lundi 1 septembre 2025

Caractéristiques des enfants de 4 et 5 ans (2)

par Anne Mauffette 


 © Anne Mauffette


« L’enfant jusqu’à 5-6 ans dérange. Il vit et pense différemment de l’adulte. Son énergie vitale considérable le pousse à courir, grimper, explorer. Son enthousiasme est débordant. Il est curieux, il veut toucher à tout, comprendre, jouer. Souvent ses rêveries le conduisent dans l’imaginaire. Il ne vit pas dans le devoir. Il n’a pas la notion du temps et ne se soucie pas à la réalité quotidienne. Toutes ces particularités inhérentes à l’enfant perturbent de nombreux adultes qui souhaiteraient « qu’il rentre dans le rang ». Il faut qu’il soit sage, qu’il ne bouge pas dans tous les sens, qu’il reste assis tranquillement, qu’il obéisse aux ordres, qu’il soit propre, ordonné, etc. bref … qu’il ne soit plus un enfant 5, p. 294 ». 



Le cerveau de l’enfant de 4-5 ans 

« Le cerveau est composé de différentes parties qui se développent à des rythmes différents : toutes les facultés ne s’activent pas en même temps. » « L’environnement affectif constitue les conditions fondamentales permettant au cerveau de se développer dans toutes ses facultés ou pas 5, p. 11-12 ». 

« Le cerveau de l’enfant est très immature. » « Le petit enfant est dominé par son cerveau archaïque qui le pousse instinctivement pour sa survie. Il attaque ou fuit quand il se sent en danger ou que ses besoins fondamentaux (d’affection, d’attention, de protection, exploration, de calme, etc.) ne sont pas assurés 4, p. 212 ».          

© Anne Mauffette

 

« La vie durant l’ensemble de la petite enfance et de l’enfance est dominée par l’hémisphère droit, l’hémisphère affectif 2 p. 134 ». « Le cerveau très immature de l’enfant ne lui permet pas d’analyser les situations et prendre du recul de ce qu’il vit 4, p. 37 ». 
À cet âge, il est « incapable de contrôler ses émotions, ses impulsions », car « le cerveau archaïque » et « émotionnel » domine(nt) 4, p. 212 ». 

« Entre 1 an et 5 ans, certaines circonstances
déclenchent des réactions impulsives de rage, de colère, de panique, d’agressivité incontrôlables. » « Elles sont involontaires, non intentionnelles 4, p.133 ». L’enfant « est submergé par ces véritables orages émotionnels 4, p. 212 ». 

« Ce n’est que vers l’adolescence que l’hémisphère gauche va commencer à offrir assez d’efficacité […] [pour] que les jeunes puissent […] agir avec discernement ». « Ce discernement dépend d’un bel équilibre entre l’hémisphère gauche et droit ». « Cet équilibre repose sur une adéquation de trois systèmes de neurotransmetteurs : la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline. Ces trois systèmes doivent agir de concert pour disposer d’un « gros bon sens » en situation de crise et c’est cet équilibre dynamique qui prend 40 à 45 ans pour arriver à pleine maturité 2, p. 134 ». 

« Il faut donc du temps et des expériences de qualité pour permettre au cerveau de se développer. » « L’acquisition des compétences et habiletés va subir des variations normales et naturelles entre les enfants du même groupe d’âge. Par ailleurs, 6 mois de différence d’âge entre 2 enfants de 5 ans représente près de 10 % de temps de maturation de plus ou de moins » 1, p. 21. « Ce n’est que vers onze ans que l’enfant disposera d’un hémisphère gauche assez développé pour avoir accès à la logique, l’efficacité, à l’organisation 3, p.60 ». 

Le tempérament 


 ©Anne Mauffette 

Cyrulnik, dans "Je me souviens," décrit le tempérament comme une façon de goûter la vie. Proulx le considère inné, mais pas prédictif, car on peut apprendre à être plus ou moins ceci ou cela. Il détermine : «l’approche ou le retrait et l’adaptation face à la nouveauté, l’intensité des réactions émotives, le niveau d’activité, la régulation des fonctions biologiques, la 
concentration, distraction, la persévérance, l’humeur naturelle. Il faut en tenir compte 6, p.183». 

L’attention 

 
©Anne Mauffette

« Le maintien d’une qualité d’attention partagée et soutenue […] est une habileté neurologique très complexe. Elle ne peut être acquise en dessous de 7ans. Elle reste difficile durant toute l’enfance et l’adolescence ». Il ne faut donc pas être trop rapide à conclure à un TDA ou TDAH 3, p.180 .». 


L’apprentissage 

 
©Anne Mauffette

« L’apprentissage crée des déséquilibres internes… Ne pas savoir déclenche le désir de découvrir pour savoir et de se rééquilibrer par la connaissance expérimentée, concrètement, bien avant d’être en mesure de conceptualiser intellectuellement les choses 1, p.169 ». 


Les fonctions exécutives 

 
©Danielle Jasmin

« Les fonctions exécutives sont des capacités intellectuelles très importantes. Elles nous permettent d’organiser, de planifier nos tâches, de résister aux distractions, de nous adapter aux changements, de prendre des décisions adéquates, d’évaluer nos actions 4, p 106» .
Elles se développent entre autres dans le jeu. 



Compétences sociales 

 
©Danielle Jasmin

« La plupart des compétences et des habiletés qui soutiennent les conduites sociales s’installent progressivement - car elles dépendent de phénomènes biologiques encodés génétiquement, mais soumis à la qualité de l’expérience vécue - au fur et à mesure que le cerveau se développe. 
Le cortex préfrontal qui favorise « notamment l’autonomie affective, la créativité, la compassion, le discernement, la perspective tant mathématique qu’émotionnelle, demande entre 35 et 40 ans pour atteindre sa pleine maturité… On peut comprendre, dès lors, pourquoi la maîtrise des aspects pulsionnels de l’enfant est corrélée avec le temps nécessaire pour que cette partie du cerveau devienne biologiquement efficace 1 p.20-21 
». 

Motricité 
Motricité globale

« Il va falloir 7 années pour que la plupart des enfants soient capables de marcher de manière optimale, 1 p.19 », « pour que le cerveau soit capable de contrôler adéquatement les muscles de chevilles et des jambes ». 

« Au début, j’avais peur, mais là je suis capable», dit Nathan en remontant plusieurs fois avec fierté et confiance le petit mur d’escalade.

Enfant qui grimpe © Anne Mauffette
Ramper, s’exercer à la quadrupédie ventrale et dorsale, grimper, sauter (à un et deux pieds) et sautiller, courir, s’arrêter, garder son équilibre à l’arrêt et en déplacement, découvrir les notions spatiales et temporelles ainsi que l’organisation spatio-temporelle à travers le mouvement, sont à la base de la connaissance du schéma corporel, du contrôle du corps ainsi que des habiletés motrices. Pourtant, les enfants ont trop peu d’occasions de travailler leur grosse motricité. 

Par ailleurs, « les enfants sont exposés à leur manualité à un moment où la motricité globale devrait primer sur la motricité fine 2, p.247 ». « On s’étonne parfois que certains enfants soient malhabiles en maternelle et en première année dans leur motricité digitale. Pourtant, le cerveau a juste besoin de temps. Du temps pour se développer. En effet, la motricité fine - c’est-à-dire le mouvement des doigts- ne peut se déployer que si la motricité globale est devenue mature 3, p. 64 ». 

Motricité fine et latéralité 

 
© Anne Mauffette

« Le néocortex sensoriel, si utile notamment pour écrire et dessiner, [n’atteint] pas sa pleine maturité avant l’âge adulte, ce qui affecte la précision des gestes chez les enfants. » Il va falloir 7 années pour « qu’une molécule, appelée dopamine puisse être suffisamment stable dans les hémisphères du cerveau pour déterminer si l’enfant sera droitier ou gaucher…» « Est-ce cela qui pourrait expliquer pourquoi certains enfants ont de la difficulté à crayonner en maternelle » et à écrire au début du primaire? 1 p. 20 ». 

« Près de 20 % des enfants n’ont pas nécessairement développé de préférence manuelle quand ils entrent en première année du primaire ». « Cela veut dire qu’ils tiennent des crayons et ciseaux bien avant que leur cerveau soit assez mature pour déterminer s’ils sont droitiers ou gauchers. Par imitation, ces enfants prennent surtout la main droite pour la motricité fine… Cela facilite la vie scolaire occidentale qui est faite pour droitiers surtout à cause de l’écriture de gauche à droite. 

Par contre, ce sont des élèves qui risquent d’avoir un conflit toute leur vie entre la posture qui est gauchère et la main droitière ». « En classe ce sont des élèves qu’on risque de considérer comme dyslexiques, car d, et b ou q et p sont les mêmes lettres dans leur présentation imprimée selon s’ils sont centrés sur la main ou sur le corps » 2 p. 328-329. 

La « maladresse » d’un enfant en découpage par exemple peut donc être simplement due au fait que nous lui avons donné des ciseaux de droitier sans y penser… Des exercices de psychomotricité pourraient aider les enfants à jouer avec leurs deux mains et progressivement « sentir » leur côté préféré. L’observation de leurs gestes dans les activités courantes (faire semblant de se coiffer) ou dans les jeux vont nous et les aider à identifier leur dominante. 

« Il semble que les petits gestes quotidiens tels qu’apprendre à nouer ses lacets, tricoter ou attacher préparent les zones cérébrales nécessaires à l’apprentissage de l’écriture 6, p.100 .». 

Le développement visuomoteur 

 
©Danielle Jasmin

Les habiletés visuomotrices sont essentielles pour qu’un enfant puisse suivre une ligne d’écrit. Les enfants dont les habiletés physiques sont sous-développées ont besoin de plus de temps pour les développer à travers le jeu libre et structuré, AVANT d’en arriver à être prêt pour des tâches plus sédentaires et de motricité fine comme la lecture… 

« Lire, écrire, écouter et l’habileté à rester assis et focaliser son attention sur une tâche sans être distrait sont tous liés à la maturité et au fonctionnement du système nerveux central. Celui-ci est non seulement développé par le jeu, mais la maturité de ce système est reflété dans des habiletés physiques spécifiques telles que la posture, l’équilibre, la coordination et le contrôle du mouvement des yeux 7 p. 140 ». 

Les différences d'âge

 
© Anne Mauffette 
Ces deux garçons ont 7 mois de différence mais sont dans la même classe 

« L’acquisition des habiletés et compétences va subir des variations normales et naturelles entre les enfants du même groupe d’âge… » « Six mois de différence d’âge entre deux enfants représente près de 10 % du temps de maturation de plus ou de moins 1, p.21 ». 

« Il y a des différences individuelles considérables quant au moment où un enfant est « prêt à lire 7, p. 135 ». Il faut tenir compte « des stades de développement, de la maturation neurologique et des différences individuelles de développement y compris celles de genre. Les filles et garçons développent différentes habiletés à différents moments : les filles ont tendance à développer plus rapidement des habiletés de fine motricité et langagières nécessaires à la lecture écriture… alors que les garçons démontrent une plus grande maturité dans les habiletés spatiales plus tôt que celles-ci.» […] Bref, les cerveaux des garçons et des filles sont différents à différentes phases de développement 7, p.136 ». 

« Les enfants qui sont forcés à lire et écrire aux dépens du développement de leurs habiletés physiques risquent de rencontrer des difficultés d’apprentissage et une sous-réussite plus tard. Pour certains enfants, les méthodes one size fits all ne fonctionnent pas…Fixer des cibles ou attentes précises en littératie ou numératie à un jeune âge risque d’étiqueter les enfants comme sous-performants et de les priver des expériences sensorimotrices et de jeu nécessaires au développement physique qui soutient les apprentissages de haut niveau 7 p. 136 ». 

Les différentes parties du cerveau se développent à différents moments dans le développement. 

Les années de développement optimal de l’hémisphère droit se fait entre 4 et 7 ans, période où l’apprentissage est naturellement lié aux activités sensorimotrices. Retenir les lettres de l’alphabet […] se fait mieux […] mis en chanson par exemple. Ce sont les années où les enfants doivent pouvoir jouer, explorer leur environnement physique, construire des forts et des châteaux de sable, faire des jeux, apprendre des chansons et danses traditionnelles, apprendre des motifs par le mouvement dont l’information qui s’imprime dans le cerveau formera la base de la reconnaissance (perception visuelle) des symboles comme les lettres et les chiffres ainsi que la conscience de l’orientation (b et d, 2 et 5) tout en renforçant le corps grâce aux activités motrices. Le côté droit voit les mots entiers comme une image, mais il ne peut pas scinder les mots pour bâtir des mots à partir de lettres isolées. C’est une habileté du cerveau gauche qui est aussi liée à la discrimination auditive et au traitement auditif. 

L’hémisphère gauche lui aussi se développe rapidement et a ses propres fonctions. Quand il croit en maturité, il devient logique et analytique. S’il ne peut trouver la solution à un problème, il va tenter de le décortiquer en plus petites parties et les examiner. Il a des centres spécialisés pour la parole et la compréhension du langage parlé, pour le décodage phonétique, et pour certains aspects liés aux nombres, mais ne peut résoudre de problèmes mathématiques sans le cerveau droit. 

Les fonctions exécutives des deux côtés du cerveau sont construites sur les bases solides de l’intégration sensori-motrice qui sont activées dans les trois premières années et demi de la vie, développées entre 4 et 7 ans à travers les interactions et le jeu et qui subissent une importante réorganisation neurologique entre 6 ans et demi et 7 ans et demi alors que les chemins reliant les deux hémisphères, les mécanismes d’équilibre et une partie du cerveau impliquée dans la régulation du contrôle de la motricité fine et certaines tâches séquentielles (le cerebellum) terminent un stade de myélinisation… C’est à cet âge qu’on COMMENCE l’éducation obligatoire dans bien des pays. 

Les centres dans le cerveau gauche et les connexions avec le cerveau droit ne se développent qu’entre 6 et demi et 8 ans chez les filles et 7 et 9 ans chez les garçons. 

Les centres dans les cerveaux droits et gauches traitent le matériau écrit de façons différentes. Alors que le cerveau droit permet aux enfants de reconnaître visuellement les mots dans leur globalité (comme des images) par la forme, reconnaissant habituellement la première et la dernière lettre et devinant le reste, les centres dans le cerveau gauche et les connexions avec le cerveau droit ne se développent qu’entre 6 et demi et 8 ans chez les filles et 7 et 9 ans chez les garçons. C’est le centre de la lecture dans le cerveau gauche qui permet d’associer le son à la lettre et leur permet de décoder les mots phonétiquement afin qu’ils puissent apprendre comment les épeler. 

Les fondations pour le décodage phonétique dans la petite enfance sont construites en écoutant et en utilisant la musique, les chansons, les rimes, les mots difficiles, les vire langues, les conversations… Apprendre à lire commence par la reconnaissance visuelle et auditive de motifs, écrire commence avec le dessin ». 
7 p.137 et 138 . 


 Conclusion

Les neurosciences nous aident dans notre compréhension du développement des enfants et à ajuster nos attentes et nos interventions.
Rappelons-nous que l'éducation est d'abord "une assistance à la croissance biologique et psychologique et à la maturation d'êtres humains" (Malaguzzi).


Note: Ce texte a été publié en 2020 et légèrement transformé en 2025.


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