samedi 25 mars 2023

Faut-il interdire les jeux de tiraillages et de bagarres? Première partie.

  Par Anne Gillain Mauffette avec l'aimable contribution de Marie Jobin et Kathleen Cotton


 
Se courir après, s’attraper puis rouler ensemble par terre  et faire semblant de se battre fait partie des jeux spontanés des enfants et en particulier ce certains garçons.

Mais les parents, éducatrices et enseignantes ne sont souvent pas à l’aise avec ces comportements. Peur de l’escalade, du temps perdu à arbitrer les chicanes, peur des accidents.

 Aussi ces jeux sont-ils souvent interdits et soumis au dictat du « violence zéro».

Mais s’agit-il de violence? Quand est-ce qu’un jeu de bagarre dégénère en vrai conflit? Y a-t-il des avantages à laisser ces jeux exister?



C’est de ces questions dont nous traiterons dans cet article.                                                                        

La différence entre les jeux de bagarres et une vraie bataille:


Photo CTREQ (RIRE)

Dans les jeux de bagarre, les enfants se parlent, rient. On constate qu’ils sont excités et on voit du plaisir dans leur visage. Il s’agit le plus souvent de deux enfants ou plus qui se connaissent bien. Ils rient ou alors font des grimaces représentant un personnage de jeu (monstre, lion, «méchant» ou super héros). En général, personne ne se fait vraiment mal, ou alors c’est non intentionnel, car chacun surveille l’autre et fait montre de retenue. Il y a souvent un échange  de position : parfois l’un est en-dessous puis par-dessus. L’enfant plus fort va souvent ajuster son geste. Il y a une certaine réciprocité dans les échanges.

Quand la fausse bagarre se termine, les joueurs se lèvent et continuent de jouer ensemble.

Ces jeux  de contact, sont souvent associés à des jeux de rôles. Il s’agit souvent «d’un jeu coopératif verbal et physique où des participants s’engagent volontairement et avec plaisir, dans un jeu de faire semblant aux thèmes agressifs en actions et en mots (« Je vais t’avoir!»), mais où l’Intention n’est pas de faire mal physiquement ni émotionnellement à l’autre»1.

 Dans la vraie bataille : les visages se crispent, les sourcils sont froncés, les poings sont fermés. C’est souvent entre deux personnes. Il y a démonstration d’agressivité, de colère, de peur et des pleurs. Ce n’est pas du jeu. Un ou les deux participants veulent se faire mal. Parfois, un des deux essaie de se dégager et de s’en aller. Quand la vraie bataille est interrompue, les pugilistes s’éloignent l’un de l’autre.

 Les tons de voix sont différents dans les deux cas : en général plus aigus dans le cas du vrai jeu, plus bas et plus rauque dans le cas d’agression.

 Laissés à eux-mêmes, enfants passent 10% de leur temps de jeux libres à des jeux de bagarre. Les enfants de 5 ans et moins y jouent 5% du temps, ceux de 7 ans 13 % puis cela diminue à 4,6 % chez les 11 ans2.  S’ils sont davantage prisés par les garçons, il reste que 40% de garçons disent ne pas aimer ce type de jeu3.

 La communication est un élément important dans ces jeux pour éviter les risques d’escalade.

 Cependant, parfois un jeu de bagarre tourne en vraie bataille. Mais cela n’arrive que dans 1% des cas3. Souvent, cela est dû à une mésinterprétation d’un geste. Ou alors c’est le fait de certains enfants qui manquent d’autocontrôle ou qui se sentent exclus du groupe.

Une attention particulière sera portée à ces enfants car dans leur cas, le risque de  dérapage monte à 26%. Un entrainement aux jeux de pouvoirs pourrait être profitable pour certains d’entre eux afin d’apprendre à mesurer leurs forces et à évacuer et contrôler leurs émotions. Cela est aussi profitable aux enfants dits « hyperactifs» car ils apprennent à inhiber leurs comportements.

 Le jeu des filles est souvent un peu différent de celui des garçons. Elles provoquent parfois, en groupes, les garçons, pour qu’ils courent derrière elles puis s’enfuient en criant et riant et se font « attraper» puis délivrer par d’autres filles ou garçons. Certaines aiment aussi se rouler au sol mais elles sont moins nombreuses que les garçons.

Filles et garçons 

Avantages de ces types de jeux :

Ces jeux instinctifs plaisent à beaucoup d'enfants et peuvent développer de nombreuses habiletés. Ils aident les enfants à :

  • Comprendre leurs forces et leurs limites
  • Évaluer les limites personnelles de chacun
  • Moduler leurs forces selon « l’adversaire»
  • Lire les émotions sur les visages, détecter les signaux sociaux
  • Inférer et interpréter les intentions de l’autre (verbalisations et actions)
  • Développer et utiliser son sens de la perspective de l’autre
  • Se rendre compte de ce que l’autre leur permet de faire ou non
  • Se familiariser avec le concept de consentement nécessaire en tout temps
  • Réguler leurs relations sociales et développer des relations positives
  • Renforcer des amitiés
  • Contrôler leur impulsivité
  •  Auto-corriger leurs comportements (autorégulation), recaliber leurs actions en fonction du feedback continu du partenaire
  • Se rendre compte des conséquences de leurs actions
  • Se rendre compte de la différence entre un comportement ludique acceptable et ce qui fait du tort à l’autre
  • Développer de l’empathie (quand quelqu’un se fait mal par inadvertance)
  • Augmenter leurs compétences émotionnelles
  • Apprendre à s’exprimer, à communiquer verbalement et non verbalement
  • Développer des connections neuronales
  • Exercer leur motricité globale
  • Améliorer leur coordination, leur agilité
  • Explorer différentes positions dans l’espace, la place qu’ils prennent dans l’espace
  • Aiguiser leurs perceptions proprioceptives (conscience du corps)
  • Explorer la notion de poids
  •  Dépenser de l’énergie et relâcher des tensions
  • Apprendre à évaluer les risques
  •  Devenir résilients
  • Jouir d’un sentiment de pouvoir, de contrôle
  • Répondre à leurs besoins de contacts physiques
  • Développer leur tolérance tactile (pour certains)
  • Jouer des rôles (souvent de super héros). Note : On sait que le jeu symbolique a bien des avantages à tous les niveaux du développement et que les garçons font plus de faire semblant à l’extérieur.

De plus, quand on bouge, notre corps secrète une protéine appelée BDNF («brain derived neurotrophic factor», facteur neurotrophique) qui construit les cellules. Ces expériences de mouvement transforment le cerveau social car elles contribuent au développement du cortex frontal associé aux habiletés cognitives et à certaines fonctions exécutives.

 Ces périodes de jeux énergiques disposent aussi les enfants à être ensuite, plus attentifs et il semble aussi qu’on retienne mieux après l’exercice4.

 

Ce sont les enfants du préscolaire et du primaire qui sont les plus portés vers ce type de jeu.


Activités turbulentes en service de garde

Les jeux de bagarre n’augmentent pas l’agressivité. Au contraire. Voir : 

En quoi les jeux de bataille peuvent-ils être bénéfiques pour les enfantsEncyclopédie sur le développement des jeunes enfants

 Certains affirment que de ne pas permettre ces jeux «d’agression ludique» peut augmenter les possibilités que l’agression réprimée se manifeste de manière moins saine et bénéfique.

Il est à noter que les femmes ont, en général, une tolérance moins grande pour ce genre de jeu. Et que comme le personnel au préscolaire et au primaire est majoritairement féminin, ces jeux risquent d’être interdits.

 

Alors : permettre ou ne pas permettre ce type de jeux?

Voir la deuxième partie: https://jeulibrequebec.blogspot.com/2023/03/faut-il-interdire-les-jeux-de.html

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