Comment les différents types de jeux aident-ils les enfants d’âge préscolaire à développer les composantes de la lecture et de l’écriture


Par Anne Mauffette

Les recherches sont nombreuses à démontrer que le jeu et ses multiples aspects construisent les fondements de la lecture. Mais que doit-on savoir faire, connaître ou comprendre, pour accéder à la lecture,  et quelles sont les différentes formes de jeux pouvant contribuer à ces fondements? 
L’autorégulation et la maîtrise des fonctions exécutives font partie des habiletés nécessaires à la réussite scolaire.

 L’enfant devra devenir capable de :
a) de se concentrer sur la tâche
Dans le jeu, l’enfant apprend à faire le« focus» sur quelque chose, à ne pas se laisser distraire.
«Le maintien d’une qualité d’attention partagée et  soutenue… est une habileté neurologique très complexe. Elle ne peut être acquise en dessous de  7ans. Elle reste difficile durant toute l’enfance et l’adolescence». (1)
Dans le jeu, parce qu’il y trouve du plaisir, l’enfant va être capable de rester concentré plus longtemps, car il veut que le jeu dure.
        b) de contrôler ses émotions et actions
Le jeu oblige les enfants à contrôler leurs émotions et comportements, car s’il veut que le jeu continue, il devra collaborer avec les autres, négocier, accepter les idées des autres et s’exprimer avec une certaine retenue.

c) d’amorcer et arrêter une action
Certains jeux moteurs du type « statue» aident les enfants à contrôler leurs gestes.

d) de suivre des règles
Les jeux moteurs, symboliques et de société ont tous des règles implicites ou explicites. Il y a souvent des consignes à suivre.

e) d’utiliser sa mémoire de travail
Dans les jeux symboliques, les enfants doivent se rappeler les détails du scénario, se rappeler comment son personnage doit se comporter. Dans les jeux de groupe, moteurs ou autres,  ils doivent se rappeler des règles, des tours de chacun, etc.

f) de s’engager en classe, d’être concentré et gérer son temps
Dans le jeu, l’enfant apprend à être autonome, il prend de décisions, il va choisir son jeu en fonction de la contrainte de temps (il ne va pas entreprendre une construction s’il sait qu’il ne pourra pas la finir).

g) de contrôler ou diminuer son hyperactivité
Les enfants qui jouent dans un environnement naturel à l’extérieur tous les jours ont des manifestations moindres d’hyperactivité (voir les recherches de Kuo et al.). Certains vont même jusqu’à dire que le jeu peut parfois remplacer la médication.



Dans le jeu, l’enfant trouve le plaisir qui l’aide à persévérer dans ses efforts.




 Lorsqu’on sait jouer avec les autres (cela s’apprend au besoin), on se fait des amis et on a le sentiment de faire partie d’un groupe. L’école est avant tout un lieu social. Celui qui y est accepté a envie d’y être et d’y rester. Les enfants qui sont exclus sont à risque de décrochage. Ils sont aussi plus sujets à l’absentéisme.




















A. La motricité globale

«Il va falloir 7 années pour que la plupart des enfants  soient capables de marcher de manière optimale» (1), pour que le cerveau soit capable de contrôler  adéquatement les muscles de chevilles et des jambes». (2)
Les gestes comme ramper, s’exercer à la quadrupédie ventrale et dorsale, grimper, sauter (à un et deux pieds) et sautiller, courir, s’arrêter,  garder son équilibre à l’arrêt et en déplacement, découvrir les notions  spatiales et temporelles ainsi que  l’organisation spatio-temporelle  à travers le mouvement sont à la base de la connaissance du schéma corporel, du contrôle du corps ainsi que des habiletés motrices. Pourtant les enfants ont trop peu d’occasions de  travailler leur grosse motricité.

Les liens entre la motricité globale et la réussite scolaire sont importants, car les enfants ayant des occasions d’exercer leur motricité globale vont être en meilleure santé : moins d’obésité, meilleure structure osseuse, meilleur équilibre, plus de coordination. Ces enfants seront moins absents (moins d’accidents). Ils pourront une fois à l’intérieur mieux se concentrer. Ils auront aussi des mouvements plus souples, un meilleur contrôle moteur (pour amorcer et arrêter un mouvement par exemple).
Il faut d’abord développer la motricité globale pour ensuite raffiner nos mouvements. Le jeu actif va aider les enfants à développer de la force et de l’endurance. Ils vont aussi développer une meilleure posture.

Il faut multiplier les occasions pour les enfants de bouger et surtout de bouger dehors. Les récréations, les classes vertes, les cours d’éducation physique, mais aussi le jeu à l’extérieur, le travail en projets avec des allers-retours entre l’extérieur et la classe sont non seulement des occasions pour les enfants de parfaire le contrôle de leur corps, mais de ressentir un certain bien-être. Il existe en Scandinavie et ailleurs des maternelles qui se font presque essentiellement dehors.

Par ailleurs,   « les enfants sont exposés à leur manualité à un moment où la motricité globale devrait primer sur la motricité fine.» (1) «On s’étonne  parfois que certains enfants soient malhabiles en maternelle et en première année dans leur motricité digitale. Pourtant le cerveau a juste besoin de temps. Du temps pour se développer. En effet, la motricité fine, c’est-à-dire le mouvement des doigts, ne peut se déployer que si la motricité globale est devenue mature» (3). 


B. La motricité fine

Le dessin, la peinture, les collages, les assemblages, la manipulation d’outils sont de moyens d’affiner sa motricité fine. Pas besoin de feuilles à colorier pour développer le contrôle du geste. Le coloriage des habits des personnages qu’on dessine y pourvoira. Le travail de la terre glaise, la pâte à modeler développent la force  dans les doigts.La manipulation de petits objets pour faire des compositions (perles et matériaux naturels) va aider les enfants dans la prise d’objets. L’action de planter des petits clous ou des tenons dans des trous compte aussi parmi des jeux qui raffinent les gestes des enfants.
«Il semble que les petits gestes quotidiens, tels qu’apprendre à nouer ses lacets, tricoter ou rattacher ensemble, préparent les zones cérébrales nécessaires à l’apprentissage de l’écriture» (4)
Dans les jeux de faire semblant, les enfants ont toutes sortes d’occasions d’attacher leurs déguisements et de nouer des accessoires.

C. La dissociation 

Lorsque les enfants apprennent à écrire, ils sont souvent très tendus. Ils écrivent non seulement avec tout leur bras, mais avec tout leur corps et se fatiguent vite, surtout s’ils n’ont pas appris à dissocier leurs gestes.

Cette dissociation des parties du bras ainsi que la souplesse du poignet sont nécessaires à l’écriture. Les jeux de ruban rythmique sont des exemples de jeux favorables à l’acquisition de cette dissociation :  jouer à faire de grands cercles, puis de plus petits cercles, devant lui ou de chaque côté de son corps, en haut et en bas ou de gauche à droite, ces gestes des bras qui libèrent  l’épaule, et l’avant-bras, en même temps qu’il tourne son poignet, déliant ainsi cette articulation.
Dessiner sur de grandes surfaces favorise aussi ces gestes. La corde à sauter ou certains instruments de musique (maracas, métallophones) vont les aider à assouplir leurs poignets et  assurer la rotation nécessaire dans l’écriture sans engager tout le bras.

D. Le tonus, l’hypertonie et la détente
La danse par exemple peut faire ressentir aux enfants des différences de tonus et leur permettre de mieux prendre conscience de quand ils sont tendus et les aider à contrôler la rigidité ou la souplesse dans leur bras, évitant la fatigue quand ils dessinent et écrivent.

E. Les notions spatiales et l’orientation spatiale (devant, derrière, en haut en bas, à côté)
Les jeux psychomoteurs vont aider l’enfant à développer ces notions. On travaille d’abord avec le corps et dans l’espace avant de se centrer sur l’espace de la feuille (lire de haut en bas), différence entre le b et le d (orientation).

F. La latéralité
La découverte de la dominance droite ou gauche, les notions de droite et gauche (nous écrivons de la gauche vers la droite) sont difficiles à acquérir et la découverte de la dominance se fait assez tard.
«Le néocortex sensoriel, si utile notamment pour écrire et pour dessiner, (n’atteint) pas sa pleine maturité avant l’âge adulte, ce qui affecte la précision des gestes chez les enfants.»
Il va falloir 7 années  pour  « qu’une molécule, appelée dopamine, puisse être suffisamment stable dans les hémisphères du cerveau pour déterminer si l’enfant sera droitier ou gaucher. …» «Est-ce cela qui pourrait expliquer pourquoi certains enfants ont de la difficulté à crayonner en maternelle» et à écrire au début du primaire? » (1) «Près de 20% des enfants n’ont pas nécessairement développé de préférence manuelle quand ils entrent en première année du primaire». «Cela veut dire qu’ils tiennent des crayons et ciseaux bien avant que leur cerveau soit assez mature pour déterminer s’ils sont droitiers ou gauchers. Par imitation, ces enfants prennent surtout la main droite pour la motricité fine. …Cela facilite la vie scolaire occidentale qui est faite pour droitiers surtout à cause de l’écriture de gauche à droite. Par contre, ce sont des élèves qui risquent d’avoir un conflit toute leur vie entre la posture qui est gauchère et la main droitière». «En classe ce sont des élèves qu’on risque de considérer comme dyslexiques, car les lettres «d » et «b» ou «q» et «p» sont les mêmes lettres dans leur présentation imprimée selon s’ils sont centrés sur la main ou sur le corps» (2).

Il faut donc que les enfants aient de multiples occasions pour découvrir et leur dominance de la main, mais aussi du pied, de l’œil de l’oreille. 

 L’observation des enfants dans leurs jeux, lorsqu’ils font semblant de se peigner, de se brosser les dents ou bien alors qu’ils regardent dans un kaléidoscope, bottent un ballon, sautent en longueur va nous renseigner sur la dominance chez les enfants. Des jeux psychomoteurs facilitent l’acquisition progressive de la dominance. Exemples : on lance un foulard léger avec une main, un sac de sable avec l’autre pour bien prendre conscience de nos deux côtés.  
On favorisera ainsi les jeux et danses, au gymnase ou en musique où on doit faire des demi-tours ou quarts de tour  à droite ou à gauche.  On encouragera aussi des jeux où on se place à droite ou à gauche d’un objet ou d’une personne, mais on doit bien s’assurer d’être relatif aux repères utilisés.
En frappant un ballon avec son pied, en frappant une balle avec une raquette, en lançant des sacs de sable en l’air, l’enfant prend conscience de sa latéralité et la consolide.

G. Le développement visuomoteur
Les habiletés visuomotrices sont essentielles pour qu’un enfant puisse suivre une ligne d’écrit. Les enfants dont les habiletés physiques sont sous-développées ont besoin de plus de temps pour les développer  à travers le jeu libre et structuré, AVANT d’en arriver à être prêt pour des tâches plus sédentaires  et de motricité fine comme la lecture… 
«Lire, écrire, écouter, ainsi que l’habileté à rester assis et focaliser son attention sur une tâche sans être distrait sont toutes des habiletés liées à la maturité et au fonctionnement du système nerveux central. Non seulement le jeu contribue à former le système nerveux central, mais la maturité de celui-ci est développée par le jeu, et est reflétée dans  des habiletés physiques propres à la posture, l’équilibre, la coordination et le contrôle du mouvement des yeux » (5).


H. La temporalité 
Les moments de la journée, les saisons, avant/après, va-et-vient entre actions présentes passées et futures), sont tous des notions importantes.
Dans les histoires lues, l’action ne se déroule pas toujours de façon linéaire.
Dans les jeux symboliques les enfants  jouent avec les notions de temps et se projettent dans l’avenir («on irait au cinéma») reviennent en arrière («on aurait déjà soupé»). « Ce serait le matin»…«mais avant on aurait»…
Dans l’écoute de musiques et les jeux de rythme (création et répétitions de rythmes),et sur la durée des sons, les enfants travaillent leur notion du temps.



Le niveau de langage est un des meilleurs prédicteurs de la réussite scolaire. Le langage est la clé de la lecture. Il faut mettre l’accent sur les conversations entre enfants et avec l’adulte  pour établir les fondements du discours (grammaire intuitive, vocabulaire, etc.) et donc de la compréhension de la lecture. Le jeu est le médium le plus facilitant. Les enfants de milieux défavorisés et de l’immigration profitent davantage des situations de jeu pour le développement du langage que de l’enseignement formel de celui-ci.

Dans le jeu sociodramatique, les enfants discutent du thème du jeu, se distribuent les personnages, négocient et développent ainsi leur habileté à communiquer. 

A. Syntaxe, structure de la phrase, sens de la phrase:
Dans le jeu sociodramatique, les enfants utilisent des phrases plus complexes que dans le quotidien : dans le rôle du médecin, par exemple, on ne parle pas comme un enfant, utilisant des relatives et des complétives. Les enfants utilisent alors des temps de verbes qu’ils n’utiliseraient pas dans le langage courant (« Puis-je vous être utile?»).

B. Vocabulaire (réceptif, expressif), sens des mots :
Les jeux sociodramatiques sont très favorables au développement du vocabulaire : dans le rôle d’un dentiste, par exemple, l’enfant essaiera d’utiliser un vocabulaire plus élaboré. 
Dans les jeux de construction, ils vont développer un vocabulaire spécialisé en rapport avec l’architecture, l’ingénierie, le bâti, les techniques et les métiers de la construction, mais aussi en rapport avec des volumes, des termes reliés à la mesure, etc. Il en va de même lorsque les enfants jouent à la cuisine, au vétérinaire, au pompier, etc.
Les chansons, poésies et comptines ainsi que la lecture de livres sont aussi des façons agréables d’acquérir du vocabulaire. Des livres vont alimenter les thèmes et le vocabulaire des jeux sociodramatiques. En effet, les enfants vont souvent utiliser dans leurs jeux des expressions entendues au cours d’une lecture.

C. La reconnaissance des sons des mots, des syllabes, des lettres (la phonologie) :
Cette reconnaissance est basée sur la discrimination auditive.
Des jeux musicaux contribuent à développer cette discrimination, surtout ceux où l’on cherche à distinguer des nuances entre les sons (plus long, moyen, court, plus aigu, moyen, plus grave, plus fort, plus doux). Reconnaître les timbres de différents instruments ainsi que  leur localisation… ce sont tous des jeux pour affiner l’oreille , afin de mieux entendre les différences entre les phonèmes. 



















Nathan explore les sonorités du piano : sons graves, aigus.
La reconnaissance des airs connus ou d’airs qu’on nous fredonne ou qu’on rejoue à la flute ou sur autre instrument exerce la mémoire auditive.


Nathan cherche  les notes d’une chanson qu’il connaît et affine ainsi sa discrimination auditive.

Les enfants adorent les jeux avec les mots et remarquent spontanément des ressemblances entre ceux-ci : sons initiaux, son final et sons au milieu du mot (ex. Guillaume 3 ans et demi dit : «Croix c’est comme roi, Steve, c’est comme steak», «danger c’est comme ange»). La remarque de l’un amène les autres enfants à porter une attention aux sonorités. L’enseignante elle-même peut relever dans le jeu des enfants une expression utilisée, et attirer leur attention sur les sons : « Tiens, ça rime, ce que tu as dit!».

Les comptines, poésies et chansons sont des bons moyens pour provoquer chez les enfants des prises de conscience sur les sons dans les mots. De là aux sons des lettres, il n’y aura ensuite qu’un pas.
Faire des rondes où on marche au pas , où  on tape dans les mains en épousant les syllabes des mots d’une chanson, ce  sont d’excellents moyens de décomposer joyeusement les mots (voir le travail de Riverlat).
D. Morphologie des mots :
Pour comprendre des mots inconnus, les enfants auront à chercher des indices qui pourront leur en livrer le sens. Bien sûr lorsque nous leur lisons des textes, nous pouvons les aider à développer des stratégies, mais le jeu offre aussi des occasions pour ceux-ci de décoder le sens des mots grâce à l’analyse et à la déconstruction.
Un exemple :
Nous lisons les trois petits cochons. Le loup s’époumone…» Guillaume (4ans) demande : «C’est quoi s’époumone». Zoé (6 ans) répond « C’est comme poumon; il souffle avec ses poumons. Il souffle fort.» Nicolas et Guillaume rejouent ensuite l’histoire, courent en poussant de grands cris se cacher du loup dans la maisonnette de carton. «Je suis toute essoufflée», dis-je.«Essoufflé c’est comme souffle», dit Guillaume.

E. Principe alphabétique :

Prendre conscience et comprendre que les sons que nous prononçons peuvent être représentés sur une feuille par des tracés de lettres placées dans un certain ordre pour former des syllabes et des mots c’est-à-dire comprendre le fonctionnement  de notre système alphabétique, c’est une démarche complexe.


Il vient un moment où des enfants incluent des lettres dans leurs dessins (souvent des lettres de leur nom). Ils posent alors des questions ou nous partagent une de leurs découvertes à propos des lettres (Sarah montrant une forme : «comme ça, ça fait un «C» et (la tournant) comme ça, ça fait un «U»). Cela démontre un intérêt, des connaissances et nous incite à provoquer d’autres rencontres entre les enfants, les lettres et la formation des mots (syllabes).  Les noms des enfants sont aussi des occasions de commentaires et comparaisons spontanées par les enfants.
Bien sûr, il y aura à leur disposition  des lettres de toutes sortes : lettres magnétiques, ou encore des étampes avec lesquelles ils pourront expérimenter, ainsi que l’ordinateur ou une bonne vieille machine à écrire, ainsi que des étiquettes imprimées (leurs noms, des mots courants, utiles), des documents écrits qui peuvent servir de ressources et d’objets d’analyses.


L’écriture (émergence de celle-ci, essais, hypothèses…)

Le dessin est une forme d’écriture. Mais à un moment donné, les jeunes enfants découvrent la différence entre les dessins et l’écriture. Ils nous posent des questions, par exemple : Nicolas, trois ans, me montre une trace qui ressemble à des «n» et  à des «m»  en cursive; il  me demande : «Est-ce que c’est comme ça l’écriture ?» Avec sa sœur( en troisième année), Ils insèrent des lettres dans leurs dessins.

Des outils pour écrire dans les coins de jeu (liste d’emplettes, prescriptions, menus, recettes, etc.) incitent les enfants à leurs premières écritures spontanées. 


Guillaume a spontanément rempli la page de signes ressemblant à de l’écriture en cursive.






































Un coin de dessin/écriture bien aménagé invite les enfants à s’adonner aux deux. Des crayons, des stylos, des crayons-feutre, de toutes sortes et de toutes les couleurs, bien présentés, invitent les enfants à écrire spontanément, pour le plaisir. 
Un coin de correspondance dans la classe (chacun a sa boîte à lettres) stimule les essais et les échanges. Des situations et du matériel motivant l’écriture (invitation, carte de souhaits, échanges entre classes, affiches) sont autant de stimulations pour favoriser l’émergence de l’écriture.




 La coordination œil-main, nécessaire en écriture, peut aussi être favorisée par tous les jeux psychomoteurs d’attrapés de balles et ballons, sacs de sable, mais aussi par le dessin, les tracés dans le sable, les jeux où l’on tape sur des petits clous et où on insérer des tenons dans des trous, quand on transfère des perles dans un contenant, etc.




7.  Les capacités narratives :

Améliorer les capacités de narration des enfants, à travers le jeu, c’est augmenter leur compréhension de ce qu’on leur lit. Pour aider les enfants à mieux  suivre le déroulement d’une histoire qu’on leur raconte, il faut permettre aux enfants d’en inventer eux-mêmes.
Quand les enfants inventent des scénarios, ils jouent avec les structures de base d’une histoire : début, milieu, fin, contexte, personnages, objectif ou intention, obstacles, résolution du problème, dénouement qu’ils vont retrouver dans les textes qu’on leur lit ou qu’ils liront plus tard.
Les marionnettes et l’expression dramatique sont aussi des moyens pour rejouer les histoires entendues et témoigner ainsi de leur compréhension et des occasions d’inventions à partir d’histoires connues.
On peut aussi proposer aux enfants de nous dicter des histoires qu’ils pourront rejouer ensuite (voir les techniques de Vivian Paley).
Dans les jeux de faire semblant, les enfants alternent aussi entre réalité et imaginaire.


S’ils jouent parfois à des situations proches de leur vie du moment, les enfants jouent aussi à des histoires qui se passent dans des lieux qu’ils n’ont jamais fréquentés, ce qui les aidera à comprendre les mondes imaginaires qu’on retrouve dans les récits.
Comprendre des symboles  (significations partagées, représentations symboliques). 
Les mots sont des symboles qui représentent des choses réelles ou imaginaires.
Un enfant qui prend un bloc en guise de téléphone effectue les mêmes gestes mentaux que lorsqu’il utilisera une représentation graphique (dessin ou écriture) comme référence commune. Les enfants qui utilisent les objets de façons alternatives dans leurs jeux apprivoisent l’idée de symbolisation.
Toutes les formes d’expressions : dessin, peinture, danse, musique sont des façons d’apprivoiser les symboles et les signes.



Inférences et relations de cause à effet

En  manipulant des objets de toutes sortes dans leurs jeux, les enfants établissent des relations de cause à effet : ceci est arrivé parce que (…) et donc (…) 
Les enfants auront besoin de reconnaître de tels liens dans les histoires qui leur sont racontées pour les comprendre (pourquoi une chose est arrivée quand tel personnage a fait ceci ou cela, quelles en seront conséquences …).

Inférences relationnelles

Il est encore difficile pour les enfants de 4-5 de se mettre dans la peau d’une autre personne, d’adopter sa perspective. Pourtant quand on leur lit des histoires ou qu’ils devront plus tard en lire eux-mêmes, ils devront pouvoir induire ou déduire les objectifs et ressentis des personnages, car tout n’est pas dit dans les textes.
Or, dans le jeu sociodramatique, l’enfant se met dans la peau du personnage qu’il joue et mime les attitudes de celui-ci; ce faisant, il apprend ce que c’est, être une maman, un grand frère, un pompier, un chien…Il pourra ensuite mieux comprendre les personnages rencontrés dans les histoires, leurs motivations et réactions (jalousie, courage, honte, peur, tristesse…).
Les garçons font plus de jeux symboliques quand ils sont dehors. Si on veut que ceux-ci profitent de la richesse de ce type de jeu, il faut donc prévoir des temps à l’extérieur.


Pour comprendre une histoire, pour comprendre un écrit, il faut pouvoir raisonner (utiliser la pensée logico-mathématique, faire des comparaisons, classifier, anticiper) et réfléchir sur sa pensée.
La manipulation d’objets, les jeux de sable et d’eau (avec balance, tubes, circuits, sablier, etc.), les parcours de billes, etc., vont amener l’enfant à réfléchir, à construire des hypothèses, des théories à les vérifier, les réviser, à faire des projections, à établir des liens, à vivre la démarche scientifique. Le joueur est un penseur et il pense à un haut niveau. L’enfant appliquera ensuite ces capacités à la compréhension en lecture.


Les mathématiques et la littératie sont fortement liées. Certains auteurs établissent des liens entre  la connaissance des nombres chez les enfants en maternelle et leur réussite future (et même en lecture): séquence des chiffres, correspondance terme à terme, cardinalité, quantité, etc.
Kamii (6) et Devries (deux grands noms dans le domaine des enfants et les mathématiques) affirment que le concept de nombre ne peut être enseigné directement et que les cahiers d’exercices n’aident pas l’enfant à  la structure mentale nécessaire à la construction de celui-ci. Il faut que les enfants  aient des occasions de réfléchir sur des groupements d’objets (là où il y en a plus, moins, égal).
On peut ajouter que les feuilles polycopiées  à la maternelle et en première année nuisent à l’acquisition des concepts mathématiques.
Les enfants dans leurs jeux spontanés passent 46% de leur temps  dans des activités spontanées de mathématiques. À nous de les observer pour constater où ils en sont dans leur compréhension de ces concepts.
Des jeux moteurs de poursuite (exemple : «trois c’est assez, quatre c’est trop» où un joueur en attrape un autre puis la paire court pour attraper une troisième personne puis les trois une quatrième;  mais alors la chaîne se fractionne en deux et les deux paires se mettent à courir chacune de l’autre côté)  amènent les enfants à vivre des additions et même une division.
Les jeux de construction sont particulièrement riches en enseignements mathématiques. Ils développent entre autres des notions de mesure, des équivalences, des connaissances sur les formes et volumes et leurs noms (vocabulaire).
Le jeu avec glaise ou la pâte à modeler va aider l’enfant à comprendre le principe de conservation de la matière (la quantité ne change pas quand on change la forme).
Un enfant qui aligne des personnages par ordre de grandeur, ou qui les range en deux rangées un personnage face à un autre (correspondance un à un) développe spontanément une compréhension de ces notions.
Les jeux de société sont aussi des moyens pour apprendre à compter, comprendre la correspondance terme à terme, comparer des ensembles. Certains abordent des problèmes de logique ou de configurations (formes).
Toutes ces activités favorisent aussi les échanges et donc l’acquisition de vocabulaire, de structures de phrases.



Les connaissances sur le monde font partie de la maturité scolaire. Plus l’enfant vivra des expériences variées, plus il sera en mesure de comprendre les histoires qu’on lui racontera et celles qu’il lira plus tard.
Les enfants doivent d’abord être en contact direct avec une multitude d’objets, de lieux, de personnes pour en comprendre les représentations faites dans les livres. Il faut donc favoriser l’exposition des enfants à différentes situations : des promenades  dans la nature, dans la ville, des visites d’expositions, etc.
Le jeu sociodramatique en petits groupes permet aux enfants d’échanger sur leurs expériences et modes de vie et de s’ouvrir à la culture des autres qu’ils rencontreront dans les textes écrits. Les jeux à la récréation sont aussi des moments de tangence entre des enfants de cultures différentes.

CONCLUSION
Par cette liste de composantes de la lecture/écriture, on constate que celle-ci n’est pas qu’une question de «connaître toutes les lettres de l’alphabet» : beaucoup d’autres facteurs entrent en jeu. Il y a bien d’autres compétences et habiletés à acquérir. Heureusement, le jeu, sous toutes ses formes,  est là qui permet une foule d’apprentissages par rapport à l’écrit en même temps. C’est sans compter tous les autres effets bénéfiques que le jeu a sur les autres compétences et le développement global de l’enfant.
Selon les recherches de Marinova (7) et d’autres, « les modèles d’éducation préscolaire basés sur le jeu comportent des avantages tant sur les variables reliées au développement socioaffectif de l’enfant, telles la motivation, l’adaptation et le niveau de stress que sur les variables en lien avec le développement cognitif telles que la performance scolaire.» «Les résultats de ces recherches mettent en question la pertinence d’un enseignement explicite des lettres et des sons à la maternelle, d’autant plus que les effets d’un tel enseignement ne se maintiennent pas à long terme. « …Il parait donc pertinent que les pratiques appuyées sur le jeu soient encouragées, valorisées et mieux connues du milieu.»
Anne Gillain Mauffette, janvier 2020
 Ce texte est une modification d’un article paru dans la Revue préscolaire en 20 


1. Joël Monzée (2014) Soutenir le développement affectif de l’enfant, CARD.
2. Joël Monzée (2014)J’ai juste besoin d’être compris : Comprendre les comportements dérangeants chez l’enfant et l’adolescent , Le Dauphin Blanc.
3. Joël Monzée (2016) J’ai juste besoin de votre attention : Aider l’enfant et l’adolescent aux prises avec l’anxiété et le stress, Le dauphin blanc 
4. Chantal Proulx : Plaidoyer pour une enfance heureuse, Éditions du Cram, 2015
5. Richard House (2011) Too much too soon? Early learning and the erosion of childhood, Hawthorn Press.
6. Constance Kamii (1992) Number in preschool and kindergarten, NAEYC
7. Krasimira Marinova et Christian Dumais (2019) Lire et écrire dans les situations d’apprentissage issues du jeu symbolique : les résultats d’une recherche. .Revue Préscolaire Vol.57 No.4 Automne.




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