3e partie de 8 : Le jeu et les projets, des vases communicants
Entrevue avec Loris Malaguzzi, le fondateur des écoles de Reggio Emilia (traduction libre)4
Malaguzzi : Nous travaillons en projets parce que se baser sur les capacités et les ressources des enfants fait partie de notre vision philosophique. Ou bien une école est capable de se transformer continuellement en réponse aux enfants ou bien elle devient quelque chose qui tourne en rond, faisant du sur place.
Quand on essaie de faire un bon projet, on doit d’abord avoir des attentes pertinentes et prédéterminées, des attentes partagées par les enfants. Ces attentes aident les adultes en termes d’attention, de choix, de méthodes d’interventions et d’actions quant aux relations entre les participants.
Gandini : Pouvez-vous nous parler du choix des projets à entreprendre ? Font-ils souvent déjà partie d’expériences en cours ?
Malaguzzi : Oui, parfois nous poursuivons quelque chose qui leur appartient déjà mais dans d’autres cas, nous abordons quelque chose de nouveau. Les enseignantes n’ont qu’à observer et écouter les enfants alors qu’ils nous suggèrent continuellement ce qui les intéresse et ce qu’ils aimeraient explorer de façon plus approfondie. C’est bien quand l’intérêt des adultes coïncide avec ceux des enfants afin qu’ils puissent facilement soutenir la motivation et le plaisir des enfants.
Un bon projet contient quelques éléments essentiels. D’abord il doit produire ou déclencher une motivation initiale pour réchauffer les enfants. Chaque projet a une sorte de prologue, phase pendant laquelle des informations et des idées sont offertes et partagées au sein du groupe. Celles-ci serviront plus tard à aider
Gandini : Une discussion au début pour récolter les souvenirs, les pensées et les désirs des enfants est une façon efficace de commencer.
Malaguzzi : Oui, parce que cela aide les adultes à faire des prédictions et des hypothèses par rapport à ce qui pourrait se passer. Certaines de ces attentes ne se réaliseront pas mais d’autres vont prendre vie dans cette aventure vécue avec les enfants au long du projet. Mais ce ne sont pas que les adultes qui bâtissent des attentes et des hypothèses ; celles des enfants - qui peuvent utiliser leurs capacités pour faire des prédictions - sont aussi nécessaires pour organiser le travail. La grande motivation avec laquelle les enfants embarquent les aidera à être à l’aise alors qu’ils emprunteront différentes avenues, en abandonnant certaines et en essayant d’autres. Dans cette tâche, ils amèneront différentes intelligences et attitudes et produiront une effervescence d’idées et aussi, par leurs négociations, une convergence d’idées qui deviennent de plus en plus précises et plus sélectionnées. Ils se sentent libres de le faire parce qu’ils n’ont pas peur de faire des erreurs ou de démolir leurs propres idées. L’objectif du projet sert en tout temps de repère. Cela donne beaucoup d’énergie aux enfants parce qu’ils savent où ils doivent arriver.
Tout au long du projet, les adultes devraient intervenir le moins possible. Ils devraient par contre créer des situations et faire de nombreux choix pour faciliter le travail des enfants. Les adultes doivent continuellement revisiter ce qui se passe, discuter de leurs trouvailles entre eux et utiliser ce qu’ils apprennent afin de décider comment et combien entrer dans l’action pour maintenir le degré de motivation des enfants élevé. Il y a de nombreuses théories scientifiques sur la motivation mais je crois que les enseignantes peuvent apprendre beaucoup à ce sujet en travaillant avec les enfants. Certains enfants entrent dans le jeu tout de suite et n’ont pas besoin de mise en train. D’autres se réchauffent au cours des premières activités. D’autres ne s’allument que lorsque quelque chose confronte leurs idées dans le grand marché des échanges.
Suite : Les projets à l’italienne
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