samedi 13 mai 2023

Contre la création d’un Institut National d’Excellence en Éducation


Anne Gillain, pédagogue consultante, maîtrise en éducation, ex professeure en TEE, ex chargée de cours au niveau universitaire

Je lisais dans les médias, l’avènement  d’un Institut d’excellence en éducation qui aurait pour but de faire  des recherches afin d’informer les milieux éducatifs des «meilleurs pratiques» basées sur des  données « probantes» (mots chéris ces derniers temps) et d’offrir de la formation. Pourtant les recherches et la formation en éducation  existent déjà. Cela n’est-il pas le mandat des Universités? Pourquoi, alors que les budgets consacrés aux recherches de celles-ci et à leur diffusion ont diminué, vouloir  créer une autre entité? Pourquoi injecter de l’argent dans une nouvelle structure alors que  des institutions dédiées à ces objectifs sont exsangues? Il me semble que plusieurs voix sont nécessaires pour éclairer le monde de l’éducation. Je crains que cet Institut n’encourage que certains types de recherche  (surtout quantitatives et basées sur les « données probantes») et ne défende que certaines positions tout en contrôlant le discours.

La multiplicité des Universités et leurs chercheurs nous garantissent une variété des perspectives qui permettent d’enrichir la réflexion, de nuancer les propos et de mieux orienter les décisions.  Je crois que cette nouvelle structure risque  d’être monopolisée par certains groupes déjà très médiatisés et que des études valables soient écartées. Je me méfie de l’uniformisation des recherches dans cet Institut et du contrôle qu’il pourra exercer sur les problèmes qui y seront étudiés. Je redoute surtout que les « résultats» des recherches de cet Institut déterminent des pratiques prescrites  dans les écoles et au préscolaire comme s’il n’y avait qu’une seule voie, une vérité  et une seule solution applicable à tous les milieux, tous les enfants et tous les problèmes locaux.  Les enseignants deviendraient en quelque sorte des techniciens appliquant les conseils des « experts» de l’Institut. Vive la diversité des recherches dans nos Universités! Bien informés des recherches universitaires  grâce à une diffusion améliorée et entre autres grâce aux conseillères pédagogique dont c’est la mission ou plutôt c’était, car leurs postes ont souvent été coupés ou leur rôle transformé en bureaucrates, les enseignantes et enseignants garderont l’initiative des moyens pour répondre aux besoins et spécificités des enfants, élèves et familles de leurs milieux.  Il ne faut pas non plus sous-estimer l’expertise des enseignantes acquise avec l’expérience : elles sont d’une certaine manière aussi des chercheures qui évaluent et adaptent sans cesse leurs interventions pédagogiques à la réalité et peuvent même être de bonnes critiques par rapport aux recherches et leur utilité pratique. Sans parler du Ministère de l’Éducation où, chose trop méconnue du public qui n’y voit qu’un bras gouvernemental et politique, il y a déjà  différents programmes de recherche dont ceux sur la persévérance scolaire et sur l’écriture et la lecture où œuvrent  des personnes très au courant des dernières recherches d’ici et d’ailleurs mais peu écoutées par leurs administrateurs. Quant à la mission de donneur d’avis, celle-ci est déjà tenue et fort bien par le Conseil Supérieur de l’Éducation. Alors pourquoi ce dédoublement? Ce que les familles désirent et les enseignantes et enseignants aussi, c’est qu’on investisse concrètement dans les milieux éducatifs qu’on s’est donnés pour qu’on y réinstaure les services disparus et les améliore, pas dans un nouvel organisme redondant.

 

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