Les projets à l'italienne

Par Anne Mauffette
4e partie de 8 : Le jeu et les projets, des vases communicants


Le travail par projet dans les écoles de Reggio Emilia diffère un peu des « modèles » proposés par Katz et Chard5 (voir plus bas) ou par d’autres auteurs ou animateurs d’ateliers de notre milieu. En effet Katz et Chard6 nous recommandent de choisir des sujets que les enfants peuvent étudier directement et pour lesquels ils n’auront pas que des sources secondaires d’information. Ceci élimine donc des sujets comme les dinosaures, l’espace, les lions, les châteaux (s’il n’y en a pas près dans votre région). Dans les écoles de Reggio Emilia, même des sujets abstraits comme le futur, imaginaires ou difficiles comme la guerre sont abordés. De plus, on laisse plus de place aux explications fantaisistes des enfants sur différents sujets (ex. : les arbres se parlent). Jouant le jeu, les enseignantes les questionnent : « Et que se disent-ils? »

Une autre différence : il n’y a pas d’horaire figé ; le mot d’ordre est la flexibilité : les journées sont rythmées par ce qui se passe et non par la montre.

On retrouve une description de multiples projets vécus dans les écoles préscolaires municipales de Reggio Emilia dans une foule de documents publiés par Reggio Children (voir la section Références).

De l’étude de tous ces projets, de l’écoute des explications de Malaguzzi (vidéo) et des lectures sur le travail théorique et pratique des enseignantes, on peut identifier certains principes sous-jacents et certaines constantes dans la façon de développer un projet :
  1. Choix du sujet
  2. La préparation
  3. Le déroulement
  4. Les participants
  5. Les autres constantes


  1. Choix du sujet
    • On doit sentir chez les enfants, un investissement affectif, un enthousiasme par rapport à celui-ci.
    • Le sujet doit intéresser à la fois les enfants et les adultes qui seront alors plus motivés à soutenir les enfants dans leur exploration.
    • Le sujet fait souvent partie de l’historique de l’école. Par exemple, l’idée du parc pour les oiseaux est née à la suite d’un projet de construction d’un poste d’observation d’oiseaux fait par un groupe l’année précédente et dans un contexte où la présence de petits visiteurs chats, oiseaux, insectes était accueillie avec intérêt par les enseignantes et les enfants en général.
    • Il est provoqué par quelque chose qui arrive dans une classe (une table se brise), dans la cour (un chat qui y a fait des petits), à l’occasion d’une sortie (un projet sur les couleurs naît de la surprise des enfants de voir tant de vert dans une promenade), dans la communauté (une fête foraine), dans le monde (la guerre du Golfe, les Olympiques).
    • Les enseignantes développent certaines attentes mais sont parfois surprises de la tournure des évènements et sont prêtes à modifier le cheminement (voir l’exemple des lions mentionné plus haut).
  2. La préparation
    Lorsqu’un sujet semble provoquer la curiosité des enfants, les enseignantes essaient ensemble d’anticiper toutes les avenues et les formes que le projet pourrait prendre et d’identifier celles qui semblent les plus prometteuses. Elles pèsent le potentiel des différentes options et se préparent au cas où le projet prendrait telle ou telle forme laissant de la place pour les pistes et développements imprévus et s’adaptant aux nouvelles données. Les parents sont aussi consultés dès le début du projet sur les possibilités, les ressources disponibles. Au fur et à mesure, les enseignantes noteront les aspects qui auront ou n’auront pas été abordés selon l’orientation que prendra le projet.
  3. Le déroulement
    Au départ une discussion a lieu à propos du sujet qui excite et préoccupe les enfants. Les dires des enfants vont être notés, enregistrés puis retranscrits et servir de point de départ pour la planification des expériences, du matériel.

    Les échanges sur ce qu’on sait et sur les expériences vécues, vont ensuite être traduits graphiquement par les enfants qui vont dessiner leurs idées. Ces premiers dessins vont devenir les témoins des connaissances, théories, hypothèses initiales des enfants et ils pourront servir de référence pour constater, évaluer l’évolution de la pensée et les habiletés des enfants impliqués dans le projet. Ils vont servir de base, avec leurs dires, aux discussions des enseignantes pour déterminer les propositions à faire aux enfants.

    Ce passage du verbe au graphisme est considéré par les enseignantes comme un pas important, un premier pas, dans la construction de la compréhension des enfants car cela amène ces derniers à réexaminer, à « nettoyer », à synthétiser leurs pensées. Ces premières représentations vont aussi servir de points de référence communs et de mémoire pour chacun et pour le groupe.

    En cours de projet, les enfants font souvent du dessin d’observation sur place ou à partir de photos et vont reprendre leurs représentations du sujet étudié plusieurs fois et de différentes façons.
  4. Les participants
    Ceci va varier selon les projets : quelques enfants et pas toujours d’ailleurs les mêmes du début à la fin, un groupe, une classe, une école ou toutes les écoles de la ville dépendant de la contagion du projet mais aussi des étapes d’un projet. Par exemple, dans le projet du saut en longueur, un petit groupe d’enfants a été impliqué dans la préparation de l’évènement mais toute l’école a participé à l’entraînement préparatoire et à la course.

    Les enfants vont travailler en petits groupes de 3 à 5 afin de favoriser les échanges. Les participants seront choisis selon différents critères dont l’intérêt, mais en tenant compte aussi des différences entre les enfants dont le genre, l’habileté, ... Malaguzzi parle de différence optimale dans le sens où la marge ne doit pas être extrême sinon on risque que le conflit cognitif soit exagéré et donc non profitable pour certains enfants.

    Des parents vont souvent participer en fournissant ou en fabricant du matériel, en contribuant de leurs connaissances. Parents et enseignantes utilisent leurs réseaux d’artistes, d’artisans, de connaissances pour enrichir et alimenter le projet. La communauté est souvent un objet d’étude mais elle est aussi appelée à participer à certains projets.
  5. Les autres constantes
    Photo, garderie Imagine (enfants de 4 ans)
    • Les sorties pour observer de première main (sentir, toucher, photographier, dessiner, utiliser une webcam ou des microscopes digitaux) les phénomènes étudiés ou l’invitation d’experts sur place.
    • La documentation, l’interprétation continue des expériences, le processus, les dires, les réalisations des enfants, la réévaluation en équipe de la marche du projet et l’ajustement continuel du parcours (nouvelle orientation, matériel). Les propositions pour relancer un projet. Les parents ont accès à cette documentation et en discutent avec les enseignantes, ajoutant leurs perspectives et leurs idées.
    • La mise en valeur du travail, du jeu et des échanges des enfants, entre autres grâce à l’aide de l’atelierista.
    • La célébration ou la présentation ou l’évènement marquant la fin d’un projet.



Suite : Les projets selon Katz et Chard

Retour au sommaire


Pour voir le document entier en format PDF :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Quelques idées d’expériences à faire à l’extérieur

  Par Anne Gillain Mauffette Il ne s’agit pas de reproduire une classe à l’extérieur avec tableau etc. mais de profiter de ce que l’exté...