samedi 27 avril 2024

Les temps de regroupements au préscolaire


Par Anne Gillain Mauffette

On pense souvent, quand on parle de regroupement, à la «causerie». Mais les occasions de regroupements sont beaucoup plus nombreuses que cela.

Les moments de regroupements peuvent jouer plusieurs rôles et prendre plusieurs formes.

 

On se regroupe pourquoi?

 

 Photo Peachtree
Ici, les enfants sont en train de voter pour donner des noms à leurs poules.
Les noms sont inscrits sur des cartons et chacun met une pastille sur son nom préféré.

On se regroupe pour :

· se «reconnecter» après une absence,

· se connaître

Photo Danielle Jasmin

Les enfants sont tous deux par deux. Ici, un enfant commente une photo.

· établir les règles de vie du groupe ou de  la classe

· planifier la journée,

· prendre connaissance d'un nouveau matériel,

· montrer et commenter ce qu'on a fait,

Photo Danielle Jasmin

· questionner les enfants sur ce qu’ils savent d’un sujet

· discuter d'un point philosophique (c'est quoi un ami?)

· introduire de nouveaux concepts

· dire comment on se sent (éducatrice/enseignante inclue)

· faire le point sur une situation,

· parler de ce qu’on aime au CPE ou à l’école et ce qu’on aime moins et pourquoi, ce qu’on aimerait améliorer et comment (exemple : il n’y a rien à faire dehors).

· regarder un bout d’une vidéo prise en classe et en discuter

· regarder un documentaire sur un sujet d’intérêt du moment

· regarder et commenter des images (des œuvres de peintres, de sculpteurs, de différentes sortes de maisons et édifices qu’on accrochera dans le coin des blocs, etc.).

· écouter et commenter une histoire,

· inventer des histoires collectives

· apprendre des comptines, jouer aux devinettes

· chanter,

· écouter ou faire de la musique

Photo Danielle Jasmin

· danser

· assister à la présentation d’une scénette de marionnettes par les camarades ou l’enseignante

· faire des jeux collectifs (le mouchoir, la chaise musicale, de motricité : préparer un parcours dans la classe, etc.). À l’intérieur et l’extérieur.

Photo Danielle Jasmin 
Chaise musicale coopérative

 

Photo tirée de la vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=zm621s7QskY

· examiner nos trouvailles (récoltées sur la cour, en promenade -cailloux, feuilles, insectes-)

· revenir sur une sortie (ce qu’on a appris, aimé, comment cela s’est passé).

·  relever des intérêts observés dans le jeu et discuter avec les enfants de possibilités d’activités autour de ces thèmes.

· leur demander ce qu’ils aimeraient faire

· classer les matériaux polyvalents ( loose parts) apportés de la maison

· interpréter un texte dicté à l’adulte (théâtre à la Vivian Paley)

· interpréter un conte, une histoire

· interroger et écouter un invité, un expert

· manger ou collationner ensemble

· préparer une fête ou une sortie, etc.

· fêter quelqu’un

· faire une détente, du yoga, des massages, une pause, la sieste

Photo Danielle Jasmin
Les enfants sont deux par eux et se font des massages.

· s’apprêter à aller dehors ou à faire une visite ou à aller au gymnase, au service de garde, aller dîner, aux toilettes, à l’autobus

· écouter les consignes avant ou pendant une sortie (comment cela se passe au théâtre, consignes de sécurité, politesse, etc).

Photo Danielle Jasmin 
Avant de rentrer chez le poissonnier

· ranger ou déplacer les tables en vue d’une activité

· revenir sur les temps forts de la journée avant de partir ou leur rappeler l’évènement spécial de demain, rappeler les messages à transmettre aux parents (apporter des bottes demain pour aller en forêt).

· se déplacer d’un point à l’autre

Photo Garden Gate

· lire

Photo Danielle Jasmin
Un livrethon au gymnase

· Faire des activités avec les parents et les familles

Photo Danielle Jasmin
Les parents sont venus assister au spectacle préparé par les enfants.



                           Ici, une course organisée avec toutes les familles     Photo Peachtree

· etc.

On se regroupe quand?

Certaines commencent la journée par les présences, le calendrier, la météo, le menu du jour (attention, ça peut devenir vite trop long pour certains enfants - voir note***).

D’autres, vont permettre une période de jeu dehors ou dedans, avant le regroupement. D’autres encore, vont commencer la journée par une histoire pour provoquer une conversation ou en chansons pour se sentir bien, ensemble.

Le bonheur de chanter ensemble         Photo Danielle Jasmin

Ce n'est pas obligatoirement le matin en arrivant (mais ça peut l'être). Ou juste avant de partir (mais ça peut l’être). Il va y en avoir des moments de regroupement plusieurs fois par jour, en alternance d’actions spontanées et  des jeux et activités individuels ou à plusieurs. Cela dépend de la fonction et du besoin.

 

On se regroupe comment? Où?

Ce n'est pas non plus obligatoirement en grand groupe;  cela peut être aussi en deux groupes  (Si on a une stagiaire par exemple), ou en petits groupes (pour travailler à une partie d’un projet ou pour échanger sur un sujet). On peut aussi tous se regrouper par deux. Les petits groupes donnent l’occasion à des enfants qui ne s’exprimeraient pas en grand groupe, d’avoir plus facilement une voix.

Cela peut être à l’intérieur mais aussi dehors.

La durée du regroupement devrait être variable selon l’objectif et l’intérêt des enfants. Si les enfants ne sont plus disponibles, on peut se poser des questions sur la pertinence du regroupement à ce moment là ou du contenu de celui-ci.

Les positions des enfants peuvent aussi être variées et changeantes: assis en tailleur, assis sur les genoux, allongés, certains ou tous debout, ou sur des chaises, des coussins, des ballons, autour de tables, etc.

Photo Garden Gate
En visite chez un potier

 

Une auteure est venue présenter son livre.        Une éducatrice raconte une histoire     Photos Peachtree

Un parent est venu raconter une histoire pendant le dîner.

Certains enfants ont besoin de bouger pour se concentrer et de changer de position pour écouter une histoire ou suivre une conversation.

Dans les écoles inspirées de Waldorf, pour faciliter l’attention des enfants, on leur distribue un morceau de cire d’abeille (une sorte de pâte à modeler à base de cire) pour qu’ils puissent la tripoter pendant qu’ils écoutent. Chez Montessori aussi.

D’autres proposent que les enfants puissent avoir un toutou dans leurs mains en début d’année (Voir note**).

L’adulte pourrait aussi à l’occasion utiliser une marionnette pour captiver l’attention des enfants et leur poser des questions.

Photo : Juliette

 

Les configurations du groupe vont aussi être différentes; souvent en cercles ou en carrés, mais parfois,  comme au cinéma (des rangées de chaises) ou en file ou sur des bancs, des gradins. À l’intérieur et à l’extérieur.

 

 Photo Garden Gate

Photo Peachtree

 Dehors, comme dans ces écoles en Angleterre.




Photos: gracieuseté de Learning through Landscapes

Choisir sa place

On peut laisser les enfants choisir où ils s’assoient plutôt que d’avoir des places désignées (exception faite d’un enfant qui a besoin d’être plus proche de vous par exemple).

Mais on peut, à l’intérieur, placer des marques au sol (pastilles) pour aider les enfants, surtout en début d’année, à se placer en cercle.

Moments privilégiés de d’affinement du langage

Dans la plupart de ces moments, on essaie d’encourager les enfants à l’écoute des autres (dont l’éducatrice /enseignante ou un invité) mais aussi de provoquer la parole des enfants.

Mais on ne force personne à parler, évidemment.

C’est  «la multiplicité et la diversité des échanges»4 dans différents contextes qui vont consolider le bagage langagier des enfants et leur compréhension du monde.

On a parfois tendance au préscolaire, à prioriser le langage écrit, alors que l’oral est le fondement de l’apprentissage et de la compréhension en lecture et de tous les autres apprentissages présents et futurs.

De plus, «certains moments  d’échanges  collectifs  sont  structurés  autour d’activités d’éveil concernant la prononciation et la sonorité des mots. Alors, l’enseignante  questionne  les  élèves  et  attend  des  réponses précises concernant la phonologie des mots. Or, ce travail sur les sons, les syllabes et les phonèmes…ne  favoriserait  pas  la  communication» dans 4.

Bien sûr les enfants parlent à d’autres moments de la journée, dans les jeux libres, dans le jeu symbolique particulièrement. Les échanges, pendant toute la journée, entre les pairs de différents milieux, contribuent à la co-construction du langage de tous4.

Mais les temps de regroupement permettent à l’adulte d’étayer le langage et l’expression des enfants.


Les répercussions de ces temps de groupe

Elles sont nombreuses, en plus de celles liées à l’activité proposée (travail de la voix dans les chansons, notion de rythme, hauteur et intensité du son etc., par exemple) :

·  Stimuler le vocabulaire, le langage, les capacités d’expression, les habiletés de communication

· Stimuler le développement cognitif, la pensée

· Augmenter le bien-être émotionnel.

· Élargir les connaissances générales des enfants, les enfants apprenant les uns des autres et ensemble (un enfant est allé en voyage, on regarde sur la carte, etc.) et abordant des sujets nouveaux pour certains ou tous.

· Développer la confiance en soi.

· Respecter  et apprécier les idées des uns et des autres

· Apprendre à s’autoréguler

· Etc.

Toutes ces composantes qu’on retrouve dans les programmes du préscolaire.

Ces temps partagés vont aussi cultiver l’appartenance au groupe, si importante pour le bien-être et la réussite éducative des enfants.

Comme on peut le constater, les temps de regroupement sont plus que la « la causerie» à laquelle on est habituées où on raconte ce qu’on a fait en fin de semaine ou autre chose.

 

Mais revenons à la fameuse « causerie» 

 

 Voici les résultats de différentes  études :

Dans l’étude de Fisher et Doyon en 20102

Dans des vidéos d’enseignantes de maternelles 5 ans, on remarquait à l’époque que :

-          Le contenu était souvent orienté vers de l’information donnée par l’enseignante

-          Les enseignantes insistaient pour qu’on reste «sur le sujet»

-          Les enseignantes posaient des questions dont la réponse était courte

-          La participation des enfants était inégale

 

On y définit le rôle de l’enseignante comme devant:

· Trouver des «enjeux communicatifs réel», des «défis pour susciter la parole des enfants»

· Écouter davantage, suivre la pensée des enfants

· Faciliter les interventions

· Étayer les enfants au niveau du langage et de la pensée

· Relancer la conversation

· Rétroagir au niveau du langage ou du contenu

· Sentir quand « il se passe quelque chose»

Les auteures concluaient que «Quand un groupe est captivé par un sujet, la discipline ne se pose pas».

Photo Danielle Jasmin
On écoute.

Un article de 2023, dans la Revue Préscolaire3, inspiré du premier, nous offre lui  aussi une série de conseils pour optimiser nos pratiques au niveau de la gestion et du contenu de celles-ci et des interventions à privilégier.

Après avoir visionné 30 causeries avec 11 enseignantes et des enfants de 4 ans, elles ont constaté, entre autres :

-          Que les pratiques par rapport à la causerie étaient restées les mêmes depuis l’étude d’il y a dix ans.

-          Que le droit de parole était presque toujours donné par l’enseignante ou dans l’ordre où les enfants sont assis, ce qui concentrait les échanges entre l’enseignante et l’enfant, mais réduisait ceux entre enfants.

Les auteures nous recommandent, afin de favoriser les échanges de:

· «permettre aux enfants de discuter entre eux, de rétroagir, de se questionner, de communiquer leur opinion et d’écouter celle des autres».

· permettre aux enfants «de parler tous en même temps même si cela parait chaotique», car cela démontre leur intérêt sur le sujet et il en sortira sans doute «des moments riches».

· permettre parfois aux enfants de discuter en sous-groupe puis de revenir en grand groupe

· utiliser du matériel pour stimuler les échanges

· s’assurer du droit de parole de tous ceux qui le désirent

J’ajouterais : aller chercher ceux qui n’ont pas parlé pour s’assurer que, s’ils le veulent, mais sont plus timides, ils auront leur place dans la discussion.

-          Que l’enseignante répète souvent aux enfants d’être en position d’écoute, et lever la main, d’attendre son tour (19 interventions par causeries!).

Elles nous recommandent comme dans Fisher et Doyon2 que « les règles de fonctionnement soient annoncées clairement au départ et appliquées comme annoncées».

Mais comme dirait mon amie enseignante : «Quand il faut ramer trop fort, à contre courant, que les enfants se désorganisent et que la seule solution c’est de rappeler les règles, c’est le temps de passer à l’action.»

J’ajouterais qu’il faut être souple dans nos exigences. D’ailleurs, les adultes ne lèvent pas souvent la main pour parler lorsqu’ils sont en groupe (sauf sur Teams et autres plateformes) et se coupent même parfois la parole.

Et que «permettre aux enfants d’enchaîner leurs propos avec celui d’un autre»3, sans respecter un ordre établi, risque de donner des échanges plus intéressants et soutenus.

Je dirais aussi de permettre à un enfant incapable de rester dans le groupe, de faire autre chose de calme, à condition de ne pas déranger le groupe. En général, cet enfant va quand même écouter ce qui se dit. On pourra dire, comme Brigitte Campbell 1  dans son livre, aux enfants qui s’en plaignent, après avoir expliqué les pas à franchir dans tout apprentissage : « que X n’est pas encore rendu à être capable de rester longtemps en groupe» (voir l’extrait plus bas dans la note*).

-          L’observation des vidéos a aussi révélé que les thèmes abordés tournaient presque toujours autour des enfants eux-mêmes (« parler de soi»).

On pourrait penser à :

-          Diversifier les sujets :

· En utilisant la littérature jeunesse

· En demandant ce dont les enfants aimeraient parler

· Poser des questions ouvertes qui demandent un développement (exemple donné : Pourquoi n’es-tu pas d’accord avec lui?)

· Reformuler les mots des  enfants pour enrichir leur vocabulaire

-          Ils ont aussi remarqué que les enseignantes parlaient  plus souvent et longtemps que les enfants. Pour donner la parole aux enfants, on pourrait :

·  Enregistrer des moments de causerie (sur notre téléphone ou un ipad) ce qui nous permettrait d’examiner nos pratiques, de revenir sur certains énoncés des enfants, d’analyser ceux qui parlent et ne parlent pas, de retourner auprès de certains enfants pour leur permettre de continuer leur histoire interrompue ou discuter avec eux d’un problème évoqué.

Cela nous donnerait aussi une idée de notre temps de parole et un portrait de nos interventions et de leurs effets.

· Parler de moments vécus ensemble ou d’un projet commun va amener des conversations, des dialogues plus riches.

Car parler de soi (de ce qu’on a fait en fin de semaine, de nos intérêts), c’est bien, mais cela n’inclut pas tous les enfants dans la conversation et encourage l’individualisme.

Photo Danielle Jasmin
Les enfants ont fait une visite dans des commerces au marché et sont ensuite retournés en classe mettre en commun ce qu’ils avaient remarqué.

· Faire des sous-groupes. On le sait, il y a des enfants qui sont des «grands parleurs».

L’idée de sous-groupes peut permettre aux enfants plus réservés de s’exprimer davantage. Quitte à revenir en grand groupe après.

· Lorsqu’on doit interrompre l’histoire trop longue d’un enfant ou l’expression d’une préoccupation personnelle qui mérite d’être traitée ailleurs, on peut lui dire qu’on va revenir le voir pour qu’il puisse finir son histoire et bien sûr, le faire.

Les auteures suggèrent d’offrir parfois un sablier pour limiter le temps de parole.

J’ajouterais qu’il faut être souple et ne pas écarter systématiquement les propos qui ne sont pas en lien avec le sujet traité. C’est peut-être la première fois que cet enfants dit quelque chose auquel il pensait à ce moment là, ou bien un enfant qui exprime sa peine (« mon hamster est mort», ce qu’on doit considérer avec compassion. On doit pouvoir aussi changer de sujet si on voit que les enfants orientent soudain leur intérêt tout d’un coup vers autre chose. Dans un cas tel que la mort d’un animal, certains vont sans doute vouloir partager d’autres deuils qu’ils ont vécu (le chat de leur grand-mère ou le décès d’un proche).

·  On peut aussi cibler l’intérêt d’un enfant plus timide, ce qui va peut-être l’inciter davantage à parler.

· Parler des choses qui les préoccupent.

Photo Danielle Jasmin
Le Conseil de coopération

· Certaines utilisent (surtout en début d’année) un micro, un bâton de parole, un toutou, ça peut aussi être un beau caillou, pour gérer les tours de paroles.

J’ajouterais à ces propositions :

Qu’on va ajuster la durée de ces temps ensemble, selon la curiosité manifestée et les capacités attentionnelles des enfants.

Qu’il faut aussi tenir compte des enfants dont la langue maternelle est autre et porter une attention particulière aux enfants ayant des difficultés de communication (pour différentes raison) et qui, s’ils ont de la difficulté à suivre, vont se désintéresser et s’exclure eux-mêmes des conversations ou être ignorés des autres ou encore déranger.

En fait, l’adulte va varier son soutien en fonction de la zone proximale de développement de chacun, car il y a de grandes variations dans le développement langagier des enfants.4

Les adultes peuvent utiliser différentes stratégies pour soutenir le langage des enfants : reformulation, expansion, extension, répétition, utiliser un synonyme, compléter l’énoncé d’une enfant. Même donner un choix de réponses peut être utile à un enfant qui manque de confiance en ses capacités à communiquer.4

Mais le plus important reste l’intérêt authentique de l’adulte envers ce que les enfants racontent. De prendre le temps de les écouter. Les enfants ont besoin de se sentir entendus, soutenus et compris.

L‘enregistrement de ces temps de conversation, de discussion, de planification que ce soit à la collation ou à d’autres moments, nous permettent de transcrire les dires des enfants et enrichissent notre documentation à leur sujet. On peut ensuite, à tête reposée, examiner le niveau de langage de chacun (prononciation, vocabulaire, longueur de phrases, etc.) mais aussi découvrir ce qui les intéresse pour planifier les situations futures à proposer. Ces traces vont nous permettre de voir les progrès des enfants en cours d’année tant au niveau langagier que relationnel. On va pouvoir constater les concepts et connaissances intégrés et l’évolution de leur niveau de réflexion.

 

Conclusion

Photo Peachtree

Les temps de regroupement, construisent l’esprit de groupe, tout en développant toutes sortes d’habiletés. Mais ils sont exigeants pour les enfants.

À nous de bien rythmer les temps de jeux libres avec les temps de groupe, les temps d’activité motrice intense ou moyenne et les moments plus calmes et de varier les types de regroupements et leur objectifs.

D’y prend le pouls du groupe et des besoins des enfants (ont-ils besoin de se reposer ou d’aller dehors?).

De créer un climat de confiance où chacun peut s’exprimer; où même les idées qui peuvent paraître saugrenues ne sont pas moquées et peuvent même être mises à l’épreuve.

Ces temps peuvent être un moteur dans un curriculum émergent, car ils permettent de faire le point, de planifier ensemble la suite des choses et de se retrouver.

 

Ajouts :

Note*

Voici un extrait d’une intervention dans la classe de Brigitte Campbell  tel que raconté dans son livre1

Un matin, en m’apprêtant à raconter une histoire au groupe, un enfant me fait remarquer que Félix n’avait pas rejoint le groupe, qu’il continuait à jouer.

J’ai donc répondu : « Peut-être que Félix n’a pas encore appris à s’assoir pour écouter les histoires… Je vais t’expliquer comment on fait pour apprendre ». J’ai rapidement dessiné un escalier au tableau en disant : « Tout ce que tu apprends, tu l’apprends un petit bout à la fois (je pointe en même temps les marches qui montent, une à la fois).

… (Discussion avec les enfants sur comment on apprend à écrire son nom). Puis :

« Pour (arriver à) écouter mon histoire :

·         Au début (1re marche), tu apprends à écouter quand papa ou maman te parle (seul à seul),

·         puis (2e marche) tu apprends à écouter un ami,

·         puis (3e marche) tu apprends à écouter de nouvelles personnes que tu rencontres : moi, les éducatrices, etc…

·         et finalement, (4e marche), tu apprends à écouter quand je parle à tout le groupe en même temps, comme pendant l’histoire.  

La fois suivante, quand un enfant dira : « Brigitte, Félix y joue » ou « Félix y’écoute pas », je répondrai simplement : « Toi, est-ce que tu es capable de m’écouter? » ou « C’est vrai, il a encore besoin de pratiquer. Tu veux montrer comment on fait? ». Le ton et l’intention sont très importants; pas de sarcasme, pas d’impatience ni de jugement. Cela doit se faire dans l’ouverture et l’acceptation des différences, des forces et défis de chacun. C’est un moyen concret de faire de la différenciation. Mon ton n’exprime pas un reproche, mais de la confiance; les enfants doivent ressentir le respect et la confiance que j’éprouve pour chacun d’eux.


Note **

Voici un autre témoignage d’une enseignante en maternelle 5 ans (retraitée) :

Moi, je commençais le calendrier en octobre seulement et même en novembre avec certains groupes.

 Les rassemblements style «  causeries » doivent être très courts en début d’année (10 minutes). Le contenu est libre (pas de thème). Les 2 ou 3 premières semaines, les enfants pouvaient apporter un jouet, un toutou, ou un objet qu’ils aimaient particulièrement et nous le présenter (formule gagnante). S’il y a trop de présentations, on fait 2 ou 3 périodes durant la journée.

Quand les enfants devenaient plus volubiles, le rassemblement commençait aux tables. Les enfants échangeaient spontanément, je me joignais à une table, à une autre le lendemain. Certaines années, les enfants se donnaient des règles (ex.: des tours de table, nommer un animateur, décider si un enfant apporterait une suggestion au rassemblement du grand groupe, etc.).

Lorsque j’évaluais que la grosse majorité du groupe était prête, nos rassemblements servaient:

À choisir un thème de projets (brassage d’idées, vote)

À suggérer des projets individuels, en dyades ou en petit groupes qui pourraient être réalisés 

À faire une liste du matériel nécessaire et des coins à réaménager

Au fur et à mesure que les projets se développent : échanger sur les difficultés rencontrées, discuter de l’aide nécessaire (ex.: élèves de 6e année)

Présenter les projets terminés

Évaluer et décider si on fait une fête, si on invite des visiteurs etc…

Cependant, au rassemblement du matin, il y avait toujours de la place pour qu’un enfant s’exprime sur un autre sujet.

Parfois, quand, durant les jeux libres, il y avait trop d’agitations, beaucoup de conflits ou des pleurs, je demandais à tous les enfants de s’arrêter, de venir me trouver dans l’espace de grand rassemblement, pour leur demander comment ils se sentaient, et je leur disais que nous avions une décision à prendre: continuer les jeux libres en changeant d’attitudes ou tout ranger, s’en aller dehors ou faire une période de détente que j’animais.


Note***

À propos du calendrier :

 On retrouve dans Campbell1

Bien que de nombreux enseignantes prévoient du temps pour parler du calendrier en grand group en début de journée…pour la plupart des enfants, réciter par cœur les jours de la semaine ou la date du mois ne permet pas de créer un lien bénéfique ente ce symboles et l’expérience du temps qui passe. Il est préférable de trouver des moyens de lier les termes comme aujourd’hui, hier et demain  (avant, après, plus tard, matin, midi, après-midi et soir, nuit) à des expériences authentiques.5dans 1 La parenthèse est de moi.

D’autre part Katz 6 questionne la pertinence du calendrier pour les enfants de moins de 6 ans. Elle explique que pour comprendre le calendrier, les enfants doivent comprendre que le temps est séquentiel. La séquence inclue hier, aujourd’hui, demain, le matin, l’après-midi, le soir, Dimanche, Lundi, Mardi etc. Ils doivent conceptualiser l’avant des évènements et l’après.

Les jeunes enfants ne peuvent concevoir le temps en termes d’unités telles que le jour, la semaine, les mois. La compréhension du calendrier leur demande de connaître non seulement l’avant et l’après, mais la durée entre des évènements. Un enfant d quatre ans à qui on promet une sortie ne comprendra pas temporellement la différence de durée entre dans cinq jours ou dans huit jours. Et souvent même pas «dans deux heures» et c’est pourquoi il va nous demander toutes les deux minutes « quand est-ce qu’on part?»

Ce n’est que qu’entre 7 et 10 ans que les enfants peuvent juger de la longueur du temps entre un évènement passé ou futur , en années, en terme de calendrier.

Les concepts demandés par le calendrier dépassent les habiletés de compréhension des jeunes enfants.

Le fait de « faire le calendrier» n’aide pas les enfants dans leur développement du concept du nombre. Et quand on leur demande : quel jour sommes-nous?, ils devinent et se trompent souvent. D’ailleurs les termes 19. 27 etc. ne veulent rien dire pour eux. Il vaut mieux fournir aux enfants des objets concrets pour aborder les concepts mathématiques.6

Certaines enseignantes utilisent aussi le calendrier pour l’apprentissage des lettres, des mots de la semaine ou des mois de l’année. Mais ces activités ne permettent pas vraiment les dialogues interactifs entre les enfants.

 

Références :

1.      Campbell, B. (2024) Vive le jeu à la maternelle. Stratégies et outils pour favoriser le développement global de l’enfant. Chenelière Éducation. Didactique. Petite Enfance et préscolaire (4 à 6 ans)

2.      Fisher, C. & Doyon, D. (2010). De la causerie à la conversation en groupe à la maternelle. Québec français, (156), 89–91 : https://www.erudit.org/fr/revues/qf/2010-n156-qf1502914/61425ac.pdf

3.       Ouellet, E.; Laurent A.; Lavoie C. (2023) Causons causerie, Revue Préscolaire no 613,: https://aepqkiosk.milibris.com/reader/01d7ce72-d4c4-4632-a807-f6b40f743803?origin=%2Frevue-prescolaire%2Frevue-prescolaire%2Fn613-2023

4.       Thériault P., Fortin M.  (2023) La causerie à la maternelle 4 ans  Revue Hybride de l’Éducation no.2: https://revues.uqac.ca/index.php/rhe/article/view/1314/1371

5.      Manitoba Éducation et Formation (2019) Les joies de l’apprentissage : un document d’appui pour les enseignantes à la maternelle. Programme d’immersion française. P.159

6.       Beneke S.J., Ostrosky M.M, Katz L.G. (2008): Calendar time for Young Children: Good Intentions Gone Awry, Young Children, vol.63, no. 3 p. 12-16: https://www.naeyc.org/sites/default/files/globally-shared/downloads/PDFs/resources/pubs/calendartime.pdf


Remerciements

Merci à Gisèle Brulé de m’avoir permis de témoigner de son expérience et à Brigitte Campbell de m’avoir permis d’inclure des extraits de son livre.


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