lundi 9 octobre 2023

Les Mathématiques dans le Jeu: Première partie

Par Anne Gillain Mauffette

L’histoire de Boucles d’or et les Trois Ours sert souvent pour illustrer l’ordre de grandeur et la double sériation.
 Photo Anne Mauffette

Sommaire:
Première partie: Le rôle de l'enseignante
Deuxième partie : Le sens du nombre
Troisième partie La géométrie et la mesure
Quatrième partie: Les situations qui favorisent la compréhension des concepts mathématiques.

«Le but de l’éducation est de développer l’autonomie de l’enfant» Jean Piaget». dans7

Identifier et soutenir le niveau de compréhension de concepts mathématiques au préscolaire, au quotidien.


Introduction :

Même les très jeunes enfants développent spontanément des concepts mathématiques : à quelques mois, ils savent reconnaître visuellement et auditivement la différence entre des ensembles de deux objets ou de trois objets.

Tous les enfants acquièrent des notions mathématiques dans leur quotidien (« Je veux deux biscuits» «Il en a plus que moi !») qui sont parfois plus complexes qu’on ne le suppose.

D’ailleurs,  le programme cycle du préscolaire québécois affirme que: « l’enfant commence à concevoir des ébauches de concepts»1.

Il nous rappelle aussi que «les enfants ont besoin de manipuler une variété d’objets qui vont favoriser l’exploration et la construction de concepts».1

 Les enfants élaborent des concepts sur les quantités, les opérations, les motifs géométriques, l’espace, le temps.

Mais certains enfants ont moins l’occasion d’expérimenter avec certains matériaux (les blocs par exemple) ou ont moins de conversations impliquant des notions mathématiques dans leur environnement ce qui nuit à l’acquisition de certains concepts (ex. les relations spatiales). Il y a donc une très grande variation dans les connaissances des enfants dans un groupe ce dont il faudra tenir compte. Nous aurons sans doute à soutenir certains enfants davantage.

Les connaissances acquises peuvent aussi parfois être erronées et l’adulte aura à proposer à l’enfant des situations qui vont l’aider à réfléchir et réexaminer sa conception pour en arriver, peut-être, à une notion plus juste.

Même s’il n’y a pas de contenu prescrit dans le programme cycle préscolaire québécois, celui-ci nous donne des pistes pour aider l’enfant à «s’initier à de nouvelles connaissances liées aux domaines d’apprentissage (mathématique…1. (Voir Annexes 1 et 2).

 Notre mission reste à la maison, en CPE comme en maternelle, de prendre les enfants là où ils en sont et de les aider à élargir leurs connaissances et habiletés.

 

Comment créer des environnements qui vont encourager les habiletés mathématiques naturelles des enfants ?

Comment le jeu, les matériaux et nos interactions peuvent-ils étayer la compréhension de concepts mathématiques pour les enfants de 4-5 ans ?

Dans quel ordre les concepts mathématiques se développent-ils ?

Quels concepts aborder qui soient appropriés à leur âge ?

Quels sont les concepts et habiletés de base qui permettront aux enfants de bâtir une solide fondation pour leurs succès futurs en mathématiques ?

Quelles sont les activités qui vont le plus aider les enfants à construire et approfondir leur compréhension des concepts mathématiques ?

Comment fournir les occasions à chacun de développer ceux-ci à son rythme ?

Autant de questions que l’adulte (parent, éducatrice ou enseignante) peut se poser.

 

L’écoute des conversations des enfants ainsi que l’observation de leurs jeux vont nous donner de bons indices de ce que les enfants ont compris ou ce sur quoi ils réfléchissent.

Car leurs jeux contiennent souvent des contenus mathématiques explicites (chiffres, suites, mesures, formes, etc.).

Connaître les possibilités mathématiques des matériaux et identifier les concepts que les enfants « travaillent» nous permettra de planifier des situations et du matériel pour alimenter ou même parfois provoquer leurs questionnements et explorations.

L’efficacité du jeu dans le développement des compétences mathématiques chez les jeunes enfants a été démontré (Edo 2019, Gasteigne 2015, Scalise et Raman 2017, Vogtet al 2018) 5. Le jeu constitue le contexte principal et le plus productif pour l’apprentissage chez les enfants de 4à 7 ans (Van Oers 2012).5 L’enseignement formel ne convient pas aux jeunes enfants (Vogt et al. 2018) et peut même causer de l’anxiété et une faible estime de soi (Gasteigne 2015) 5. Par contre un certain soutien de l’adulte est nécessaire.

Le National Council of  Teachers of Mathematics3 insiste sur le fait que les enfants ont besoin de programmes basés sur le jeu et de manipuler afin de développer et approfondirai leurs compréhension des concepts mathématiques. Mais que les enfants ont besoin de l’interaction de l’adulte (dans ou après leurs jeux) pour prendre conscience des aspects mathématiques dans leurs jeux et apprendre le vocabulaire mathématique : « Je remarque que tu as utilisé plusieurs cylindres pour construire ton garage».


Photo Anne Mauffette

Selon Kirova et Bhargava (2000), le rôle de l’enseignante est de guider les enfants dans leurs apprentissages mathématiques alors qu’ils jouent avec des matériaux de tous les jours.

On va donc « partir des actions des enfants dans le jeu pour leur attribuer une signification mathématique et ainsi de faire progressivement émerger une pensée mathématique (Van Oers, 2010)». Il s’agit de «rendre les concepts mathématiques tangibles».5

Cela ne veut pas dite qu’il faille interrompre continuellement le jeu par des interventions à intentions didactiques, en posant des questions du type : «Quel est le dinosaure le plus gros ou combien de dinosaures avez- vous en tout ?» qui risquent de faire cesser le jeu. Mais bien d’observer le jeu pour planifier les situations futures à proposer, ou de proposer un certain matériel (« Auriez-vous besoin de ce cube ?») ou d’offrir un commentaire. Bref de bien doser nos interventions.

On a parfois tendance à poser des questions du genre «C’est quoi cette forme ?» «Comment s’appelle cette couleur ?» auxquelles on aurait eu sans doute notre réponse en écoutant les enfants dans leur jeu.

On peut en profiter après le jeu pour discuter avec eux de certains aspects observés ou proposer une activité (un livre par exemple) en fonction de nos observations.

Pour identifier et évaluer les apprentissages mathématiques faits à travers le jeu par les enfants et guider ceux-ci dans l’acquisition des concepts mathématiques, il faut d’abord connaître ces concepts et la séquence de développement de ceux-ci.

 

Rôle de l’adulte 

Photo Garden Gate

L’adulte doit être capable de :

  1. Reconnaître ce que les enfants  démontrent comme compréhension de certains concepts.3 

Pour ce faire il est nécessaire que les éducatrice ou enseignantes puissent avoir développé une connaissance de l’enseignement des mathématiques.

En observant les enfants au jeu, elles vont se poser les questions suivantes :

- Quels concepts mathématiques l’enfant démontre-t-il ?

- Que faut-il faire pour que sa compréhension de ces concepts passe à un autre niveau ?

- Quels autres enfants dans la classe en sont au même niveau  (afin de planifier des activités pour ce petit groupe)? 5

Elles vont aussi avoir des conversations en regard des mathématiques alors qu’ils interagissent avec leur environnement.

 


     L’enfant a représenté spontanément une petite construction. Elle en reproduit  exactement la forme 3 D en 2D. Elle dessine les faces qui sont devant elle. Les cubes deviennent des carrés. Elle a dénombré exactement le nombre de blocs



Photo Garden Gate


    2. Apprendre à utiliser le langage pour guider les enfants dans leur construction de concepts mathématiques.3

L’éducatrice/enseignante est non seulement le facilitateur qui crée un environnement qui est riche en possibilités de découvertes mathématiques et qui pose des défis aux enfants, mais elle interagit avec l’enfant à propos des concepts mathématiques émergents observés dans le jeu « libre» des enfants. Elle discute de grandeurs (petit, moyen, grand) d’ordre (qui est le premier, le deuxième, le dernier). Le langage permet l’acquisition de nouvelles informations et soutient l’appropriation d’idées et processus complexes. Des questions ouvertes peuvent encourager la pensée : «Je me demande ce qui arriverait si ?» peut attirer l’attention des enfants vers de nouvelles façons de penser.

Plusieurs chercheurs soulignent que l’adulte ne doit pas mettre l’accent sur la bonne ou souligner la mauvaise réponse. Mais utiliser celle-ci pour proposer des situations qui vont faire réfléchir l’enfant et stimuler le développement de ses structures mentales logico-mathématiques.

 Il va aussi laisser les enfants qui ne sont pas d’accord discuter entre eux, et étendre ainsi leur raisonnement. Les interactions sociales à travers  les jeux de groupes sont une excellente source de construction de nouvelles idées mathématiques et peut amener les enfants à faire de nouveaux liens. Cela les amène à être plus indépendants et à ne plus se fier uniquement sur l’adulte pour des réponses.

Pour faire passer des enfants d’une compréhension perceptuelle ou comportementale à une représentation mentale ou symbolique, il faut donc non seulement organiser l’environnement mais interagir avec eux.

Les enfants qui jouent avec un partenaire plus avancé apprennent de leur pair (comment compter, avancer un pion, etc.).

 

  1. Connaître le potentiel mathématique des différents matériaux, situations et expériences qu’on peut proposer aux enfants.3

L’adulte va inventorier le matériel qui existe et juger de sa pertinence en regard d’où en sont les enfants et chaque enfant. Il va créer des expériences et fournir du matériel qui va confronter l’enfant avec des problèmes mathématiques qui vont éveiller l’esprit mathématique de celui-ci. 

Exemple:

« Comment faire quand il n’y a plus de grands carrés pour faire ma construction»

 

Cet enfant a vite compris que quatre petits carrés pouvaient remplacer un grand carré dans sa construction Décomposer/composer.Il utilise aussi les triangles inversés pour compléter celle-ci. 

 

 Ce matériel permet de composer toutes sortes de structures en aplat comme en 3 D. Les enfants vont jouer avec et nommer les formes utilisées, les combiner de manière complexe et créative. Ils vont résoudre des problèmes et trouver des solutions.

 Photo Anne Mauffette

 


4. Apprendre à identifier les compréhensions de concepts mathématiques des enfants.3 

Les expériences d’apprentissages proposées seront basées sur la séquence de développement des concepts mathématiques, elles tiendront compte du stade actuel de la compréhension des enfants et assureront des occasions d’étendre celle-ci.

L’observation est le moyen par excellence pour constater les actions et réflexions des enfants par rapport  aux concepts mathématiques et le jeu le contexte le plus favorable pour le  faire.

Exemple :

 


 L’enfant est capable de représenter un espace, la place des objets dans cet espace. Elle fait preuve de notions et d’organisation spatiales. Elle a le sens de l'échelle.

 

 

 


Une meilleure connaissance des concepts clés, des faits, des processus et principes qui y sont liés va permettre à l’adulte de mieux intervenir.


  1. Savoir documenter les apprentissages mathématiques faits par les enfants et les rendre visibles à ceux-ci. 

La documentation est un outil puissant pour rendre les enfants conscients de ce qu’ils apprennent dans leurs jeux. Les photos, les enregistrements, les notes, quand elles sont partagées avec eux deviennent une occasion de langage mathématique partagé et un enrichissement en soi pour tous les enfants. Elle donne aussi une vision concrète de la progression des enfants.

Cette documentation peut servir d’évaluation car les « tests» existants sont de peu d’utilité.

Exemple de documentation :

Zoé décide de faire un bricolage. Elle trouve un carré de papier puis en prend un autre et découpe un triangle qu’elle colle sur le carré. Elle dessine sur une feuille des volutes de fumée et les découpe puis les colle sur la maison. Elle dessine ensuite des fleurs qu’elle rajoute de chaque côté avec du papier collant. Elle prend soin de mettre du papier collant à l’endos pour que cela ne colle pas.

Il faut admirer son sens de l’organisation, sa connaissances des formes, sa dextérité, son initiative et autonomie, la clarté de son idée et la poursuite de sa réalisation.

Pour voir la  deuxième partie, voir: Le sens du nombre 






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