Des livres pour nous aider à :
Mettre l’empathie au cœur de notre pédagogie au préscolaire.
On souhaiterait
que les enfants soient toujours réfléchis, coopératifs, gentils, créatifs,
empathiques, qu’ils fassent ce qu’on leur demande, etc. En fait on voudrait qu’ils
soient comme des adultes responsables! Mais le cerveau de l’enfant est trop
immature pour répondre à toutes nos demandes.
Voici deux livres
à méditer, à digérer, sur nos attentes et nos manières d’être et de communiquer
avec les enfants.
Le premier
s’intéresse au stress des enfants, aux violences éducatives ordinaires et aux
mécanismes biologiques mis en jeu par ceux-ci ainsi qu’aux moyens de les réduire
dans la vie des enfants, entre autres par la communication non violente ou
consciente ou empathique.
Le deuxième,
s’adresse aux adultes ayant ou œuvrant auprès d’enfants de 2 à 7ans. On nous
donne plein d’exemples de reformulations possibles dans nos échanges
conflictuels avec les enfants.
Tous les
deux nous incitent à reconnaître, nommer et accueillir les émotions des
enfants.
Le
premier
Je viens de
terminer les livre de Catherine Gueguen Heureux d’apprendre à l’école. J’avais déjà lu ses précédents livres1,2,
plus axés sur les parents mais celui-ci s’adresse au contexte scolaire et donc
à nous les enseignantes. Cela peut quand même aussi s’adresser aux éducatrices
en CPE, en garderie, en milieu familial et aux parents.
L’auteure
s’intéresse aux émotions et aux relations sociales et particulièrement aux
mécanismes des structures cérébrales et aux circuits neuronaux liés à celles-ci.
On y insiste sur l’importance capitale,
déterminante, de la relation enfant-adulte et «l’immense influence de notre
attitude sur autrui» (p.54).
Quand on se
rend compte que chaque relation, chaque rencontre affecte le cerveau et le
transforme. Que tout ce qu’on fait peut influer directement le développement du
cerveau de l’enfant, on sent le poids de notre responsabilité augmenter. Savoir
que les dires et actions des adultes autour de lui, vont déterminer ses
capacités à apprendre, à être empathique, etc., peut sembler énorme.
On va
nous-mêmes, avoir besoin de l’empathie de nos collègues, parents et amis et une
bonne dose d’auto-empathie pour pouvoir mieux aider les enfants.
Il faut, nous
dit-on, que cette relation soit sécurisante, empathique, soutenante et aimante,
choses que nous savons déjà, mais qui est plus facile à dire qu’à faire, dans
certaines circonstances. Heureusement cela s’apprend.
Cette
relation va jouer un grand rôle dans le bien-être, le développement, l’apprentissage,
la mémorisation, la motivation, la créativité, la coopération, et l’ l’épanouissement de l’enfant.
Elle peut
modifier la grosseur de certaines parties du cerveau, transformer les
structures neuronales, la production de neurotransmetteurs, la présence de
différentes molécules, protéines et substances et même l’expression ou non de
certains gènes. Cette description dans le livre est fascinante et expliquée
clairement.
Alors
comment soutenir l’enfant? Rassurer, consoler ont des effets positifs sur la
maturation du cerveau. Encourager bien sûr, mais pas par des compliments axés
sur la personne (« que tu es intelligent») qui peuvent créer de l’anxiété ou un
évitement des tâches par la suite mais par des compliments (je préfère le terme
commentaires) descriptifs. On souligne ses efforts («tu as travaillé fort»),
ses réalisations. Avoir des gestes d’affection développe «le cerveau social» c'est-à-dire
«les réseaux neuronaux mettant en
relation avec les autres.
L’auteure
développe en détails les effets néfastes
du stress chez les enfants. Quand l’enfant est stressé, il secrète du cortisol
qui bloque l’ocytocine. Or L’ocytocine, c’est ce qui nous permet d’être empathiques.
Combien de
fois par jours les enfants se font-ils donner des ordres et des consignes:
«habille-toi, range ceci, va te laver les mains, ne fais pas ceci ou cela,
dépêche-toi, mange», ou faire des
reproches : «arrête de parler dans les corridors, tu n’as pas accroché ton
sac, tu as encore oublié de… » ou se font rabaisser. On critique les enfants plus que l’on pense.
Sans oublier les menaces « si tu ne fais pas ceci, tu n’auras pas cela» et les punitions,
les paroles blessantes et la mise à l’écart.
Comme adulte,
nous ne supporterions pas cela. Mais cela fait partie du quotidien des enfants.
Certains
enfants subissent des humiliations verbales ou physiques (en fait, une majorité
dans le monde!) sans parler de la maltraitance qui ont des effets délétères. «Le
facteur de résilience le plus important est la rencontre de personnes
bienveillantes (…) aussi bien dans le milieu familial que social» (p. 24) qui
va permettre à l’enfant qui a vécu des évènements difficiles ou qui est issu de
populations à risque d’être résilient». (p.25)
«Le métier
d’enseignant est l’une des professions les plus stressantes parce qu’elle exige
beaucoup de compétences relationnelles.» …« L’une des cause fréquentes de
burn-out vient des relations difficiles avec les élèves qui ont des
comportements perturbateurs et manquent de respect à leur égard (p.26).
Les enfants
ne font pas exprès de nous contrarier, ils sont souvent submergés par leurs
émotions. Il faut savoir le cerveau orbitofrontal
responsable entre autres de réguler les émotions, de démontrer de
l’empathie et de prendre des décisions, se
développe jusqu’à 25 ans. Le cortex préfrontal et les circuits neuronaux qui
permettent «d’être raisonnable» ne commencent à maturer que vers 5, 6 ans
(p.44). Le jeune enfant est dominé par les cerveaux archaïques et émotionnels : il peut donc avoir des
gestes violents, de grandes colères, de profonds chagrins ou des paniques qui
le font souffrir (p.43).
Les émotions
ne sont ni bonnes ni mauvaises, ni positives ou négatives, mais agréables ou
désagréables. Elles sont toutes utiles à l’individu pour exprimer ce qu’il
ressent ou un besoin non assouvi.
Développer
nos propres compétences socio-émotionnelles et celles des enfants est tout un
défi. Vers l’âge de 5-6 ans, une poussée de croissance neuronale permet aux
enfants de commencer à contrôler un peu mieux leurs émotions, à comprendre
leurs causes et les surmonter (p.276). Notre rôle est d’aider les enfants dans
ces processus difficiles et essentiels.
L’importance
de l’empathie
L’empathie
crée l’empathie. Comme la bienveillance, c’est un regard positif posé sur
l’autre. L’attitude empathique favorise l’attachement sécurisé des enfants.
Mais les
enfants insécurisés ne sont pas condamnés à le rester s’ils sont en présence de
personnes sécurisantes, d’où l’importance des autres adultes en milieu
éducatif. L’attachement sécurisé à l’éducatrice ou l’enseignante va augmenter
les compétences de base nécessaires à l’apprentissage.
Pour être
empathique il faut savoir: percevoir les signaux émotionnels, les
interpréter correctement et répondre de façon appropriée.
Quand les
adultes sont capables d’empathie, l’enfant va secréter de l’ocytocine (diminution
du stress et de l’anxiété, molécule de l’amitié, de l’amour, de la joie de
vivre) ce qui va déclencher la production de dopamine (motivation, plaisir,
créativité), d’endorphines (bien-être) et de sérotonine (stabilisation
l’humeur).
Il va
progressivement développer ses fonctions exécutives (attention, mémoire de travail,
organisation, inhibition) et réguler ses émotions et son comportement.
Cela va
diminuer l’agressivité chez l’enfant et augmenter sa coopération.
Aider les
enfants à comprendre la cause de leurs émotions, les amène vers une
connaissance d’eux-mêmes.
On peut facilement se tromper sur ce que ressent l’autre, aussi est-ce bon de vérifier si notre interprétation est bonne. Un exemple de mon cru: N. pleure dans son lit. Il y a eu ne dispute avec son frère. « Est-ce que tu es triste parce que ton frère t’a traité de nul?» «Non, c’est qu’on avait pas fini le jeu». (La maman avait mis fin au jeu étant donné la mésentente).
Des
formations peuvent nous rendre plus
conscients de nos paroles. Madame Gueguen rêve de faire rentrer la
Communication non violente dans toutes les écoles aussi bien pour les
enseignantes que les enfants. La personne apprend à exprimer ses ressentis,
puis formule ce qu’elle souhaite. Par exemple une enseignante va dire sans
agressivité : « je suis fatiguée de tout ce désordre et j’aimerais bien ne
pas me sentir seule à ranger la classe. Seriez-vous d’accord pour m’aider»?
La formation
des enfants passe d’abord par
l’imitation de l’adulte. Les enfants vont observer attentivement comment l’adulte
intervient quand un enfant a une difficulté et enregistrent la scène dans leur
cerveau.
Mais on se
sent souvent bien démunis devant certains comportements des enfants. Les
comportements agressifs sont un problème majeur car il est difficile de
composer avec : ils perturbent le climat, diminuent la qualité de
l’apprentissage, des relations avec les pairs et avec les adultes (p170).
Des
formations sur nos compétences socio-émotionnelles et celles des enfants peuvent
nous informer sur les caractéristiques des
enfants qui démontrent de l’agressivité et nous donner des pistes pour les
aider à prendre conscience de leur agressivité, à saisir ce qui la déclenche et
à développer l’envie de changer et de se contrôler.
L’auteure
suggère de passer entre autres par les livres et les histoires, suivis
d’échanges autour des émotions, après les histoires.
La
maternelle est une étape clé car à cet âge le cerveau est encore très
plastique; toutes les expériences le remanient en permanence et l’attitude de l’enseignante
y contribue.
Tous les
efforts fournis pour établir une bonne relation enfant-adulte a aussi un autre
avantage : cela va aussi profiter au bien-être de l’adulte lui-même qui va
se sentir plus compétent.
Bref, un
livre essentiel si on veut mieux comprendre le fonctionnement du cerveau émotionnel,
ses liens avec l’apprentissage et le rôle qu’on joue dans celui-ci.
Pourquoi ne
pas en faire un sujet de discussion dans une rencontre avec les parents pour qu’ils découvrent l’impact de
nos énoncés et découvrir d’autres mots pour le dire.
Références :
Gueguen Catherine (2015) Pour une enfance heureuse repenser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Pocket, Robert Laffont.
Gueguen
Catherine (2015) Vivre heureux avec son
enfant. Un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences
affectives, Pocket, Robert Laffont
Gueguen, Catherine (2018) Heureux
d’apprendre à l’école. Comment les
neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation, Les
arènes, Flammarion, Paris
Si le sujet
vous intéresse, voir aussi cet article : Comment soutenir le développement moral et l’empathie chez les enfants :
https://jeulibrequebec.blogspot.com/2024/01/comment-soutenir-le-developpement-moral_7.html
Pour voir la deuxième partie: https://jeulibrequebec.blogspot.com/2025/02/recension-de-livres-deuxieme-partie.html
Pour voir l'article au complet:https://jeulibrequebec.blogspot.com/2025/02/des-livres-pour-nous-aider.html
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