Documenter le jeu : à quoi ça sert?

Par Anne Mauffette

N. a travaillé longtemps à la construction d’une rampe et d’un tunnel pour les autos avec les blocs magnétiques. Toutes sortes de problèmes de physique ont été résolus (consolidation du tunnel, ajustement des pentes et de la rampe, fluidité du parcours).

  1. Qu’est-ce que documenter ?
    C’est enregistrer, accumuler et conserver des données, sous différentes formes : photos, vidéos, écrits, artefacts. C’est capter des extraits d’évènements, de processus et de productions des enfants et des adultes ; fixer des moments qui révèlent du sens et de la complexité. On note ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on perçoit par nos sens.1 Bien sûr, chacune de nous arrive avec des valeurs, des intérêts, des questionnements, un historique et une formation qui vont déterminer ce qui va attirer notre attention, ce qu’on va remarquer et trouver digne d’être documenté.1 Il y a aussi nos limites technologiques personnelles qui nous font préférer ou éviter certaines méthodes et outils pour documenter. Ainsi que le cadre dans lequel nous évoluons qui n’est pas toujours idéal. Nos données sont donc toujours très partielles.

    Un exemple : Des photos prises lors d’une sortie avec les enfants, présentées sur un appareil où défilent les clichés ou sur un babillard, c’est présenter des images qui n’ont pas encore été interprétées. On y montre les lieux et sans doute le fait que les enfants ont eu du bon temps. Cependant, elles ne démontrent pas les questionnements des enfants, ni leurs échanges, ni leurs apprentissages, ni ce que cela nous a appris d’eux et de nous-mêmes. On n’est pas encore dans l’esprit de la documentation pédagogique.

  2. Qu’est-ce que la documentation ?

    C’est une perspective sur ce qui a été documenté qui donne de la visibilité à la pensée des enfants et des adultes : il s’agit d’interprétations personnelles et subjectives des données recueillies. On tendra, dans la mesure du possible, vers un échange de multiples perspectives avec d’autres, soient des enfants, des collègues, des parents, etc.1 On commente les images ou les productions qu’on présente de différentes manières : exposition d’objets, panneaux, cahier, journal, etc.

  3. Qu’est-ce que la documentation pédagogique ?
    Là, on va un pas plus loin.

    C’est une documentation qui a pour but de nous informer sur nos pratiques. C’est le résultat de l’étude des données brutes à l’aide de questions que l’on se pose pour approfondir notre compréhension de ce qu’on a observé. Cela influencera et nous suggèrera des interventions possibles1. Elle se concrétisera de différentes façons : mot de la semaine aux parents par internet, affiches sur les murs de la classe, dans les corridors de l’école ou dans la communauté, portfolios...

    Dans toute documentation, il y a une intention de communiquer, d’échanger. Mais échanger sur quoi ? Certains chercheront à lier ce qu’ils voient à un continuum de développement. On tente alors à identifier les progrès des enfants par rapport à certaines habiletés et selon certaines normes.

    Mais on peut aussi vouloir répondre à un autre type de questions :
    1. Qui es-tu ?
    2. Qu’est-ce que tu aimes ?
    3. Qu’est-ce qui t’intéresse ?
    4. Comment fais-tu pour comprendre le monde ?
    5. Quels langages préfères-tu ?
    Ces questions nous aident à former une relation authentique avec les enfants, à apprendre ce qui leur importe. Elles ne nous amènent pas à vouloir les « normaliser ». L’évaluation des enfants fait partie d’un discours dominant en éducation. Le nombre de tests de dépistages de toutes sortes a considérablement augmenté. Il est important que la documentation ne se limite pas à une vision étroite de l’enfant. L’idée étant toujours d’entrevoir les expériences, les matériaux et les questions qui faciliteraient la continuité du développement et des apprentissages.

  4. Les avantages de la documentation
    Il s’agit de développer et démontrer une vision de l’enfant comme un communicateur compétent et un observateur attentif et sensible.

    1. pour les enfants
    2. « À cet âge, les enfants ont déjà commencé à intérioriser une conception de comment les autres les voient. Cela amène certains à anticiper des réponses positives par rapport à ce qu’ils sont et font, d’autres en sont venus à attendre des critiques » (Callaghan) et se sentent facilement menacés.

      La documentation partagée avec les enfants traite d’évènements démontrant un beau geste, un échange, une relation avec quelque chose ou quelqu’un, une habileté, un effort, une réconciliation, une réalisation, l’expression d’une sensation, d’un sentiment, d’une émotion esthétique, un intérêt, une théorie, le résultat d’une action, un moment de jeu qui les ou nous fait rire, un questionnement, une difficulté résolue, un sourire, un mot d’esprit, une phrase, un dessin, une tentative d’écriture, un émerveillement, quelque chose qui nous étonne, qu’on aime, quelque chose de nouveau qui nous ouvre une perspective sur l’enfant ou l’enfance, etc.

      Bref, elle relate des épisodes positifs de la vie des enfants. Nous voulons les convaincre « qu’ils sont des membres capables, dont la participation et la contribution sont attendues et bienvenues »1, qu’ils se voient comme des penseurs et des apprenants. On veut les montrer en train « d’avoir des interactions sociales positives »2. Lorsqu’on documente leurs gestes et leurs dires, les enfants se sentent vus, reconnus, acceptés. Ils constatent qu’on s’intéresse à leurs idées, à ce qu’ils ressentent. Notre appréciation « les transforme » 2, « Leurs compétences grandissent »2. Revisiter leurs idées semble les aider à organiser leurs pensées et à utiliser cette information pour mieux planifier leurs investigations2. Quand on leur reflète leurs actions et leurs mots, ils ont tendance à s’investir davantage2. Ils vont avoir tendance à expliciter ce qu’ils faisaient et à quoi ils pensaient.

      Quand les enfants voient la documentation, ils sont fiers parce qu’on nomme et on reconnait leurs capacités. La réaction est immédiate quand on leur rejoue un bout de vidéo, par exemple. Elle leur sert de miroir mais aussi de mémoire quand ils revisitent les photos, vidéos et descriptions. Elle leur montre notre regard attentif et bienveillant et dit surtout que nous les respectons, que nous les aimons.

      Guillaume (3 ans 9 mois) demande s’il peut détruire la construction de Zoé (il aurait pu impulsivement la détruire mais il s’est retenu et a demandé). On lui dit que c’est bien de le demander mais que non. Par contre, qu’il peut s’en construire une : il pourra la défaire (détruire donne un sentiment de puissance, de contrôle). Il se met à la tâche.

      On voit comme il s’applique. Il aligne les blocs. Il les place tout en hauteur mais c’est difficile car la surface de contact est petite et les blocs ne sont pas très lourds, alors ils peuvent facilement se renverser. Je lui demande si je peux prendre une photo. « Oh oui ! » dit-il fièrement. Puis il décide de souffler dessus pour les faire tomber.

      Le lendemain lorsqu’il revient, il demande encore une fois s’il peut détruire la construction de Zoé. Je réponds que Zoé n’a pas terminé. « Mais elle n’est pas là » me répond-il. « Elle continuera demain quand elle viendra mais tu peux en faire une toi. » « Je ne suis pas capable » dit-il [il demande toujours à sa maman de construire avec lui, semble-t-il, et puis il détruit sa réalisation]. Je lui rétorque que je sais qu’il est capable, puisqu’il en a fait une la veille.

      Il se met donc à l’œuvre. Il la veut plus grande (notion mathématique) et aligne encore plus de blocs. Il a aussi empilé deux triangles sur les « poteaux ». Je lui dis : « Je vois que tu as mis des triangles (noms des formes) au-dessus (notions spatiales), ici. »

      Ce sont ses premiers essais avec ce type de blocs.

      Lorsque je lui montre ces photos imprimées et que je lui dis que je vais montrer sa construction à tout le monde lors de ma conférence, il me dit : « Je vais en faire un autre château. »

      Les enfants sont aussi amenés à se voir les uns les autres, à échanger, à se questionner, à offrir des conseils et des encouragements et à apprécier leurs différentes manières de faire et de voir. Elle amène aussi les enfants à évaluer leurs efforts, à imaginer d’autres possibilités. La documentation peut servir de tremplin et de transmission entre des enfants et des groupes, les uns s’inspirant au départ de réalisations et réflexions des autres pour aller plus loin. Elle soutient leur découverte du monde.

      La présence de la documentation donne le ton dans un local ou une classe : elle signale aux personnes qui y entrent et qui y vivent une certaine qualité affective, à laquelle tous sont sensibles. Les enfants savent qu’ils peuvent être eux-mêmes sans anxiété.

    3. pour les parents

    4. Voici une petite histoire que j’ai relatée à des parents :

      N. (2 ans) prend une bille bleue marbrée de blanc (avec supervision). Il me la tend et dit : « Nuage ». J’avoue que je suis épatée. Il me communique ce à quoi cela lui fait penser ! Je suis habituée qu’il nomme les choses que l’on voit ou qu’il a vues mais là, c’est d’un autre niveau. Il a fait le lien entre des images de ciel engrangées dans sa mémoire et une forme sur un petit objet. Je n’aurais pas pensé qu’un enfant de cet âge puisse faire cela : pointer un nuage et dire nuage ou le reconnaître sur une image, oui. Mais voir le ciel dans une bille : comme c’est poétique et, en même temps, une preuve de son raisonnement et de son intelligence.

      Inviter les parents à s’émerveiller avec nous, autour de notre documentation, des accomplissements de leurs enfants et leur démontrer visuellement tous leurs apprentissages va établir avec eux des liens forts. Cela peut devenir le ciment de notre relation. En créant un dialogue autour de choses vécues et vraies, les parents vont commenter nos histoires et y ajouter leurs propres histoires. Ils peuvent avoir une interprétation ou donner une valeur différente à une photo ou un énoncé. Mais ils sentent que leurs idées sont accueillies tout comme celles de leurs enfants. Ils se sentent rassurés car ils constatent que l’enseignante ou l’éducatrice connait bien leur enfant et est en synchronicité avec lui.

    5. pour l’éducatrice ou l’enseignante
    6. Comme enseignante ou éducatrice, cette façon de documenter nous en apprend davantage sur chaque enfant, nous permet de le voir dans sa globalité. On voit les enfants comme les scientifiques qu’ils sont. Cela change notre image d’eux. L’accumulation de notre documentation au fil du temps nous sert d’outils pour suivre les progrès des enfants et rendre ceux-ci visibles à tous les protagonistes : enfants, enseignantes ou éducatrices, parents, grands-parents, direction. Elle est une forme d’évaluation.

      Nos observations nous donnent des idées sur la façon de les soutenir dans leurs recherches et les aider à poursuivre plus loin leurs raisonnements, théories et actions. La documentation nous incite à créer de nouvelles invitations à apprendre, à fournir de nouveaux matériaux et parfois même à repenser notre environnement. Elle nous permet de renouer avec l’enfant et avec nous-mêmes.

      La documentation nous aide à nous percevoir comme des chercheuses. Elle incite à une pratique réflexive. On peut y retourner, à différents moments, seule ou avec d’autres et découvrir encore d’autres choses. Elle nous fournit une sorte de développement professionnel. Elle enrichit notre vie personnelle et professionnelle. On profite ainsi du réseau établi avec les parents et avec nos collègues.

    7. pour les autres collaborateurs
    8. Prendre connaissance de notre documentation leur ouvre en quelque sorte la porte de notre classe et leur permet un regard mieux informé, une vision plus englobante sur les enfants avec lesquels ils interviendront. Cela permet à certaines de se rappeler ce qu’est un enfant de 4-5 ans. Elle peut aussi ouvrir à d’autres façons de faire que certaines pratiques plus traditionnelles associées à certaines professions. La documentation peut établir une meilleure compréhension de notre situation et faciliter la collaboration.

    9. pour l’administration
    10. Il faut l’avouer, certains administrateurs ont perdu le sens de ce qu’est un enfant de 4-5 ans. La documentation est comme une ambassadrice : elle nous représente, enfants et enseignants ou éducateurs. Elle peut les rassurer sur le choix que nous faisons en démontrant les habiletés grandissantes des enfants dans des domaines qui les préoccupent dont, évidemment, la lecture et l’écriture.
      Voici des extraits de mon journal qui ne permettent pas de douter des progrès dans l’émergence spontanée de l’écrit chez un enfant :
      23 avril
      G. s’exerce spontanément à faire des lettres. On voit clairement qu’il y a le O (le nom de son chien Togo) et des formes ressemblant à des lettres. Il y a aussi une tentative d’écriture en « lettres attachées » (sa sœur est en deuxième année). On a l’impression qu’il sait que les mots sont des entités séparées dans l’écriture cursive. À vérifier.
      24 septembre
      G. Joue à l’école : « J’ai fait de belles lettres », dit-il. On reconnait des A, M, O, un I (avec le point), un V, un N comme un pont, sans barre, le G de son nom et même des é minuscules avec l’accent aigu.



      6 janvier
      On aperçoit les lettres en majuscules avec lesquelles il a voulu représenter le nom du personnage Géonosian : il a utilisé des lettres qu’il connaissait de son nom (je remarque que le G est maintenant dans le bon sens), du mien (le A) et le O qu’on retrouve dans le nom de sa sœur (Zoé) et du chien (Togo), un «i».

      La documentation témoigne de ce qu’on fait avec les enfants, pourquoi on le fait et met en valeur leurs réalisations et leurs apprentissages. Elle permet de mieux faire connaître les capacités réelles des enfants ainsi que notre contribution à leur développement et leurs progrès. Elle peut servir d’évaluation car elle donne un portrait plus juste et plus complet des enfants que les tests. Elle pourrait changer les perspectives de certains sur les façons dont les enfants peuvent apprendre et comment ils s’épanouissent.

    11. pour la communauté éducative préscolaire
    12. Il s’agit d’adopter un autre paradigme. La documentation pédagogique demande de croire dans un curriculum émergeant. Nous ne nous concentrons pas sur les manques des enfants, leurs « déficits » ou leurs « problèmes » et sur les tests. Notre énergie n’est pas canalisée sur des disciplines même si on peut colliger de jolies choses sur le développement du langage, de la lecture-écriture ou des notions mathématiques chez les enfants. On voit plus large. On se centre sur leurs compétences et leurs forces.

      Qu’est devenue « l’intégration des matières » ? C’est quelque chose qu’on faisait si bien à l’éducation préscolaire. La documentation nous y ramène. Elle nous incite à considérer les intérêts intellectuels, sociaux et affectifs des enfants plutôt que des notions académiques étroites.

    13. pour la société en général
    14. Il y a une vision un peu « disneyesque » des enfants dans notre culture. La documentation permet :
      • de voir les enfants autrement en changeant cette mentalité,
      • d’écouter vraiment leurs réflexions, leurs préoccupations,
      • de les prendre au sérieux,
      • de saluer leurs réalisations et leur intelligence,
      • de cesser de les trouver « cute » pour se rendre compte qu’ils réfléchissent et sont d’habiles communicateurs. La documentation leur donne une voix forte et nous force à les considérer comme des personnes à part entière, des citoyens, ici et maintenant, de notre communauté. Nous sommes obligés de reconnaître qu’ils participent à forger notre culture.


  5. Documenter, ça s’apprend
  6. On apprend à documenter puis on documente pour apprendre1
    D’abord, on doit apprendre à écouter et à voir ; cela prend du temps. Suspendre son jugement et essayer de comprendre vraiment le point de vue de l’enfant et ses actions est difficile. Voir les détails des expériences des enfants, décoder leurs intentions et les relier avec le programme et les théories de l’apprentissage, l’est aussi. Identifier ce qui vaut la peine d’être capté, le faire correctement sous la forme qui convient le mieux, le lire, puis le présenter pour que ce soit clair et rendre visible les relations, les émotions, les apprentissages, demandent le développement d’habiletés, du temps et de la patience envers soi.

    On se retrouve dans la même position que nos élèves : on est des apprenants. En plus, la documentation révèle nos pratiques et on peut se retrouver insatisfaites de certaines de celles-ci. Mais il faut accepter d’être en déséquilibre si on veut avancer. Et il y a la peur d’être vue car on se révèle. L’acte de documenter nous oblige à ralentir, à réfléchir sur ce qui se passe et modifie notre vision sur l’apprentissage et l’enseignement.

    Et puis il y a toujours le doute qui nous assaille : ai-je bien fait ? Et les regrets de ce qu’on pense avoir manqué. De tout ce qu’on ne maîtrise ou ne connait pas… encore.

  7. On documente quoi ? Comment ?
  8. N. compare les bruits que font différentes sortes de billes (en bois, en verre, en acier.). Il en prend une en liège et dit : « Tout petit bruit » (discrimination auditive et comparaison).

    On a tendance à documenter ce qui a de la valeur à nos yeux. Pour chaque histoire choisie, on aurait pu en noter bien d’autres. Mais on ne peut pas tout documenter. Des moments précieux nous échapperont mais d’autres deviendront mémorables, c’est-à-dire qu’on pourra y revenir, avec les enfants, avec des parents et des collègues et avec soi-même.

    Pour nous aider dans nos choix, en observant les enfants, on va se demander :
    • Qu’est-ce qu’il est en train d’essayer de faire ?
    • Quelle question se pose-t-il ?
    • Quels détails puis-je rendre visibles pour mieux mettre en valeur cette expérience ?
    • Où est-ce que je vois des exemples de forces chez cet enfant ?
    • Quelles activités semblent signifiantes pour les enfants ?
    • Dans quoi sont-ils réellement engagés pleinement ?
    Encore faut-il que l’environnement encourage ce type de comportements, que des situations et matériaux intéressants stimulant leur pensée leur soient présentés et qu’ils puissent choisir parmi une variété d’expériences en fonction de leurs intérêts du moment.

    On tentera de trouver des moments où les enfants démontrent de l’initiative, de l’autonomie, de la détermination, de la concentration, de la curiosité, de la créativité, de la résolution de problèmes, de la coopération, de l’autorégulation, des tentatives de compréhension d’un concept ou d’une information, de constatations d’une caractéristique d’un objet, d’une cause et de ses effets ou d’une transformation, des habiletés physiques, des explorations artistiques, de la joie, de la complexité, des expérimentations, des découvertes, des raisonnements logiques et mathématiques, des énoncés théoriques, scientifiques, poétiques, philosophiques, etc.

    29 janvier
    Nathan me dit : « Panthère c’est comme pense ». – C’est vrai on entend le même son au début de ces mots.

    13 mars
    Nous avons installé la petite trampoline. « Trampoline, c’est comme le mot Pauline » fait-il remarquer.

    20 mars
    Nathan regarde des images de chiens dont un boxer. « Boxer c’est comme Roxanne » me fait-il remarquer me le montrant. – Oui, il y a le son OX dans les deux mots.

    14 mai
    « Accrochage c’est comme « acrobate», me dit Nathan. – Oui on entend les sons « acro» dans les deux mots et le son « a » dans ate et age.

    On parle de sa cheville et il me dit : «C’est comme chenille ou cheveux»
    Non seulement il démontre sa reconnaissance des similitudes mais aussi l’étendue du vocabulaire dont il dispose. Il discrimine donc le début, le milieu et la fin des sons dans les mots (conscience phonologique).

    Je lis actuellement beaucoup sur le sujet de l’apprentissage de la lecture, du rôle du langage et de la discrimination des sons. Nathan démontre que cela n’a pas besoin de se faire par de l’enseignement systématique non signifiant.


    On a une foule de possibilités avec les moyens technologiques. La plus simple est la prise de photos qui peut être très efficace. On rogne le fond (à moins qu’il joue un rôle dans la situation) et on agrandit les éléments sur lesquels on veut mettre l’accent. On focalise sur les mains ou l’intensité du regard. Les enfants peuvent aussi prendre des photos eux-mêmes. Avec les photos, on réalise des affiches sur lesquelles on va noter les énoncés des enfants et ajouter des commentaires pour rendre visible ce qui s’y passe.

    Les vidéos sont aussi fort précieuses car on y entend les conversations des enfants. Il faut les revoir plusieurs fois avant d’en décoder tous les aspects pertinents. Et, si possible, avec d’autres personnes.

  9. Pourquoi documenter le jeu en particulier ?
  10. C’est dans le jeu que les enfants se révèlent le plus et à tous les points de vue : habiletés sociales, créativité, utilisation du langage, habiletés motrices, connaissances mathématiques, scientifiques, musicales, conceptions du monde, etc. Ils nous montrent qui ils sont, ce qu’ils savent et savent faire et comment ils le font. C’est donc le contexte idéal pour porter un regard attentif sur leurs actions et leurs dires et en tirer une meilleure connaissance de chacun, bref, d’apprendre comment ils apprennent et où ils en sont pour pouvoir décider des suites à proposer.

    Suite de l’histoire de G. : « Je vais en faire un autre château. »


    En plaçant le premier bloc il dit : « une pierre »...

    Cette fois-ci après avoir aligné les blocs, il se met spontanément à les compter. Il pointe avec son doigt chaque « pierre », il hésite à un moment donné (a-t-il oublié de compter ce bloc ? l’a-t-il compté deux fois ?), il continue et compte jusqu’à douze. Je recompte sans lui dire : il y en a treize. Mais on peut constater qu’il est capable de faire de la correspondance un à un (il est conscient qu’on ne compte qu’une fois chaque objet et qu’on les compte les uns après les autres). Un peu de pratique va consolider cette capacité. Lors d’une autre session, il va en faire un aussi long que la table.



    C’est là que vous pourrez constater ce que les enfants ont réellement intégré, ce qui est en voie d’acquisition, leurs conceptions fausses ou exactes des choses de la vie, leurs perspectives du monde, leur niveau de vocabulaire, ce sur quoi ils sont en train de travailler, leurs capacités de représentations, etc. C’est le meilleur moyen pour évaluer les progrès des enfants.

    Bien sûr il faut être capable de décoder ce que les enfants sont en train de travailler : quels concepts ils explorent, quelles habiletés sont en jeu et de faire des liens avec le Programme d’éducation préscolaire.

Je vous mets au défi de commencer et je vous garantis que vous ne pourrez plus vous en passer.

Anne Gillain Mauffette, mai 2020

Références :
  1. Avery J., Callaghan K. & Wein C.A. (2016) Documenting Children’ Meaning : Engaging Design and Creativity with Children and Families, Davis Publications, Washington, USA.
  2. Curtis D. (2017) Really Seeing Children: A collection of teaching and learning stories to inspire an everyday practice of reflection, observation and joyful presence with children.
  3. Gillain Mauffette A. (août 2008) : La documentation pédagogique : Pour Qui Pourquoi ? Revue Préscolaire Vol.46 no.3 p.8-15

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