Comment utiliser cet intérêt pour amener les enfants plus loin?-
- Proposer aux enfants du matériel intéressant, ouvert, peut diminuer le temps passé à ces jeux.
Photo Peachtree Preschool
- On pourrait profiter de cet intérêt pour amener des enfants, pas trop portés sur l’expression artistique, par exemple, à dépeindre leurs personnages préférés et à élaborer un scénario, en dessin en peinture. Ou représenter des personnages en pâte à modeler ou terre glaise. À prendre des photos de leurs réalisations et en faire une histoire, etc.
Une enseignante a proposé aux enfants : Pourriez-vous représenter des Super-héros. Les enfants avaient des images et des livres qu’ils pouvaient consulter.
Un garçon a dessiné Hans Solo et la princesse Leia
On peut voir les macarons de chaque côté de la tête de la princesse et la ceinture spéciale de Hans Solo qu’il m’a désignée. (Photo Anne Mauffette)
Le fait de représenter les personnages et des bagarres en dessin ou par d’autres médiums que leurs corps fait en sorte que les enfants se distancient de l’action.
Les petits personnages jouent la même fonction.
Ci-dessous des extraits d’un grand dessin fait par un enfant de 5 ans qui ne dessinait presque jamais. On constate des essais d’orthographe inventé.
Certains impressionnés par Star Wars ont représenté des vaisseaux en vol : «ils font la course».
Certains ont créé une flotte de vaisseaux en LégoPhotos Anne Mauffette |
Et un garage pour abriter les vaisseaux
- On pourra aussi parler de ceux qui créent les émissions, les auteurs et les dessinateurs qui décident des personnages et actions.
Les enfants pourraient ensuite inventer des histoires comme à la télévision et devenir des créateurs : ici un garçon a fait plusieurs dessins et les a attachés ensemble pour les faire défiler et raconter ses aventures.
Comme nous l’avons vu, les dessins peuvent aussi être l’occasion de l’émergence de l’écriture.
- L’ajout de livres sur les Super-héros appropriés à leur âge dans le coin lecture pourrait peut-être motiver certains dans l’émergence de la lecture. L’ajout de casse-têtes peut inciter peut-être certains qui n’y sont habituellement pas attirés.
On pourra proposer la réalisation de leurs propres bandes dessinées ou livres:
- Comme dans Astérix et Obélix, mes petits-enfants ont fabriqué beaucoup de potions magiques qui donnaient toutes sortes de pouvoirs : celui de disparaître ou faire disparaître, de guérir, de courir plus vite… Tout en faisant des mélanges, ils évaluaient les quantités, les proportions (mathématiques) et s’exerçaient au transvasage (motricité fine), etc.
- Les enfants pourraient aussi se choisir un pouvoir qu’ils aimeraient posséder et inventer un nom pour leur personnage.
- Créer des costumes :
- Ils pourraient créer une ville à défendre : soit en dessin ou avec des boites de carton.
- On pourrait proposer aux enfants de créer un hôpital où recevoir les «blessés» ce qui aurait l’avantage d’inclure d’autres enfants ou un restaurant où les Super-héros viendraient se sustenter.
- Ou encore, ajouter des hélicoptères et autres véhicules de sauvetages dans le coin blocs.
- On pourrait introduire des connaissances scientifiques en étudiant certains animaux auxquels certains Super-héros ont emprunté leurs noms et habiletés : Spiderman (l’Homme araignée) et Bat Man (l’Homme chauve-souris). On pourrait en profiter pour lire sur les chauves-souris (voir le livre d’Élise Gravel), construire et installer une cabane à chauve-souris.
On pourrait chercher des toiles d’araignées dans la nature, en regarder dans des livres et en inventer avec toutes sortes de matériaux.
Pour d’autres exemples de toiles d’araignées, voir : https://jeulibrequebec.blogspot.com/search?q=Un+curriculum+%C3%A9mergent+%C3%A7a+a+l%27air+de+quoi
Explorer quels animaux ou insectes grimpent sur les murs : les fourmis, les geckos, certaines grenouilles, les araignées. Comment font-elles? Ceci peut donner lieu à un projet où de petits groupes explorent les propriétés d’un animal ou insecte.
Explorer les notions :
- d’invisibilité (étudier les techniques de camouflage de certains animaux ou insectes)
-de vol (observation d’oiseaux, faire voler des choses : objets, cerfs-volants avions en papier, jouer avec un parachute et faire des parachutes).
Une enseignante a fait une invitation aux enfants: Plusieurs Super-héros volent. Pourriez-vous faire voler des choses sans les lancer avec vos mains?
-de vitesse. Exemple : dans son groupe une enseignante a mis une corde de 90 pieds au sol. Elle a ensuite invités les enfants à courir le plus vite possible en les chronométrant toute en disant les secondes tout haut. Puis elle a montré une photo d’un Cheeta qui le fait en une seconde. Les enfants ont refait plusieurs fois spontanément le parcours sur la cour.
Certains animaux qui ont aussi les attributs recherchés comme la force peuvent être exploités comme certains dinosaures mais aussi les éléphants…ou les requins (qui ne sont pas tous «méchants»).
- Ou encore inventer des personnages de l’espace imaginaires par exemple.
- On pourra aussi discuter avec les enfants de qui a du pouvoir dans la vraie vie ? Les policiers et les militaires (qui ont des armes) et tous ceux qui décident bien sûr: les adultes (parents, enseignants, éducatrices, entraineurs…), les politiciens, les administrateurs, les patrons, etc.
- On pourrait discuter avec eux de comment ils pourraient avoir plus de pouvoir : bien manger, faire de l’exercice…
- Des qualités des Super-héros et comment on pourrait les acquérir.
- Comment ils pourraient eux-mêmes aider les autres et leur environnement. Un groupe dans un milieu préscolaire a fait une levée de denrées alimentaires. Puis ils ont écrits des mots à des Super-héros du quotidien : « Merci de nous garder en sécurité». Mais cela pourrait être de composter, de ne pas jeter des choses par terre, de faire des affiches pour inciter les gens à garder le terrain de jeu ou la plage propre, d’établir une correspondance avec des personnes âgées, etc.
Ici, les enfants ont apporté des denrées à un centre et aidé la bénévole à mettre les items sur les rayons. Photos Boulder Journey School
- Pour ceux qui s’intéressent aux vaisseaux spatiaux, leur demander qui, pour vrai, explore l’espace? Les astronautes et astrophysiciens. Parler des femmes astronautes pour contrer le sexisme.
- Certains vont peut-être s’intéresser aux avions Supersoniques. Ils pourraient en fabriquer en papier.
- On peut aborder avec eux le sujet suivant: Qui sauve des vies pour vrai? Les médecins, paramédics, pompiers, policiers, des sauveteurs à la piscine et sur les plages, les pilotes qui luttent contre le feu, de braves gens qui viennent en aide à des personnes en danger et même des chiens (voir des Terre-Neuve sautant à l’eau d’un hélicoptère pour sauver une personne). Qui risque sa vie pour les autres? Les pompiers, policiers ou pour la science : les astronautes, par exemple.
- On pourrait regarder les émissions que les enfants mentionnent et échanger à propos de celles-ci : « Est-ce que tu as aimé quand…?» «Pourquoi penses-tu que c’est arrivé? » «Moi je n’ai pas aimé quand….».
«Dans la vie, cela ne se passe pas comme ça». « Comment penses-tu qu’ils ont fait cette cascade?» « Est-ce cela pourrait- t’arriver? Qu’est-ce que tu ferais dans cette situation?» « Si tu avais le même problème qu’est-ce que tu ferais?» «Pourrais-tu trouver une solution où personne ne se fait mal?»
Photo : Mrs. Myers Kindergarten
- Échanger, en dehors du jeu, sur la différence entre la réalité et l’imaginaire. «Penses-tu que cela est possible dans la vraie vie?» « Qu’est-ce que tu as pensé de ceci ou cela?» «On dirait dans l’émission que la violence est un bon moyen de régler des problèmes, qu’est-ce que tu en penses?» « Qu’est-ce qui arriverait si tu sautais de si haut?» « Dans l’émission ils montrent quelqu’un qui saute à travers une fenêtre pour attraper quelqu’un mais dans la vraie vie, on ne peut pas faire cela, on serait vraiment gravement blessé.»
- Discuter des problèmes rencontrés lors de ces jeux : Il semble que certains veulent jouer aux Power Rangers mais que d’autres n’aiment pas cela quand les Power Rangers les approchent : «Qu’est-ce qu’on pourrait faire?»
Les enfants sont souvent surpris de la réaction d’autres enfants; « Mais on des bons!»
Utiliser un incident pour discuter en groupe, des façons de prévenir ceux-ci et comment résoudre un conflit. Insister sur la sécurité de tous.
- On pourrait aussi parler avec les enfants de la publicité : Est-ce que le jouet qu’on leur montre est aussi excitant que dans l’annonce? Aussi solide? Les sensibiliser au fait que des personnes font de l’argent en leur vendant ces produits.
- On pourrait aussi à travers des histoires contrer les stéréotypes liés au genre : Le monstre poilu de Pef met en vedette une petite fille courageuse qui brave le monstre.
Lire des histoires d’enfants qui règlent des problèmes sans armes : Le garçon Tam Tam qui met en déroute des ennemis avec son instrument ou Kirikou de Michel Ocelot qui démontre que la valeur n’attend pas le nombre des années.
- On pourra aussi ouvrir la discussion entre parents et éducatrices ou enseignantes pour qu’ils soient au fait de ce qui se passe en classe et pourquoi.
- On pourrait proposer des jeux de bagarres supervisés : Voir les articles : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2023/03/faut-il-interdire-les-jeux-de_25.html Et : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2023/03/faut-il-interdire-les-jeux-de.html
- On pourrait s’interroger sur pourquoi nos enfants se sentent si vulnérables. Quel pouvoir ont-ils dans leur vie? Ont-ils du pouvoir dans le choix de leurs activités par exemple. Un enfant qui a des choix se sent plus en contrôle de sa vie. Sont-ils écoutés, entendus? Pourrait-on encourager les activités qui leur montrent leurs forces, leur résilience et leur courage (grimper dans un arbre, sauter de plus en plus haut, transporter des choses lourdes, jouer à des jeux risqués, etc.).
Conclusion
L’environnement immédiat des enfants joue un rôle crucial dans l’apprentissage moral et politique des enfants. Les parents jouent un rôle essentiel dans ce processus et les autres adultes, autour d’eux, aussi.
Les enfants construisent graduellement leurs idées sur ce qu’est un pays, un gouvernement, pourquoi des gens ou des pays se battent, pourquoi il y a des riches et des pauvres. Ils vont forger leurs attitudes à travers leurs expériences sociales positives ou négatives et leur exposition aux similitudes et aux différences.
Il y a plusieurs sources de violence dans le monde qu’elles soient d’ordre religieux, patriotique, de territorialité, dans le sport ainsi que dans les émissions, films et jeux vidéo. Certaines sont très réelles et d’autres imaginaires.
Idéalement, on voudrait que les enfants soient le moins possible exposés à la violence des médias.
Les enfants prennent l’information qu’ils ont et jouent avec, construisent des significations qu’ils utilisent pour interpréter leurs prochaines expériences.
Les jeux de guerre ou de Super-Héros ne sont pas nouveaux, des générations ont joué aux soldats, puis avec la multiplication des médias ont suivi les G.I. Joe, Karate Kid et une multitude de personnages. Des enfants de maternelle nous ont mentionné aimer les aventures de Hulk, Superman, Batman, Batwoman, Spiderman, Capitaine America, Ant-Man, Ironman, les Transformers, les Pokémon (Pikachu), Wonder Woman, Super Hero Girls, Catwoman, les Tortues Ninja, Thor, Miraculous, Shazam.
Il semble cependant que dans les versions récentes, la violence est de plus en plus explicite.
Deux théories s’affrontent face à ceux-ci: la vision développementale qui croit dans la puissance positive du jeu et la vision sociopolitique qui suppose que les enfants apprennent des leçons négatives en jouant à ces jeux. Les deux camps ont des arguments valables et il n’y a pas de solution parfaite ni unique à ce dilemme.
Bannir totalement les jeux est une solution qui parait plus facile car cela règle en apparence la question. Pas de discipline à faire, à part faire respecter l’interdit.
Sauf que les enfants trouveront des moyens détournés de le faire, mais ne pourront pas parler de ce qui les inquiète: la communication est rompue. Et laissés à eux-mêmes ils deviennent encore plus perméables aux influences extérieures.
La tolérance zéro pour la violence est louable en soi, mais encore faut-il faire la différence entre le jeu, donc la violence imaginaire et la vraie violence.
On ne s’objecte pas, au primaire, au ballon chasseur dont le but est de «tuer» l’adversaire en lançant le ballon le plus fort possible sur lui et de façon précise.
On exploite parfois au préscolaire les thèmes des Chevaliers et des Pirates qui sont pourtant, eux aussi violents, ou les Monstres. On préfère aussi les baguettes magiques qui en fait remplissent les mêmes fonctions que les armes comme dans Harry Potter ou les personnages les utilisent pour se défendre contre des vilains.
Quand on dit à un enfant « c’est mal de faire semblant de tirer sur un autre» (même si l’autre est d’accord), on lui met sur les épaules nos propres inquiétudes. En le blâmant pour quelque chose qu’il aime, qui lui fait du bien, il se sent à la fois coupable et incompris. Il se referme.
Les jeux basés sur des émissions de Super-Héros peuvent être bénéfiques aux enfants à condition qu’il y ait la présence constructive d’un adulte lors des visionnements et pendant et après leurs jeux.
Le enfants ne comprennent pas nos réticences face aux jeux de Super-Héros : «mais on fait semblant», «c’est pas pour de vrai». Les désirs des enfants reflètent leurs besoins. Et ils veulent se sentir acceptés et compris.
Et si on essayait de voir leurs jeux avec leurs yeux d’enfants au lieu d’y coller nos préconceptions, nos hantises? Car certains enfants en ont besoin. Ils y trouvent un moyen de s’enhardir, de devenir plus braves.
Au bout du compte, pour eux, c’est la joie de se sentir grand et fort, d’être capable de survivre à n’importe quoi, de surmonter tous les embûches. De maîtriser sa vie. Leurs héros leur parlent de résilience. Nous pouvons reconnaître la valeur de cela.
Nous voulons tous un monde sans violence. Permettre aux enfants de s’exprimer à travers le jeu est une façon d’y contribuer. Cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas leur dire ce que l’on n’aime pas. L’adulte a un rôle de médiateur à jouer dans cette arène.
Il ne s’agit pas bien sûr de faire la promotion des Super-héros. Mais simplement de rester ouverts aux intérêts des enfants quels qu’ils soient.
Nous somme des modèles pour les enfants. Ce que nous leurs disons compte, les limites et conséquences qu’on leur impose comptent ainsi que les expériences qu’on leur propose. Mais surtout ils nous regardent. Nous sommes leurs points de référence tous les jours. Quand nous traitons les autres avec bienveillance, faisons preuve d’empathie, de générosité, de tolérance, d’accueil, nous témoignons de nos valeurs et ils auront tendance à nous imiter, nous aussi.
Références :
Desalyn De-Souza and Jacqueline Radell (2011) Superheroes. An Opportunity for Prosocial Play, Young Children, July.
Edman S.; Downing M. (2015) The science of superheroes, Teaching Young Children February Marc. Vol.8 No.3: https://www.naeyc.org/resources/pubs/tyc/feb2015/science-superheroes
Jones, G. (2002) Killing Monsters: Why children need fantasy, heroism and make believe violence, Basic Books
Levin D.; Carlsson- Paige N. (2006) The War Play Dilemma: What Parents and Teachers need to know, second edition Teachers College Press
Levin D. (1998) Remote Control Childhood: Combating the Hazards of Media Culture. National Association for the Education of Young Children, Washington, D.C.
Paley V. (2014) Boys and Girls: Superheroes in the Doll Corner new edition, University of Chicago Press
Penny Holland: War Play in the Nursery: Zero tolerance May harm Both Boys and Girls
New Therapist (Winter 2000) London; European Therapy Studies Institute.
Venier, A.; Tingle Broderick, J.; Bock Hong, S. (2022) What makes you powerful? Innovations in Early Education: The International Reggio Emilia Exchange.
Les trois blogs:
What we learned by Investigating Superheroes: Inquiring minds, Mrs. Myers Kindergartwn Blog: http://mrsmyerskindergarten.blogspot.com/2017/03/what-we-learned-by-investigating.html
The Superhero Inquiry Project : The Curious Kindertgarten Blog : https://thecuriouskindergarten.blog/2018/02/06/the-super-hero-inquiry-project/
Teacher Tom's blog. 'No Super Hero play here' february 2017: http://teachertomsblog.blogspot.com/2017/02/no-super-hero-play.html
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