Le développement exécutif par le jeu

Cerveau, mémoire, imaginaire
Document préparé par Richard Robillard et Brigitte Fortin


Le jeu est la forme la plus élevée de la recherche.

Albert Einstein

  • définitions
    Il existe plusieurs façons de définir le jeu. Certains penseurs et chercheurs se sont questionnés à ce sujet et les manières de percevoir le jeu sont diverses.
    • La définition du Petit Robert :
      « Activité physique ou morale, purement gratuite, généralement fondée sur la convention ou la fiction qui n’a, dans la conscience de celui qui s’y livre, d’autre fin qu’elle-même, d’autre but que le plaisir qu’elle procure. »
    • Cet ouvrage précise également que le mot jeu, enregistré au XIIe siècle, vient du mot latin jocus qui signifiait « badinage, plaisanterie ».
    • Les lexicologues Bloch et von Wartburg (1968) précisent que le mot jocus, en latin vulgaire, avait pris tous les empois de ludus pour signifier « amusement, divertissement ». Ainsi, ludus signifie « relatif au jeu ».
    Voici quelques définitions d’auteurs qui ont écrit sur le jeu.
    • Huizinga (1978) : une action libre qui ne peut être commandée.
    • Caillois (1958) : une occupation isolée du reste de l’existence, et accomplie en général dans des limites précises de temps et de lieu.
    • Derquennes (1977) : le plaisir du jeu est avant tout celui de la liberté et de la découverte personnelle.
    • Déjà en 1986, Lesqueux explique qu’il est possible de modifier et de transformer les différentes caractéristiques du jeu pour qu’il influence l’individu au point de l’amener à modifier ses comportements et ses apprentissages. Cela signifie donc qu’il faut observer le contexte dans lequel le jeu se déploie afin d’en voir toutes les potentialités.
    • Henriot (1969) précise que jouer est un acte observable : « jouer, c’est faire quelque chose. La chose que l’on fait présente deux versants : l’un objectif ou externe, l’autre subjectif ou interne. De dehors, elle est ce que fait celui qui agit : son comportement ». Pour qu’il y ait jeu, il faut une action ayant un début, une évolution et une fin qui lui soient spécifiques, donc différente des actions passées ou futures, autonome c’est-à-dire sans besoin de lien ou de support, interreliée à la vie « ici et maintenant » de l’individu. Ce qui signifie que l’action de jouer est suffisamment claire pour être observée, mesurée et codifiée.
    • Ainsi, le jeu sera analysé différemment par les différents spécialistes des sciences humaines. Par exemple, le psychologue pourrait y voir un but thérapeutique, le récréologue, un but récréatif, l’enseignant, un but pédagogique.
    • De Grandmont, 1989


    • « Hormis ces traces qui attestent la présence du jeu à des périodes lointaines, il est fondé de penser que le jeu – indispensable au développement de l’enfant, comme à tous les âges de la vie – a toujours été utile à l’homme, à toutes les époques et dans toutes les sociétés. C’est l’un des modes de fonctionnement de l’être humain qui lui permet de vivre avec les autres, de continuer à être curieux du monde, d’avoir envie de découvrir, d’apprendre, et du même coup, d’avancer. Le jeu va bien au- delà du divertissement, il a une fonction adaptative. »
    • Huerre, 2007, p.11


  • La science du jeu
      Besoin primitif de jouer
    • « Saviez-vous qu’un rat continuera de jouer même si les parties supérieures de son cerveau, son cortex, sont endommagées et que ses compétences cognitives comme l’apprentissage et la mémoire sont limitées?
    • Cette découverte montre clairement que le besoin et l’envie de jouer sont profondément ancrés, voire primitifs chez les mammifères, et qu’ils impliquent les structures inférieures du cerveau, tout comme l’instinct de survie et de lien social.
    • Ces régions ont aussi une influence directe sur le développement des zones supérieures, permettant une meilleure intégration cérébrale. » (p. 84-85)
    • « Une autre étude s’est intéressée aux meurtriers dans le couloir de la mort.
    • Les résultats ont mis en évidence deux points communs dans l’enfance des condamnés :
      • qu'ils ont été victimes de violence ;
      • qu'ils n’ont pas eu la possibilité de jouer.
    • Ce genre d’études souligne un point important : le besoin fondamental qu’ont les enfants d’être autorisés à n’être que des enfants et à jouer tout simplement, au lieu de consacrer leur temps libre exclusivement à des leçons de piano, des ateliers scientifiques et des cours après l’école.
    • La musique, la science et le travail scolaire ne doivent pas être négligés, bien sûr, et les écrans ont aussi leur place dans leur vie. » (p. 85)
    • « Si l’enfant manifeste une passion profonde pour un domaine particulier, celle-ci doit être encouragée.
    • Mais cela ne doit pas être au détriment de la possibilité pour lui d’exercer sa curiosité, son imagination et son besoin de jouer – ce qui lui permettra de grandir, de se développer et de découvrir qui il est. » (p. 85)
    • « Le jeu libre est une activité du Cerveau du Oui, car l’enfant y explore sa propre imagination, fait des essais de comportements et d’interactions avec les autres, sans jugement ni menace.
    • Le jeu libre est différent d’une pratique sportive structurée.
    • Et les deux ont leur place dans la vie de l’enfant.
    • Mais les règles qui ont cours dans tout sport et la configuration courante où une équipe gagne et l’autre perd introduisent souvent un sentiment d’évaluation du bon et du mauvais, alors que le jeu libre nourrit l’imagination sans exercer aucune pression. » (p. 85-86)
    • Siegel et Payne-Bryson, 2019


    • Le jeu libre et la recherche

    • « Le besoin de jouer est très ancien et constitutif de notre humanité.
    • Parfois les études ne révèlent rien d’autre que ce que nous savons intuitivement : par exemple, que le jeu diminue le stress – ce que l’on constate aussi bien dans les zones et les écoles à la population favorisée que dans celles où règne la pauvreté, où les conditions de vie sont difficiles.
    • D’autres résultats sont un peu plus surprenants. Par exemple, les chercheurs ont découvert que jouer à des jeux de construction améliore le développement du langage chez les petits.
    • De même, pouvoir jouer juste après avoir été déposé à la garderie diminue la détresse et rend plus tolérant à la séparation, par comparaison avec un atelier de lecture, par exemple.
    • Le simple fait de jouer est un facteur positif de régulation des émotions. » (p. 86)
    • Siegel et Payne-Bryson, 2019


    • Les avantages cognitifs

    • « Intuitivement, on a tendance à se dire que lorsque les enfants jouent, ils ne font que s’occuper ou que s’amuser – ce qui est bien, évidemment – mais qu’ils ne sont pas en train de « réaliser » quelque chose ou d’agir d’une manière « constructive », bénéfique à leur mental.
    • Les études scientifiques du jeu montrent, au contraire, que le fait même de jouer a d’innombrables avantages, cognitifs et non cognitifs, bien au-delà du fait de passer un bon moment (ce qui est en soi une très bonne chose, nous en sommes profondément convaincus). » (p. 86)
    • Siegel et Payne-Bryson, 2019




  • L’importance du jeu pour le développement

    Le jeu est l’un des moyens les plus efficaces pour permettre aux enfants d’acquérir les connaissances et les compétences essentielles.
    UNICEF


    • L’un des objectifs principaux de l’UNICEF est de permettre l’accès à l’éducation préscolaire au plus de filles et de garçons possible dans le monde, car c’est ce qui prépare le mieux les enfants à l’éducation primaire qui suivra. Cependant, pour que cette éducation préscolaire soit efficace, il faut absolument que les acteurs du milieu tiennent compte de l’importance du jeu dans le développement de l’enfant.
    • L’UNICEF en partenariat avec la fondation Lego, a donc publié « Apprendre par le jeu », afin de donner des pistes aux décideurs et intervenants de l’éducation pour intégrer le jeu dans le curriculum, et ce, jusqu’à au moins 8 ans.
      UNICEF. (2018). Apprendre par le jeu. New York: UNICEF. P.6
      (cliquez pour agrandir)
    • Partout dans le monde, les éducateurs sont en train de repenser la manière d’enseigner aux jeunes enfants afin de mettre à profit leur énorme potentiel d’apprentissage. Comme le jeu est le moyen privilégié d’apprendre, il importe de créer des environnements qui favorisent sa mise en place. Ces environnements doivent également permettre la découverte et l’apprentissage pratique, car c’est ce type d’univers au cœur des programmes d’éducation préscolaire qui en assure le succès.
    • Le jeu peut parfois sembler difficile à cerner, mais les chercheurs et théoriciens s’entendent sur les principaux éléments qui caractérisent les expériences ludiques : le jeu doit donner aux enfants la capacité d’agir sur leur expérience et la maîtriser (initiatives, choix), il doit leur donner un pouvoir d’action, permettre d’y jouer un rôle actif en faisant confiance à leurs capacités à se montrer autonomes et acteurs de leur parcours ludique d’apprentissage.
    • UNICEF, 2018


  • Le jeu, essentiel pour le développement de l’enfant
    En jouant, les enfants apprennent à :
    • Élaborer un projet et le mener à bien (« Je veux dessiner ma famille, qui vais-je mettre dans mon dessin ? »);
    • Tirer des enseignements de leurs essais et de leurs erreurs, en faisant appel à leur imagination et à leurs capacités à résoudre des problèmes (« Ma tour s’est écroulée! Peut-être qu’un ami pourrait m’aider à la reconstruire. »)
    • Mettre en pratique les concepts liés aux quantités, aux sciences et au mouvement dans la vie réelle (« J’aime bien ces grosses graines. Combien m’en faut-il pour couvrir cette partie de mon image? »);
    • Raisonner de manière logique et analytique en agissant sur les objets (« Il manque encore des pièces dans ce puzzle. Lesquelles pourraient convenir? »);
    • Communiquer avec leurs camarades de classe et composer avec des points de vue différents (« Je veux faire la maman. Peux-tu faire le bébé? Ou peut-être la grand-mère? »);
    • Retirer une satisfaction de leurs propres accomplissements (« Nous avons réussi ensemble! »);
    • Développer leur créativité et explorer leur sens esthétique et artistique (« Je me demande ce qui se passera si je mélange ces deux couleurs. »).
    • UNICEF, 2018


    • Le jeu permet d’encourager l’acquisition de compétences dans tous les domaines, y compris sur les plans cognitif, social et émotionnel. Lorsque les coins jeux et ateliers sont aménagés dans une perspective ludique, ils sont plus efficaces que toute autre activité. En choisissant de jouer avec ce qu’il aime, l’enfant renforce ses capacités dans tous les domaines du développement : intellectuel, social, émotionnel et physique.
    • Gleave et Cole-Hamilton, 2012


      Voici des exemples de ce que l’enfant apprend en jouant :
    • Expérimenter de nouvelles compétences sociales (partager les jouets, se mettre d’accord...)
    • Réaliser des tâches cognitives complexes (imaginer une construction avec les petits blocs lorsqu’il n’y a plus de grands blocs)
    • Manipuler les objets réels pour comprendre des concepts abstraits(en collant deux triangles, ils peuvent découvrir que cela fait un carré)
    • Répéter des mouvements de danse pour intégrer les rudiments des mathématiques
    • Faire des jeux symboliques pour exprimer ses idées, ses pensées, ses sentiments, maîtriser ses émotions, interagir avec les autres, résoudre les conflits et développer un sentiment de compétence.
    • Le jeu met en place les fondements qui contribueront à l’acquisition des connaissances et des compétences essentielles dans les domaines social et émotionnel. Grâce au jeu, les enfants apprennent à tisser des liens avec les autres, à partager, négocier, défendre leurs droits. Le jeu est un outil naturel que les enfants peuvent utiliser pour renforcer leurs capacités de résilience et d’adaptation, car ils apprennent à nouer des relations, à gérer les difficultés sociales et à surmonter leurs craintes, en se mettant par exemple dans la peau d’un héros imaginaire.
    • Le jeu satisfait le besoin humain de laisser exprimer son imagination, sa curiosité et sa créativité, qui constituent des ressources essentielles dans un monde fondé sur le savoir. Ces qualités permettent de faire face, d’éprouver du plaisir et d’utiliser nos capacités d’imagination et d’innovation. En effet, les aptitudes fondamentales acquises par le jeu sont des composantes indispensables aux compétences du XXIe siècle.
    • UNICEF, 2018



    • UNICEF. (2018).
      Apprendre par le jeu. New York: UNICEF. P.11


      À travers les jeux, l’enfant apprend le monde, son environnement, se l’approprie et tente de l’intérioriser.
    • En jouant avec sa poupée, il apprivoise le quotidien, s’entraîne aux routines journalières.
    • En jouant avec les autres, il apprend à se connaître et à connaître autrui. Il découvre les autres, apprend à les sentir et à comprendre leurs réactions.
    • Se dépenser physiquement libère ses pulsions motrices. S’il ne peut exprimer sa vitalité en jouant, il peut alors devenir agité, anxieux.
    • Grâce au jeu, l’enfant comprend qu’il existe des règles qu’il faut suivre, il apprend à perdre sans s’effrondrer, à rebondir, persévérer.
    • Certains jeux font découvrir la coopération, la créativité, la curiosité, l’imagination, l’envie de construire. L’enfant est en contact avec ses sens à travers les sciences, les arts, la musique, le sport, la physique, la chimie, etc.
    • Guéguen, 2014


    • Jouer dans la nature
    • Jouer dehors procure un sentiment de liberté. La nature offre aussi une source d’émerveillement inépuisable : les animaux, la végétation, le ciel, les étoiles, la campagne, la forêt, la montagne, la mer, les saisons, les minéraux, etc. Il reste à l’adulte à médiatiser ces découvertes de façon ludique. Son goût pour la beauté, pour sentir, contempler, comprendre, apprendre est alors stimulé pour la vie entière. (Guéguen, 2014)
    • L’émerveillement stimule la découverte et la créativité chez l’enfant. Les enfants sont naturellement enclins à acquérir des connaissances et à leur donner un sens personnel, notamment en assimilant la nouveauté à ce qu’ils savent déjà. En ce sens, le rôle de l’adulte devrait en être un de guide et de facilitateur. Le degré de structure tout au long de la petite enfance doit demeurer minimal et servir à favoriser l’invention et la découverte à travers le geste spontané, le jeu. (L’Écuyer, 2019)


    • D’un point de vue neuronal...
    • Jaak Pankseep est un spécialiste des circuits cérébraux du jeu. Selon lui, les circuits sous-corticaux qui incitent les enfants à se taquiner et se bagarrer ont un rôle vital dans la croissance neurale. Le jeu et le plaisir de jouer favorisent la croissance des circuits de l’amygdale et du cortex préfrontal. Ainsi, on peut observer une augmentation du BDNF (brain derivec neurotrophic factor) dans les régions du lobe frontal qui jouent un rôle dans les comportements émotionnels. Le jeu favorise la croissance neuronale et synaptique et la consolidation de certaines voies neurales.
    • Les jeux de contact ont un effet antianxiogène chez les jeunes de toutes les espèces mammifères. Cela stimula la sécrétion d’endorphines qui amène le bien-être et diminue l’anxiété.
    • Pankseep, 1998


    • « Le jeu est le travail des enfants : il développe les compétences cognitives, améliore le langage et les techniques de résolution de problèmes ainsi que d’autres fonctions exécutives telles que la planification, la prédiction, l’anticipation des conséquences et l’adaptation à l’inattendu.
    • En somme, tout ce qui fait le Cerveau du Oui!
    • Le jeu favorise aussi l’intégration.
    • Les enfants accroissent leurs compétences sociales, relationnelles et même rhétoriques lorsqu’ils jouent et qu’ils doivent se montrer diplomates, définir les règles explicites et implicites propres à tel jeu ou à tel groupe de joueurs.
    • Il leur faut trouver comment entrer dans la partie et négocier avec les autres quand ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent.
    • Ils apprennent à se montrer de bonne foi, flexibles, à jouer chacun à son tour avec un certain sens moral.
    • Ils sont également confrontés à des questions d’empathie, pour ajuster leur réaction envers ceux qui ne peuvent pas participer. » (p. 87)
    • « Le jeu améliore non seulement la sociabilité, mais favorise aussi un cerveau équilibré sur le plan psychologique et émotionnel.
    • Il permet aux enfants de s’entraîner à toutes sortes de compétences, comme gérer la déception, se concentrer et donner du sens au monde.
    • C’est l’occasion pour eux d’essayer divers rôles, de surmonter leurs peurs et leur sentiment d’impuissance.
    • Leur équilibre émotionnel et leur résilience s’accroissent, ainsi que leur tolérance à la frustration en cas de contrariété.
    • Et l’on obtient tout cela simplement en les laissant jouer ! » (p. 88)
    • Siegel et Payne-Bryson, 2019


    • Plusieurs études démontrent que chez les animaux, le jeu est régulateur des relations sociales : apprentissage de la vie en groupe, respect de la hiérarchie et de toutes les règles définies par l’espèce comme essentielles pour sa survie et son développement.
    • Le jeu par imitation notamment, donne au jeune animal la possibilité d’apprendre ce qui lui sera utile devenu adulte. L’imitation sert à apprendre, mais, au-delà de son utilité actuelle et future, tout simplement à prendre du plaisir. Cette dimension ludique est un petit bonus, celui d’acquérir dans de bonnes conditions des compétences qui seront un jour utiles, voire indispensables.
    • Huerre, 2007


  • Obstacles à l’intégration du jeu dans les systèmes scolaires

    Le déclin, chez les enfants, du jeu libre et autonome, inspiré par eux seuls est le résultat d’une parfaite tempête faite d’innovations technologiques, de rapides changements sociaux et de mondialisation économique.
    David Elkind


    Pourquoi l’apprentissage par le jeu est-il encore sous-développé dans de nombreux pays?
    • Compréhension insuffisante de l’importance du jeu comme fondement des concepts académiques
    • Les parents ou les personnes s’occupant d’enfant ont des idées fausses sur le jeu
    • Le programme d’études et les normes en matière d’apprentissage n’abordent pas suffisamment le jeu
    • Manque de perfectionnement professionnel des enseignants portant sur l’apprentissage par le jeu
    • Des effectifs élevés dans les classes limitent la liberté de jeu des enfants
    • UNICEF, 2018


    • Bien qu’il existe un accord tacite au sujet de l’importance du jeu, plusieurs parents ne veulent pas « prendre le risque » d’appliquer cette leçon à leurs propres enfants, par peur qu’ils soient laissés derrière par rapport aux autres. (Levine, 2013)
    • La croissance qui se produit par le jeu n’est ni immédiate ni applicable à l’enseignement ou aux tests. Les avancées et gains apportés par le jeu sont, en majorité, invisibles, puisque l’individualité le développement se déploient silencieusement. (MacNamara, 2017)
    • Le genre de jeu dont ont besoin les jeunes enfants se fait éroder, écraser et redéfinir par l’avalanche d’appareils numériques et les enseignements précoces. (Elkind, 2008)
    • Le rôle du jeu dans la vie d’un jeune enfant est malheureusement sous-évalué, sous-estimé et sous-protégé quand des parents veulent, à tout prix, des résultats. Le jeu finit par suffoquer sous la quête égocentrique des adultes pour un développement accéléré, malgré le fait que la recherche démontre clairement que le cerveau d’un enfant atteint les mêmes repères cognitifs aujourd’hui, qu’il y a 100 ans. (Guddemi et al., 2012)
    • L’influence des écrans fait que les jeunes peuvent s’occuper seuls. Le besoin d’un enfant de comprendre de lui-même quelque chose est supplanté par l’accès rapide à l’information et les enseignements qui détournent l’enfant de la découverte qu’il ferait dans son monde. Il y a moins de temps et d’espace pour que l’enfant s’ennuie, ce qui donne pourtant habituellement naissance à des aventures imprévues souvent très formatrices. (MacNamara, 2017)
  • Le jeu libre et le développement du cerveau
    • D’instinct, les humains ont, à travers les époques, laissé les enfants jouer librement dans la petite enfance. Puis, l’école a pris le relais et structuré les apprentissages. Pourtant, le jeu libre entre enfants -se rouler par terre, chahuter, courir ensemble – favorise le développement du cerveau.
    • Des études confirment que disposer de périodes moins structurées aide les enfants à développer les fonctions exécutives qui sont la clé de l’apprentissage (Barker et al., 2007): notamment, la résolution de problèmes, la créativité (Ginsburg, 2007), la capacité de porter une attention soutenue (Barkley, 1997), et une meilleure maîtrise de l’impulsivité (Singer, 2002). Un article publié dans la Harvard Education Review soutient que le développement intellectuel de l’enfant découle en premier lieu de sa curiosité, un mécanisme qui nourrit l’apprentissage (Engel, 2011).
    • Une étude de 2011 a établi que la créativité des enfants d’âge préscolaire jusqu’à la troisième année avait décliné de façon considérable au cours des vingt dernières années. On parle souvent d’une crise de la créativité au sein du système d’éducation et, plus globalement de la société. Csikszentmihalya, un expert en matière de créativité, affirme que le fait de prendre plaisir à une tâche et de laisser libre cours à sa créativité nous positionne avantageusement à mi-chemin entre l’ennui et l’anxiété.
    • L’anxiété survient quand la tâche est trop difficile relativement au degré de compétence de la personne. La frustration qui en découle atrophie la capacité d’apprentissage. Au contraire, l’ennui servient quand la tâche est trop facile. S’il n’y a pas de défi, on perd complètement la motivation.
    • En somme, les activités trop structurées qui priorisent la discipline au lieu de l’inventivité et de la découverte confinent les enfants dans l’ennui ou l’anxiété. Le jeu passif proposé par les écrans rend l’esprit paresseux et fait que l’enfant s’ennuie de plus en plus facilement.
    • L’enfant recherche naturellement un espace entre l’ennui et l’anxiété, un espace qui s’avère un défi accessible. Et comme l’enfant est conscient de ce qu’il est capable de faire ou non, il trouve plus facilement son équilibre dans le jeu librement choisi qui lui permet, à son rythme, d’évoluer en difficultés.
    • La découverte guidée s’avère un solution mitoyenne, car l’enfant a besoin d’être accompagné avant de pouvoir faire seul.
    • L’Écuyer, 2019


    • La zone proximale de développement
    • Vygotsy (1978) définit ceci comme la zone proximale de développement. Selon lui, cette zone est limitée par les comportements qui se développeront dans un futur proche. Le terme proximal se réfère à des comportements qui vont éventuellement émerger, mais ceux qui sont le plus susceptibles de le faire à n’importe quel moment. Ainsi, ce que l’enfant fait avec de l’aide aujourd’hui, il sera en mesure de le faire seul demain.
    • Il décrit deux niveaux : la performance indépendante et la performance assistée. Le premier implique que l’enfant sait et qu’il peut faire seul. Le deuxième signifie que pour arriver à son maximum de potentiel, il a besoin de l’assistance de l’adulte.
    • Bodrova et Leong, 2007


    • En éducation, nous avons tendance à évaluer l’enfant sur ce qu’il peut accomplir seul. Vygotsky soutient que ce n’est pas le seul élément à considérer et que ce n’est pas suffisant pour définir le développement d’un enfant.
    • Selon Vygotsky (1978), quand les enfants jouent, ils créent leur propre zone proximale de développement et établissent eux-mêmes les défis appropriés à leur niveau de développement. Le jeu libre permet ainsi plus facilement d’accéder à sa zone proximale de développement de façon autonome.
    • La ZPD n’est pas statique et se modifie à mesure que l’enfant évolue dans les diverses compétences. À chaque avancée, l’enfant arrive à comprendre et faire des choses de plus en plus complexes. À chaque nouveau niveau, il requiert le soutien de l’adulte pour ainsi atteindre le niveau suivant et ainsi de suite.
    • Chaque enfant n’a pas besoin du même soutien. Certains enfants requièrent peu d’aide, alors que d’autres ont besoin d’une aide soutenue à chaque nouvelle étape de leurs apprentissages, que ce soit au plan moteur, affectif, social ou cognitif.
    • L’approche ici n’est pas de voir l’enfant présent, mais plutôt l’enfant en devenir. Cela demande à l’enseignant d’être un fin observateur du développement de ses élèves, puisqu’il s’agit de leur présenter des tâches à leur portée.
    • Évaluer quelle est la zone proximale de développement pour un enfant, c’est de voir révéler quelles sont les habiletés sur le point d’émerger et de comprendre quelles sont les limites actuelles de l’enfant.
    • En ce sens Vygotsky était très conscient que l’apprentissage est social. L’enfant apprend tout autant par le jeu avec ses pairs qu’avec le soutien d’un adulte qui sait l’accompagner selon son niveau de développement.
    • À travers le jeu symbolique, l’enfant développe toutes ses fonctions exécutives. Par exemple, lorsqu’il joue à la cuisine, l’enfant choisit de jouer un personnage et il doit faire en sorte de demeurer dans ce personnage pour donner un sens au jeu. D’abord, il s’active pour prendre part à l’activité. Ensuite, il planifie son rôle et tente de l’arrimer avec celui des autres (planification). Cela lui demande de se souvenir de ce qui s’est passé auparavant (mémoire). Lorsqu’une réponse n’est pas attendue, l’enfant doit s’ajuster afin que le jeu continue d’avoir un sens (flexibilité cognitive). Il ne peut faire tout ce qu’il veut sans réfléchir, car il mettrait le jeu en péril (inhibition). Finalement, il est peu probable que cela ne se fasse dans l’harmonie totale. La régulation émotionnelle sera alors sollicitée.
    • Il augmentera la complexité de son jeu à mesure qu’il se sentira compétent pour le faire et progressera ainsi vers des niveaux supérieurs pour sophistiquer ses apprentissages.
    • Brodova et Leong, 2007


  • Le jeu : lieu de naissance de l’identité individuelle
    • Le jeu est le lieu de naissance de l’identité individuelle, c’est la façon dont se développe psychologiquement le soi. (Winnicott, 1971)
    • Jouer, ce n’est pas mettre de l’information dans la tête de l’enfant, mais plutôt faire sortir les idées de l’enfant : ses souhaits, ses aspirations, ses préférences, ses désirs et ses rêves.
    • Le jeu favorise le développement d’un être distinct, viable alors qu’il explore les intérêts de l’enfant, ses désirs et ses objectifs. Il détourne l’enfant de sa dépendance aux adultes et ouvre la porte au désir d’aller plus loin, de découvrir et de comprendre ses expériences. Le jeu, c’est là où cet esprit sous- jacent de la croissance se révèle. En bref, le jeu, c’est l’acte d’autocréation.
    • C’est pourquoi il importe autant que ce jeu soit caractérisé par la liberté, le plaisir et l’exploration.
    • MacNamara, 2017


    Il y a trois caractéristiques essentielles au jeu afin qu’il puisse amener l’enfant à développer son identité.
    1. Ce n’est pas du travail : quand les enfants jouent, ils sont concentrés, engagés et ont du plaisir à expérimenter. Lorsqu’on les pousse à obtenir des résultats, cela devient du travail et l’enfant n’est pas fait pour le travail.
    2. Ce n’est pas la réalité : Le jeu est sensé se produire hors des réalités quotidiennes. Il est sensé être libre de risques et de conséquences pour que l’enfant n’ait pas à se concentrer sur un résultat précis.
    3. Il est expressif et exploratoire : par le jeu, l’enfant met la main sur le volant qui dirige sa propre vie et il en devient un agent actif en explorant et en découvrant. Il devrait donc initier ses jeux au lieu de suivre ceux qu’on lui propose.
    MacNamara, 2017
    • Les enfants ont besoin de découvrir leur propre histoire dans le jeu plutôt que d’être envahis par les histoires des autres.
    • Le jeu est essentiel au fonctionnement humain sain pendant toute la vie, mais d’une importance critique pour le développement dans la petite enfance car c’est là que le soi s’exprime, là où prennent place la croissance et le développement et là où la santé psychologique et le bien- être sont préservés.
    • Quand les enfants jouent, leur cerveau est sculpté par leurs interactions avec leur environnement. (Brown et Vaughen, 2009)
    • Lorsque les neurones se déclenchent ensemble, ils forment des chemins plus solides parce que le cerveau fonctionne sur un système de type « utilise-les ou perds-les » (Brown et Vaughen, 2009)
    • Les parties du cerveau tant motrice que perceptuelle, cognitive, sociale, émotionnelle s’intègrent ou s’allument lorsque l’enfant joue. Des réseaux systémiques complexes se construisent et deviennent la base pour la résolution de problèmes utilisée à l’école et dans la vie adulte.
    • Lorsque les enfants jouent, ils s’engagent dans des essais et erreurs et forment ainsi de nouvelles relations entre les objets ( Perry and al., 2000). La pensée critique, le langage, la communication, l’autoexpression et les habiletés cognitives se développent tous à travers le jeu.
    • Comme les enfants touchent et explorent les objets avec leurs mains, ils sont capables d’attacher des idées abstraites dans un monde concret (Perry et al., 2000) Les déficiences de développement cognitif, langagier, émotionnel et physique ont toutes été liées à un déficit de jeu.
    • Le jeu est aussi l’endroit où l’enfant a le plus de chance d’exprimer sa créativité. Mais on ne peut enseigner à un enfant à être créatif et curieux. Cela se cultive en jouant, là où un sentiment de responsabilité et de pouvoir se forge dans un environnement sans conséquence.


    • Le jeu préserve la santé psychologique et le bien-être
    • Dans le jeu, le cerveau d’un jeune enfant travaille à libérer son contenu émotionnel et à le comprendre. Cela est utile pour équilibrer le système émotionnel qui est régulièrement mélangé au long de la journée. Cela sert aussi à comprendre son univers intérieur en le rendant visible. Le jeu permet à l’enfant de transformer ce qu’il ne comprend pas en quelque chose de maniable (Frost, 2009)
    • Selon Panksepp (2009), jouer préserve le fonctionnement émotif chez toutes les espèces de mammifères et aide à réduire le stress et l’ennui tout en cultivant la résilience. Certains experts ont lié la déficience du jeu avec l’anxiété, les problèmes d’attention et la dépression.
    • Bien que le jeu semble léger, il aborde des thèmes sous-jacents qui sont sérieux.
    • MacNamara, 2017


    Stratégies pour promouvoir les conditions idéales pour faire place au jeu:
    1. Rassasier leur appétit pour la proximité et les contacts: le temps de jeu doit être précédé par des rapprochements.
    2. Créer des vides à remplir: donner à l’enfant l’espace et le temps nécessaire tout en le laissant maître du jeu.
    3. Créer de la structure, des rituels et des routines pour protéger lejeu: il s’agit de rituels qui structurent la journée comme choisir le moment où les amis sont présents, limiter l’utilisation d’écrans, équilibrer le jeu avec des activités structurées, des responsabilités, etc.
    4. Ne pas tenter d’encourager le jeu par l’éloge ou la récompense: cela enlève la fierté de l’enfant devant ses propres accomplissements.
  • Conclusion
    Les enfants ont besoin de jouer :
    • Pour croître et atteindre leur plein potentiel
    • Pour trouver et exprimer leur soi véritable
    • Pour programmer leur cerveau en vue de la résolution de problèmes
    • Pour préserver leur santé psychologique et leur bien-être
    • Pour trouver leur créativité et leur sens des responsabilités
    • Pour pratiquer la vie dans un espace libre de conséquences
    • Adapté de Neufeld par MacNamara, 2017


    ALORS, LAISSONS-LES JOUER...

  • Réflexions

    • Qu’est-ce que vous retenez d’important sur: Le développement exécutif par le jeu?


    • Qu’est-ce qui vous a particulièrement touché, surpris, questionné ou découvert par rapport au développement exécutif par le jeu?

    • Comment imaginez-vous intégrer dans votre pratique pédagogique vos connaissances sur le développement exécutif par le jeu?

  • Références bibliographiques
    • Alvarez, C. (2016). Les lois naturelles de l’enfant. Paris: Les arènes.
    • Barker, J. E. et al. (2014). Less-structured time in children’s daily lives predicts self-directed executive functioning. Frontiers in Psychology, vol.5.
    • Barkley, R. A. (1997). Behavioral inhibition, sustained attention and executive functions: Constructing a unifying theory of ADHD. Psychological Bulleitn, vol. 121, no 1, p. 65-94.
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    • Henriot, J. (1969). Le jeu. Paris: Presses Universitaires de France.
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    • UNICEF. (2018). Apprendre par le jeu. New York: UNICEF.
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