Les besoins des enfants

Les droits et les besoins des enfants selon leur développement
par Anne Mauffette

Première partie : Ce qui donne de la joie à l’enfant est bon pour son développement cérébral (Guéguen). La joie sculpte le cerveau (Proulx).

Sommaire

  • Introduction
    Dans cette série de trois textes, nous présentons un portrait de l’enfant au préscolaire et les conditions qui nuisent ou favorisent son développement. Ceux-ci peuvent aussi donner des arguments à tous ceux et celles qui veulent résister aux pressions exercées sur les adultes et par ricochet sur les enfants pour orienter les pratiques au préscolaire vers un enseignement didactique qui ne respecte pas leur biologie, leurs façons d’apprendre ni leurs besoins.
    Cette série de textes pourra aussi être utile à toutes les personnes qui veulent dénoncer des pratiques de dépistage qui ne reflètent pas l’évolution du développement des enfants dans sa complexité, mais les étiquettent précocement avec des conséquences néfastes pour leur devenir.

    Ces textes pourraient aider à alimenter une défense du jeu. Ils pourraient aussi peut-être aider à mieux comprendre les enfants que nous accompagnons.

  • La maternelle

    « Pour la dernière génération, les années de maternelle se sont transformées en parcours du combattant académique.
    Qui donc a encore le temps de faire de la peinture aux doigts ou jouer avec des marionnettes quand il faut tracer des lettres et des chiffres?»

    Carl Honoré:
    Manifeste pour une enfance heureuse 8, p. 81


    « [Des] réformes émergent souvent d’une logique administrative ou d’une idée théorique qui n’est pas toujours en adéquation avec le processus de maturation du cerveau des enfants 1, Avant propos)». » « Ces orientations scolaires répondent préalablement aux besoins des adultes, alors que peu d’attention a été portée sur les impératifs du développement des enfants 1, p.1 ». Des changements aux programmes du préscolaire sont prévus incluant des attentes par rapport à la lecture. Ces nouveaux diktats « ne répondent pas nécessairement aux besoins des enfants 1, p.13 ».


  • Portrait des enfants de 4 et 5 ans


    © Anne Mauffette
    « L’enfant jusqu’à 5-6 ans dérange. Il vit et pense différemment de l’adulte. Son énergie vitale considérable le pousse à courir, grimper, explorer. Son enthousiasme est débordant. Il est curieux, il veut toucher à tout, comprendre, jouer. Souvent ses rêveries le conduisent dans l’imaginaire. Il ne vit pas dans le devoir. Il n’a pas la notion du temps et ne se soucie pas à la réalité quotidienne. Toutes ces particularités inhérentes à l’enfant perturbent de nombreux adultes qui souhaiteraient « qu’il rentre dans le rang ». Il faut qu’il soit sage, qu’il ne bouge pas dans tous les sens, qu’il reste assis tranquillement, qu’il obéisse aux ordres, qu’il soit propre, ordonné, etc. bref … qu’il ne soit plus un enfant 5, p. 294 ».

    • Le cerveau de l’enfant de 4-5 ans

      « Le cerveau est composé de différentes parties qui se développent à des rythmes différents : toutes les facultés ne s’activent pas en même temps. » « L’environnement affectif constitue les conditions fondamentales permettant au cerveau de se développer dans toutes ses facultés ou pas 5, p. 11-12 ».

      « Le cerveau de l’enfant est très immature. » « Le petit enfant est dominé par son cerveau archaïque qui le pousse instinctivement pour sa survie. Il attaque ou fuit quand il se sent en danger ou que ses besoins fondamentaux (d’affection, d’attention, de protection, exploration, de calme, etc.) ne sont pas assurés 4, p. 212 ».

      « La vie durant l’ensemble de la petite enfance et de l’enfance est dominée par l’hémisphère droit, l’hémisphère affectif 2 p. 134 ». « Le cerveau très immature de l’enfant ne lui permet pas d’analyser les situations et prendre du recul de ce qu’il vit 4, p. 37 ».

      À cet âge, il est « incapable de contrôler ses émotions, ses impulsions », car « le cerveau archaïque » et « émotionnel » domine(nt) 4, p. 212 ». « Entre 1 an et 5 ans, certaines circonstances déclenchent des réactions impulsives de rage, de colère, de panique, d’agressivité incontrôlables. » « Elles sont involontaires, non intentionnelles 4, p.133 ». L’enfant « est submergé par ces véritables orages émotionnels 4, p. 212 ».

      « Ce n’est que vers l’adolescence que l’hémisphère gauche va commencer à offrir assez d’efficacité […] [pour] que les jeunes puissent […] agir avec discernement ». « Ce discernement dépend d’un bel équilibre entre l’hémisphère gauche et droit ». « Cet équilibre repose sur une adéquation de trois systèmes de neurotransmetteurs : la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline. Ces trois systèmes doivent agir de concert pour disposer d’un « gros bon sens » en situation de crise et c’est cet équilibre dynamique qui prend 40 à 45 ans pour arriver à pleine maturité 2, p. 134 ».

      « Il faut donc du temps et des expériences de qualité pour permettre au cerveau de se développer. » « L’acquisition des compétences et habiletés va subir des variations normales et naturelles entre les enfants du même groupe d’âge. Par ailleurs, 6 mois de différence d’âge entre 2 enfants de 5 ans représente près de 10 % de temps de maturation de plus ou de moins » 1, p. 21. « Ce n’est que vers onze ans que l’enfant disposera d’un hémisphère gauche assez développé pour avoir accès à la logique, l’efficacité, à l’organisation 3, p.60 ».

    • Les besoins réels de l’enfant
      • Besoin de temps


        © Danielle Jasmin
        « Il [leur] faut donc du temps. Du temps pour que le cerveau se développe. Du temps pour grandir. Du temps pour apprendre. Du temps pour développer les comportements relationnels les plus appropriés. Du temps pour développer une expérience de vie. Alors quant aux comportements des enfants qui nous dérangent, il y a plus de chance que cela […] [soit] la conséquence des étapes autant du développement de leur cerveau que celui de leur maturation affective […] Ils nous signalent qu’ils n’ont pas les ressources - du moins à ce moment-là - pour atteindre notre idéal comportemental, nos attentes et notre idée de la normalité 3, p. 158 ».

      • Être vu, entendu, compris, soutenu, encouragé, accepté dans ses réactions


        © Danielle Jasmin
        Les enfants ont besoin de se sentir aimés et en sécurité : ils ont besoin de notre temps et de notre attention inconditionnelle; ils ont besoin de frontières et de limites; ils ont besoin d’un espace dans lequel ils peuvent prendre des risques et commettre des erreurs; ils ont besoin de passer du temps en plein air; ils ont besoin qu’on arrête de les évaluer et de les comparer sans cesse; ils ont besoin d’une nourriture saine; ils ont besoin d’aspirer à quelque chose de plus vaste que l’acquisition du dernier gadget labellisé; ils ont besoin qu’on les laisse être eux-mêmes 8, p. 321 ».

        Il faut « tenir compte de leurs véritables besoins : être protégé et jouer librement 6, p.73». « L’être humain a besoin d’être respecté, d’être libre quel que soit son âge 4, p.150 ». « Ne jamais l’humilier, le dévaloriser 4, p.44 ». « La fragilité de son cerveau […] rendent ses besoins de compréhension, de mise en confiance, d’attention et de tendresse encore plus indispensables 4, p.201 ». Il a besoin qu’on accepte qu’il s’exprime même si cela nous est parfois désagréable, car « exprimer ses émotions désagréables […] apaise en calmant l’amygdale cérébrale, centre de la peur qui provoque les sécrétions de molécules de stress 4, p. 205 ». « Il a besoin qu’on le comprenne avant qu’on intervienne 3, p. 176 ».

      • Le besoin d’attachement

        « Un attachement sécure active les réseaux cérébraux d’ocytocine et de la dopamine 5, p. 234 ». Le type d’attachement va déterminer la qualité des relations sociales de l’enfant au présent et dans l’avenir.

      • Le développement affectif

        « La communication n’est possible que si elle s’inscrit dans une relation affective. Sans cette dimension affective, l’enfant s’échappe, s’enfuit, s’oppose. L’absence d’un lien affectif est anxiogène pour l’enfant et cela affecte le développement du cerveau 1, p.49 ».

        L’enfant a « besoin de douceur, de tendresse, de fermeté, de cohérence, d’intégrité, de confiance. Ce sont les ingrédients de base pour que son cerveau se développe adéquatement, pour qu’une estime de soi s’installe et se solidifie, pour qu’il puisse développer des comportements qui lui permettront de devenir autonome et engagé 1, p.49 ». « Les neurosciences démontrent que le développement affectif est à la base de la disponibilité de l’enfant pour accomplir ses tâches scolaires et s’impliquer adéquatement dans le monde qui l’entoure 1, p.17 ».

      • Le besoin d’appartenance

        Il est « fondamental au développement des enfants. Ce besoin est d’abord comblé par la famille. « Entre 6 et 12 ans, l’enfant transfère ce besoin sur le groupe d’amis et le milieu, l’école. » « L’enfant forme sa pensée et son identité en fonction des normes des membres de son groupe d’appartenance 6, p. 322 ».

      • Le sentiment de sécurité

        Les prémisses au sentiment de sécurité est qu’il se sente aimé pour ce qu’il est, pas ce qu’il fait 2, p. 136 » L’enfant a besoin de se sentir en sécurité pour développer à la fois ses ressources relationnelles et ses habiletés scolaires 2, p. 167 ». « La création d’un contexte rassurant, ludique et bienveillant est primordiale pour les enfants. Ce sentiment de sécurité leur permet d’utiliser toutes leurs ressources pour grandir, apprendre, pour se développer 2, p. 190 ». « À contrario […], ce n’est pas très gagnant de simuler, surtout dans les garderies et les écoles maternelles et primaires, des alertes incendies ou des attaques terroristes » 2, p. 190 ».

      • Le besoin de bouger


        © Danielle Jasmin

        « On sous-estime la puissance et la nécessité du mouvement. Pour un petit plein d’énergie, la contrainte d’immobilité est une véritable épreuve. […] Rester longtemps immobile n’est pas possible sans stress 4, p.53 ». « Le geste calme tout autant qu’il symbolise l’affect 1 p. 169 ». « Le mouvement fait diminuer stress et anxiété en plus de développer des habiletés motrices 1 ». « Bouger fait partie de la vie et des apprentissages». « L’enfant qui n’a pas encore un accès sûr aux mots passe par l’expérimentation et le mouvement pour s’exprimer 2, p.207 ».

      • Besoin et droit de jouer !!!


        © Anne Mauffette

        Le jeu est un besoin essentiel pour l’enfant. Le priver de jeu le met à risque biologiquement, psychologiquement, socialement et même au niveau de ses capacités à apprendre, de son succès académique et de son avenir. « Le temps passé à jouer est non seulement un immense plaisir pour l’enfant, mais il est en plus bénéfique en favorisant la croissance neuronale et synaptique et la consolidation de certaines voies neuronales 5, p. 260 . »

      • Le bien-être

        De quoi dépend le bien-être de l’enfant?

        « Quand les enseignants [ou d’autres adultes] sont empathiques et chaleureux, il se produit un cercle vertueux. L’enfant secrète de l’ocytocine qui déclenche la production successive de trois molécules : la dopamine, les endorphines et la sérotonine. Ces molécules produisent chez l’enfant ce dont l’enseignant [l’adulte] rêve : un enfant calme, motivé, heureux d’apprendre ».

        « L’ocytocine [est] l’hormone de l’amitié, de la coopération. Elle procure du bien-être. Elle permet d’être empathique, car elle aide à percevoir les émotions, elle diminue le stress, l’anxiété. Elle rend confiant. La dopamine stimule la motivation, donne du plaisir, de l’allant, de la créativité. Les endorphines procurent une sensation de bien-être. La sérotonine stabilise l’humeur 4 p. 179 ». « L’ocytocine est l’hormone de l’amour et de la vie sociale, du lien, de l’affection et de la vie sociale 5, p. 216 ». « L’ocytocine rapproche les êtres, favorise l’empathie. Elle produit « un sentiment de confiance sans lequel l’amour ou l’amitié ne se développe pas ». « Cela est donc essentiel au niveau individuel, mais aussi pour construire une communauté, une société du savoir vivre ensemble… 5, p. 223 ».

        « Une réaction en chaîne se produit : ocytocine>dopamine, endorphine et sérotonine> plaisir et bien-être. Toute stimulation sensorielle douce (mots doux, contact tendre) déclenche de l’ocytocine et donc réconforte ». « Même un simple échange de regard, s’il est bienveillant entraîne la sécrétion [de celle-ci] et donc réconforte». « Elle est aussi secrétée sans contact physique quand la relation est agréable ».

        « Toute intervention harmonieuse, une ambiance chaleureuse, une conversation agréable, un plaisir partagé provoquent la sécrétion d’ocytocine… 5, p. 222 ». « La seule évocation des êtres que nous aimons libère de l’ocytocine. »« L’ocytocine diminue le stress », et est « un puissant anxiolytique 5, p.220 ».

        « Les endorphines soulagent la douleur, diminuent l’anxiété, donnent du bien-être et accroissent l’attachement 5, p.245 ».

        « La sérotonine est un neurotransmetteur capital pour notre humeur et l’intelligence sociale et émotionnelle. Elle est également impliquée […] dans le sommeil, les comportements alimentaires ». « Elle stabilise l’humeur et réduit l’agressivité. Son rôle est donc primordial dans la construction de bonnes relations ». « Un faible niveau est souvent associé à des comportements impulsifs. Ne pas savoir maîtriser ses pulsions peut compromettre nos relations aux autres par des accès d’angoisse ou de colère ou sautes d’humeur imprévisible ». « Le manque de sérotonine rend difficile l’exploration calme des sentiments négatifs 5, p.247 ».

        « Le stress bloque la sécrétion de ces molécules [bienfaisantes] 5, p. 221 ».



    • Le tempérament


      © Anne Mauffette

      Cyrulnik, dans Je me souviens, décrit le tempérament comme une façon de goûter la vie. Proulx le considère inné, mais pas prédictif, car on peut apprendre à être plus ou moins ceci ou cela. Il détermine : «l’approche ou le retrait et l’adaptation face à la nouveauté, l’intensité des réactions émotives, le niveau d’activité, la régulation des fonctions biologiques, la concentration, distraction, la persévérance, l’humeur naturelle. Il faut en tenir compte 6, p.183».

    • L’attention

      « Le maintien d’une qualité d’attention partagée et soutenue […] est une habileté neurologique très complexe. Elle ne peut être acquise en dessous de 7ans. Elle reste difficile durant toute l’enfance et l’adolescence ». Il ne faut donc pas être trop rapide à conclure à un TDA ou TDAH3 3, p.180 .».

    • L’apprentissage


      © Anne Mauffette

      « L’apprentissage crée des déséquilibres internes… Ne pas savoir déclenche le désir de découvrir pour savoir et de se rééquilibrer par la connaissance expérimentée, concrètement, bien avant d’être en mesure de conceptualiser intellectuellement les choses 1, p.169 ».

    • Les fonctions exécutives

      « Les fonctions exécutives sont des capacités intellectuelles très importantes. Elles nous permettent d’organiser, de planifier nos tâches, de résister aux distractions, de nous adapter aux changements, de prendre des décisions adéquates, d’évaluer nos actions 4, p 106» .
      Elles se développent entre autres dans le jeu.

    • Compétences sociales


      © Danielle Jasmin

      « La plupart des compétences et des habiletés qui soutiennent les conduites sociales s’installent progressivement - car elles dépendent de phénomènes biologiques encodés génétiquement, mais soumis à la qualité de l’expérience vécue - au fur et à mesure que le cerveau se développe.
      Le cortex préfrontal qui favorise « notamment l’autonomie affective, la créativité, la compassion, le discernement, la perspective tant mathématique qu’émotionnelle, demande entre 35 et 40 ans pour atteindre sa pleine maturité… On peut comprendre, dès lors, pourquoi la maîtrise des aspects pulsionnels de l’enfant est corrélée avec le temps nécessaire pour que cette partie du cerveau devienne biologiquement efficace 1 p.20-21 ».

    • La motricité

      • Motricité globale

        « Il va falloir 7 années pour que la plupart des enfants soient capables de marcher de manière optimale, 1 p.19 », « pour que le cerveau soit capable de contrôler adéquatement les muscles de chevilles et des jambes ».

        « Au début, j’avais peur, mais là je suis capable», dit Nathan en remontant plusieurs fois avec fierté et confiance le petit mur d’escalade.

        Enfant qui grimpe
        © Anne Mauffette
        Ramper, s’exercer à la quadrupédie ventrale et dorsale, grimper, sauter (à un et deux pieds) et sautiller, courir, s’arrêter, garder son équilibre à l’arrêt et en déplacement, découvrir les notions spatiales et temporelles ainsi que l’organisation spatio-temporelle à travers le mouvement, sont à la base de la connaissance du schéma corporel, du contrôle du corps ainsi que des habiletés motrices. Pourtant, les enfants ont trop peu d’occasions de travailler leur grosse motricité.

        Par ailleurs, « les enfants sont exposés à leur manualité à un moment où la motricité globale devrait primer sur la motricité fine 2, p.247 ». « On s’étonne parfois que certains enfants soient malhabiles en maternelle et en première année dans leur motricité digitale. Pourtant, le cerveau a juste besoin de temps. Du temps pour se développer. En effet, la motricité fine - c’est-à-dire le mouvement des doigts- ne peut se déployer que si la motricité globale est devenue mature 3, p. 64 ».

      • Motricité fine et latéralité


        © Anne Mauffette

        « Le néocortex sensoriel, si utile notamment pour écrire et dessiner, [n’atteint] pas sa pleine maturité avant l’âge adulte, ce qui affecte la précision des gestes chez les enfants. » Il va falloir 7 années pour « qu’une molécule, appelée dopamine puisse être suffisamment stable dans les hémisphères du cerveau pour déterminer si l’enfant sera droitier ou gaucher…» « Est-ce cela qui pourrait expliquer pourquoi certains enfants ont de la difficulté à crayonner en maternelle » et à écrire au début du primaire? 1 p. 20 ».

        « Près de 20 % des enfants n’ont pas nécessairement développé de préférence manuelle quand ils entrent en première année du primaire ». « Cela veut dire qu’ils tiennent des crayons et ciseaux bien avant que leur cerveau soit assez mature pour déterminer s’ils sont droitiers ou gauchers. Par imitation, ces enfants prennent surtout la main droite pour la motricité fine… Cela facilite la vie scolaire occidentale qui est faite pour droitiers surtout à cause de l’écriture de gauche à droite.

        Par contre, ce sont des élèves qui risquent d’avoir un conflit toute leur vie entre la posture qui est gauchère et la main droitière ». « En classe ce sont des élèves qu’on risque de considérer comme dyslexiques, car d, et b ou q et p sont les mêmes lettres dans leur présentation imprimée selon s’ils sont centrés sur la main ou sur le corps » 2 p. 328-329.

        La « maladresse » d’un enfant en découpage par exemple peut donc être simplement due au fait que nous lui avons donné des ciseaux de droitier sans y penser… Des exercices de psychomotricité pourraient aider les enfants à jouer avec leurs deux mains et progressivement « sentir » leur côté préféré. L’observation de leurs gestes dans les activités courantes (faire semblant de se coiffer) ou dans les jeux vont nous et les aider à identifier leur dominante.

        « Il semble que les petits gestes quotidiens tels qu’apprendre à nouer ses lacets, tricoter ou attacher préparent les zones cérébrales nécessaires à l’apprentissage de l’écriture 6, p.100 .».

      • Le développement visuomoteur

        Les habiletés visuomotrices sont essentielles pour qu’un enfant puisse suivre une ligne d’écrit. Les enfants dont les habiletés physiques sont sous-développées ont besoin de plus de temps pour les développer à travers le jeu libre et structuré, AVANT d’en arriver à être prêt pour des tâches plus sédentaires et de motricité fine comme la lecture…

        « Lire, écrire, écouter et l’habileté à rester assis et focaliser son attention sur une tâche sans être distrait sont tous liés à la maturité et au fonctionnement du système nerveux central. Celui-ci est non seulement développé par le jeu, mais la maturité de ce système est reflété dans des habiletés physiques spécifiques telles que la posture, l’équilibre, la coordination et le contrôle du mouvement des yeux 7 p. 140 ».

    • Les différences


      © Anne Mauffette
      Ces deux garçons ont 7 mois de différence mais sont dans la même classe

      « L’acquisition des habiletés et compétences va subir des variations normales et naturelles entre les enfants du même groupe d’âge… » « Six mois de différence d’âge entre deux enfants représente près de 10 % du temps de maturation de plus ou de moins 1, p.21 ».

      « Il y a des différences individuelles considérables quant au moment où un enfant est « prêt à lire 7, p. 135 ». Il faut tenir compte « des stades de développement, de la maturation neurologique et des différences individuelles de développement y compris celles de genre. Les filles et garçons développent différentes habiletés à différents moments : les filles ont tendance à développer plus rapidement des habiletés de fine motricité et langagières nécessaires à la lecture écriture… alors que les garçons démontrent une plus grande maturité dans les habiletés spatiales plus tôt que celles-ci.» […] Bref, les cerveaux des garçons et des filles sont différents à différentes phases de développement 7, p.136 ».

      « Les enfants qui sont forcés à lire et écrire aux dépens du développement de leurs habiletés physiques risquent de rencontrer des difficultés d’apprentissage et une sous-réussite plus tard. Pour certains enfants, les méthodes one size fits all ne fonctionnent pas…Fixer des cibles ou attentes précises en littératie ou numératie à un jeune âge risque d’étiqueter les enfants comme sous-performants et de les priver des expériences sensorimotrices et de jeu nécessaires au développement physique qui soutient les apprentissages de haut niveau 7 p. 136 ».

    • Les rythmes de développement des différentes parties du cerveau

      Les différentes parties du cerveau se développent à différents moments dans le développement.

      © Danielle Jasmin
      Les garçons et les filles ont des rythmes différents de développement du cerveau


      L’hémisphère droit est légèrement en avance sur le gauche jusqu’à environ 7 ans et a plus de connexions avec les aires impliquées dans les fonctions physiques de base telles que le contrôle du mouvement, le traitement sensoriel, les émotions et la mémoire émotionnelle. L’hémisphère droit traite l’information holistique, considère davantage l’ensemble que les détails. Il a peu d’habiletés langagières, mais comprend les aspects non verbaux du langage. Il est plutôt visuel dans son traitement de l’information : c’est l’expert dans les problèmes visuospatiaux tels que les casse-têtes et labyrinthes et il est bon en dessin. Le côté droit a une habileté naturelle à copier une mélodie et des rythmes et est donc particulièrement réceptif à l’apprentissage à travers les chansons, les rythmes, les rimes et la danse. C’est le côté qui abrite l’imaginaire et qui croit que tout est possible.

      Les années de développement optimal de l’hémisphère droit se fait entre 4 et 7 ans, période où l’apprentissage est naturellement lié aux activités sensorimotrices. Retenir les lettres de l’alphabet […] se fait mieux […] mis en chanson par exemple. Ce sont les années où les enfants doivent pouvoir jouer, explorer leur environnement physique, construire des forts et des châteaux de sable, faire des jeux, apprendre des chansons et danses traditionnelles, apprendre des motifs par le mouvement dont l’information qui s’imprime dans le cerveau formera la base de la reconnaissance (perception visuelle) des symboles comme les lettres et les chiffres ainsi que la conscience de l’orientation (b et d, 2 et 5) tout en renforçant le corps grâce aux activités motrices. Le côté droit voit les mots entiers comme une image, mais il ne peut pas scinder les mots pour bâtir des mots à partir de lettres isolées. C’est une habileté du cerveau gauche qui est aussi liée à la discrimination auditive et au traitement auditif.

      L’hémisphère gauche lui aussi se développe rapidement et a ses propres fonctions. Quand il croit en maturité, il devient logique et analytique. S’il ne peut trouver la solution à un problème, il va tenter de le décortiquer en plus petites parties et les examiner. Il a des centres spécialisés pour la parole et la compréhension du langage parlé, pour le décodage phonétique, et pour certains aspects liés aux nombres, mais ne peut résoudre de problèmes mathématiques sans le cerveau droit.

      Les fonctions exécutives des deux côtés du cerveau sont construites sur les bases solides de l’intégration sensori-motrice qui sont activées dans les trois premières années et demi de la vie, développées entre 4 et 7 ans à travers les interactions et le jeu et qui subissent une importante réorganisation neurologique entre 6 ans et demi et 7 ans et demi alors que les chemins reliant les deux hémisphères, les mécanismes d’équilibre et une partie du cerveau impliquée dans la régulation du contrôle de la motricité fine et certaines tâches séquentielles (le cerebellum) terminent un stade de myélinisation… C’est à cet âge qu’on COMMENCE l’éducation obligatoire dans bien des pays.

      Les centres dans le cerveau gauche et les connexions avec le cerveau droit ne se développent qu’entre 6 et demi et 8 ans chez les filles et 7 et 9 ans chez les garçons.


      Les centres dans les cerveaux droits et gauches traitent le matériau écrit de façons différentes. Alors que le cerveau droit permet aux enfants de reconnaître visuellement les mots dans leur globalité (comme des images) par la forme, reconnaissant habituellement la première et la dernière lettre et devinant le reste, les centres dans le cerveau gauche et les connexions avec le cerveau droit ne se développent qu’entre 6 et demi et 8 ans chez les filles et 7 et 9 ans chez les garçons. C’est le centre de la lecture dans le cerveau gauche qui permet d’associer le son à la lettre et leur permet de décoder les mots phonétiquement afin qu’ils puissent apprendre comment les épeler.

      Les fondations pour le décodage phonétique dans la petite enfance sont construites en écoutant et en utilisant la musique, les chansons, les rimes, les mots difficiles, les vire langues, les conversations… Apprendre à lire commence par la reconnaissance visuelle et auditive de motifs, écrire commence avec le dessin ».

      Ces paragraphes sont une traduction libre de Early learning and the erosion of childhood 7 p.137 et 138 .



  • Conclusion
    Les besoins des enfants sont donc nombreux, à nous d’y prendre garde.

    « L’éducation est d’abord « une assistance à la croissance biologique et psychologique et à la maturation d’êtres humains » (Malaguzzi∗).

    Les enfants nous disent qui ils sont, ce dont ils ont besoin et ce qu’ils veulent. À nous d’écouter. Première règle à essayer de suivre : ne pas nuire. Je vous invite à voir la suite dans les parties 2 et 3 : Les conditions qui nuisent au développement de l’enfant et son cerveau ainsi que les conditions qui favorisent le développement de l’enfant et son cerveau.(à venir)


  • Références

    Ce texte est un montage d’extraits et de citations, regroupés par thèmes, tirés des lectures suivantes :

      Joël Monzée :
    1. Soutenir le développement affectif de l’enfant, CARD, 2014 ;
    2. J’ai juste besoin de votre attention : Aider l’enfant et l’adolescent aux prises avec l’anxiété et le stress, Le dauphin blanc 2016;
    3. J’ai juste besoin d’être compris : Comprendre les comportements dérangeants chez l’enfant et l’adolescent Le Dauphin Blanc, 2014; 3b. Et si on les laissait vivre : Accompagner avec bienveillance les enfants et les adolescents. Le Dauphin Blanc, 2018.

      Catherine Gueguen :
    4. Vivre heureux avec son enfant, 2014, Robert Lafont ;
    5. Pour une enfance heureuse : Repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, 2015, Pocket .

      Chantal Proulx :
    6. Plaidoyer pour une enfance heureuse, Éditions du Cram, 2015

      Richard House:
    7. « Too Much too soon? Early learning and the erosion of childhood, Hawthorn Press, Early Learning Series, 2011

      Carl Honoré:
    8. Manifeste pour une enfance heureuse, Marabout, 2008


    Note : Certains passages ont été écourtés et des liens ont été créés entre eux pour faciliter la lecture. Quelques ajouts ont été faits pour commenter ou compléter certaines entrées. Les caractères en gras ont été ajoutés.



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