mercredi 28 avril 2021

Que penser du coloriage?

 Par Anne Gillain Mauffette

Voici quelques énoncés sur les désavantages du coloriage glanés dans mes lectures à propos du coloriage.

Certains appellent le coloriage : «dictated art» (de l’art directif, sur commande). Car le produit fini (la forme du personnage, animal, objet) est déterminé par l’adulte  (même si l’enfant choisit la page qu’il veut). Les effets de ce dirigisme sont bien documentés.

Ceux-ci incluent :

- Une diminution de la créativité car cela ne stimule pas l’imagination.

- Un effet négatif sur la pensée autonome de l’enfant et sur sa confiance en soi.

- Cela prive les enfants de leur expression personnelle puisqu’ils ne peuvent pas exprimer leurs propres relations (représentations) du sujet.

 

«Un spectacle d’arbres»  Jacopo 4.1ans       Reggio Children:  https://vimeo.com/492163719

- Cela les prive aussi d’une soupape émotive puisque cela ne donne pas l’occasion à l’enfant d’exprimer son expérience et ainsi de se libérer de certaines tensions, émotions (peur, préoccupation) ou sentiments (joie…).

- Ce n’est pas le travail original, authentique de l’enfant et sa fierté est donc limitée à son habileté à contrôler son geste, au choix et gradation des couleurs (et là il y a des adultes pour leur dire parfois quelle couleur utiliser ou alors le choix de teintes des crayons peut être parfois très limité).

- Cela fait la promotion d’une activité qui demande peu de réflexion.

- Cela mène à la conformité car on amène ainsi les enfants à faire des représentations stéréotypées (formes très simplifiées, cœurs, oiseaux en V…) qui n’ont rien à voir avec les images qu’eux-mêmes pourraient créer.

- Cela développe l’impression chez l’enfant qu’il ne peut pas produire lui-même ses représentations d’objets et il finit par croire que ces contours au trait noir sont plus beaux que ce qu’il sait faire. Dû à ce manque de confiance appris, il développera une attitude de passivité et de dépendance par rapport à la création. Lorsqu’on lui proposera de dessiner, l’enfant répondra qu’il ne sait pas comment représenter ceci ou cela et va vous demander de le faire.

 

Immagina un bosco (Imaginez une forêt)  Reggio Children
“Gli alberi regalano alla terra la vita e la bellezza.” (Laura, 5 anni)
«Les arbres donnent en cadeau à la terre : la vie et la beauté » (Laura 5 ans)

- Le trait noir du contour qui caractérise ces images donne l’idée que tout dessin commence par un contour alors qu’un objet peut  être évoqué sans besoin de contour contrastant.

-Ajoutez à cela qu’il s’agit de gestes répétitifs d’aller- retour du crayon (à l’horizontale, en diagonale ou à la verticale) pendant de longues périodes de temps qui une fois maîtrisés offrent peu d’autres défis.

L’argument qui me rejoint le plus est que cela ne permet pas aux enfants de construire leurs représentations du monde (qui évidemment évoluent avec leur développement graphique : passant du gribouillis, au pré schématique puis au schématique puis au réalisme) et de ce fait, ne nous permet pas à nous, les témoins de leurs gestes, de découvrir comment ils se le représentent, ce qu’ils savent, leurs théories, leurs histoires, leurs sentiments.

 

Dessin de Zoé 4ans 7mois                Photo© Anne Mauffette

Je sais que les tenants du coloriage vont dire que l’enfant apprend à contrôler son geste en apprenant à ne pas dépasser mais le dessin exige lui aussi un grand contrôle visuo-moteur (il faut être précis par exemple pour boucler un cercle: l’œil suit le tracé et l’enfant anticipe la direction et le point d’arrivée du geste) sans les contraintes ci-haut mentionnées.

Utiliser des livres à coloriage me semble inutile à cette fin puisque les enfants vont spontanément colorier les formes et représentations qu’ils auront eux-mêmes choisies de faire (la robe ou le pantalon de la maman ou papa).

Un deuxième argument utilisé est que les enfants y prennent plaisir. On ne peut nier ce fait. Mais qu’aime l’enfant dans cette activité ? La complicité avec un ami ou adulte qui colorie juste à côté ? Le repos mental que lui procure le fait de se retirer seul à faire cela ou le fait que cela lui demande peu d’effort ?

Faut-il encourager une activité où l’enfant est relativement passif et où les possibilités de développement sont limitées en en faisant une pratique régulière ?

Une enseignante me disait laisser des feuilles à colorier en début d’année ; cela permettait à certains enfants de montrer fièrement ce qu’ils savaient faire, cette activité connue les rassurait.

Mais il faut aussi penser aux enfants qui ne maîtrisent pas tout à fait encore leurs tracés et qui sont jugés par leurs pairs (et parfois par des adultes) quand ils « dépassent».

 D’autres m’ont dit que cela calmait certains enfants et leur apprenait à se concentrer. Il s’agit de cas particuliers.

Bien sûr, si un enfant amène un cahier à colorier au CPE, à la maternelle ou en garderie scolaire, on laissera les enfants l’utiliser. Mais dans le programme quotidien, on évitera les feuilles polycopiées (du genre écureuils à l’automne…) et on tendra à offrir une multitude d’outils (crayons de qualité, feutres à pointes fines et larges, stylos, pastels, fusains, encre noire et de couleurs, aquarelle, gouache, acrylique) ainsi que toutes sortes de supports (papiers et cartons de différentes, forme, couleurs, grandeurs, roches, tuiles…) et une multitude de médiums (glaise, fil de fer, matériel pour collages, assemblages, compositions photographiques ou avec la lumière, blocs…). 

On va soutenir les enfants qui hésitent à représenter quelque chose en évoquant avec eux les parties de l’objet («Un avion c’est fait comment? Oui, il y a les ailes…»), en leur montrant plusieurs types de représentations d’un sujet ou leur fournissant un objet (un petit animal Schleich par exemple) et même en leur proposant de faire du dessin en observant l’objet lui-même.

Pour des exemples de dessins faits après observations : voir Un projet emballanthttps://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/03/un-projet-emballant-de-luf-la-poule-ou.html

Source : coloori.com         Photos© Suzie Nadeau        Dessin enfant de 5 ans

 

Il y a aussi sur le marcher des livres dits  «anti-coloriage». Typiquement, ceux-ci présentent certains éléments (ex. : une boite) et on suggère à l’enfant de compléter la scène (dessine quel cadeau il y dans la  boite). S’ils semblent offrir plus de latitude, ils n’en imposent pas moins la thématique du dessin qui n’aura souvent aucun lien avec la vie affective et mentale de l’enfant à ce moment là ainsi que des formes étrangères à son imaginaire.

Alors, encourageons-les plutôt à s'exprimer par le langage du dessin.

Anne Gillain Mauffette (révisé 2021).

1 commentaire:

  1. C'est horrifiant de vous lire vomir sur l'acte de colorier. Où avez vous pêché que le coloriage remplaçait le dessin ? Ce sont 2 choses bien séparées même si l'enfant colorie aussi ses propres dessins. Si vous allez visiter une ergothérapeute elle pourrait vous outiller un peu plus pour vous permettre de comprendre les étapes de développement moteur de la dextérité fine. Et, le coloriage est un des outils utilisés pour permettre certains développements.
    Dans le même ordre d'idées, aller vous bânnir les casse-têtes, les modèles à construire selon un plan puisque ceux-ci travaillent la logique mathématique plutôt que la créativité que l'on retrouve dans les blocs de bois, blocs légo libres ??
    Variété... donnons leurs de la variété

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