Utiliser «la puissance du jeu » comme mode d’apprentissage principal pour tous les enfants d’âge préscolaire


Traduit par Anne Mauffette

Recommandations de l’Académie Américaine de Pédiatrie
«En présence d’adversité dans l’enfance, le jeu devient encore plus important»

Voici des extraits, traduits, du document The Power of Play produit par l’Académie Américaine de Pédiatrie (2018) qui enjoint aux parents, éducatrices, enseignantes, administrateurs, législateurs de privilégier le jeu sous toutes ses formes comme méthode d’apprentissage pour les enfants d’âge préscolaire , dès les premiers mois de la vie, à la maison, en CPE et à la maternelle et ce pour de multiples raisons, résumées ici.
Alors que les maternelles 4 ans comprenant beaucoup d’enfants issus de milieux moins favorisés se multiplient, ces recommandations devraient être prises au sérieux.
« À une époque où les milieux préscolaires subissent plus de pressions pour ajouter plus de composantes didactiques et moins d’apprentissages par le jeu, les pédiatres  peuvent jouer un rôle important en insistant sur le rôle d’un curriculum équilibré qui inclut l’importance de jouer pour apprendre, afin d’assurer un développement sain des enfants».
«De nouvelles recherches ont fourni des données additionnelles sur l’importance critique du jeu  pour faciliter l’engagement des parents,  susciter des relations sécuritaires, stables et nourricières; encourager le développement de nombreuses compétences, incluant les fonctions exécutives; et améliorer les trajectoires de vie (3-5). L’accent sociétal accru sur la préparation académique (…) a mené à un accroissement des activités structurées axées sur l’obtention de résultats académiques aussi tôt que le préscolaire, avec une diminution parallèle de l’apprentissage par le jeu.
Pourtant,  «Jouer, n’est pas futile : cela enrichit la structure du cerveau et intensifie son fonctionnement, et renforce les fonctions exécutives (c’est à dire: les processus d’apprentissage plutôt que les contenus), ce qui permet de poursuivre des objectifs et d’ignorer les distractions.
Quand le jeu et des relations sécuritaires, stables et nourricières manquent dans la vie d’un enfant, le stress toxique peut inhiber le développement des fonctions exécutives et de l’apprentissage de comportements pro-sociaux».
Les habiletés sociales qui font partie de l’apprentissage par le jeu rendent les enfants capables de d’écouter les consignes, diriger leur attention, résoudre des conflits avec des mots et se concentrer sur des tâches sans avoir besoin de surveillance constante(6).  A contrario, une expérience récente d’intervention précoce en mathématique au préscolaire n’a démontré à peu près aucun gain dans les résultats plus tard à l’élémentaire (7). «Malgré les critiques des experts en petite enfance,  le Head Start Act lors de sa réautorisation en 2003, a mis fin à l’évaluation des habiletés socio-émotionnelles et s’est centré presqu’exclusivement sur le pré littératie et les pré mathématiques (8). Le rapport de l’AAP sur la maturité scolaire met l’accent sur l’importance de la maturation globale de l’enfant (incluant les habiletés socio-émotionnelles, attentionnelles et cognitives) (9). Sans cet accent, l’habileté des enfants de diriger leur attention et se comporter de façon appropriée en classe est compromise.»

Définir le jeu est difficile. Cependant, on s’entend de plus en plus pour dire que c’est une activité intrinsèquement motivée, qui suscite un engagement actif  et mène à découvrir dans la joie. Le jeu est choisi (pas imposé) et n’a souvent pas d’objectifs extrinsèques; il est amusant et souvent spontané. On voit souvent  les enfants engagés très activement et passionnément impliqués dans le jeu; cela construit les fonctions exécutives et contribue à la maturité scolaire (des enfants qui s’ennuient ne vont pas bien apprendre)(10). Le jeu crée souvent une réalité imaginaire privée, contient des éléments de faire semblant et est non réaliste

«Selon la culture des adultes dans leur monde, les enfants apprennent des choses différentes dans leurs jeux. C’est dans le jeu sociodramatique que les enfants jouent différents rôles d’adultes, ayant observé les activités de leurs ainés. Des études poussées du jeu chez les animaux suggèrent que la fonction du jeu est de construire un cerveau pro-social qui peut interagir efficacement avec les autres (11).»p.2

«Le jeu est fondamentalement important pour l’apprentissage d’habiletés nécessaires au 21ième siècle telles que la résolution de problèmes, la collaboration et la créativité qui demandent une maîtrise des fonctions exécutives  et sont critiques pour la réussite à l’âge adulte.»
«Le jeu ce n’est pas juste avoir du plaisir mais c’est aussi prendre des risques, expérimenter et évaluer  les limites.»

«Les pédiatres peuvent être de bons influenceurs pour inciter les parents et les intervenants en petite enfance à  jouer avec les enfants et à leur réserver du temps non structuré pour jouer ainsi que pour aider  les éducateurs à reconnaître l’apprentissage par le jeu.»

«Certaines études (15-18) énoncent que la nouvelle économie de l’information, contrairement au vieux mode industriel, demande plus d’innovation et moins d’imitation, plus de créativité et moins de conformité. Des recherches sur l’apprentissage des enfants indiquent que les enfants apprennent beaucoup mieux quand ils ont un certain pouvoir (un certain contrôle sur leurs actions) et peuvent jouer un rôle actif dans leurs apprentissages (19). Les demandes du monde d’aujourd’hui exigent que les méthodes d’enseignement des deux  derniers siècles  axées  la mémorisation soient remplacées par l’innovation, l’application et le transfert (18).»

LA NATURE DE L’APPRENTISSAGE ET DU JEU

«(Le jeu) est fondamental à la santé et nous donne l’occasion d’exercer et de raffiner les habiletés nécessaires pour  vivre dans un monde complexe (21)».
« Le jeu et l’apprentissage sont inextricablement liés.» (27)

«L’apprentissage se fait à travers un procédé réitératif appelé étayage dans lequel des nouvelles habiletés sont construites sur les habiletés antérieures dans un environnement social soutenant»

«L’apprentissage chez le jeune enfant et le jeu sont des activités sociales (30) et nourrissent le développement du langage et de la pensée. L’apprentissage chez jeune enfant combine la découverte joyeuse et le développement d’habiletés socio-émotionnelles. Il a été démontré que les enfants qui jouent avec des jouets se comportent comme des scientifiques et apprennent en regardant et écoutant ceux qui sont autour d’eux (15-17). Par contre, l’enseignement explicite limite la créativité de l’enfant; il est suggéré que nous laissions les enfants apprendre en observant et en s’engageant activement plutôt que par  mémorisation passive ou par instruction directe»…» «Les meilleurs programmes sont ceux qui encouragent l’apprentissage par le jeu dans lequel les enfants sont activement engagés dans des découvertes signifiantes(32).» « Pour encourager les enfants à apprendre, nous devons leur parler, les laisser jouer et regarder ce que nous faisons au cours des différents moments de notre vie quotidiennes. Ces occasions stimulent le développement des fonctions exécutives si critiques (selon le  l’étude Global CEO Study de 2010 de IBM), dans le développement des habiletés nécessaires au 21ième siècle telles la collaboration, la résolution de problèmes et la créativité.

CATÉGORIES DE JEUX

-        Les jeux avec des objets
«Le jeu avec objet évolue à partir des explorations sensorimotrices…à l’utilisation d’objets symboliques pour la communication, le langage et la pensée abstraite.»
-        Les jeux moteurs
«L’acquisition des habiletés motrices de base dans l’enfance est essentiel le pour le développement d’un style de vie actif et pour prévenir l’obésité (36-39).» Apprendre à coopérer et négocier développe les habiletés sociales. Les « tiraillages» qui ressemblent au jeu vu chez les animaux, permettent aux enfants de prendre des risques dans un environnement relativement sécuritaire ce qui favorise l’acquisition d’habiletés nécessaires à la communication, la négociation et l’équilibre émotionnel et encourage le développement de l’intelligence émotionnelle. Ils encouragent la prise de risque ainsi que le développement de l’empathie puisque les enfants, encadrés, apprennent à ne pas faire mal aux autres (25, 30,40). Le Royaume Uni a modifié ses normes directrices portant sur le jeu, soutenant qu’on était allé trop loin en retirant les occasions de prise de risques saine dans l’enfance : les nouvelles directives de la commission nationale stipulent que «L’objectif n’est pas d’éliminer les risques».

-        Le jeu à l’extérieur
« Il n’est pas surprenant que les pays où l’on accorde plus de temps de récréation aux enfants soient ceux où on constate le plus de succès chez les enfants quand ils grandissent (42,43).» »Implanter et défendre la récréation envoie non seulement le message que l’exercice est important pour la santé physique  mais a des chances  de permettre à des enfants de différents milieux de développer des amitiés pendant qu’ils apprennent et grandissent (42).

-        Le jeu social ou de faire semblant seul ou avec d’autres
«Ce type de jeu survient quand les enfants explorent différents rôles sociaux dans un sens non littéral. Jouer avec d’autres enfants leur permet de négocier « leurs règles» et d’apprendre à coopérer. Jouer avec des adultes implique souvent de l’étayage, comme quand un adulte retourne une pièce de casse-tête pour aider un enfant à placer un morceau.» Les enfants plus vieux peuvent inventer des jeux et activités dans lesquels ils négocient leurs relations et les lignes directrices de leurs actions avec les autres joueurs. Se déguiser, faire semblant et le jeu imaginaire encourage l’usage de langage plus sophistiqué pour communiquer avec les partenaires de jeu et développer des scénarios régis par des règles (ex. : toi tu serais le professeur et moi l’élève). Le jeu a aussi été classé selon s’il était auto-dirigé ou guidé par l’adulte. Le jeu auto-dirigé ou jeu libre est crucial pour l’exploration du monde par les enfants et leur identification de leurs préférences et intérêts (19, 32,44).
«Le jeu guidé conserve à l’enfant son pouvoir d’initier mais il a lieu soit dans un contexte construit avec soin par l’adulte, avec un apprentissage en tête (ex. : une exposition dans un musée ou une tâche Montessorienne) ou dans un environnement où les adultes ajoutent à l’exploration entreprise par l’enfant des questions et des commentaires qui subtilement le guident vers un objectif. Les jeux  de table dans lesquels sont intégrés des objectifs bien définis font aussi  partie de cette catégorie (45) «Par exemple, si les enseignantes veulent que les enfants améliorent leurs fonctions exécutives elle peuvent utiliser «des jeux connus comme « Jean dit» ou « Tête, épaules, genoux, orteils» qui exigent des enfants qu’ils contrôlent leurs actions individuelles ou impulsives  et ont été reconnus comme ayant amélioré la maîtrise des fonctions exécutives (47). Le jeu guidé a été défini comme un jeu joyeux, initié par l’enfant, dans un environnement soigneusement créé par les adultes pour optimiser leurs apprentissages (4, 48).

ÉVOLUTION DU JEU
«Le jeu facilite la progression de la dépendance à l’indépendance et de la régulation par le parent à l’autorégulation. Il crée chez l’enfant un sens de sa capacité d’agir…
Quand les enfants deviennent plus indépendants, leur habileté à s’auto réguler devient apparente : ils peuvent diriger leur attention, résoudre des problèmes efficacement, ils sont moins impulsifs et peuvent mieux gérer le stress des émotions fortes (56). Avec des fonctions exécutives accrues, ils peuvent commencer à réfléchir sur comment répondre à une situation plutôt que de réagir impulsivement. Avec le développement du langage et des fonctions symboliques, le jeu de faire semblant devient  plus présent (57). Le jeu imaginaire, les déguisements, la construction de forts,  rejoignent le répertoire émotionnel  et social des enfants plus vieux tout comme les activités au parc, la « tag» et les jeux de cachette qui développent les habiletés motrices. Dans le jeu, les enfants font aussi de la résolution de problèmes, apprennent à diriger leur attention, toutes choses qui améliorent les fonctions exécutives.»

LES EFFETS SUR LA STRUCTURE DU CERVEAU ET SON FONCTIONNEMENT

«Le jeu n’est pas une frivolité; il construit le cerveau. On a démontré que le jeu, a, à la fois, des effets directs et indirects sur la structure et le fonctionnement du cerveau. Le jeu amène des changements au niveau moléculaire (épigénétique), cellulaire (connectivité neuronale) ainsi qu’au niveau des comportements (habiletés socio-émotionnelles et fonctions exécutives) qui   stimulent  l’apprentissage et  les comportements adaptés et/ou pro sociaux.»

«Les études sur les animaux montrent que le jeu transforme «la longueur dendritique, la complexité et la densité spinale  du cortex frontal médian (PFC), …. Il «stimule la production de BDNF en RNA dans l’amygdale, le cortex dorsolatéral frontal, l’hippocampe, et le «pons» (65, 68-70). «On le considère comme important pour la mémoire à long terme et l’apprentissage social.»…« Lles activités d’environ 1/3 des 12oo gènes dans les régions corticales frontales et postérieures étaient modifiées significativement par le jeu une heure après une séance d’une demi-heure de jeu (69-70). Deux heurs par jour de jeu avec des objets prédisent un changement dans le poids du cerveau et dans l’efficacité des animaux de l’expérience.» (11, 66)

«Chez les enfants, le jeu augmente la curiosité qui aide la mémoire et l’apprentissage»
« Le jeu aide les enfants à gérer les stress tels que les transitions dans la vie. Quand des enfants qui redoutaient l’entrée au préscolaire  étaient dirigés, de façon aléatoire, soit vers des jeux et des enfants avec lesquels ils pouvaient jouer pendant 15 minutes ou vers une enseignante qui leur racontait une histoire qu’ils devaient écouter, le groupe qui avait joué montrait une diminution de moitié de leur anxiété. (24, 80). Dans une autre étude, des enfants au préscolaire qui avaient des comportements dérangeant, ont eu des périodes de jeu, un à un, avec  des enseignante, tout au long de l’année, sessions  dont le but était de créer des relations chaleureuses et aimantes (où l’enfant  menait le jeu, où l’adule narrait à voix haute les comportements des enfants et discutait des émotions de l’enfant tout en jouant) ont montré une diminution, dans la salive, des niveaux de stress pendant la journée et un comportement amélioré comparé aux enfants du groupe contrôle(81). Une exception qui mérite d’être mentionnée, où  on constatait une augmentation de stress dans des situations nouvelles ou sociales, était avec les enfants ayant des problèmes dans le spectre de l’autisme.»(82)


LES BÉNÉFICES DE JEU

«Les bénéfices du jeu sont  extrêmement nombreux et bien documentés. Ils incluent  des  améliorations des fonctions exécutives, du langage, d’habiletés mathématiques (concepts de nombre et spatiaux), du développement social, des relations avec  les pairs, du développement physique et de la santé et d’une plus grande confiance en sa capacités d’action (13, 32, 56, 84-88).
Le contraire est également vrai. Panskeep (89) suggère que la privation de jeu est associée à un accroissement du déficit d’attention et d’hyperactivité.» (90)
«Le fonctionnement exécutif qui  est décrit comme le processus par lequel on apprend sur  les contenus qu’on apprend, est un des bénéficiaires majeurs du jeu et  comprend trois dimensions : la flexibilité cognitive, le contrôle inhibiteur et la mémoire de travail. Ensemble, ces dimensions permettent de soutenir l’attention, filtrer les détails distrayants, améliorent l’autorégulation et le contrôle de soi, la résolution de problèmes et la flexibilité mentale. Le fonctionnement exécutif aide les enfants à  s’adapter aux transitions….»
« Le jeu peut être un antidote efficace aux changements dans la taille de l’amygdale,  à l’impulsivité, à l’agressivité et aux émotions incontrôlées qui résultent de l’adversité et du stress toxique dans l’enfance. D’autres recherches sont nécessaires pour clarifier cette association.

«Les occasions de s’engager dans le jeu avec des pairs cultivent l’habileté à négocier. Le jeu avec les pairs inclue habituellement de la résolution de problèmes autour des règles du jeu qui nécessite négociations et coopération. À travers ces rencontres les enfants apprennent à utiliser un langage plus sophistiqué.» (95,96)

«Le jeu  sous toutes sortes de formes (physique actif, de faire semblant, avec des jouets traditionnels et de classifications de formes (plutôt que des jouets digitaux), améliorent les habiletés des enfants. Quand on a donné des blocs à des enfants pour qu’ils y jouent avec un soutien minimal des adultes, des enfants d’âge préscolaires ont démontré une amélioration dans l’acquisition du langage  lors du suivi 6 mois plus tard, et particulièrement les enfants de milieux de niveau socio-économique faible. Les auteurs soutiennent que les bénéfices de Reach out and Play peuvent promouvoir le développement tout comme le fait Reach out and Read (97). Quand des enfants ont joué avec  une intervention minimale des adultes, les enfants d’âge préscolaire ont nommé en moyenne  3 fois plus d’utilisations non conventionnelles d’objets comparés aux enfants qui avaient reçu des consignes précises (98). En Jamaïque, des trottineurs avec des retards de croissance qui ont suivi des périodes de jeu hebdomadaires pendant deux ans, afin d’améliorer les relations mère-enfant ont été suivi jusqu’à l’âge adulte et ont atteint des niveaux de scolarité supérieurs, subis moins de dépressions et ont eu moins de comportements violents (3).

Des enfants qui pouvaient jouer de façon active une heure par jour étaient davantage capables de penser de manière créative et  de s’appliquer à de multitâches (22). Des essais randomisés de jeux physiques chez les 7 à 9 ans ont révélé une augmentation de l’inhibition attentionnelle, de la flexibilité cognitive, du fonctionnement cérébral qui indiquait un meilleur contrôle exécutif (99). Le jeu avec des matériaux traditionnels était associé à une plus grande qualité et quantité de langage, comparativement aux les jeux électroniques (100) en particulier si le jeu vidéo n’encourageait pas l’interaction (101). En fait, il a été démontré que les jeux digitaux  plutôt que traditionnels de classifications d’objets  inhibaient l’usage de termes spatiaux chez les parents (102). Le jeu de faire semblant encourage l’autorégulation parce que les enfants doivent collaborer autour de l’environnement imaginaire, s’entendre  sur le faire semblant et se conformer aux règles ce qui améliore leur habileté à raisonner sur des situations hypothétiques (56, 57,103-105).

«Les bénéfices au niveau de la santé du jeu physiquement actif sont nombreux. L’exercice aide  non seulement à conserver un poids santé et un système cardiovasculaire en forme mais peut aussi augmenter l’efficacité des systèmes immunitaires, endocriniens et cardiovasculaires (37). Le jeu à l’extérieur dans les programmes Head Start a été associé à une diminution du BMI (39) L’activité physique est associées à une diminution des symptômes coexistant de dépression (108). Le jeu diminue le stress, la fatigue, les blessures et la dépression et accroit l’amplitude des mouvements, l’agilité, la coordination, l’équilibre et la souplesse (109). Les enfants  se concentrent davantage en classe après du jeu libre à la récréation qu’après les  cours d’éducation physique  qui sont plus structurés(43). Sans doute sont-ils plus actifs durant le jeu libre.»
Le jeu reflète et transmet des valeurs culturelles. En fait, la récréation, a commencé aux États-Unis, comme une façon d’intégrer socialement les enfants immigrants. Les parents aux États-Unis encouragent leurs enfants à jouer avec des jouets et ou objets, seuls, ce qui est typique des communautés qui mettent l’accent sur le développement de l’indépendance. Par ailleurs, au Japon, le jeu de poupées à plusieurs est encouragé ce qui est typique des cultures qui valorisent l’interdépendance.

LES BÉNÉFICES, POUR LES ADULTES, DE JOUER AVEC LES ENFANTS

Jouer avec  les enfants présente des avantages non seulement pour les enfants mais aussi pour les adultes responsables de ceux-ci qui peuvent retrouver et réactiver la joie de leur propre enfance et ainsi se rajeunir. À travers le jeu, et la relecture de leurs livres d’enfance favoris, les parents apprennent à voir le monde avec la perspective de leurs enfants et sont  plus susceptibles de communiquer plus efficacement avec leur enfant et même d’apprécier et partager le sens de l’humour et l’individualité de celui-ci. Le jeu aide les enfants et les adultes à être passionnément et totalement immergés dans une activité de leur choix et de ressentir une joie intense semblable à celle des athlètes quand ils sont engagés dans leur performance optimale. Découvrir sa vraie passion est une autre stratégie critique pour aider les enfants et les adultes à faire face à l’adversité. Une étude a documenté que des activités positives  des parents, telles que jouer ou lire avec leur enfant, diminuent chez les parents les expériences de stress et enrichissent la relation parent-enfant. Et que ces effets  servent de lien entre les activités et le développement socio-émotionnel  (111-113).
 De plus et c’est encore plus important, le jeu est une occasion pour les parents  de communiquer avec l’enfant en observant et comprenant les comportements non verbaux des nourrissons, participant aux échanges de prise de tour (à toi, à moi ou envoi-réponse) ou en partageant la joie et en étant témoin de l’épanouissement des passions chez chaque enfant.
Le jeu ne fait pas que fournir l’occasion d’alimenter la curiosité des enfants (14), les habiletés d’autorégulation (46), le développement du langage et l’imagination mais encourage les relations dyadiques réciproques entre enfants et parents, un élément crucial pour établir de saines relations. Par la capacité de temporiser des adultes qui prennent soin de l’enfant, le jeu peut servir comme antidote au stress, permettant à la réponse physiologique au stress de revenir à son niveau de base (77). Le succès de l’adulte dans sa vie future peut être relié à l’expérience de jeu dans l’enfance qui  a cultivé la créativité, la résolution de problèmes, le travail d’équipe, la flexibilité et l’innovation (18, 52, 115).
«L’étayage réussi (de nouvelles habiletés construites sur des habiletés antécédentes facilitées par le soutien d’un environnement social) peut être comparé aux interactions dans lesquelles les adultes dirigent le jeu des enfants. Il a été démontré que si un adulte montre à un enfant comment un jouet fonctionne, l’enfant est moins  est moins susceptible de découvrir d’autres propriétés du jouet qu’un enfant qu’on a laissé explorer le jouet sans intervention directe.» (36, 116-118).

LES IMPLICATIONS POUR L’ÉDUCATION PRÉSCOLAIRE

L’étayage des adultes dans le jeu des enfants les aide à travailler ensemble : à partager, négocier, s’habiliter à prendre des décisions et à régler des problèmes et à découvrir leurs propres intérêts. Les enfants apprennent à résoudre des conflits, à développer  des moyens pour faire valoir leurs points de vue et une idée positive de  leur capacité d’agir. La fausse dichotomie entre le jeu et l’apprentissage par l’enseignement formel est remise en question par des  réformistes qui reconnaissent  la valeur de l’apprentissage par le jeu ou le jeu guidé, qui  rassemble les forces des deux approches et  peut être essentiel pour améliorer les fonctions exécutives (18, 19, 34, 119). Hirsh-Pasek et al. (34) rapporte les mêmes observations : les enfants découvrent plus rapidement les mécanismes de cause à effet quand ils mènent eux-mêmes leurs apprentissages plutôt que quand les adultes leur donnent les solutions.

Les fonctions exécutives sont des fondements essentiels pour la maturité et la réussite scolaire ce qui impose un changement de regard sur l’éducation de la petite enfance. Le but, aujourd’hui, est de soutenir les interventions qui cultivent un ensemble d’habiletés telles que la maîtrise des fonctions exécutives chez tous les enfants afin que ceux-ci entrent au préscolaire et à  la maternelle sachant comment apprendre. La maternelle devrait offrir aux enfants des occasions de jeu collaboratifs et de manipulations exploratoires (14), un modèle différent de celui qui favorise  plus exclusivement l’apprentissage didactique au détriment de l’apprentissage par le jeu. Le modèle émergent alternatif veut prévenir le stress toxique et construire la résilience en développant les fonctions exécutives. Idéalement, nous voulons protéger le cerveau afin qu’il puisse développer  de nouvelles habiletés et nous voulons mettre l’accent sur les habiletés qui vont davantage aider le cerveau à se défendre contre l’adversité future (18).
Le Centre sur  l’enfant en développement («Centre on the developing child») de l’Université de Harvard offre des ressources en ligne sur le jeu et les fonctions exécutives  et fournit des suggestions d’activités spécifiques pour les parents et les enfants (http://developingchild.harvard.edu/wp-content/up;oads/2015/05/Enhancong-and-Practicing-Executive-Function-Skills-with-Children-from-Infancy-to-Adolescence-1.pdf).(120).

«Des curriculums spécifiques ont maintenant été développés et évalués dans des milieux préscolaires pour aider les enfants dans leur développement des fonctions exécutives. Plusieurs programmes innovateurs utilisent soit la philosophie des écoles préscolaires de Reggio Emilia ou le programme «Tools of the Mind» (développé en Californie) (121) ou encore «Promoting Alternative Thinking and Strategies-Preschool and Kindergarten» (122). Les intervenants doivent fournir aux enfants le soutien approprié pour que les enfants développent au maximum leurs habiletés à résoudre des problèmes à travers le jeu guidé et l’étayage.»

«Se centrer sur le développement des fonctions exécutives et autres habiletés à travers le jeu dans les premières années, est une alternative et une façon innovatrice de penser l’éducation préscolaire. Au lieu d’insister exclusivement sur les habiletés académiques, telles que la récitation de l’alphabet, la littératie précoce, l’utilisation de « flash cards», des jeux à l’ordinateur et  d’enseigner les contenus des tests (ce qui a pris une importance démesurée afin de produire de meilleurs résultats aux tests), il vaut mieux cultiver la joie d’apprendre par le jeu  qui a plus de chances d’encourager la réussite académique à long terme. La collaboration, les négociations, la capacité à résoudre des conflits, à s’exprimer et se faire entendre («self advocacy»), à prendre des décisions, à  croire en son potentiel d’action, la créativité, la capacité d’être un meneur et une activité physique accrue sont juste quelques exemples des habiletés  que les enfants construisent dans le jeu et des bienfaits qu’ils en retirent.»

LES DÉFIS CONTEMPORAINS

«Pour plusieurs familles, il y a des risques dans l’accent mis uniquement sur la performance, les programmes d’enrichissement après l’école,  l’augmentation du nombre de devoirs, les inquiétudes par rapport aux résultats aux tests et à l’acceptation dans les collèges. Les effets stressants de ces approches  peuvent souvent provoquer anxiété et dépression plus tard dans le développement et un manque de créativité.»

«La culpabilité des parents a entraîné une compétition à savoir qui fournit le plus « d’occasions d’enrichissement» à leurs enfants. Résultats : il reste peu de temps dans la journée des enfants pour le jeu libre, pour de la lecture par l’adulte aux enfants ou pour des repas en famille. Beaucoup d’écoles ont coupé les récréations, l’éducation physique, l’art et la musique afin de préparer les enfants pour les tests.»

«De 1981 à 1997, le temps de jeu des enfants a diminué de 25%. Les enfants de 3 à 11 ans ont perdu 12 heures de temps libre par semaine.  À cause de l’augmentation de la pression académique, 30% des enfants en maternelle aux États-Unis n’ont plus de récréations (42, 129).»

« les médias électroniques volent du temps pour le vrai jeu que ce soit à l’intérieur ou l’extérieur. L’apprentissage authentique se fait mieux dans les échanges de personne à personne plutôt que dans les interactions entre machine et personne.»

«La plupart des parents veulent faire ce qu’il ya de mieux pour leurs enfants. Cependant la publicité et les médias peuvent induire  les parents en erreur par rapport aux meilleures  façons de soutenir et d’encourager  la croissance et le développement des enfants et leur créativité. Des enquêtes ont montré que bien des parents croient  que les médias et la technologie sont les meilleurs moyens pour aider leurs enfants à apprendre (133). Cependant, les chercheurs contredisent cela. Les chercheurs ont comparé des enfants d’âge préscolaire jouant avec des blocs de façon indépendante avec des enfants regardant des vidéos de Baby Einstein. Les premiers développaient un meilleur niveau de langage et de meilleures habiletés cognitives (34, 134). Malgré le fait qu’un engagement actif avec un certain type de média approprié à l’âge de l’enfant puisse avoir certains bénéfices, surtout si  l’enfant les regarde et co-joue avec des pairs ou des parents, des interactions sociales, en temps réel demeurent supérieures aux médias digitaux pour l’apprentissage à la maison.»
«Il est important que les parents comprennent que l’utilisation des médias souvent ne soutient pas leurs objectifs qui sont d’encourager la curiosité et l’apprentissage chez leurs enfants (137-141). Malgré les recherches qui révèlent une association entre le temps passé à regarder la télévision et un style de vie plus sédentaire et l’obésité, l’enfant d’âge préscolaire typique regarde la télévision 4.5 heures  par jour, ce qui  évince la conversation avec les parents, la pratique de l’attention conjointe (parent et enfant regardent le même objet) de même que l’activité physique.»
«En 2016, l’AAP a publié 2 nouvelles mesures à propos  des médias digitaux affectant les jeunes enfants, les enfants d’âge scolaire et les adolescents. Ces mesures incluent des recommandations pour les parents, les pédaitres et les chercheurs afin de promouvoir une saine utilisation des médias (139, 140).»

LES OBSTACLES AU JEU

Il  y a des obstacles pour ceux qui veulent  favoriser le jeu. Notre culture est très orientée vers la vente de produits  pour les jeunes enfants (142). Les parents qui ne peuvent se permettre des jeux dispendieux pour leurs enfants peuvent se sentir exclus (145). Les parents qui peuvent offrir des jouets chers et des appareils électroniques peuvent penser qu’accorder  à leurs enfants  un accès illimité à ces objets est sain et favorise l’apprentissage. En réalité,  le jeu et la créativité des enfants sont stimulés par des jouets ordinaires et peu chers (cuillères en bois, boîtes et de simples objets quotidiens) et par des parents qui s’impliquent avec  leurs enfants en leur lisant, les regardant, en jouant avec eux et en leur parlant et les écoutant. C’est l’attention et la présence des adultes (parents, éducateurs) qui enrichissent les enfants, pas des gadgets électroniques sophistiquées.

«On ne peut insister assez, auprès des parents, des écoles et des organisations communautaires, sur l’importance du temps de jeu avec les enfants.»

LES RÔLES DES PÉDIATRES

Les pédiatres peuvent   faire la promotion de  l’importance de toutes les formes de jeu ainsi que du rôle du  jeu dans le développement des fonctions exécutives, de l’intelligence émotionnelle et des habiletés sociales (Tableau 1 non inclus).
Les pédiatres ont un rôle critique à jouer pour protéger l’intégrité de l’enfance, en militant pour que tous  les enfants  puissent avoir des occasions d’exprimer leur curiosité naturelle par rapport au monde et leur grande capacité d’imagination. 

L’APP recommande que les pédiatres :

Militent pour la protection du temps de jeu libre à cause de ses nombreux bienfaits dont le développement d’habiletés motrices fondamentales qui peuvent avoir des bénéfices pour la vie dans la prévention de l’obésité, l’hypertension et le diabète de type 2

 Militent auprès des intervenantes au préscolaire pour  qu’elles : se concentrent  sur l’apprentissage par le jeu plutôt que par enseignement didactique en laissant les enfants mener le jeu et suivre leur propre curiosité; mettent l’accent pendant toute l’année sur la construction des habiletés socio-émotionnelles et les fonctions exécutives; et qu’elles protègent le temps pour les récréations et l’activité physique.

 Mettent l’accent sur  l’importance de l’apprentissage par le jeu dans les programmes  préscolaires pour favoriser les des relations enfant-éducateur plus solides et le développement des fonctions exécutives. Qu’ils communiquer ce message aux  décideurs, aux législateurs et aux administrateurs en éducation ainsi qu’auprès d’un public plus large.

ils doivent promouvoir le jeu pour les parents et les nourrissons en leur remettant une «prescription de jeu» à chaque visite de suivi ans les 2 premières années de vie.

«les pédiatres peuvent aider les parents à comprendre que les moments d’apprentissage par le jeu sont partout et que même les tâches quotidiennes à côté de leurs parents peuvent devenir des occasions de jeu surtout si les enfants sont en train d’interagir avec les parents et imitent leurs tâches.»
« Le jeu actif stimule la curiosité des enfants et les aide à développer des habiletés physiques et sociales nécessaires à l’école et dans leur vie future.»

CONCLUSIONS

· Le jeu est motivé de façon intrinsèque et mène à une implication active  et à  la découverte dans la joie.  Même si le jeu libre et la récréation doivent rester des aspects intégraux de la journée de l’enfant, les composantes essentielles du jeu doivent aussi être apprises et adoptées par les parents et les enseignantes et autre adultes responsables des enfants afin de favoriser un développement sain de l’enfant et  enrichir l’apprentissage;

· Le modèle éducatif optimal pour apprendre est celui où l’enseignante implique les enfants dans des activités qui favorisent des habiletés à l’intérieur de sa zone proximale de développement ce qui est accompli surtout à travers le dialogue et le soutien, pas par des entrainements  (drills) ou  des répétitions passives. Il y a en ce moment un débat particulièrement à propos des programmes préscolaires sur l’accent à mettre sur les contenus et les efforts pour construire des habiletés en introduisant le travail formel (seat work) plus tôt versus essayer d’encourager une implication active dans l’apprentissage à travers le jeu. Avec notre compréhension du développement du cerveau des jeunes enfants, nous suggérons que l’apprentissage se fait mieux en favorisant la motivation intrinsèque dans le jeu plutôt que la motivation extrinsèque telle les résultats à des tests;

· Un modèle alternatif pour favoriser l’apprentissage est celui où les enseignantes développent des relations sécuritaires, stables et nourricières avec les enfants afin de diminuer le stress toxique, augmenter la motivation et s’assurer que les enfants soient réceptifs aux activités qui vont développer des habiletés à l’intérieur de leur zone de développement  proximal. L’accent  dans ce modèle préventif et développemental est  mis sur le renforcement de la résilience en présence d’adversité en améliorant les fonctions exécutives à travers le jeu et le jeu guidé.

· Le jeu fournit d’amples occasions à l’adulte pour étayer les habiletés fondamentales socio-émotionnelles, langagières, les fonctions exécutives, les habiletés en mathématiques et les capacités d’autorégulation nécessaires pour réussir dans un monde de plus en plus complexe et collaboratif. Le jeu aide à construire les habiletés requises pour notre monde en changement; et

· Le jeu fournit une occasion toute particulière de développer les fonctions exécutives qui sous-tendent les comportements d’adaptation à la maison; d’améliorer le langage et les habiletés en mathématiques à l’école; de construire des relations nourricières qui protègent contre le stress toxique; et d’augmenter l résilience socio-émotionnelle.

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