dans la conversation et encourage
l’individualisme.
· Faire des sous-groupes. On le sait, il y a des
enfants qui sont des «grands parleurs».
L’idée de sous-groupes peut permettre aux enfants plus réservés de s’exprimer davantage. Quitte à revenir en grand groupe après.
· Lorsqu’on doit interrompre l’histoire trop longue
d’un enfant ou l’expression d’une préoccupation personnelle qui mérite d’être
traitée ailleurs, on peut lui dire qu’on va revenir le voir pour qu’il puisse
finir son histoire et bien sûr, le faire.
Les auteures suggèrent d’offrir parfois un sablier pour limiter le temps de parole.
J’ajouterais qu’il faut être souple et ne pas écarter systématiquement les propos qui ne sont pas en lien avec le sujet traité. C’est peut-être la première fois que cet enfants dit quelque chose auquel il pensait à ce moment là, ou bien un enfant qui exprime sa peine (« mon hamster est mort», ce qu’on doit considérer avec compassion. On doit pouvoir aussi changer de sujet si on voit que les enfants orientent soudain leur intérêt tout d’un coup vers autre chose. Dans un cas tel que la mort d’un animal, certains vont sans doute vouloir partager d’autres deuils qu’ils ont vécu (le chat de leur grand-mère ou le décès d’un proche).
· On peut aussi cibler l’intérêt d’un enfant plus timide, ce qui va peut-être l’inciter davantage à parler.
· Parler des choses qui les préoccupent.
· Certaines utilisent (surtout en début d’année) un micro, un bâton de parole, un toutou, ça peut aussi être un beau caillou, pour gérer les tours de paroles.
J’ajouterais
à ces propositions :
Qu’on va ajuster la durée de ces temps ensemble, selon la curiosité manifestée et les capacités attentionnelles des enfants.
Qu’il faut aussi tenir compte des enfants dont la langue maternelle est autre et porter une attention particulière aux enfants ayant des difficultés de communication (pour différentes raison) et qui, s’ils ont de la difficulté à suivre, vont se désintéresser et s’exclure eux-mêmes des conversations ou être ignorés des autres ou encore déranger.
En fait,
l’adulte va varier son soutien en fonction de la zone proximale de
développement de chacun, car il y a de grandes variations dans le développement
langagier des enfants.4
Les adultes
peuvent utiliser différentes stratégies pour soutenir le langage des
enfants : reformulation, expansion, extension, répétition, utiliser un
synonyme, compléter l’énoncé d’une enfant. Même donner un choix de réponses
peut être utile à un enfant qui manque de confiance en ses capacités à
communiquer.4
Mais le plus important reste l’intérêt authentique de l’adulte envers ce que les enfants racontent. De prendre le temps de les écouter. Les enfants ont besoin de se sentir entendus, soutenus et compris.
L‘enregistrement
de ces temps de conversation, de discussion, de planification que ce soit à la
collation ou à d’autres moments, nous permettent de transcrire les dires des
enfants et enrichissent notre documentation à leur sujet. On peut ensuite, à
tête reposée, examiner le niveau de langage de chacun (prononciation,
vocabulaire, longueur de phrases, etc.) mais aussi découvrir ce qui les
intéresse pour planifier les situations futures à proposer. Ces traces vont
nous permettre de voir les progrès des enfants en cours d’année tant au niveau
langagier que relationnel. On va pouvoir constater les concepts et connaissances
intégrés et l’évolution de leur niveau de réflexion.
Conclusion
Les
temps de regroupement, construisent l’esprit de groupe, tout en développant
toutes sortes d’habiletés. Mais ils sont exigeants pour les enfants.
À
nous de bien rythmer les temps de jeux libres avec les temps de groupe, les
temps d’activité motrice intense ou moyenne et les moments plus calmes et de
varier les types de regroupements et leur objectifs.
D’y
prend le pouls du groupe et des besoins des enfants (ont-ils besoin de se
reposer ou d’aller dehors?).
De
créer un climat de confiance où chacun peut s’exprimer; où même les idées qui
peuvent paraître saugrenues ne sont pas moquées et peuvent même être mises à
l’épreuve.
Ces
temps peuvent être un moteur dans un curriculum émergent, car ils permettent de
faire le point, de planifier ensemble la suite des choses et de se retrouver.
Ajouts :
Note*
Voici un extrait d’une intervention dans la classe de Brigitte
Campbell tel que raconté dans
son livre1
Un matin,
en m’apprêtant à raconter une histoire au groupe, un enfant me fait remarquer
que Félix n’avait pas rejoint le groupe, qu’il continuait à jouer.
J’ai donc
répondu : « Peut-être que Félix n’a pas encore appris à s’assoir pour
écouter les histoires… Je vais t’expliquer comment on fait pour
apprendre ». J’ai rapidement dessiné un escalier au tableau en
disant : « Tout ce que tu apprends, tu l’apprends un petit bout à la
fois (je pointe en même temps les marches qui montent, une à la fois).
… (Discussion
avec les enfants sur comment on apprend à écrire son nom). Puis :
« Pour (arriver à) écouter mon histoire :
·
Au début
(1re marche), tu apprends à écouter quand papa ou maman te parle
(seul à seul),
·
puis (2e
marche) tu apprends à écouter un ami,
·
puis (3e
marche) tu apprends à écouter de nouvelles personnes que tu rencontres :
moi, les éducatrices, etc…
·
et
finalement, (4e marche), tu apprends à écouter quand je parle à tout
le groupe en même temps, comme pendant l’histoire.
La fois
suivante, quand un enfant dira : « Brigitte, Félix y joue » ou
« Félix y’écoute pas », je répondrai simplement : « Toi,
est-ce que tu es capable de m’écouter? » ou « C’est vrai, il a encore
besoin de pratiquer. Tu veux montrer comment on fait? ». Le ton et
l’intention sont très importants; pas de sarcasme, pas d’impatience ni de
jugement. Cela doit se faire dans l’ouverture et l’acceptation des différences,
des forces et défis de chacun. C’est un moyen concret de faire de la
différenciation. Mon ton n’exprime pas un reproche, mais de la confiance; les
enfants doivent ressentir le respect et la confiance que j’éprouve pour chacun
d’eux.
Note **
Voici un autre témoignage d’une enseignante en maternelle
5 ans (retraitée) :
Moi,
je commençais le calendrier en octobre seulement et même en novembre avec
certains groupes.
Les rassemblements style « causeries »
doivent être très courts en début d’année (10 minutes). Le contenu est libre
(pas de thème). Les 2 ou 3 premières semaines, les enfants pouvaient apporter
un jouet, un toutou, ou un objet qu’ils aimaient particulièrement et nous le
présenter (formule gagnante). S’il y a trop de présentations, on fait 2 ou 3
périodes durant la journée.
Quand
les enfants devenaient plus volubiles, le rassemblement commençait aux tables.
Les enfants échangeaient spontanément, je me joignais à une table, à une autre
le lendemain. Certaines années, les enfants se donnaient des règles (ex.: des
tours de table, nommer un animateur, décider si un enfant apporterait une
suggestion au rassemblement du grand groupe, etc.).
Lorsque
j’évaluais que la grosse majorité du groupe était prête, nos rassemblements
servaient:
À
choisir un thème de projets (brassage d’idées, vote)
À
suggérer des projets individuels, en dyades ou en petit groupes qui pourraient
être réalisés
À
faire une liste du matériel nécessaire et des coins à réaménager
Au
fur et à mesure que les projets se développent : échanger sur les
difficultés rencontrées, discuter de l’aide nécessaire (ex.: élèves de 6e
année)
Présenter
les projets terminés
Évaluer
et décider si on fait une fête, si on invite des visiteurs etc…
Cependant,
au rassemblement du matin, il y avait toujours de la place pour qu’un enfant
s’exprime sur un autre sujet.
Parfois,
quand, durant les jeux libres, il y avait trop d’agitations, beaucoup de
conflits ou des pleurs, je demandais à tous les enfants de s’arrêter, de venir
me trouver dans l’espace de grand rassemblement, pour leur demander comment ils
se sentaient, et je leur disais que nous avions une décision à prendre:
continuer les jeux libres en changeant d’attitudes ou tout ranger, s’en aller
dehors ou faire une période de détente que j’animais.
Note***
À propos du calendrier :
On retrouve dans Campbell1
Bien que
de nombreux enseignantes prévoient du temps pour parler du calendrier en grand
group en début de journée…pour la plupart des enfants, réciter par cœur les
jours de la semaine ou la date du mois ne permet pas de créer un lien bénéfique
ente ce symboles et l’expérience du temps qui passe. Il est préférable de
trouver des moyens de lier les termes comme aujourd’hui, hier et demain (avant, après, plus tard, matin, midi,
après-midi et soir, nuit) à des
expériences authentiques.5dans 1 La parenthèse est de moi.
D’autre part Katz 6 questionne
la pertinence du calendrier pour les enfants de moins de 6 ans. Elle explique
que pour comprendre le calendrier, les enfants doivent comprendre que le temps
est séquentiel. La séquence inclue hier, aujourd’hui, demain, le matin,
l’après-midi, le soir, Dimanche, Lundi, Mardi etc. Ils doivent conceptualiser
l’avant des évènements et l’après.
Les jeunes
enfants ne peuvent concevoir le temps en termes d’unités telles que le jour, la
semaine, les mois. La compréhension du calendrier leur demande de connaître non
seulement l’avant et l’après, mais la durée entre des évènements. Un enfant d
quatre ans à qui on promet une sortie ne comprendra pas temporellement la
différence de durée entre dans cinq jours ou dans huit jours. Et souvent même
pas «dans deux heures» et c’est pourquoi il va nous demander toutes les deux
minutes « quand est-ce qu’on part?»
Ce n’est
que qu’entre 7 et 10 ans que les enfants peuvent juger de la longueur du temps
entre un évènement passé ou futur , en années, en terme de calendrier.
Les
concepts demandés par le calendrier dépassent les habiletés de compréhension
des jeunes enfants.
Le fait de
« faire le calendrier» n’aide pas les enfants dans leur développement du
concept du nombre. Et quand on leur demande : quel jour sommes-nous?, ils
devinent et se trompent souvent. D’ailleurs les termes 19. 27 etc. ne veulent
rien dire pour eux. Il vaut mieux fournir aux enfants des objets concrets pour
aborder les concepts mathématiques.6
Certaines enseignantes utilisent
aussi le calendrier pour l’apprentissage des lettres, des mots de la semaine ou
des mois de l’année. Mais ces activités ne permettent pas vraiment les
dialogues interactifs entre les enfants.
Références :
1. Campbell, B. (2024) Vive le jeu à la maternelle. Stratégies et outils pour favoriser le développement global de l’enfant. Chenelière Éducation. Didactique. Petite Enfance et préscolaire (4 à 6 ans)
2. Fisher, C. & Doyon, D. (2010). De la causerie à la conversation en groupe à la maternelle. Québec français, (156), 89–91 : https://www.erudit.org/fr/revues/qf/2010-n156-qf1502914/61425ac.pdf
3. Ouellet, E.; Laurent A.; Lavoie C. (2023) Causons causerie, Revue Préscolaire no 613,: https://aepqkiosk.milibris.com/reader/01d7ce72-d4c4-4632-a807-f6b40f743803?origin=%2Frevue-prescolaire%2Frevue-prescolaire%2Fn613-2023
4. Thériault P., Fortin M. (2023) La causerie à la maternelle 4 ans Revue Hybride de l’Éducation no.2: https://revues.uqac.ca/index.php/rhe/article/view/1314/1371
5. Manitoba Éducation et Formation (2019) Les joies de l’apprentissage : un document d’appui pour les enseignantes à la maternelle. Programme d’immersion française. P.159
6. Beneke S.J., Ostrosky M.M, Katz L.G. (2008): Calendar time for Young Children: Good Intentions Gone Awry, Young Children, vol.63, no. 3 p. 12-16: https://www.naeyc.org/sites/default/files/globally-shared/downloads/PDFs/resources/pubs/calendartime.pdf
Remerciements
Merci à Gisèle Brulé de m’avoir permis de témoigner de son expérience et à Brigitte Campbell de m’avoir permis d’inclure des extraits de son livre.
Pour imprimer ce texte: le voici en Format PDF: https://drive.google.com/file/d/1mrs7PGaSwDzNPfV6Hd3h8k8xt9uHf2T-/view?usp=sharing
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