lundi 19 avril 2021

Les LETTRES : parlons-en ! (1)

 Les  lettres, parlons-en!  

Par Anne Gillain Mauffette

Cet article comprend deux parties. La première retrace le cheminement de deux enfants par rapport à la lecture-écriture, la deuxième propose des situations et du matériel qui permettent aux enfants à la maison, en CPE ou en maternelle de progresser dans leur compréhension du langage écrit.

Première partie : En suivant le parcours de deux enfants

Introduction

Puisque le débat faire rage autour de l’apprentissage des lettres, parlons-en. 

Plusieurs personnes pensent que lorsqu’on est des adeptes du jeu au préscolaire, on ne veut pas que les enfants apprennent les lettres. Il n’en est rien. C’est dans la manière de les aborder que nous nous différencions.

 En fait  la question à se poser n’est pas «est-ce que les enfants doivent apprendre les lettres ou pas?», mais «comment les enfants arrivent-ils le mieux, à comprendre progressivement le fonctionnement de l’écrit»?

   

Je répondrai : d’abord par la littérature jeunesse, le jeu, les projets, les chansons, les comptines, les conversations et dans tous les  moments du quotidien.

J’ai déjà écrit ailleurs  (voir : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2020/01/comment-les-differents-types-de-jeux.html ) qu’il faut bien plus que de connaître les lettres pour en arriver à lire et écrire et comprendre ce qu’on lit et que les enfants ont besoin d’apprendre à développer prioritairement bien d’autres choses dont leur motricité, l’auto régulation et leurs rapports sociaux etc. à l’âge préscolaire.

Mais étant donné l’accent mis sur celles-ci, regardons comment les enfants approchent l’écrit, comment les lettres et le sens des mots écrits  viennent aux enfants. 

Comment ils apprennent, au fil des jours, à reconnaître des lettres, en connaître progressivement les noms, leur son, comment les écrire et écrire des mots. Comment ils acquièrent la discrimination auditive et la conscience phonologique, la compréhension progressive  du principe alphabétique ainsi que l’acquisition du vocabulaire nécessaires à l’écriture et lecture, etc., et ce, à leur rythme.

Des exemples:

Je vais illustrer mon propos de petites histoires tirées de ma documentation sur l’évolution de deux enfants : Nathan et Guillaume.

Première trajectoire : Nathan 



3 février 2015 (3 ans) : 

«Valérie c’est comme Mamie». «Tu as raison Nathan, on entend le même son au bout du mot : ie.»

 Avant d’entrer dans la maison, Nathan prend une craie et dit : «je vais écrire la lettre de Maman. Il hésite puis me demande : «Comment on fait»?  Je lui écris au sol  le M. Il retrace pardessus la première ligne et me dit : J’ai écrit la lettre de Maman». « Oui, tu as écrit la première lettre du mot Maman». Puis il me demande celle de Papa, la mienne. Et moi j’ajoute le N de Nathan.

Plus tard à l’ordinateur alors qu’il me demande s’il peut taper sur le clavier ( il aime venir dans mon bureau jouer avec la souris qui fait une petite lumière rouge et qu’il promène comme une petite auto ou un avion) et que j’acquiesce, il demande où il peut taper. Je lui montre qu’il y a des lettres sur le clavier et qu’il peut taper où il veut. «Où est la lettre de Papa» me demande-t-il. Je lui montre et il tape le P. Je mets la forme en gros pour qu’il voit l’effet de ses actions. Puis il demande la lettre de Maman qui arrive justement.

Un autre jour

Nathan regarde la couverture du livre et me dit : « C’est je t’ai vu» (le titre du livre). «C’est exact : c’est écrit ici» et je fais glisser mon doigt de gauche à droite sous les lettres en prononçant : Je/t’ai/vu. Bien sûr, il n’a pas reconnu les lettres mais associé le titre à l’image de la couverture mais j’en profite pour lui monter les lettres du titre et le sens de l’écriture.




Il voit ensuite les crayons (Creamy crayons) qui ressemblent à des baumes à lèvres. Il prend chaque couleur enlève le bouchon puis fait tourner la base pour faire apparaître le tube. Je lui glisse un carton en forme de cœur et il  crayonne en nommant les couleurs. À un moment donné il fait des cercles. Je lui fais remarquer: « Tu fais des ronds, des spirales. Il s’arrête et devant une forme arrondie, fermée, dit : « O c’est comme Océane»  (une petite fille dans son groupe à la garderie. «Tu as tout à fait raison» dis-je.   « J’ai tout à fait raison» répète-t-il

«Comment on fait la lettre de Papa sur le micro-ondes?», me demande-t-il. Je ne comprends pas très bien ce qu’il veut. Puis je me rends compte que quand on appuie sur une touche, une bande rouge défile sur le mini écran avec des mots: Press ou P10 (pour indiquer la puissance). Il y a effectivement la première lettre du mot Papa sur le micro-onde!


Le lendemain :

J’aurai plusieurs fois dans la journée l’occasion de confirmer son intérêt pour les lettres. Quand il arrive le matin, il décide de jouer avec la plaque à dessin magnétique (limaille de fer). Il déclare : «je vais faire la lettre de maman, elle va être contente» Puis il fait des tracés mais conclue : « je n’ai pas réussi». Je lui offre de lui montrer comment on fait. Il me regarde mais ne fait plus de tentative.




Plus tard par contre, avec le crayon feutre (qu’il empoigne de toute sa main fermée/ prise encore réflexe?) il commence une forme arrondie mais ne la ferme pas et commente : «C’est la lettre de Claudine» (leur gardienne).

 


Plus tard encore, il aperçoit les lettres d’un casse-tête éparpillées, en tas au sol. Il prend le P et dit à son grand père : « Je la connais celle-là, c’est la lettre de Papa».





Et encore… Il aperçoit une boîte dans laquelle il y a une petite imprimante. Nous la sortons et il l’examine. Je lui montre ensuite comment elle fonctionne. Il fait tourner la poignée pour imprimer. Il me dit : je vois la lettre de Zoé. Moi je pensais qu’il n’y avait que des dessins mais en regardant de plus près, il y a effectivement le nom de Zoé.

PMOC et Z, voilà les premières lettres que Nathan commence à reconnaître. Bien sûr il y a le matériel qui est disponible qui lui donne plein d’occasion d’explorer les lettres à sa guise, mais les questionnements viennent de lui. Z comme dans zèbre me dit-il. 



Nathan prend un contenant de lettres magnétiques qu’il vide sur le divan puis décide de les mettre dans un contenant transparent en forme de camion. «Ça c’est la lettre de quoi?» me demande-t-il. Je lui donne plusieurs exemples où le son initial correspond à la lettre qu’il me montre. Il trouve un M et je lui dis que c’est la première lettre du mot Maman. Plus tard, il en verra une autre et annoncera : « Ça c’est la lettre de Maman». «Valérie », ajoute-t-il. Je lui montre que Valérie commence avec un V mais que le mot Maman commence avec la lettre qu’il m’a montrée. Puis il prend un K : je lui dis que c’est un k   « Comme dans Lucas», fait-il remarquer. Oui cela fait le même son (et n’ajoute pas qu’il ne s’agit pas de la même lettre : je trouve que cela ferait trop d’information à la fois). On y reviendra une autre fois.

Sa  grande sœur et son grand frère vont faire une chasse au trésor. Nathan veut participer mais il faut savoir lire. Je lui promets qu’après la sieste, il pourra en faire. J’ai été déposer dans sa brouette une enveloppe avec son nom écrit dessus dans laquelle il y a une photo de la boîte à lettre. C’est là que j’ai mis un petit paquet pour lui. Quand j’annonce que la chasse au trésor est prête, il demande : « C’est quoi une chasse au trésor?»  Nous lui expliquons que c’est quand on cherche quelque chose. Je lui dis d’aller voir dans sa brouette il va trouver quelque chose qui va lui dire où est le trésor. Il trouve l’enveloppe : je lui demande ce qui est écrit dessus. Il hausse les épaules. « C’est  ton nom, cela veut dire que c’est pour toi; ouvre». Il regarde la photo.

 Je lui demande ce que c’est : il dit d’abord qu’il ne sait pas, mais tout à coup, il s’anime :  « la boîte aux lettres». Je  lui explique que c’est là que se trouve le trésor. 

Quand on arrive devant la boîte noire il me montre le chiffre 5 et dit : «C’est cinq». Il lit donc le chiffre 5. Quand il ouvre, il prend le paquet jaune sur lequel j’ai écrit son nom. Je lui demande : « Qu’est-ce qui est écrit?» «Mon nom!» Puis il ouvre le trésor : « Des Playmobils!»



Dans la première semaine d’avril.


Nathan fait un premier dessin à grands gestes tourbillonants sur le tableau magnétique. Je commente tu as fait beaucoup de lignes qui tournent. Il efface le tout. Je n’ai pas le temps de photographier mais cela ressemble à d’autres dessins de ce type qu'il fait en ce moment (exemple).

 


Puis il recommence mais cette fois il fait de touts petits traits. On sent qu’il s’applique pour contrôler ses tracés.« J’écris à papa» me dit-il. 

Il fait donc la différence entre dessin écriture. Cette dernière est pour lui constituée de petites traces éparpillées sur la surface. Ce n’est pas la première fois que je note cette nuance chez lui.

Il joue avec la chatte : « Elle aime ça jouer avec moi». Il commente : « minette c’est comme mitaine». La première syllabe est en effet la même. 

Nathan me demande d’installer le trampoline. «Trampoline, c’est comme le mot Pauline» fait-il remarquer.  

Nathan fait de la menuiserie avec son grand père. J’entends Jacques qui lui dit : « Ça c’est un vilebrequin». «Vilebrequin, cela ressemble à requin» dit Nathan. Il fait donc des liens entre les mots nouveaux et ceux qu’il connait et démontre son habileté à discriminer les sons et reconnaître les ressemblances de sons dans les mots (trois habiletés nécessaires en lecture).

7 Mai

Nous parlons de sa cheville. «Cheville c’est comme chenille». Puis après une pause, il ajoute : «et c’est comme «cheveux». 

14 mai : Nous sommes souvent dans la reconnaissance des similitudes sonores entre les mots. «Accrochage c’est comme « acrobate» me dit Nathan. Oui on entend les sons « acro» dans les deux mots et le a dans ate et age.»

Non seulement il démontre qu’il reconnait des similitudes dans les sons des mots mais aussi l’étendue du vocabulaire dont il dispose.

Semaine du 17 mai

Nathan se met au clavier de mon ordinateur. Il reconnait le O le P le N le M.

Puis il me demande d’un air triste : « Mamie, pourquoi je ne peux pas lire les mots?» Il voit son frère et sa sœur lire tout le temps et voudrait bien faire comme eux. Quelle motivation pour apprendre.

Au sous-sol il voit un morceau de styromousse. C’est un A me dit-il. Nous le retournons et cela fait un V et dans un autre sens un L.

En sortant de la garderie, Nathan remarque : « Ils ont écrit des lettres». En effet quelqu’un a écrit PANDA à la craie au sol. Nous regardons les lettres. Je lui fais remarquer qu’il y a le PA de Papa dans ce mot.

Nathan me dit qu’il veut « faire une recherche à l’ordinateur pour papa». Nous examinons le clavier : la première lettre du nom de papa etc. J’ai agrandi la taille des caractères. Il est très content d’avoir écrit des mots : c’est lui qui me suggère les mots et je lui montre où sont les lettres en les nommant et faisant le son. Nous reprendrons ce jeu plusieurs fois. Cette fois, il inclue le nom d’une éducatrice IMA.

Sa maman lit Martine à la montagne à Nathan. Elle se rend compte que c’est une histoire qu’ils ont écoutée parfois dans l’auto. Elle se rend compte que Nathan connait les mots par cœur car quand elle s’arrête au milieu d’une phrase, il la complète (mémoire auditive).

Un autre jour alors que je lis un autre Martine, j’évite le mot ornières et le remplace par un trou dans le chemin. Il me corrige : «c’est des ornières mamie». Cela démontre à la fois son attention, sa mémoire et la latitude de son vocabulaire. Nous commentons qu’il y a des ornières dans l’entrée de sa maison.

Nathan veut que je lui raconte : Martine à Bruxelles. Je lui explique que Bruxelles est une ville dans le pays d’où je viens, la Belgique. « Bruxelles c’est comme Cristelle» (une éducatrice à la garderie) fait-il remarquer.

12 février 2016 : Ces temps-ci, je lis à Nathan les contes classiques (Jacques et le haricot magique, le petit bonhomme de pain d’épice, etc.). Aujourd’hui c’est au tour du cordonnier. Je lui demande s’il sait ce qu’est un cordonnier. Il semble hésiter (ou suis-je trop rapide à intervenir?).  Je lui souffle : il répare des…«souliers» complète-t-il. Il ajoute : « Et il casse aussi des cailloux». «Ah! Ça c’est le cantonnier dans la chanson!» « C’est vrai que cordonnier et cantonnier ça se ressemble».

Lundi 4 avril : Nathan indiquant la page de gauche d’une livre : « Ça c’est des petites lettres; puis à droite, c’est une image».

 11 mai : Avant la sieste, nous avons lu, à sa demande, des histoires dans la revue Babar (thème des pompiers). Dans l’une d’elle l’enfant lit avec l’adulte des mots illustrés par des dessins de loin en loin tout au long du texte. Je fais glisser mon doigt sous chaque mot et arrête quand c’est à lui de me fournir le mot. (Sens de la lecture, notion de mot).

 25 mai : Nathan emprunte le gros camion de pompier (il emporte toujours quelque chose d’ici). Alors que je le descends dans l’escalier,  le camion en métal cogne sur les marches. « Ça fait un bruit assourdissant» commente-t-il vocabulaire).

3 Juin : Nathan m’a demandé de sortir la boîte « avec les chiffres».

«Tu veux dire les lettres» lui dis-je en lui tendant. «Comment on écrit ours me demande-t-il. Nous commençons ensemble à dire le son et le nom des lettres composant chaque animal. Je lui montre qu’il y a un code de couleur pour retrouver les lettres et que toute la comptine de l’alphabet est là. Les lettres sont  écrites ici en script minuscule. Il connait quelques lettres en majuscules mais pas dans cette forme. Je l’aide donc en lui donnant des indices. Le i a un petit point, etc. Il complète toute la feuille à mon grand étonnement car je pensais que cela serait trop long. Nathan est fier et veut que je prenne une photo.

30 juillet (4 ans) : Nathan nous demande souvent d’écrire des messages pour lui.  Cette fin de semaine Sarah s’est occupée de lui.  Nathan a dicté ceci : «Sarah tu es  la meilleure cousine au monde», ce que j’ai écrit et relu en balayant du doigt les mots de gauche à droite.


Il va au tableau et efface les dessins qui y étaient, puis dessine des lettres.

Une première série : XNI. Il me demande quel mot cela fait. J’explique que ce mot n’existe pas en français mais que cela pourrait être le nom d’un personnage (comme dans Star Wars). Il va vite chercher un personnage : « C’est lui XNI»

Deuxième série : Il choisit une autre couleur (rouge) et écrit (par hasard) UNO comme le jeu du même nom.

 




Deuxième trajectoire : Guillaume et la lecture et l’écriture

16 janvier 2012 (4 ans). 

Guillaume décide de faire de la « cuisine». «Où est ma toque ?» demande-t-il (nous démontrant un élément de son vocabulaire).


Découvrant une pipette. Il prend de l’eau. Il laisse tomber des gouttes dans le sable. Cela fait des traces. Il dit : «Regarde, je fais des lettres».

 




Nous lisons Pomme d’Api. Dans ce même numéro il y a des enfants qui chantent : Vivien chante Vive le vent mais ses amis déforment les mots : Flavien fait Flif le fent, Zazie avec des Z, etc. Il a bien ri quand je l’ai chanté avec Guigue le guent. Il rit et  me demande de le refaire. Cette fois j’ajoute la première lettre du nom de Patrick (son papa).  (Petit jeu de conscience du son des mots et lettre).

Guillaume avait demandé à son papa de lui écrire une carte où il écrirait : « Je t’aime Guillaume» et le mot fleurs car il aime les fleurs et de la mettre dans la boîte à lettres. (Il nous montre ainsi qu’il connait une des fonctions de l’écriture).

23 avril

Il choisit un Pomme d’Api. « Même pas peur» annonce-t-il. C’est en effet le titre de ce numéro de la revue. Je lui dis : «Tu lis». Il me répond : « Non, je ne sais pas lire». « Mais tu sais lire les images et tu te rappelles du titre» lui rétorquai-je. Je lui montre où le titre est inscrit : trois mots l’un au-dessous de l’autre. « Même pas peur» dit-il en balayant les mots du doigt de gauche à droite mais partant du bas vers le haut. Je refais le geste mais de haut en bas en redisant le titre.

Je constate qu’il a donc une petite  idée de l’orientation de la lecture (de gauche à droite) mais pas encore de son sens (haut/bas).

Il me raconte l’histoire d’un petit garçon et des fourmis (un film qu’il a vu chez lui) de façon linéaire en  enchaînant les « et alors….et alors…» (Il s’initie à la narration)

Avant de partir : « Est-ce que je peux jouer avec la baliste ?» « Je lance des projectiles». (Il retient facilement les nouveaux mots de vocabulaire et utilise des mots précis).

Guillaume s’exerce maintenant à écrire.

Samedi (août): G.  s’est appliqué longuement à écrire et me remet une feuille pliée en deux et cachetée avec une gommette et de la colle.

On note certaines lettres de son nom : le G à l’envers, le i le l et le u ainsi que le o


24 septembre : 


Guillaume a écrit des lettres sur une feuille. Il me la montre en disant : « J’ai fait de belles lettres».  J’identifie pour lui les lettres qu’il a écrit en pointant et commentant par exemple : « Ici, tu a écrit le A, c’est la première lettre de mon nom, Anne». «Il y a un O comme cela dans Togo (son chien)

 




Il décide d’en écrire d’autres et choisit un autre médium (des gels plus épais). Il me tend la feuille en disant : « J’ai écrit : J’aime mamie». 

 




Juste avant de partir, Guillaume déclare : je dois faire un petit devoir. Il s’installa à la table de dessin/écriture. Puis il me tend une feuille : « Maîtresse, est-ce que j’ai fait des belles lettres».

 J’indique du doigt certaines lettres en les nommant : « Je vois que tu as fait un A ; c’est la première lettre de mon nom, des O comme dans Togo (son chien), un X des e un I.

 


Il retourne à la table « travailler» dit-il et m’enjoint de ne pas regarder. Une fois terminé il me demande où je couche (il connait bien ma chambre mais je crois qu’il veut savoir de quel côté du lit  pour glisser la feuille sous mon oreiller). Arrivé dans la chambre il me tend la feuille en disant que finalement il a décidé de me la donner tout de suite. «C’est une lettre.» Étant donné qu’il vient de faire une série de lettres, je lui demande de quelle lettre il s’agit. Mais en voyant, je comprends.

 


D’ailleurs, il explicite : « C’est une enveloppe d’amour». Je la place, émue, sur mon oreiller. Cela sera comme un bisou du soir.




Nous jouons souvent à l’école, souvent c’est lui le professeur mais aujourd’hui, c’est moi. Nous jouons au cours d’éducation physique de musique d’anglais, à la récréation (séances dont le début et la fin sont signalées par un sifflet selon son souhait) et de français. Il écrit alors une série de lettres. Je lui propose d’écrire des G et lui en fait un modèle. Il l’écrit mais la représente comme toujours à l’envers. Je comprends pourquoi en observant son tracé. Il commence dans le sens des aiguilles d’une montre ce qui fait que la lettre est inversée. Puis il continue à en écrire d’autres.

Il feuillette des livres seul, de plus en plus souvent. Quand je lui offre de lui lire parfois il accepte et d’autres fois non. Ou bien c’est lui qui à un moment donné me le demande.

Il regarde une histoire que nous avons lue la semaine dernière.

6 Janvier 2013  (bientôt 5 ans) (Guillaume n’est pas encore en maternelle)

On aperçoit ici les lettres en majuscules (plus faciles à dessiner pour les jeunes enfants) avec lesquelles il a voulu représenter le nom du personnage Géonosian (il a utilisé des lettres qu’il connaissait de son nom ( je remarque que le G est maintenant dans le bon sens), du mien (le A) et le O qu’on retrouve dans le nom de sa sœur (Zoé) et de son chien (Togo). Il m’explique ensuite que ce n’est pas le personnage qu’il aime mais bien son nom.

Lundi  11 mars : Je commente qu’à cinq ans, on est capable de faire beaucoup de choses par soi-même. « Je sais même écrire» me dit-il. «En lettres toutes attachées» ajoute-t-il. « Je vais te montrer.» Note : Sa sœur est en deuxième année où elle a appris à écrire en cursive.

Il revient avec plusieurs lignes de boucles et de traits (pré écriture). Il me demande ce qu’il a écrit. Je lui dis qu’il a fait de formes qui ressemblent à certaines lettres : n, m, r, w, e… mais que cela ne fait pas des mots parce que les lettres doivent être dans un certain ordre pour faire des mots.


«Et si on jouait à l’école»  suggère Guillaume.  « Tu serais le professeur et moi  l’élève. Nous jouerons à ce jeu pendant presqu’une heure.  Nous ferons des mathématiques, du français de l’anglais, une collation, de l’éducation physique, une récréation, des sciences.

À l’occasion de la période d’écriture, il écrit une autre série de lignes. Je lui rappelle d’écrire son nom sur sa feuille mais cette fois en lettres détachées.

Il précise : « Mais je m’appellerais pas Guillaume» précise-t-il en traçant des lettres. Il utilise cependant certaines lettres de son nom G et U ainsi que le T et le O de Togo son chien, le A, le V et le i (sans oublier le point).

  1er avril


Guillaume a donné un dessin à son grand papa : d’un côté les armes des chevaliers, de l’autre l’histoire écrite. Comme dans de nombreux albums où l'image est à gauche et le texte à droite.


25 avril (5 ans 3 mois)


Guillaume a dessiné deux personnages. Un a pris la voiture de l’autre me raconte-t-il. Me montrant son dessin, il attire mon attention sur les lettres qu’il a introduites spontanément : «Regarde,  j’ai fait un O». « Et tu as fait un E aussi» lui dis-je en pointant. « Non, c’est un É» corrige-t-il. Mais oui, je vois bien l’accent aigu du É. (Note : sa sœur s’appelle Zoé).



29 avril 

 Guillaume dessine. Je vois qu’il a mis le livre des Schtroumpfs à côté de lui.

Quand il me montre son dessin je vois deux personnages : une mère enceinte (on voit le cordon ombilical) et un enfant.  Dans la bulle je lis son message: J’ai faim (GFIN). Il a utilisé le son de l’appellation de la première lettre de son nom, le G. Il a copié dans le livre le mot FIN qui a le même son que Faim pour s’exprimer (même s’il sait que dans le livre cela veut dire que l’histoire est finie).

L’enfant a  la bouche grande ouverte (pour montrer qu’il parle), la maman sourit.

Il a signé son dessin avec  la première lettre de son nom en script majuscule et a complété avec un semblant de lettre attachées (sa sœur est en deuxième année). Il reprendra cette signature dans plusieurs de ses dessins.

Il a utilisé des conventions de BD (la flèche montrant que le personnage parle).

Ce dessin me montre donc que Guillaume s’intéresse aux lettres, à la fonction de l’écriture et aux mécanismes de construction de mots. Il me montre qu’il sait représenter son expérience et ses désirs par le dessin et l’écriture approchée (une première). Les lettres ont maintenant une signification par rapport au dessin, dessin et texte sont liés et se complètent.


Spontanément Guillaume prend deux livres et copie les lettres du titre : L’ŒUF ET  LES SCHTROUMPS et DANS UN JARDIN (un livre qu'il aime beaucoup).




Décembre : (Voilà 3 mois que Guillaume est en maternelle, il a 5 ans 10 mois).

Je lui demande s’il a envie de fabriquer des cadeaux pour ses parents. Il préfère préparer quelque chose pour son enseignante.

Il s’installe à la table à dessin/écriture.

 Il fait d’abord un mot : JE TEME  AA Diane de Guillaume. On peut voir qu’il fait de l’orthographe approchée et je m’en réjouis. On voit qu’il réfléchit. Quand il écrit le e il me dit « C’est le È/AI». Je ne le corrige pas le laissant à son plaisir d’écrire ce message.

  J’espère que l’enseignante ne le corrigera pas non plus. Apercevant des collants de formes géométriques, il est emballé. Il en colle en disant « Diane va aimer ça».

Il plie sa feuille et décore l’endos.



Comme Guillaume s’intéresse aux lettres, je lui  propose de jouer à un jeu pour apprendre à lire. « Mais je sais lire» me répond-t-il. Mais pour lire plus de mots lui rétorquai-je et il accepte. Le voilà en train d’écrire un mot, puis plusieurs. Je lui explique qu’il y a parfois des lettres muettes qu’on n’entend pas comme le ts dans puits. 

Puis il continue et en fait toute une série.






Puis il décide d’aller faire «une promesse d’amour» me dit-il. Je ne dois pas regarder. Il me demande comment on écrit certains sons me spécifiant qu’il sait comment faire le ou. Il écrit une lettre : Je t’adore (et le nom de son amoureuse). Il me la montre ensuite fièrement.

Il intègre de plus en plus de mots dans ses dessins.


On reconnait ici entre autre : épée de  NINDJA (le J est à l’envers)





Noel 2013

Comme d’habitude, les enfants dessinent et Guillaume s’installe aussi mais il écrit : les mots de deux chansons de Noël

Ainsi qu’une représentation des planètes. Et leurs noms.

Jour des Rois 2014

Sa maman m’informe que Guillaume aime déchiffrer des mots : il a décrypté entre autres : moussaillon et aventurier.

Il se met ensuite à écrire un message. Quand il a terminé je lui demande si je peux le lire : il accepte. C’est une lettre pour son enseignante. Je lui montre que nous avons des nouvelles gommettes et collants s’il désire s’en servir. Il décide d’en mettre un de chaque couleur. Il est très satisfait du résultat que je qualifie de très joyeux.

On notera que comme il a manqué d’espace il a continué en dessous en petit mais écrivant alors les mots de droite à gauche avec certaines  lettres inversées.  On reconnait  TE SOUÈ te (te souhaite) une bonne journée.

Quand je lui lis le livre (à l’heure du coucher) qu’il vient de recevoir (des questions et réponses sous les rabats), il me lit le titre du livre (qu’il sait sans doute par cœur mais cela démontre son désir de lire).

J’avais laissé ses dessins en exposition.  Il  y ajoute du texte. On y voit des bulles où il écrit :

À l’attaque (ALATAK) Ça t’apprendra (SATAPRANDRA)   C’que tu …va voir (SKETU????VA VOUAR)

15 février 2014 : Guillaume joue avec moi au jeu d’observation  puis il va à la table à dessin et apporte une surprise à sa maman.


Il faudrait mentionner par exemple toutes les fois au cours des ans où il a remarqué des ressemblances dans des mots : «ange c’est comme danger»,  «divan c’est comme Divane» (une enfant dans sa classe), «caramel, c'est comme catapulte», etc.

À  la fin de sa maternelle : Guillaume aime lire tout  seul.  Depuis que je lui ai signalé que ce n’est pas parce qu’il sait lire qu’il ne peut pas aussi se faire lire des histoires,  il accepte ou le demande parfois.

Mot de la fin :

Guillaume et Nicolas (de six mois plus jeune) regardent ensemble des livres assis par terre. « Tu veux que je t’apprende à lire» demande Guillaume à son cousin.

Note : Toutes ces activités ont été entreprises spontanément ou volontairement. Ceci a bien sûr été soutenu par des centaines de livres lus, de conversations, de multiples dessins, peintures, jeux de  toutes sortes à l’intérieur et l’extérieur tant  à la maison, chez sa mamie, au CPE et finalement à la maternelle ainsi que les voyages, sorties, bref toutes les expériences qui ont favorisé son développement global dont  l’émergence de l’écrit.



MAIS COMMENT FAIRE AVEC UN GROUPE ? 





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Quelques idées d’expériences à faire à l’extérieur

  Par Anne Gillain Mauffette Il ne s’agit pas de reproduire une classe à l’extérieur avec tableau etc. mais de profiter de ce que l’exté...