mercredi 19 novembre 2025

La collaboration enseignante-orthophoniste

 Par Ninon Denommée

     Je vais vous raconter une belle histoire, l'histoire d’une vraie collaboration entre moi, enseignante à la maternelle 4ans et Céline ma super orthophoniste.

      Cette histoire commence en 1995, année où j’arrive en maternelle 4ans à l’école Enfant-Soleil, après avoir enseigné à l’université à l’éducation préscolaire et fait de la supervision de stages pendant une dizaine d’années. Avant j’avais enseigné dans différents milieux en maternelle 5 ans en fait j’ai commencé en 1973. Dans ces années-là on ne parlait même pas d’orthophonie au préscolaire.


    En arrivant à Enfant-Soleil, je découvre une école de quartier aux couleurs de l’univers, où la quasi totalité des enfants sont issus de l’immigration et de partout dans le monde.

   J’accueille donc mes petits de 4ans qui n’ont encore jamais quitté leur milieu familial et qui ne parlent pas français. Je les trouve courageux.

    Vous pouvez facilement les imaginer heureux de pouvoir jouer même s’ils ne se parlent pas ou peu puisqu’ils ne parlent pas la même langue. Je me souviens de deux garçons qui jouaient ensemble aux autos en silence car ils n’avaient pas encore découvert qu’ils parlaient la même langue…et de deux petites filles qui jouaient ensemble au coin maison, se parlaient tout naturellement et semblaient se comprendre mais qui finalement ne parlaient pas du tout le même dialecte…et pourtant ils arrivaient à communiquer. Mais il y avait aussi des enfants pour qui la séparation d’avec maman était plus difficile et ils me le communiquaient sans parler, avec des pleurs, et je les comprenaient tellement je ne ressemblais pas du tout à leur maman et je ne parlais pas leur langue. Les gestes, le regard, la présence doivent remplacer les mots…faut prendre son temps pour apprendre à se connaître .

Je découvre aussi qu’à l’école il y a une orthophoniste pour le préscolaire. Céline.

Les journées de septembre passent, les enfants sont de plus en plus à l’aise dans la classe, plus en confiance. Ils comprennent les consignes de la routine et connaissent déjà quelques mots….les plus importants pour eux : jouer? manger? pipi!!!!

Je rencontre Céline, la formidable orthophoniste, pour lui parler des enfants, de ce que j’ai pu observer d’eux dans leurs gestes quotidiens, dans leurs jeux. Je lui parle de l’importance de les voir pendant qu’ils jouent, c’est là qu’ils sont le plus eux-mêmes …je lui parle de l’importance qu’ils se sentent en confiance avec les adultes qui les entourent.

Je l’invite à venir à leur rencontre pendant les jeux, le moment idéal. Céline est d’accord . On regarde son horaire déjà bien rempli et on trouve une place pour qu’elle puisse venir jouer avec mes petits .

Ensemble, avec le temps, à partir de nos observations on cible certains enfants qui semblent avoir besoin d’un petit coup de pouce supplémentaire pour dire ou prononcer avec plus de facilité.

Céline s’organise pour se rapprocher d’eux pendant qu’ils jouent et profite de chaque occasion pour nommer, jouer et jouer avec les mots.

Après un certain temps quand Céline est devenue quelqu’un qui fait partie du groupe on passe à une nouvelle étape. Elle part avec un ou deux enfants et les amène dans son petit local pour jouer, parler, communiquer . Tout passe toujours par le jeu. Pour que cela soit possible il fallait que l’enfant se sente en confiance et accepte de partir avec le sourire main dans la main avec Céline. C’était parti et elle pouvait maintenant mettre en place les différentes interventions choisies. Un jeu à plusieurs, inviter les parents, seule avec un enfant pour lire un livre, inventer, bricoler… …

 


C’est ainsi que pendant une quinzaine d’années, j’ai vu des enfants avoir de plus en plus le goût de communiquer, de parler en français et aussi dans leur langue maternelle .

Tout ça a été possible parce que Céline, ma super orthophoniste, a été dès le début à l’écoute , qu’elle a accepté de sortir d’un cadre établi, d’un fonctionnement existant parce qu’elle a cru aux enfants , cru en l’importance de bâtir d’abord et avant tout avec l’enfant un sentiment de confiance et qu’elle a reconnu que c’est en partant de leurs jeux et non de ceux qu’on impose  qu’on apprend à bien les connaître et être là où ils ont besoin d’aide.

Cette collaboration a fait des petits et une véritable équipe s’est formée avec la 

psycho-éducatrice, la psychologue. Une équipe devenue une force parce qu’ensemble on allait toutes dans la même direction pour accompagner et soutenir ces petits curieux dans les meilleures conditions pour grandir en maternelle 4ans .



Pour terminer je vais vous raconter une histoire que je n’ai jamais oubliée. 






https://youtu.be/Jwrc0zRyS68?si=JS05FUxhiz8E2lB0







Je ne pourrai pas vous faire la liste complète de ce qu’on a vécu ensemble toujours avec l’intention de répondre aux besoins des enfants . Mais je vous donnerais un autre exemple: quand on a vu lors des journées d’accueil des parents pleurer en nous confiant leurs enfants on a vite réagi et on a compris qu’ils avaient aussi besoin d’être rassurés. Alors l’équipe s’est mobilisée et a été présente pour les inviter à venir prendre un café… Jaser sans formalités et commencer à tisser avec le parent ce même lien de confiance . 

Voilà c’était la belle histoire d’une vraie collaboration où l’expertise de chacune a été reconnue et respectée.

 La rigueur avait sa place mais tout juste à côté du bonheur .


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