jeudi 20 mars 2025

La fièvre du printemps!

 Par Anne Gillain Mauffette


Pourquoi, lorsqu’arrivent les mois de mars avril, sentons-nous poindre une angoisse par rapport aux acquis de nos enfants de maternelle 5 ans, par rapport aux lettres?

En savent-ils assez?

Pourquoi ce doute?

Est-ce la perspective des dépistages par les orthopédagogues qui nous inquiètent, nous sentant redevables des résultats.

(Voir l’article sur les dépistages : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2020/11/accueillir-dabord-que-penser-des-tests.html)

Est-ce l’idée que les enseignantes de première année  seraient peut-être insatisfaites des prestations de leurs élèves et donc de la nôtre? Y aura-t-il des comparaisons entre les groupes, certains « plus avancés» que les nôtres?

Ou à cause d'autres formes de pression (direction, administration, parents)?

On dirait tout d’un coup, qu’on sent une urgence : on voudrait qu’ils soient rendus plus loin, plus vite et on a tendance à vouloir augmenter la cadence.

Certaines s’inquiètent des enfants qui n’ont pas compris la fusion de lettres, par exemple, et on se met à échanger des trucs sur celles-ci alors que ce n’est même pas dans les attentes de fin de cycle et que c’est au programme de première.

Pourquoi cette préoccupation sur un seul élément du programme alors qu’il n’y a pas de contenu prescrit au préscolaire? 

(Voir l’article : https://jeulibrequebec.blogspot.com/search?q=Pas+de+contenu+prescrit)

Comme spécialistes du développement de l’enfant et du jeu, est-ce que c’est parce qu’on se sent « enseigner» davantage, quand on parle de lettres? Est-ce le critère principal sur lequel nous nous jugeons comme enseignantes?

Pourtant si on examinait nos observations du début de l’année à maintenant, on constaterait les progrès immenses parcourus dans tous les domaines y compris l’apprivoisement de l’écrit.


 Mais en ce temps de l’année, on dirait que cela devient l’objectif ultime de la maternelle : une frénésie s’empare de nous et on se met à intensifier le temps passé sur cet élément, comme si on ne faisait pas confiance aux enfants de continuer à apprendre à leur rythme dans l’environnement riche en expériences qu’on leur procurait (jeux, projets, lecture de livres, comptines, poésie, chansons, etc.) et qui conduisent progressivement à en faire des lecteurs.

 (Voir l’article : Comment les différents types de jeux aident-ils les enfants à développer les composantes de la lecture : https://jeulibrequebec.blogspot.com/p/p_26.html )

Et si on continuait à laisser les enfants jouer, si on allait dehors alors qu’il fait beau, si on les laissait profiter de cette liberté si précieuse qui ne reviendra pas?

Bien sûr on va continuer à leur offrir tout ce qu’il faut pour poursuivre leurs découvertes du monde de l’écrit  et à comprendre le fonctionnement de notre système graphique en leur fournissant toutes sortes de matériaux en rapport avec les lettres, les mots (étampes, lettres magnétiques, des abécédaires rigolos, histoires, documentaires, etc.) et profiter de toutes les occasions pour faire remarquer une rime, des similitudes entre des mots, etc. On va aussi continuer à encourager toutes les tentatives spontanées d’écriture (dans le sable, sur le rétroprojecteur, la table lumineuse, l’asphalte, avec de objets polyvalents, dans leurs jeux symboliques et sur papier) des enfants. Bref on va continuer à les accompagner sans se (les) presser.

(Voir des idées dans l’article Comment étayer dans un groupe l’émergence de l’écrit : https://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/04/les-lettres-parlons-en-2.html )

Chaque enfant accède, progressivement, à sa façon, au code de l’écrit : il a déjà commencé avant la maternelle et va poursuivre son cheminement. Certains enfants ont eu certains avantages et arrivent avec une plus grande connaissance du langage et plus de connaissances ou d’intérêt par rapport à l’écrit. Cela ne fait pas des autres, des enfants  vulnérables, en retard et de futurs décrocheurs ou illettrés : à nous d’enrichir leurs expériences sans les bousculer. Laissons-leur du temps pour apprendre.

Pour des exemples de cheminement de deux enfants, un de trois ans à 4 ans et l’autre de 4 à 6 ans, voir les articles Les lettres parlons-en : Première partie, première section: La trajectoire de Nathan Première partie, deuxième section: La trajectoire de Guillaume).

Après tout, la maternelle n’est pas obligatoire et les enfants en Suède sont initiés à l’enseignement formel de la lecture à 7 ans et ne s’en portent pas plus mal.


On n'a pas besoin, en fin d’année, d’imiter les classes traditionnelles de première année (bureaux en rangée, rangs, etc.) pour assurer une meilleure transition aux enfants. Prévoir des visites, bien sûr. Mais si pour assurer un passage plus doux, on proposait plutôt aux enseignantes de première année de leur prêter des jeux, appréciés des enfants en cette fin d’année, afin que les enfants retrouvent en début de première année, avec plaisir, des éléments familiers et qu’ils aient droit à des moments de jeu où ils se sentent compétents et à l’aise. L’enseignante serait à loisir de les connaître sous leur vrai jour, tant au niveau des comportements que leurs connaissances de tous ordres.

Alors, respirons, relaxons, profitons de ces derniers moments avec ces enfants auxquels nous nous sommes attachés. Explorons notre environnement avec eux, jouons, créons, rions et faisons-leur confiance. Ils s’en souviendront.

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