mardi 11 février 2025

Recension de livres: Première partie

 Des livres pour nous aider à :

Mettre l’empathie au cœur de notre pédagogie au préscolaire.

Trois enfants coopèrent à récupérer un jouet de l’autre côté de la clôture

On souhaiterait que les enfants soient toujours réfléchis, coopératifs, gentils, créatifs, empathiques, qu’ils fassent ce qu’on leur demande, etc. En fait on voudrait qu’ils soient comme des adultes responsables! Mais le cerveau de l’enfant est trop immature pour répondre à toutes nos demandes.

Voici deux livres à méditer, à digérer, sur nos attentes et nos manières d’être et de communiquer avec les enfants.

Le premier s’intéresse au stress des enfants, aux violences éducatives ordinaires et aux mécanismes biologiques mis en jeu par ceux-ci ainsi qu’aux moyens de les réduire dans la vie des enfants, entre autres par la communication non violente ou consciente ou empathique.

Le deuxième, s’adresse aux adultes ayant ou œuvrant auprès d’enfants de 2 à 7ans. On nous donne plein d’exemples de reformulations possibles dans nos échanges conflictuels avec les enfants.

Tous les deux nous incitent à reconnaître, nommer et accueillir les émotions des enfants.

Le premier

Je viens de terminer les livre de Catherine Gueguen  Heureux d’apprendre à l’école.  J’avais déjà lu ses précédents livres1,2, plus axés sur les parents mais celui-ci s’adresse au contexte scolaire et donc à nous les enseignantes. Cela peut quand même aussi s’adresser aux éducatrices en CPE, en garderie, en milieu familial et aux parents.

L’auteure s’intéresse aux émotions et aux relations sociales et particulièrement aux mécanismes des structures cérébrales et aux circuits neuronaux liés à celles-ci.

On y  insiste sur l’importance capitale, déterminante, de la relation enfant-adulte et «l’immense influence de notre attitude sur autrui» (p.54).

Quand on se rend compte que chaque relation, chaque rencontre affecte le cerveau et le transforme. Que tout ce qu’on fait peut influer directement le développement du cerveau de l’enfant, on sent le poids de notre responsabilité augmenter. Savoir que les dires et actions des adultes autour de lui, vont déterminer ses capacités à apprendre, à être empathique, etc., peut sembler énorme.

On va nous-mêmes, avoir besoin de l’empathie de nos collègues, parents et amis et une bonne dose d’auto-empathie pour pouvoir mieux aider les enfants.

Il faut, nous dit-on, que cette relation soit sécurisante, empathique, soutenante et aimante, choses que nous savons déjà, mais qui est plus facile à dire qu’à faire, dans certaines circonstances. Heureusement cela s’apprend.

Cette relation va jouer un grand rôle dans le bien-être, le développement, l’apprentissage, la mémorisation, la motivation, la créativité, la coopération, et l’  l’épanouissement de l’enfant.

Elle peut modifier la grosseur de certaines parties du cerveau, transformer les structures neuronales, la production de neurotransmetteurs, la présence de différentes molécules, protéines et substances et même l’expression ou non de certains gènes. Cette description dans le livre est fascinante et expliquée clairement.

Alors comment soutenir l’enfant? Rassurer, consoler ont des effets positifs sur la maturation du cerveau. Encourager bien sûr, mais pas par des compliments axés sur la personne (« que tu es intelligent») qui peuvent créer de l’anxiété ou un évitement des tâches par la suite mais par des compliments (je préfère le terme commentaires) descriptifs. On souligne ses efforts («tu as travaillé fort»), ses réalisations. Avoir des gestes d’affection développe «le cerveau social» c'est-à-dire  «les réseaux neuronaux mettant en relation avec les autres.

L’auteure développe en détails  les effets néfastes du stress chez les enfants. Quand l’enfant est stressé, il secrète du cortisol qui bloque l’ocytocine. Or L’ocytocine, c’est ce qui nous permet d’être empathiques.

Combien de fois par jours les enfants se font-ils donner des ordres et des consignes: «habille-toi, range ceci, va te laver les mains, ne fais pas ceci ou cela, dépêche-toi, mange»,  ou faire des reproches : «arrête de parler dans les corridors, tu n’as pas accroché ton sac, tu as encore oublié de… » ou se font rabaisser.  On critique les enfants plus que l’on pense. Sans oublier les menaces « si tu ne fais pas ceci, tu n’auras pas cela» et les punitions, les paroles blessantes et la mise à l’écart.

Comme adulte, nous ne supporterions pas cela. Mais cela fait partie du quotidien des enfants.

Certains enfants subissent des humiliations verbales ou physiques (en fait, une majorité dans le monde!) sans parler de la maltraitance qui ont des effets délétères. «Le facteur de résilience le plus important est la rencontre de personnes bienveillantes (…) aussi bien dans le milieu familial que social» (p. 24) qui va permettre à l’enfant qui a vécu des évènements difficiles ou qui est issu de populations à risque d’être résilient». (p.25)

«Le métier d’enseignant est l’une des professions les plus stressantes parce qu’elle exige beaucoup de compétences relationnelles.» …« L’une des cause fréquentes de burn-out vient des relations difficiles avec les élèves qui ont des comportements perturbateurs et manquent de respect à leur égard (p.26).

Les enfants ne font pas exprès de nous contrarier, ils sont souvent submergés par leurs émotions. Il faut savoir le  cerveau orbitofrontal responsable entre autres de réguler les émotions, de démontrer de l’empathie  et de prendre des décisions, se développe jusqu’à 25 ans. Le cortex préfrontal et les circuits neuronaux qui permettent «d’être raisonnable» ne commencent à maturer que vers 5, 6 ans (p.44). Le jeune enfant est dominé par les cerveaux archaïques et  émotionnels : il peut donc avoir des gestes violents, de grandes colères, de profonds chagrins ou des paniques qui le font souffrir (p.43).

Les émotions ne sont ni bonnes ni mauvaises, ni positives ou négatives, mais agréables ou désagréables. Elles sont toutes utiles à l’individu pour exprimer ce qu’il ressent ou un besoin non assouvi.

Développer nos propres compétences socio-émotionnelles et celles des enfants est tout un défi. Vers l’âge de 5-6 ans, une poussée de croissance neuronale permet aux enfants de commencer à contrôler un peu mieux leurs émotions, à comprendre leurs causes et les surmonter (p.276). Notre rôle est d’aider les enfants dans ces processus difficiles et essentiels.

L’importance de l’empathie

Photo Pinnacle
L’entraide est une manifestation d’empathie

L’empathie crée l’empathie. Comme la bienveillance, c’est un regard positif posé sur l’autre. L’attitude empathique favorise l’attachement sécurisé des enfants.

Mais les enfants insécurisés ne sont pas condamnés à le rester s’ils sont en présence de personnes sécurisantes, d’où l’importance des autres adultes en milieu éducatif. L’attachement sécurisé à l’éducatrice ou l’enseignante va augmenter les compétences de base nécessaires à l’apprentissage.

Pour être empathique il faut savoir: percevoir les signaux émotionnels, les interpréter correctement et répondre de façon appropriée.

Quand les adultes sont capables d’empathie, l’enfant va secréter de l’ocytocine (diminution du stress et de l’anxiété, molécule de l’amitié, de l’amour, de la joie de vivre) ce qui va déclencher la production de dopamine (motivation, plaisir, créativité), d’endorphines (bien-être) et de sérotonine (stabilisation l’humeur).

Il va progressivement développer ses fonctions exécutives (attention, mémoire de travail, organisation, inhibition) et réguler ses émotions et son comportement.

Cela va diminuer l’agressivité chez l’enfant et augmenter sa coopération.

Aider les enfants à comprendre la cause de leurs émotions, les amène vers une connaissance d’eux-mêmes.

On peut facilement se tromper sur ce que ressent l’autre, aussi est-ce bon de vérifier si notre interprétation est bonne. Un exemple de mon cru: N. pleure dans son lit. Il y a eu ne dispute avec son frère. « Est-ce que tu es triste parce que ton frère t’a traité de nul?» «Non, c’est qu’on avait pas fini le jeu». (La maman avait mis fin au jeu étant donné la mésentente).

Des formations peuvent nous  rendre plus conscients de nos paroles. Madame Gueguen rêve de faire rentrer la Communication non violente dans toutes les écoles aussi bien pour les enseignantes que les enfants. La personne apprend à exprimer ses ressentis, puis formule ce qu’elle souhaite. Par exemple une enseignante va dire sans agressivité : « je suis fatiguée de tout ce désordre et j’aimerais bien ne pas me sentir seule à ranger la classe. Seriez-vous d’accord pour m’aider»?

La formation des enfants passe  d’abord par l’imitation de l’adulte. Les enfants vont observer attentivement comment l’adulte intervient quand un enfant a une difficulté et enregistrent la scène dans leur cerveau.

Photo Danielle Jasmin

 

Mais on se sent souvent bien démunis devant certains comportements des enfants. Les comportements agressifs sont un problème majeur car il est difficile de composer avec : ils perturbent le climat, diminuent la qualité de l’apprentissage, des relations avec les pairs et avec les adultes (p170).

Des formations sur nos compétences socio-émotionnelles et celles des enfants peuvent  nous informer sur les caractéristiques des enfants qui démontrent de l’agressivité et nous donner des pistes pour les aider à prendre conscience de leur agressivité, à saisir ce qui la déclenche et à développer l’envie de changer et de se contrôler.

L’auteure suggère de passer entre autres par les livres et les histoires, suivis d’échanges autour des émotions, après les histoires.

La maternelle est une étape clé car à cet âge le cerveau est encore très plastique; toutes les expériences le remanient en permanence et l’attitude de l’enseignante y contribue. 

Tous les efforts fournis pour établir une bonne relation enfant-adulte a aussi un autre avantage : cela va aussi profiter au bien-être de l’adulte lui-même qui va se sentir plus compétent.

Bref, un livre essentiel si on veut mieux comprendre le fonctionnement du cerveau émotionnel, ses liens avec l’apprentissage et le rôle qu’on joue dans celui-ci.

Pourquoi ne pas en faire un sujet de discussion dans une rencontre avec les  parents pour qu’ils découvrent l’impact de nos énoncés et découvrir d’autres mots pour le dire.

 

Références :

Gueguen Catherine (2015) Pour une enfance heureuse repenser l'éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Pocket, Robert Laffont.

Gueguen Catherine (2015) Vivre heureux avec son enfant. Un nouveau regard sur l’éducation au quotidien grâce aux neurosciences affectives, Pocket, Robert Laffont

Gueguen, Catherine   (2018) Heureux d’apprendre à l’école.  Comment les neurosciences affectives et sociales peuvent changer l’éducation, Les arènes, Flammarion, Paris

Si le sujet vous intéresse, voir aussi cet article : Comment soutenir le développement moral et l’empathie chez les enfants : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2024/01/comment-soutenir-le-developpement-moral_7.html


Pour voir la deuxième partiehttps://jeulibrequebec.blogspot.com/2025/02/recension-de-livres-deuxieme-partie.html

Pour voir l'article au complet:https://jeulibrequebec.blogspot.com/2025/02/des-livres-pour-nous-aider.html

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