lundi 13 décembre 2021

Savoir raconter des histoires: une habileté à développer au préscolaire: deuxième partie


Comment aider les enfants à améliorer leurs capacités orales narratives?



Voir la première partie: https://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/12/savoir-raconter-des-histoires-une_13.html

Par Anne Mauffette 

Tout un travail préalable est nécessaire pour développer le langage oral chez les enfants:


- des conversations signifiantes avec l’adulte,

- des occasions d’échanges entre enfants dans leurs jeux, lors de moments de rencontres, des collations bien sûr 

prendre le temps (ce n’est pas toujours évident) d’écouter ce que les enfants ont envie de nous raconter.

 - et surtout lire beaucoup d’histoires et les relire ou les redire et les présenter de différentes façons :

· leur lire un livre en montrant les images,

· leur lire un livre sans montrer les images mais avec des marionnettes

· leur lire un livre sans montrer les images (les enfants vont devoir faire des images mentales)

· raconter une histoire connue d’eux, mais sans le livre,

· raconter des histoires nouvelles : sur de vos propres expériences (ils vont les redemander : «raconte là fois où tu t’es perdue») ou des contes ou histoires que vous connaissez ou en inventer de votre cru. Cela leur donne une idée de comment on raconte une histoire.

· leur lire différentes versions d’un même conte et les comparer.

· leur lire des variations sur le conte ou les titres et histoires sont changées (Le chapeau rond rouge de Geoffroy de Pennart, Les trois méchants cochons, Un cochon chez les loups) et des histoires où des personnages de différents contes se  croisent (C’est moi le plus fort). Les livres de Mario Ramos sont fertiles en inventions à partir de contes traditionnels (Mon ballon, Le plus malin).

Photos Anne Mauffette
 

· leur montrer seulement la séquence des images et leur proposer de raconter l’histoire (cela les aidera à établir une chronologie dans leur récit)

· raconter une histoire en faisant participer les enfants au bruitage (le vent la pluie, le galop du cheval)  ou les encourager à énoncer des phrases qui se répètent au bon moment (en faisant une pause) comme dans l’histoire du Petit Bonhomme de Pain d’Épices : « Courez, courez aussi vite que vous le pouvez, vous ne m’attraperez pas»

· choisir des histoires de plusieurs cultures et parfois en deux langues 

mettre en lumière les moments clés du récit 

- les aider à faire des hypothèses grâce au contexte de certains mots nouveaux 

discuter avec les enfants des intentions, des objectifs des personnages 

aider les enfants dans l’émergence des explications causales en posant certaines questions ouvertes dans ce sens, à différents moment clés de l’histoire, pendant que vous lisez l’histoire.

 Makdissi et Boisclair (2004) nous en suggèrent quelques unes qui peuvent convenir pour certains récits:

 Au début de l'histoire, lors du problème initial: «Comment se sent tel personnage? Pourquoi? Qu’est-ce qu’il veut? Qu’est-ce qu’il va faire?»

Lors des différentes tentatives d’actions : «Pourquoi fait-il cela? Qu’est-ce qu’il veut? Est-ce qu’il a trouvé ce qu’il cherchait? « Alors qu’est-ce qu’il va faire?»

«Pourquoi tel événement survient-il? Qu’arrivera-t-il ensuite? Comment cela se fera-t-il? Qu’est-ce que tu en penses?»

Lors de la solution : « Comment tel personnage se sent-il? Pourquoi?» «A-t-il eu ce qu’il cherchait? C’était quoi? Comment il a fait?»

Certaines de ces questions peuvent aussi être posées à la fin d’une histoire. 

-leur  laisser du temps pour relire les livres qu’on leur à lus 

- les amener à anticiper ce qui pourrait arriver 

fournir un matériel varié qui permette la créativité des enfants

Photo tirée de la vidéo Story Workshop Loose parts https://vimeo.com/649347912/c7bafd1471<BR><BR>

installer un coin d’écoute de livres mais aussi d’histoires racontées  ou inventées par les enfants
 

 - essayer de transcrire ou d’enregistrer les histoires des enfants ce qui vous permettra et eux aussi de constater leurs progrès le long de l’année.

 

AUTRES  ACTIVITÉS À PROPOSER :

Autour des livres déjà lus

Demander à un volontaire de raconter le livre déjà lu à l’aide des images avec un camarade ou deux qui utilisent des marottes ou marionnettes aux doigts ou à main. Dans ce cas les enfants devront se coordonner pour faire correspondre les gestes au texte.

On peut aussi organiser, au début surtout, des activités spécifiques pour amener les enfants à intérioriser une histoire. Voici deux exemples :

Nous avons écouté l’histoire de Pierre et le loup.


 J’avais apporté en classe quelques instruments pour que les enfants puissent faire le lien entre les sons et les instruments

Après l’écoute nous avons joué tous en même temps, tous les personnages, accompagnés par l’enregistrement de l’histoire (les enfants marchaient ou sautillaient dans le bois quand Pierre partait dans la forêt, virevoltait comme l’oiseau etc.). Le lendemain j’ai apporté quelques accessoires; une casquette avec un bord jaune pour le canard, un boa pour le chat, etc. Juste assez pour évoquer le rôle. J’ai proposé à ceux qui le voulaient de nous rejouer l’histoire accompagnés toujours de la trame sonore. Les déguisements ont ensuite été laissés dans le coin de jeu symbolique.

J’ai ensuite apporté des marionnettes (nous avions déjà un loup, un petit garçon, un chat, un monsieur) : ne manquait que l’oiseau et le chasseur. J’ai proposé aux enfants d’utiliser les marionnettes pour nous raconter eux-mêmes, sans appui sonore, l’histoire de Pierre et le loup. Un enfant faisait le narrateur et les autres les personnages. Pendant qu’ils se préparaient, je les entendais discuter de qui ferait quoi, de ce qu’ils diraient etc. Lors de leur présentation, on pouvait remarquer ce qu’ils avaient retenu de l’histoire, le langage utilisé etc. Là encore les marionnettes ont enrichi notre coin et les plus timides ont repris l’histoire pour eux-mêmes. Le chasseur a d’ailleurs resservi à toutes les sauces.

Photo © Anne Mauffette

Une collègue elle, étant donné l’intérêt de certains enfants après avoir entendu l’histoire de Casse Noisette, a étudié l’histoire avec les enfants de sa classe de maternelle et les enfants ont fabriqué leurs propres marionnettes à gaine puis ont présenté un spectacle.

Photos © La Petite école_CBS.


Elle résume ainsi leur expérience : «J’avais  élaboré AVEC les enfants des procéduriers afin d'illustrer le "comment faire" les marionnettes. Certains enfants se sont fait de petits "livres" où ils ont reproduit à leur manière, les différentes procédures. C'est pour se souvenir qu'ils me disaient ! 



Le projet a duré plus d'un mois. Le déclencheur a été la lecture de l'histoire de Casse-Noisette. L'écoute de la musique a donné lieu à un questionnement sur le ballet.  Les marionnettes sont arrivées en cours de route et se sont imposées à nous à la suite d'une question d'un enfant: " On peux-tu en faire un casse-noisette ?" 

S'en est suivi une recherche sur les sortes de marionnettes: à fil, à doigts, à gaine. à tige, etc. Tous en ont rapporté de la maison. On les a classées, analysées, on en a discuté et finalement on a décidé que ce serait des marionnettes à gaine que l'on ferait.

Relire l'histoire, re relire l'histoire pour mieux connaître les personnages et bien choisir celui que l'on veut fabriquer.  Résoudre des problèmes, 3 filles voulaient faire Clara. Deux garçons voulaient faire le prince, Combien de personnages dans le livre versus combien d'amis dans la classe ?, etc. Trop ou pas assez d'amis?

Je prenais au moins 15 minutes avant le spectacle avec les parents afin de leur faire part du processus de réalisation des enfants en identifiant les apprentissages possibles  réalisés par les enfants. La planification, la recherche des tissus, se tenir à 20 derrière un castelet sans se faire voir et en silence... De plus, à la suite du projet, chacun devait répondre à la question: Qu'est-ce que je connais maintenant que j'ai fait ce projet et que je ne connaissais pas avant?»

 Nous avons, dans un CPE, fait des personnages du Petit Bonhomme de Pain d’Épices en papier mâché avec les enfants : chaque petit groupe faisant un personnage. Les décors ont été faits en collaboration avec des parents pour présenter l’histoire du Petit Bonhomme de Pain d’Épices.

Dans un autre, ce sont les éducatrices qui se sont déguisées, faits des décors et ont présenté l’histoire des trois Petits Cochons et à un autre moment : Hansel et Gretel

Photo©Anne Mauffette


L’invention d’histoires

L’invention d’histoire demande des stratégies organisationnelles : il va falloir qu’il y ait une situation initiale, une complication ou des événements (le milieu) menant à une fin.

On peut, au début, proposer aux enfants une phrase de départ à compléter comme ils l’entendent: « Si j’étais un animal…», leur demander d’y penser et que vous allez venir lui demander la suite. Acceptez les changements à votre phrase si l’enfant le désire. Cela donne parfois des choses étonnantes et émouvantes. Une petite fille de cinq ans m’a dit : Est-ce que je peux dire « si j’étais un ange à la place» puis elle a raconté : « J’irais voir ma grand-mère qui habite très loin».

En petits groupes, on peut mettre des objets (animaux personnages, insectes etc.) dans un sac, les enfants pigent et vont inventer une courte histoire avec ces objets.

On peut raconter une histoire, mais laisser aux enfants le soin d’inventer la fin (en dyades ou en petits groupes) ou à la cantonade : on aura plusieurs fins.

On peut inviter un conteur

On peut inventer des histoires collectives : un enfant (ou l’adulte) lance une première phrase, un autre enfant ajoute une autre pour continuer l’histoire, etc. L’adulte aide les enfants en les guidant : qu’est-ce qui pourrait se passer après? Comment cela va-t-il finir? Il  faut alors aussi accepter et rire ensemble des contributions farfelues.

Début d’un conte collectif.     Photo© Danielle Jasmin

L’invention de l’histoire que vous enregistrerez puis transcrirez pourra ensuite être illustrée par les enfants qui le veulent.

On peut aussi écrire avec les enfants une liste de noms  d’animaux ou personnages sur un carton et sur une autre liste d’objets sur un autre ou derrière. Les enfants choisiront un nom et un objet et fabriqueront une histoire avec ces deux éléments. On pourrait aussi faire une pige dans deux sacs. L’adulte ira voir chaque enfant pour enregistrer son histoire. Celles-ci pourront ensuite être partagées.

On doit évidemment respecter le rythme de chaque enfant. Certains ne raconteront jamais dans le groupe, cela ne veut pas dire qu’ils n’apprennent pas. Pour le plus timides, c’est à travers leurs jeux que vous pourrez capter et noter leurs histoires. En retranscrivant leurs dires, vous donnez de l’importance à leurs énoncés. Vous pouvez leur redire leur histoire et leur demander si c’est bien cela. Peut-être ajouteront-ils des détails ou autre chose. Et si vous avez leur permission, vous pourrez à l’occasion, les redire  aux autres enfants. Ils en sont habituellement très fiers.

Vous pouvez aussi travailler seule avec eux les étayant au besoin: qu’est-ce qu’il fait ton personnage, où va-t-il, qu’est-ce qu’il lui arrive?

Certains enfants vont peut-être préférer dessiner d’abord une histoire, en une grande case ou plusieurs (comme dans une BD) et ensuite nous raconter leur histoire.

D’autres enfants vont préférer s’enregistrer, seuls, dans un coin clame (utiliser de petits micros ou enregistreuses) puis les partager avec vous ou les autres enfants.

Raconter une histoire personnelle, c’est donner du sens à son expérience.  Dans le cas d’une histoire précédemment lue, c’est  démontrer qu’on en comprend le sens. Et dans le cas d’une histoire inventée, il y a la créativité dans le propos mais aussi la logique du récit.

 

ÉVALUER LES RÉCITS

Les capacités à raconter évoluent avec l’âge et l’expérience des enfants. Il y a véritablement une courbe développementale mais on constate aussi de grandes différences entre enfants du même âge pour une foule de raisons.

Examiner comment un enfant comprend un récit fictif nous renseigne sur sa capacité de traiter l’information. L’écouter raconter nous donne des indices sur :

·  son vocabulaire, sa syntaxe

·  la présence ou l’absence d’un ou de certains épisodes ou actions importantes,

·  la cohérence de son récit (chronologie, logique)

·  la présence ou non de petits mots connecteurs : d’énumérations (et) de temporalité (puis, après, et après, alors, hier…) de causalité entre les éléments et de conséquence (parce que), de finalité (pour, pour que)

·  la présence ou non d’indicateurs de complexité : introduction de subordonnées relatives (qui, que), temporelles (pendant que, quand). À partir de 5 ans seulement et pas chez la plupart des enfants.

On peut aussi observer si les émotions des personnages sont présentées.

Pour plus de détails, voir le tableau ci-dessus.

 CONCLUSION

Les traces (enregistrement, textes transcris, dessins etc.) que vous aurez gardées vont vous permettre de voir les progrès des enfants, et de les célébrer avec les enfants eux-mêmes et avec les parents

«L’éducation préscolaire est une période d’apprentissage stratégique pour la maîtrise du langage oral»(6). Savoir raconter des histoires fait partie des habiletés à acquérir. C'est à la fois nécessaire pour communiquer avec les autre et cela  prépare la voie à la lecture et la narration écrite. Le développement du récit au préscolaire est lié à la compréhension future en lecture.  L'émergence de la littératie passe par l'émergence de la compréhension des récits.» (5) Étant donné sa valeur pédagogique inestimable,  il faut donc lui consacrer du temps.


INSPIRATIONS 

1. Raconte-moi une histoire : les habiletés narratives des enfants qui tardent à parler. Publié le 16 septembre 2015 sur le site du RIRE (Réseau d’information pour la réussit éducative).

       2. Guillain André (1992) : La narration graphique chez l’enfant https://doi.org/10.4000/trema.2407

       3. Gianni Rodari ( 1996) : The grammar of fantasy : The art of inventing stories, Teachers and Writers Collaboration

       4. Makdissi, H. ; Boisclair, A. (2004). L'art de raconter chez l'enfant d'âge préscolaire : Une grille du développement du récit. Document III : Rapport de recherche soumis au Programme de partenariats en développement social. Canada : Développement des ressources humaines.

       5. Makdissi, H.; Boisclair A. et Renaud, J.S. (2004)  Le développement de la compréhension du récit au cours de la petite enfance. https://www.researchgate.net/publication/312531233

        6Roubaud, M.N. et Romain, C. (2016). L’organisation du récit oral chez l’enfant de 3 à 6 ans : une étude comparative. Université d’Aix Marseille.  Web conférence  Congrès mondial de la linguistique  française.

Pour voir l'article au complet: https://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/12/savoir-raconter-des-histoires-une.html

Pour imprimer le texte en format PDF: https://drive.google.com/file/d/1kIngvc7x1RBA0BDujhV8oGd-qhAgrSjp/view?usp=sharing



Savoir raconter des histoires: une habileté à développer au préscolaire: première partie

 Par Anne Gillain Mauffette

Photo tirée de la vidéo Story Workshop Loose parts : https://vimeo.com/649347912/c7bafd1471<BR><BR>

Beaucoup d’enfants ont une tendance naturelle à se raconter.  «Les récits organisent le vécu selon un ordre séquentiel. Ils rapportent des faits ou racontent une fiction»2. Le récit contribue à la construction de l’identité des enfants.2

Mais il n’est pas toujours facile de se retrouver dans l’histoire des enfants.

Les habiletés narratives sont essentielles à une bonne communication et nécessaire à la réussite éducative. Elles demandent des «compétences langagières, cognitives et sociales»1.


 Comment aider les enfants à améliorer leurs capacités narratives? Comment évaluer leurs habiletés pour mieux les étayer?

Il faut d’abord savoir qu’il est plus facile pour les enfants de raconter des expériences qu’ils ont vécues que de se rappeler et narrer une histoire qu’on leur a lue.

Par contre, s’exercer au récit d’histoires (films, contes, etc.) va permettre aux enfants d’acquérir un schéma narratif  qui va leur servir pour fabriquer leurs propres récits de leurs expériences.

Inventer des histoires est une autre activité qui demande d’apprendre à organiser des idées et exige plus de créativité.

LES ÉTAPES DE DÉVELOPPEMENT DU RÉCIT

Avec les plus jeunes, il va d’abord s’agir d’une sorte de co-narration où l’adulte va aider l’enfant à structurer le récit de son vécu par des questions : où est-ce que cela s’est passé, qui a fait quoi? Avec les touts petits, on évitera les quand, car le concept de temps reste difficile.

Les enfants de 3-4 ans vont énumérer des actions, décrire un ou des épisodes, narrer des parties d’histoires ou de contes lus par l’adulte. Ils vont enchaîner les événements avec des «puis» et des «après».

Les enfants de 4-5 ans ont moins besoin de l’adulte et vont souvent initier eux-mêmes leurs histoires. Dans le rappel d’histoires lues, ils utilisent une chronologie cohérente. Par contre, s’ils utilisent des marqueurs du temps, ils ont encore de la difficulté à établir des relations causales entre différentes composantes de l’histoire.

Avec le temps, on voit une complexification graduelle de la structure de leurs histoires.

Bien sûr chaque enfant a son rythme particulier. Mais tous les enfants vont bénéficier de temps accordé à la narration. Les enfants ayant des difficultés de langage particulièrement.

Différents auteurs ont établi des étapes de développement du récit chez les enfants. Ce tableau nous aide à repérer des éléments dans le discours des enfants.

             Makdissi et al. (2004)4                            Trabasso et al.(1997) dans 6 (2016)

           L’enfant en progression de 3 à 6 ans:                 L'enfant:

    

1         Nomme un ou plusieurs personnages de l’histoire

          Décrit des actions avec absence de chronologie (1 à 3 ans)

2         Présente certaines actions « pertinentes» au récit  et d’autres moins (sans mises en relations, ni structure de récit)

 

-          Décrit  des actions et  la fin de l’histoire, en ordre chronologique mais sans relation causale (4ans)

3          Identifie le problème ou

 Identifie des épisodes structurés ou identifie une fin ou une solution

          Identifie deux des parties suivantes : problème-épisodes-fin ou solution

          Identifie le problème et des épisodes détaillés et la fin ou la solution

          Décrit des émotions et des événements (mais pas le but) (4 à 5 ans)

4          Apparition de marqueurs temporels entre différentes parties du récit : problème/épisodes; épisode/ fin

            Marqueurs temporels entre les parties du récit : problème, épisodes et épisodes et fin

          Fait des liens de causalité entre les différents événements; les épisodes sont nombreux mais sans situation de départ ou élément déclencheur, de réponses internes du personnage principal ou de la conséquence de l’action ou la réaction à l’action (à 5 ans)

5          Apparition de liens de causalité entre les différentes composantes du récit.

         Présence des niveaux manquant précédents (à 9 ans)

6          Extraction du lien commun à   tous les épisodes

          Le récit est ordonné hiérarchiquement (après 9 ans)

                Note: Dans le tableau de Makdissi, la majorité des enfants de 4 et 5 ans se situent au niveau 3

RACONTER DES HISTOIRES

Les enfants peuvent raconter des histoires à tous moments : dans l’auto à l’heure du coucher,  dans des moments spontanés (en arrivant au CPE ou à la maternelle, à la collation etc.) ou organisés (causerie et autres activités). Mais on peut aussi réserver du temps spécifiquement consacré à la narration.

Ils peuvent raconter des histoires de différentes façons : 

Le jeu symbolique, c’est déjà raconter des histoires 

 Utiliser du petit matériel (loose parts) pour jouer et donc inventer des histoires que nous tenterons de capter. 

Ils peuvent nous dicter des histories (selon la méthode de Vivian Paley) et ensuite rejouer leur texte.

Ils peuvent s’enregistrer 

Ils peuvent raconter à partir d’une peinture 

- Ils peuvent se déguiser et nous faire des scénettes 

 Ils peuvent jouer et raconter avec des marionnettes

Photo©Danielle Jasmin

 - Jouer avec des marottes sur le rétroprojecteur, ou encore avec des ombres chinoises, etc.   

     Dans la vidéo suivante, nous avons le récit du petit chaperon rouge, raconté à sa façon, avec des marottes sur un rétroprojecteur, par un petit garçon de six ans qui démontre toutes les compétences nommées ci-dessous: il fait même un retour en arrière, montrant sa maîtrise des termes indiquant le temps («pendant ce temps») et brode en ajoutant certains éléments en utilisant son expérience (les grands mères embrassent leur petits enfants). Il montre l’intention des personnages (le bûcheron qui voulait rendre visite à une amie de sa mère) et nous démontre sa perspective de l’autre : le loup qui se réjouit d’être arrivé le premier. Il change de tons pour différents personnages.

https://youtu.be/1Sb-uPbyTYI

Les enfants peuvent évidemment fabriquer leurs propres personnages. 


Photos©Anne Mauffette

Le rétroprojecteur présente une difficulté particulière au niveau de l’orientation spatiale puisque la gauche et la droite sont inversées. Les enfants vont en même temps découvrir ce qu’on voit ou ne voit pas à l’écran.Voir l’article sur les Explorations avec la lumière  https://jeulibrequebec.blogspot.com/p/explorations-avec-la-lumiere-premiere.html

Les ombres chinoises amènent aussi un lot d’apprentissages différents tout en amenant les enfants à raconter.

Les enfants ont revisité l'histoire du Monstre Poilu de Pef.  Photo©Anne Mauffette

On peut aussi fabriquer une télévision avec une boîte de carton et deux cylindres. Les enfants vont dessiner une histoire sur une longue bande de papier, qu’ils vont raconter en déroulant les cylindres, Ils adorent cela.

Une histoire e Star Wars    Photo© Anne Mauffette


LES COMPÉTENCES À DÉVELOPPER

Plusieurs capacités sont nécessaires afin d’être en mesure de rappeler une histoire :

-avoir un vocabulaire suffisant

- comprendre la syntaxe de la langue

- se souvenir du texte

- se souvenir de la séquence, de la chronologie des événements

- jouer le rôle du narrateur et des personnages

- développer un langage fluide

- changer de tons pour différents personnages

- utiliser des mots pour nous situer dans le temps et l’espace

- utiliser des mots pour indiquer la causalité (parce que), les conséquences, la finalité (pour +infintif)

-comprendre la structure narrative d’une histoire : situation initiale, complication/ actions, résolution et fin de l’histoire.

- comprendre les intentions, buts, motivation des personnages, leurs émotions

- faire des inférences c'est-à-dire comprendre des choses qui ne sont pas dites dans l’histoire

- braver sa timidité, avoir confiance en soi

Si on ajoute des accessoires, l’enfant devra aussi coordonner les mots avec les gestes

Mais si on veut que les enfants racontent des histoires, il faut d’abord que nous, nous leur en racontions.

Raconter une histoire doit être un temps privilégié pour l'enfant et l'adulte. Un moment unique de plaisir, de découvertes, de surprises et d'émotions.





Savoir raconter des histoires: une habileté à développer au préscolaire


 Par Anne Gillain Mauffette

Photo tirée de la vidéo Story Workshop Loose parts : https://vimeo.com/649347912/c7bafd1471<BR><BR>


Beaucoup d’enfants ont une tendance naturelle à se raconter.  «Les récits organisent le vécu selon un ordre séquentiel. Ils rapportent des faits ou racontent une fiction»2. Le récit contribue à la construction de l’identité des enfants.2

Mais il n’est pas toujours facile de se retrouver dans l’histoire des enfants.

Les habiletés narratives sont essentielles à une bonne communication et nécessaire à la réussite éducative. Elles demandent des «compétences langagières, cognitives et sociales»1.

 

Comment aider les enfants à améliorer leurs capacités narratives? Comment évaluer leurs habiletés pour mieux les étayer?

Il faut d’abord savoir qu’il est plus facile pour les enfants de raconter des expériences qu’ils ont vécues que de se rappeler et narrer une histoire qu’on leur a lue.

Par contre, s’exercer au récit d’histoires (films, contes, etc.) va permettre aux enfants d’acquérir un schéma narratif  qui va leur servir pour fabriquer leurs propres récits de leurs expériences.

Inventer des histoires est une autre activité qui demande d’apprendre à organiser des idées et exige plus de créativité.

LES ÉTAPES DE DÉVELOPPEMENT DU RÉCIT

Avec les plus jeunes, il va d’abord s’agir d’une sorte de co-narration où l’adulte va aider l’enfant à structurer le récit de son vécu par des questions : où est-ce que cela s’est passé, qui a fait quoi? Avec les touts petits, on évitera les quand, car le concept de temps reste difficile.

Les enfants de 3-4 ans vont énumérer des actions, décrire un ou des épisodes, narrer des parties d’histoires ou de contes lus par l’adulte. Ils vont enchaîner les événements avec des «puis» et des «après».

Les enfants de 4-5 ans ont moins besoin de l’adulte et vont souvent initier eux-mêmes leurs histoires. Dans le rappel d’histoires lues, ils utilisent une chronologie cohérente. Par contre, s’ils utilisent des marqueurs du temps, ils ont encore de la difficulté à établir des relations causales entre différentes composantes de l’histoire.

Avec le temps, on voit une complexification graduelle de la structure de leurs histoires.

Bien sûr chaque enfant a son rythme particulier. Mais tous les enfants vont bénéficier de temps accordé à la narration. Les enfants ayant des difficultés de langage particulièrement.

Différents auteurs ont établi des étapes de développement du récit chez les enfants. Ce tableau nous aide à repérer des éléments dans le discours des enfants.

             Makdissi et al. (2004)4                        Trabasso et al.(1997) dans 6 (2016)

                  L’enfant en progression entre 3 et 6 ans:        L'enfant:

1         Nomme un ou plusieurs personnages de l’histoire

          Décrit des actions avec absence de chronologie (1 à 3 ans)

2         Présente certaines actions « pertinentes» au récit  et d’autres moins (sans mises en relations, ni structure de récit)

 

-          Décrit  des actions et  la fin de l’histoire, en ordre chronologique mais sans relation causale (4ans)

3          Identifie le problème ou

 Identifie des épisodes structurés ou identifie une fin ou une solution

          Identifie deux des parties suivantes : problème-épisodes-fin ou solution

          Identifie le problème et des épisodes détaillés et la fin ou la solution

          Décrit des émotions et des événements (mais pas le but) (4 à 5 ans)

4          Apparition de marqueurs temporels entre différentes parties du récit : problème/épisodes; épisode/ fin

            Marqueurs temporels entre les parties du récit : problème, épisodes et épisodes et fin

          Fait des liens de causalité entre les différents événements; les épisodes sont nombreux mais sans situation de départ ou élément déclencheur, de réponses internes du personnage principal ou de la conséquence de l’action ou la réaction à l’action (à 5 ans)

5          Apparition de liens de causalité entre les différentes composantes du récit.

         Présence des niveaux manquant précédents (à 9 ans)

6          Extraction du lien commun à   tous les épisodes

          Le récit est ordonné hiérarchiquement (après 9 ans)

               Note: Dans le tableau de Makdissi: la majorité des enfants de 4 et 5 ans se situe au niveau 3


RACONTER DES HISTOIRES

Les enfants peuvent raconter des histoires à tous moments : dans l’auto à l’heure du coucher,  dans des moments spontanés (en arrivant au CPE ou à la maternelle, à la collation etc.) ou organisés (causerie et autres activités). Mais on peut aussi réserver du temps spécifiquement consacré à la narration. 

Ils peuvent raconter des histoires de différentes façons :

Le jeu symbolique, c’est déjà raconter des histoires. 

 Utiliser du petit matériel (loose parts) pour jouer et donc inventer des histoires que nous tenterons de capter. 

 Ils peuvent nous dicter des histories (selon la méthode de Vivian Paley) et ensuite rejouer leur texte.

 Ils peuvent s’enregistrer 

Ils peuvent raconter à partir d’une peinture 

Ils peuvent se déguiser et nous faire des scénettes,

 Ils peuvent jouer et raconter avec des marionnettes

Photo©Danielle Jasmin


 - Ils peuvent jouer avec des marottes sur le rétroprojecteur, ou encore avec des ombres chinoises, etc. 

Dans la vidéo suivante, nous avons le récit du petit chaperon rouge, raconté à sa façon, avec des marottes sur un rétroprojecteur, par un petit garçon de six ans qui démontre toutes les compétences nommées ci-dessous: il fait même un retour en arrière, montrant sa maîtrise des termes indiquant le temps («pendant ce temps») et brode en ajoutant certains éléments en utilisant son expérience (les grands mères embrassent leur petits enfants). Il montre l’intention des personnages (le bûcheron qui voulait rendre visite à une amie de sa mère) et nous démontre sa perspective de l’autre : le loup qui se réjouit d’être arrivé le premier. Il change de tons pour différents personnages.
https://youtu.be/1Sb-uPbyTYI

Les enfants peuvent évidemment fabriquer leurs propres personnages. 


Photos© Anne Mauffette

Le rétroprojecteur présente une difficulté particulière au niveau de l’orientation spatiale puisque la gauche et la droite sont inversées. Les enfants vont en même temps découvrir ce qu’on voit ou ne voit pas à l’écran.Voir l’article sur les Explorations avec la lumière  https://jeulibrequebec.blogspot.com/p/explorations-avec-la-lumiere-premiere.html

Les ombres chinoises amènent aussi un lot d’apprentissages différents tout en amenant les enfants à raconter.

Les enfants ont revisité l'histoire du Monstre Poilu de Pef.  Photo©Anne Mauffette

On peut aussi fabriquer une télévision avec une boîte de carton et deux cylindres. Les enfants vont dessiner une histoire sur une longue bande de papier, qu’ils vont raconter en déroulant les cylindres, Ils adorent cela.

Une histoire de Star Wars    Photo© Anne Mauffette


LES COMPÉTENCES À DÉVELOPPER

Plusieurs capacités sont nécessaires afin d’être en mesure de rappeler une histoire :

-avoir un vocabulaire suffisant

- comprendre la syntaxe de la langue

- se souvenir du texte

- se souvenir de la séquence, de la chronologie des évènements

- jouer le rôle du narrateur et des personnages

- développer un langage fluide

- changer de tons pour différents personnages

- utiliser des mots pour nous situer dans le temps et l’espace

- utiliser des mots pour indiquer la causalité (parce que), les conséquences, la finalité (pour +infintif)

-comprendre la structure narrative d’une histoire : situation initiale, complication/ actions, résolution et fin de l’histoire.

- comprendre les intentions, buts, motivation des personnages, leurs émotions

- faire des inférences c'est-à-dire comprendre des choses qui ne sont pas dites dans l’histoire

- braver sa timidité, avoir confiance en soi

Si on ajoute des accessoires, l’enfant devra aussi coordonner les mots avec les gestes

Mais si on veut que les enfants racontent des histoires, il faut d’abord que nous, nous leur en racontions.

Raconter une histoire doit être un moment privilégié de partage entre l'enfant et l'adulte. Un moment unique de plaisir, de découverte, de surprises , d'émotions.

Comment aider les enfants à améliorer leurs capacités orales narratives?

Tout un travail préalable est nécessaire pour développer le langage oral chez les enfants :

-          des conversations signifiantes avec l’adulte,

-          des occasions d’échanges entre enfants dans leurs jeux, lors de moments de rencontres, des collations bien sûr

-          prendre le temps (ce n’est pas toujours évident) d’écouter ce que les enfants ont envie de nous raconter.

-          et surtout lire beaucoup d’histoires et les relire ou les redire et les présenter de différentes façons :

· leur lire un livre en montrant les images,

· leur lire un livre sans montrer les images mais avec des marionnettes

· leur lire un livre sans montrer les images (les enfants vont devoir faire des images mentales)

· raconter une histoire connue d’eux, mais sans le livre,

· raconter des histoires nouvelles : sur de vos propres expériences (ils vont les redemander : «raconte là fois où tu t’es perdue») ou des contes ou histoires que vous connaissez ou en inventer de votre cru. Cela leur donne une idée de comment on raconte une histoire.

· leur lire différentes versions d’un même conte et les comparer.

· leur lire des variations sur le conte ou les titres et histoires sont changées (Le chapeau rond rouge de Geoffroy de Pennart, Les trois méchants cochons, Un cochon chez les loups) et des histoires où des personnages de différents contes se  croisent (C’est moi le plus fort). Les livres de Mario Ramos sont fertiles en inventions à partir de contes traditionnels (Mon ballon, Le plus malin).

Photos©Anne Mauffette
 

· leur montrer seulement la séquence des images et leur proposer de raconter l’histoire (cela les aidera à établir une chronologie dans leur récit)

· raconter une histoire en faisant participer les enfants au bruitage (le vent la pluie, le galop du cheval)  ou les encourager à énoncer des phrases qui se répètent au bon moment (en faisant une pause) comme dans l’histoire du Petit Bonhomme de Pain d’Épices : « Courez, courez aussi vite que vous le pouvez, vous ne m’attraperez pas»

· choisir des histoires de plusieurs cultures et parfois en deux langues

-           mettre en lumière les moments clés du récit

-          les aider à faire des hypothèses grâce au contexte de certains mots nouveaux

-          discuter avec les enfants des intentions, des objectifs des personnages

-          aider les enfants dans l’émergence des explications causales en posant certaines questions ouvertes dans ce sens, à différents moment clés de l’histoire, pendant que vous lisez l’histoire. 

      Makdissi et Boisclair (2004) nous en suggèrent quelques unes qui peuvent convenir pour certains récits: 

      Au début, lors du problème initial, des questions du genre: «Comment se sent tel personnage? Pourquoi? Qu’est-ce qu’il veut? Qu’est-ce qu’il va faire?»

Lors des différentes tentatives d’actions : «Pourquoi fait-il cela? Qu’est-ce qu’il veut? Est-ce qu’il a trouvé ce qu’il cherchait? « Alors qu’est-ce qu’il va faire?»

«Pourquoi tel événement survient-il? Qu’arrivera-t-il ensuite? Comment cela se fera-t-il? Qu’est-ce que tu en penses?»

Lors de la solution : « Comment tel personnage se sent-il? Pourquoi?» «A-t-il eu ce qu’il cherchait? C’était quoi? Comment il a fait?»

Certaines de ces questions peuvent aussi être posées à la fin d’une histoire.

-          leur  laisser du temps pour relire les livres qu’on leur à lus

-          les amener à anticiper ce qui pourrait arriver

-          fournir un matériel varié qui permette la créativité des enfants

Photo tirée de la vidéo Story Workshop Loose parts https://vimeo.com/649347912/c7bafd1471<BR><BR>

-          installer un coin d’écoute de livres mais aussi d’histoires racontées  ou inventées par les enfants.

-          essayer de transcrire ou d’enregistrer les histoires des enfants ce qui vous permettra et eux aussi de constater leurs progrès le long de l’année.

 

AUTRES  ACTIVITÉS À PROPOSER :

Autour des livres déjà lus

Demander à un volontaire de raconter le livre déjà lu à l’aide des images avec un camarade ou deux qui utilisent des marottes ou marionnettes aux doigts ou à main. Dans ce cas les enfants devront se coordonner pour faire correspondre les gestes au texte.

On peut aussi organiser, au début surtout, des activités spécifiques pour amener les enfants à intérioriser une histoire. Voici deux exemples :

Nous avons écouté l’histoire de Pierre et le loup.


 J’avais apporté en classe quelques instruments de musique pour que les enfants puissent faire le lien entre les sons et les instruments

Après l’écoute nous avons joué tous en même temps, tous les personnages, accompagnés par l’enregistrement de l’histoire (les enfants marchaient ou sautillaient dans le bois quand Pierre partait dans la forêt, virevoltait comme l’oiseau etc.). Le lendemain j’ai apporté quelques accessoires; une casquette avec un bord jaune pour le canard, un boa pour le chat, etc. Juste assez pour évoquer le rôle. J’ai proposé à ceux qui le voulaient de nous rejouer l’histoire accompagnés toujours de la trame sonore. Les déguisements ont ensuite été laissés dans le coin de jeu symbolique.

J’ai ensuite apporté des marionnettes (nous avions déjà un loup, un petit garçon, un chat, un monsieur) : ne manquait que l’oiseau et le chasseur. J’ai proposé aux enfants d’utiliser les marionnettes pour nous raconter eux-mêmes, sans appui sonore, l’histoire de Pierre et le loup. Un enfant faisait le narrateur et les autres les personnages. Pendant qu’ils se préparaient, je les entendais discuter de qui ferait quoi, de ce qu’ils diraient etc. Lors de leur présentation, on pouvait remarquer ce qu’ils avaient retenu de l’histoire, le langage utilisé etc. Là encore les marionnettes ont enrichi notre coin et les plus timides ont repris l’histoire pour eux-mêmes. Le chasseur a d’ailleurs resservi à toutes les sauces.

Photo ©Anne Mauffette

Une collègue elle, étant donné l’intérêt de certains enfants après avoir entendu l’histoire de Casse Noisette, a étudié l’histoire avec les enfants de sa classe de maternelle et les enfants ont fabriqué leurs propres marionnettes à gaine puis ont présenté un spectacle.

Photos ©La Petite école_CBS.


Elle résume ainsi leur expérience : «J’avais  élaboré AVEC les enfants des procéduriers afin d'illustrer le "comment faire" les marionnettes. Certains enfants se sont fait de petits "livres" où ils ont reproduit à leur manière, les différentes procédures. C'est pour se souvenir qu'ils me disaient ! 



Le projet a duré plus d'un mois. Le déclencheur a été la lecture de l'histoire de Casse-Noisette. L'écoute de la musique a donné lieu à un questionnement sur le ballet.  Les marionnettes sont arrivées en cours de route et se sont imposées à nous à la suite d'une question d'un enfant: " On peux-tu en faire un casse-noisette ?" 

S'en est suivi une recherche sur les sortes de marionnettes: à fil, à doigts, à gaine. à tige, etc. Tous en ont rapporté de la maison. On les a classées, analysées, on en a discuté et finalement on a décidé que ce serait des marionnettes à gaine que l'on ferait.

Relire l'histoire, re relire l'histoire pour mieux connaître les personnages et bien choisir celui que l'on veut fabriquer.  Résoudre des problèmes, 3 filles voulaient faire Clara. Deux garçons voulaient faire le prince, Combien de personnages dans le livre versus combien d'amis dans la classe ?, etc. Trop ou pas assez d'amis?

Je prenais au moins 15 minutes avant le spectacle avec les parents afin de leur faire part du processus de réalisation des enfants en identifiant les apprentissages possibles  réalisés par les enfants. La planification, la recherche des tissus, se tenir à 20 derrière un castelet sans se faire voir et en silence... De plus, à la suite du projet, chacun devait répondre à la question: Qu'est-ce que je connais maintenant que j'ai fait ce projet et que je ne connaissais pas avant?»

 Nous avons, dans un CPE, fait des personnages du Petit Bonhomme de Pain d’Épices en papier mâché avec les enfants : chaque petit groupe faisant un personnage. Les décors ont été faits en collaboration avec des parents pour présenter l’histoire du Petit Bonhomme de Pain d’Épices.

Dans un autre, ce sont les éducatrices qui se sont déguisées, faits des décors et ont présenté l’histoire des trois Petits Cochons et à un autre moment : Hansel et Gretel

Photo © Anne Mauffette


L’invention d’histoires

L’invention d’histoire demande des stratégies organisationnelles : il va falloir qu’il y ait une situation initiale, une complication ou des événements (le milieu) menant à une fin.

On peut, au début, proposer aux enfants une phrase de départ à compléter comme ils l’entendent: « Si j’étais un animal…», leur demander d’y penser et que vous allez venir lui demander la suite. Acceptez les changements à votre phrase si l’enfant le désire. Cela donne parfois des choses étonnantes et émouvantes. Une petite fille de cinq ans m’a dit : Est-ce que je peux dire « si j’étais un ange à la place» puis elle a raconté : « J’irais voir ma grand-mère qui habite très loin».

En petits groupes, on peut mettre des objets (animaux personnages, insectes etc.) dans un sac, les enfants pigent et vont inventer une courte histoire avec ces objets.

On peut raconter une histoire, mais laisser aux enfants le soin d’inventer la fin (en dyades ou en petits groupes) ou à la cantonade : on aura plusieurs fins.

On peut inviter un conteur

On peut inventer des histoires collectives : un enfant (ou l’adulte) lance une première phrase, un autre enfant ajoute une autre pour continuer l’histoire, etc. L’adulte aide les enfants en les guidant : qu’est-ce qui pourrait se passer après? Comment cela va-t-il finir? Il  faut alors aussi accepter et rire ensemble des contributions farfelues.

Début d’un conte collectif.     Photo© Danielle Jasmin

L’invention de l’histoire que vous enregistrerez puis transcrirez pourra ensuite être illustrée par les enfants qui le veulent.

On peut aussi écrire avec les enfants une liste de noms  d’animaux ou personnages sur un carton et sur une autre liste d’objets sur un autre ou derrière. Les enfants choisiront un nom et un objet et fabriqueront une histoire avec ces deux éléments. On pourrait aussi faire une pige dans deux sacs. L’adulte ira voir chaque enfant pour enregistrer son histoire. Celles-ci pourront ensuite être partagées.

On doit évidemment respecter le rythme de chaque enfant. Certains ne raconteront jamais dans le groupe, cela ne veut pas dire qu’ils n’apprennent pas. Pour le plus timides, c’est à travers leurs jeux que vous pourrez capter et noter leurs histoires. En retranscrivant leurs dires, vous donnez de l’importance à leurs énoncés. Vous pouvez leur redire leur histoire et leur demander si c’est bien cela. Peut-être ajouteront-ils des détails ou autre chose. Et si vous avez leur permission, vous pourrez à l’occasion, les redire  aux autres enfants. Ils en sont habituellement très fiers.

Vous pouvez aussi travailler seule avec eux les étayant au besoin: qu’est-ce qu’il fait ton personnage, où va-t-il, qu’est-ce qu’il lui arrive?

Certains enfants vont peut-être préférer dessiner d’abord une histoire, en une grande case ou plusieurs (comme dans une BD) et ensuite nous raconter leur histoire.

D’autres enfants vont préférer s’enregistrer, seuls, dans un coin clame (utiliser de petits micros ou enregistreuses) puis les partager avec vous ou les autres enfants.

Raconter une histoire personnelle, c’est donner du sens à son expérience.  Dans le cas d’une histoire précédemment lue, c’est  démontrer qu’on en comprend le sens. Et dans le cas d’une histoire inventée, il y a la créativité dans le propos mais aussi la logique du récit.

 

ÉVALUER LES RÉCITS

Les capacités à raconter évoluent avec l’âge et l’expérience des enfants. Il y a véritablement une courbe développementale mais on constate aussi de grandes différences entre enfants du même âge pour une foule de raisons.

Examiner comment un enfant comprend un récit fictif nous renseigne sur sa capacité de traiter l’information. L’écouter raconter nous donne des indices sur :

·  son vocabulaire, sa syntaxe

·  la présence ou l’absence d’un ou de certains épisodes ou actions importantes,

·  la cohérence de son récit (chronologie, logique)

·  la présence ou non de petits mots connecteurs : d’énumérations (et) de temporalité (puis, après, et après, alors, hier…) de causalité entre les éléments et de conséquence (parce que), de finalité (pour, pour que)

·  la présence ou non d’indicateurs de complexité : introduction de subordonnées relatives (qui, que), temporelles (pendant que, quand). À partir de 5 ans seulement et pas chez la plupart des enfants.

On peut aussi observer si les émotions des personnages sont présentées.

Pour plus de détails, voir le tableau ci-dessus.

 CONCLUSION

Les traces (enregistrement, textes transcris, dessins etc.) que vous aurez gardées vont vous permettre de voir les progrès des enfants, et de les célébrer avec les enfants eux-mêmes et avec les parents

«L’éducation préscolaire est une période d’apprentissage stratégique pour la maîtrise du langage oral»(6). Savoir raconter des histoires fait partie des habiletés à acquérir. C'est à la fois nécessaire pour communiquer avec les autre et cela  prépare la voie à la lecture et la narration écrite. Le développement du récit au préscolaire est lié à la compréhension future en lecture.  L'émergence de la littératie passe par l'émergence de la compréhension des récits.» (5) Étant donné sa valeur pédagogique inestimable,  il faut donc lui consacrer du temps.


INSPIRATIONS 

1. Raconte-moi une histoire : les habiletés narratives des enfants qui tardent à parler. Publié le 16 septembre 2015 sur le site du RIRE (Réseau d’information pour la réussit éducative).

       2. Guillain André (1992) : La narration graphique chez l’enfant https://doi.org/10.4000/trema.2407

       3. Gianni Rodari ( 1996) : The grammar of fantasy : The art of inventing stories, Teachers and Writers Collaboration

       4. Makdissi, H. ; Boisclair, A. (2004). L'art de raconter chez l'enfant d'âge préscolaire : Une grille du développement du récit. Document III : Rapport de recherche soumis au Programme de partenariats en développement social. Canada : Développement des ressources humaines.

       5. Makdissi, H.; Boisclair A. et Renaud, J.S. (2004)  Le développement de la compréhension du récit au cours de la petite enfance. https://www.researchgate.net/publication/312531233

        6Roubaud, M.N. et Romain, C. (2016). L’organisation du récit oral chez l’enfant de 3 à 6 ans : une étude comparative. Université d’Aix Marseille.  Web conférence  Congrès mondial de la linguistique  française.

Pour imprimer le texte en format PDF: https://drive.google.com/file/d/1kIngvc7x1RBA0BDujhV8oGd-qhAgrSjp/view?usp=sharing


 



Impliquer les enfants dans la création des coins de jeu.

Par Anne Gillain Mauffette C’est après avoir écouté une histoire d’arbre (The spooky old tree), où trois petits ours bravent leurs peurs  ...