J’étais, depuis quelques années, préoccupée par la démarche de résolution de conflit que je proposais aux élèves de ma classe de maternelle. J’utilisais une procédure pour résoudre les conflits et nous faisions des activités proposées par un matériel déjà tout fait. Cependant je n’étais pas satisfaite des résultats. J’avais l’impression que la procédure n’était pas intégrée et que les enfants avaient besoin de mes interventions, même à la fin de l’année scolaire. Ils n’arrivaient pas à développer les habiletés nécessaires à la communication de leurs émotions dans un climat favorable à la résolution de conflit. Je me suis mise à faire des recherches sur le sujet.
J’ai découvert qu’une école du Saguenay avait construit son projet éducatif
sur le sujet et qu’elle avait publié un guide pour les enseignants. Il présentait une démarche pour l’analyse du
groupe ainsi qu’une procédure pour la résolution de conflit. Ce fût ma première référence pour mettre en
place ce projet.
Puis l’Association du préscolaire de la région Outaouais a offert une activité présentant les Écoles préscolaires municipales de la ville de Reggio Emilia en Italie. Cette formation, donnée par Anne Mauffette, a débouché sur un groupe de co-perfectionnement sur le sujet.
La philosophie que présentait ces écoles m’est apparue comme un soutien
inspirant dans ma quête de développer des apprentissages plus signifiants, donc
plus intégrés, sur la résolution de conflit.
Voici les constats qui m’ont aidée à mener mon projet à terme:
La planification des projets
Ce qui m’a d’abord porté à réfléchir c’est le temps que ces écoles accordent à chacun des projets vécus par les enfants. Celui-ci n’est pas planifié par les enseignantes mais guidé par la réaction des enfants, par les choix qu’ils font, par leurs intérêts et leurs besoins. J’ai alors décidé d’attendre qu’un conflit éclate pour suggérer aux enfants des activités leur permettant de répondre à leur besoin de résoudre ce conflit. Comme le programme de maternelle offre une latitude dans le temps et l’organisation, cette gestion ne me posait pas de problème.
Les réalisations artistiques
J’ai aussi été séduite par la qualité des réalisations artistiques qu’on y présente et par l’importance qu’on accorde à leur publication. Elles sont documentées et exposées dans l’école et même dans la communauté. Cette publication me semble très intéressante pour développer un sentiment de fierté chez les enfants et pour faire un rappel des étapes dans le déroulement du projet.
Plusieurs techniques, matériaux et outils sont utilisés pour enrichir les créations artistiques. Je me suis inspirée de l’utilisation de la transparence et de la lumière dans la réalisation que j’ai proposée aux enfants pour notre projet. Je leur ai demandé de réaliser un panneau qui pourrait nous servir de référence lorsqu’un conflit serait à résoudre. Nous le placerions en permanence dans notre classe. Nous pourrions la présenter aux autres enfants de l’école ainsi qu’à leurs parents lors de l’exposition artistique annuelle .
L’importance de l’écoute des paroles des enfants
Ces écoles m’ont aussi
sensibilisée à l’importance de l’écoute des commentaires des enfants. Elle m’ont amené à chercher des moyens de
faire émerger leurs concepts cognitifs naïfs, de les recueillir, de les
réutiliser afin de les amener vers des concepts plus réalistes. Cette approche rend les apprentissages plus
signifiants puisqu’elle favorise un continuum dans la construction des
savoirs. Il m’a fallu m’initier à la
cueillette plus systématique des paroles des enfants. J’ai essayé plusieurs stratégies les fiches d’observation, les enregistrements
sonores, la prise de photos, le cahier de notes. Il me reste beaucoup de
progrès à faire mais je suis déjà beaucoup plus à l’écoute. C’est à partir de la demande d’un enfant, qui
voulait savoir comment parler pour obtenir que l’autre lui partage les blocs,
que nous avons décidé de parler des étapes de la résolution de conflit. C’est à
partir de leurs connaissances des émotions que nous avons fait des jeux de rôle
pour mieux les identifier et les reconnaître chez l’autre. L’apprentissage par les pairs a pris une
grande importance. Les paroles des
enfants sont devenues des outils de référence.
Les enfants ont été identifiés comme personnes ressources.
LE PROJET
Voici un résumé du projet des émotions qui s’est vécu dans notre classe.
Le premier conflit ne s’est pas fait attendre. J’ai demandé aux enfants ce qui se passait et comment ils pouvaient régler la situation.
Philip - Je veux lui parler mais il ne m’écoute pas.
Moi - Il faut se parler et s’écouter?
Philip - Oui
Jasmin - Il ne m’avait pas écouté lui...
Moi - Comment lui
as-tu parlé?
en pleurant - Il m’a pris les blocs!
...
Nous avons réuni chacune des pellicules par des anneaux pour en faire un panneau que nous avons nommé notre rideau des émotions.
Par la suite nous avons discuté de la procédure à suivre pour résoudre nos conflits. J’ai présenté un cahier illustrant la procédure (notez bien que je le concevrai avec les enfants la prochaine fois, il sera encore plus signifiant). Les enfants ont suggéré de le suspendre à l’étagère près du rideau, ce que j’ai fait.
Les résultats n’ont pas tardé. Les enfants se sont servis du cahier et du rideau. Ils étaient fiers de venir me dire qu’ils avaient réglé leur conflit. Je prenais alors une photo de la situation que nous placions dans leur portfolio pour qu’ils puissent la raconter à leurs parents. Je saisissais aussi le moment pour attirer l’attention des autres enfants sur la réussite des deux enfants. Tout le groupe a bénéficié de cette approche.
Il me semble que cette approche est de loin la plus signifiante que j’ai utilisée pour la gestion des conflits. Elle a laissé des traces que je transmettrai aux enseignantes de première année. Les enfants en parlent avec éloquence et sont fiers de leur réalisation.
Merci beaucoup aux enfants qui ont été inspirants et
dynamiques dans cette aventure.
Merci à Anne Mauffette qui m’a fait découvrir la
philosophie des écoles de Reggio Emilia
Merci à ces écoles qui nous partagent leur expérience.
Sylvie-Luce Gauthier
Enseignante à L’École de l’Envolée (maintenant à la retraite)
Gatineau, Québec
Pour l'article en Format PDF: https://drive.google.com/file/d/1aD9eIiRFCxIm_t6rA04bkLDWGH2u7qKS/view?usp=sharing
Merci Sylvie-Luce d’avoir partagé ton expérience. Les apprentissages qu’ont réalisés tes élèves sont certainement signifiants car ils sont reliés à leurs besoins réels, au moment où ils vivent un conflit.
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