par Anne Gillain Mauffette
Les «loose parts» ou pièce mobiles (certains disent détachées), dont on parle beaucoup en
ce moment, sont à l’origine une théorie énoncée par l’architecte Simon
Nicholson, en 1970. Elles étaient pensées pour les espaces de jeux extérieurs.
En effet beaucoup de terrains de jeux étaient composés essentiellement
d’équipement fixe dont les enfants se désintéressent assez rapidement. Il
proposait d’offrir aux enfants toutes sortes d’éléments, qu’ils soient naturels
(cailloux, bouts de bois, etc.) ou manufacturés (blocs, planches, etc.), que les enfants
pourraient soulever, déplacer et combiner à leur guise. Des matériaux ouverts
qui stimuleraient leur inventivité.
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Photo Steen Esbensen |
Cette idée a été reprise
dans les terrains d’aventure où des restes de matériaux de construction et
autres, étaient récoltés et dont les
enfants faisaient des cabanes et des parcours.
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Photo Steen Esbensen |
Certaines écoles les ont
aussi adoptées :
Ici une école en Angleterre
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Photo de Learning through Lanscapes |
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Photo de Learning through Lanscapes |
Mais aussi chez nous
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Photo, Brigitte Campbell |
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Photo, Brigitte Campbell |
On retrouve le même esprit
dans des écoles inspirées des Forest Schools.
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Un avion. Photo Chantal Larivière |
D’autres écoles ont aussi adapté le principe, en aménageant un espace de rangement regroupant du matériel
recyclé (voir les vidéos de
La boîte àjouer à Vitruve et les Scrapstore PlayPODS in action) permettant aux enfants de jouer librement lors des récréations
avec ces matériaux
divers. Ils notent
que les enfants ont une meilleure expérience scolaire, qu’il y a une augmentation
de la communication et des relations, une meilleure inclusion de tous, une
diminution des conflits, une gestion des risques améliorée, des créations
collectives originales, bref de l’apprentissage par le jeu dans tous les
domaines. Ces expériences se sont avérées aussi profitables pour les adultes
responsables des récréations.
Certains CPE ont aussi transformé leur aire extérieure en y intégrant plus de matériaux naturels.
Ces éléments pouvaient être assez gros, requérant la force de plusieurs enfants pour les transporter, encourageant
aussi la coopération, la communication, la négociation, l’élaboration
d’hypothèses (et si on faisait ceci?), des essais et des erreurs, la résolution
de problèmes ainsi que des découvertes sur la physique des objets (le poids, la
force, la résistance), et bien sûr la motricité globale et fine (attacher des
noeuds).
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Photo tirée du livre Revisiter les environnements extérieurs pour enfants, par Anne Gillain Mauffette |
D’autres groupes, dans le
même esprit, font des interventions
sporadiques dans des parcs amenant des boîtes, du ruban gommé, des peintures,
des tissus et autres pour inviter enfants et parents à jouer.
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Quant aux environnements intérieurs, il y a
toujours eu du petit matériel à manipuler dans les garderies et maternelles (animaux,
petits personnages, perles, pâtes alimentaires, habits de poupée,
petits blocs, pâte à modeler, terre glaise,
crayons, pinceaux, etc.) pour travailler à la fois leur motricité fine et leur
créativité.
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Photo de Anne Mauffette |
Actuellement, dans certains milieux, dont les écoles Waldorf, les écoles de Reggio Emilia ainsi que quelques écoles et CPE d’ici , les
éléments de la nature sont très présents comme outil de jeu, de découvertes et
de créations. Les écoles italiennes peuvent aussi compter sur un vaste bassin d’objets à Remida,
un centre de recyclage, où les enseignantes et les artistes peuvent venir
s’approvisionner. Dans ces classes, les enfants peuvent piger dans les objets joliment présentés , dans des paniers ou autres contenants, et renouvelés fréquemment, ceux qui les inspirent et les transformer en ce
qu’ils imaginent.
Les enfants peuvent
utiliser ces objets où ils veulent : ils les ajoutent esthétiquement à
leurs constructions (usant souvent de symétrie),
dans le bac à sable, dans le
coin cuisine ou restaurant (des bouchons de
liège deviennent des saucisses) et dans leurs autres jeux symboliques. Ils les
insèrent dans des collages,
dans la
glaise, le plâtre, ou la pâte à modeler, dans des assemblages, et les disposent sur
des surfaces
de feutres ou des ronds de
cartons ou de bois pour faire des compositions abstraites ou des personnages.
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Photo Garderie Imagine |
Ils peuvent aussi les utiliser sur le rétroprojecteur pour faire des compositions ou raconter des histoires.
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Nathan a choisi des objets, tous en métal.
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Depuis
quelque temps, nous voyons apparaître dans
certaines classes (est-ce une mode?) des ensembles de petits objets de toutes
sortes de couleurs, bien attirants, rangés dans les cases de boîtes en
plastique qui sont proposées aux enfants. Il s’agit souvent d’éléments du
commerce. On y voit bien sûr des occasions de manipulations, donc de motricité
fine, mais aussi ils servent pour compter. On semble faire de ces «loose parts» un usage plus limité que ce que prévoyait le concepteur au départ : car pour lui, il s’agissait d’avoir la liberté d’agir.
L’enfant peut-il
les amener ailleurs, dans un autre atelier, et les transformer à sa
guise? Y trouve-t-il encore place pour
sa créativité? Pourrait-on faire une place plus grande aux objets naturels? Pourrait-on plutôt en semer dans toute la
classe et les laisser accessibles aux enfants en tout temps, en les renouvelant
régulièrement, comme une invitation à
jouer, à dialoguer avec eux et développer d’autres compétences?
De très
beaux livres :
- Loose Parts 1, 2, 3 et 4 , par Miriam Beloglovsky et Lisa Daly, donnent de nombreux exemples de types d’objets qu’on peut vouloir
collectionner pour stimuler la flexibilité cognitive, la substitution d’objets
et enrichir à peu de frais le type de rencontres que les enfants peuvent faire
avec des éléments de l’environnement.
- Un autre livre, Beautiful Stuff, de Cathy Weisman Topal et Lella Gandini, illustre
comment des enseignantes ont établi des collections d’objets en faisant
participer les enfants à la cueillette, à la classification et au rangement de
leurs trouvailles.
Très visuels, même s’ils sont en anglais, ces livres offrent de
quoi nous inspirer.
On peut aussi se poser la question suivante : Les enfants ont-ils encore autant d’occasions de peindre, d’utiliser des outils scripteurs de toutes sortes
(fusains, pastels, pointes fines), de faire des impressions et des collages (donc de découper et d’arranger des morceaux de papier, cartons, tissus et autres objets), de modeler, de boutonner ou nouer de petits habits de poupée ou des déguisements, de marteler de petits clous, de faire de l’embossage, de coudre, de verser dans de petites tasses, etc.?
Toutes des occasions de motricité fine, mais qui vont beaucoup plus loin que le seul aspect moteur.
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