samedi 17 avril 2021

Un projet sur les Émotions et la Résolution de conflits


Photo©Danielle Jasmin

 INTRODUCTION

J’étais, depuis quelques années, préoccupée par la démarche de résolution de conflit que je proposais aux élèves de ma classe de maternelle.  J’utilisais une procédure pour résoudre les conflits et nous faisions des activités proposées par un matériel déjà tout fait.  Cependant je n’étais pas satisfaite des résultats.  J’avais l’impression que la procédure n’était pas intégrée et que les enfants avaient besoin de mes interventions, même à la fin de l’année scolaire.  Ils n’arrivaient pas à développer les habiletés nécessaires à la communication de leurs émotions dans un climat favorable à la résolution de conflit.  Je me suis mise à faire des recherches sur le sujet.

J’ai découvert qu’une école du Saguenay avait construit son projet éducatif sur le sujet et qu’elle avait publié un guide pour les enseignants.  Il présentait une démarche pour l’analyse du groupe ainsi qu’une procédure pour la résolution de conflit.  Ce fût ma première référence pour mettre en place ce projet. 

Puis l’Association du préscolaire de la région Outaouais a offert une activité présentant les Écoles préscolaires municipales de la ville de Reggio Emilia en Italie.  Cette formation, donnée par Anne  Mauffette, a débouché sur un groupe de co-perfectionnement sur le sujet. 

La philosophie que présentait ces écoles m’est apparue comme un soutien inspirant dans ma quête de développer des apprentissages plus signifiants, donc plus intégrés, sur la résolution de conflit.  Voici les constats qui m’ont aidée à mener mon projet à terme:

 

                       La planification des projets

Ce qui m’a d’abord porté à réfléchir c’est le temps que ces écoles accordent à chacun des projets vécus par les enfants.  Celui-ci n’est pas planifié par les enseignantes mais guidé par la réaction des enfants, par les choix qu’ils font, par leurs intérêts et leurs besoins.  J’ai alors décidé d’attendre qu’un conflit éclate pour suggérer aux enfants des activités leur permettant de répondre à leur besoin de résoudre ce conflit.  Comme le programme de maternelle offre une latitude dans le temps et l’organisation, cette gestion ne me posait pas de problème.

 

                       Les réalisations artistiques

J’ai aussi été séduite par la qualité des réalisations artistiques qu’on y présente et par  l’importance qu’on accorde à leur publication.  Elles sont documentées et exposées dans l’école et même dans la communauté.  Cette publication me semble très intéressante pour développer un sentiment de fierté chez les enfants et pour faire un rappel des étapes dans le déroulement du projet.

Plusieurs techniques, matériaux et  outils sont utilisés pour enrichir les créations artistiques.  Je me suis inspirée de l’utilisation de la transparence et de la lumière dans la réalisation que j’ai proposée aux enfants pour notre projet.  Je leur ai demandé de réaliser un panneau qui pourrait nous servir de référence lorsqu’un conflit serait à résoudre.  Nous le placerions en permanence dans notre classe.  Nous pourrions la présenter aux autres enfants de l’école ainsi qu’à leurs parents lors de l’exposition artistique annuelle .

 

                       L’importance de l’écoute des paroles des enfants

Ces écoles m’ont aussi sensibilisée à l’importance de l’écoute des commentaires des enfants.  Elle m’ont amené à chercher des moyens de faire émerger leurs concepts cognitifs naïfs, de les recueillir, de les réutiliser afin de les amener vers des concepts plus réalistes.  Cette approche rend les apprentissages plus signifiants puisqu’elle favorise un continuum dans la construction des savoirs.  Il m’a fallu m’initier à la cueillette plus systématique des paroles des enfants.  J’ai essayé plusieurs stratégies  les fiches d’observation, les enregistrements sonores, la prise de photos, le cahier de notes. Il me reste beaucoup de progrès à faire mais je suis déjà beaucoup plus à l’écoute.  C’est à partir de la demande d’un enfant, qui voulait savoir comment parler pour obtenir que l’autre lui partage les blocs, que nous avons décidé de parler des étapes de la résolution de conflit. C’est à partir de leurs connaissances des émotions que nous avons fait des jeux de rôle pour mieux les identifier et les reconnaître chez l’autre.  L’apprentissage par les pairs a pris une grande importance.  Les paroles des enfants sont devenues des outils de référence.  Les enfants ont été identifiés comme personnes ressources.          

 

LE PROJET                           

Voici un résumé du projet des émotions qui s’est vécu dans notre classe.

Le premier conflit ne s’est pas fait attendre.  J’ai demandé aux enfants ce qui se passait et comment ils pouvaient régler la situation.

Philip               - Je veux lui parler mais il ne m’écoute pas.

Moi                  - Il faut se parler et s’écouter?

Philip                - Oui 

Jasmin              - Il ne m’avait pas écouté lui...

Moi                  - Comment lui as-tu parlé?

 Jasmin              - Je lui ai dit que je voulais les blocs bleus.

 Philip

en pleurant        - Il m’a pris les blocs!

 Moi                  - Tu as de la peine?  Est-ce qu’il t’avait demandé de les prendre?

...

 Nous en sommes venus à la conclusion qu’on devait se parler calmement, s’écouter, dire notre désir et nommer les émotions que l’on ressent pour bien se comprendre.

 

Deux enfants assis qui s’écoutent. Photo © Danielle Jasmin

 J’ai ensuite demandé aux enfants s’ils connaissaient d’autres émotions que la peine.  Ils en ont nommé plusieurs et nous les avons mimées.  Nous avons joué à les découvrir sur le visage des autres, dans leurs gestes, dans leurs paroles.  Puis j’ai pris une photo numérique de chacun des enfants qui mimait l’émotion de son choix.

 


  



Lorsque les enfants ont vu leur visage sur l’écran de l’ordinateur ils se trouvaient bien drôles.  Je leur ai suggéré d’en faire une copie à l’aide d’un papier calque. Puis, avec des feutres permanents ils ont reproduit leur copie sur une pellicule de plastique.  Je pouvais reconnaître la plupart de mes petites binettes.

 





Nous avons réuni chacune des pellicules par des anneaux pour en faire un panneau que nous avons nommé notre rideau des émotions.

Par la suite nous avons discuté de la procédure à suivre pour résoudre nos conflits.  J’ai présenté un cahier illustrant la procédure (notez bien que je le concevrai avec les enfants la prochaine fois, il sera encore plus signifiant).  Les enfants ont suggéré de le suspendre à l’étagère près du rideau, ce que j’ai fait.

Les résultats n’ont pas tardé.  Les enfants se sont servis du cahier et du rideau.  Ils étaient fiers de venir me dire qu’ils avaient réglé leur conflit.  Je prenais alors une photo de la situation que nous placions dans leur portfolio pour qu’ils puissent la raconter à leurs parents.  Je saisissais aussi le moment pour attirer l’attention des autres enfants sur la réussite des deux enfants.  Tout le groupe a bénéficié de cette approche.

Il me semble que cette approche est de loin la plus signifiante que j’ai utilisée pour la gestion des conflits.  Elle a laissé des traces que je transmettrai aux enseignantes de première année.  Les enfants en parlent avec éloquence et sont fiers de leur réalisation.

Merci beaucoup aux enfants qui ont été inspirants et dynamiques dans cette aventure.

Merci à Anne Mauffette qui m’a fait découvrir la philosophie des écoles de Reggio Emilia

Merci à ces écoles qui nous partagent leur expérience.

Sylvie-Luce Gauthier

Enseignante à L’École de l’Envolée (maintenant à la retraite)

Gatineau, Québec

Pour l'article en Format PDF: https://drive.google.com/file/d/1aD9eIiRFCxIm_t6rA04bkLDWGH2u7qKS/view?usp=sharing

 

1 commentaire:

  1. Merci Sylvie-Luce d’avoir partagé ton expérience. Les apprentissages qu’ont réalisés tes élèves sont certainement signifiants car ils sont reliés à leurs besoins réels, au moment où ils vivent un conflit.

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