lundi 6 octobre 2025

Un enfant qui grandit : Deuxième partie: Janvier à Mars

Par Ninon Denommée en collaboration avec Mélany Cannavino 


 JANVIER

Au retour des vacances, je reçois un courriel de Mélany :

 

 « Bonjour, Ninon! Les enfants sont en jeux libres depuis la rentrée ce matin. C’est tellement beau à voir. Une heure d’amusement, c’est vraiment plaisant à observer. »

 

Laisser les enfants jouer après un long congé, c’est leur permettre de se réapproprier leur environnement, de retrouver leurs repères, de redécouvrir en douceur une routine perdue de vue pendant les vacances, c’est leur donner l’occasion de se retrouver entre eux dans leur classe. Pour l’enseignante, il s’agit d’un moment privilégié pour les observer spontanément dans leurs jeux, voir leurs réussites et partager ainsi avec eux un moment de bonheur et de complicité.

 

Un climat chaleureux permet à l’enfant de se sentir bien et en sécurité, de créer des liens d’attachement durables et de vivre positivement et avec assurance les transitions imposées par le temps. 

 

Les enfants sont de retour en classe depuis quelques jours déjà. À mon arrivée, certains jouent, d’autres bricolent des bonhommes de neige, deux sont au coin de peinture. En me voyant, presque tous viennent spontanément me faire un petit câlin, puis retournent à leur activité.

 

Mélany chante la chanson qui annonce qu’il est temps de ranger et de se retrouver pour l’activité du calendrier. Garvens est prêt et attend debout à côté du TNI. Dès que Mélany s’approche, il lui annonce avec son beau grand sourire : « C’est moi, l’ami du jour. » Mélany lui sourit à son tour et dit aux autres enfants : « Je pense qu’il est très heureux parce que je vois son beau sourire. » Elle prend le temps de lui demander : « Garvens, dis-moi, es-tu heureux? » Il lui répond timidement avec des yeux pétillants : « Oui. »  

 

Prendre le temps de nommer les moments de fierté d’un enfant, c’est aussi investir dans son estime de soi, et cela ne se calcule pas.

 

On regarde ce qui est prévu à l’horaire ce matin, mais on ne parle pas de l’après-midi. Mélany m’explique que, contrairement aux années passées, elle insiste moins sur le déroulement de la journée, car elle a observé que, pour certains enfants, connaître les activités à l’avance impliquait trop d’éléments à anticiper et générait du stress au lieu de les rassurer. Des questions comme « Oui, mais après, on va revenir dans la classe, hein? Pis tu vas être là, hein? » ou « c’est quand qu’on va aller…? » lui démontraient qu’au lieu de profiter du moment présent, ils étaient préoccupés par ce qui allait suivre. Elle a donc modifié sa façon de faire en ajoutant au fur et à mesure aux pictogrammes décrivant le déroulement de la journée les activités prévues, pour qu’ils se sentent mieux et pour éviter les sources d’inquiétudes inutiles. 

 

Maintenant, ils sont capables de visualiser la matinée sans stress. Ils ont même hâte et se réjouissent d’une activité annoncée. Mélany sait qu’elle arrivera tranquillement à présenter l’ensemble de la journée aux enfants le matin, car ils sont tellement plus en confiance qu’auparavant.

 

Ainsi, comme il est l’heure de se rendre au gymnase pour l’éducation physique, les enfants se placent rapidement en file, très heureux d’aller retrouver M. Maxime. Alex est prêt aussi et son sac à dos reste bien en place à son crochet. Il n’en a plus besoin maintenant.

 

Toujours s’assurer que, d’abord et avant tout, les enfants se sentent en sécurité et en confiance.

 

Au retour, on doit prendre la collation. Mais, en entrant dans la classe, on trouve les bricolages de bonhommes de neige non terminés qui occupent les tables. Mélany demande aux enfants ce qu’ils peuvent faire pour régler ce problème. L’un d’eux suggère de tous les placer sur une même table. Ainsi, ils auront de la place pour manger leur collation. Aussitôt dit aussitôt fait. Mais cela est un « grand malheur » pour une petite fille qui n’est pas du tout contente et qui le manifeste en tapant du pied et en croisant les bras. Mélany l’invite à s’exprimer. « C’est parce que je voulais pas qu’on touche à mon bonhomme de neige. » Mélany approuve, on aurait pu demander à chaque enfant de déplacer son propre bricolage, mais heureusement tous l’ont fait délicatement. Elle demande à la petite fille si elle est d’accord, ce qui est tout de suite confirmé. Le « malheur » est déjà passé. On sort les collations; les enfants ont faim.

 

Mélany observe qu’à ce moment-ci de l’année, les enfants expriment davantage leurs sentiments, communiquent davantage aux autres ce qu’ils acceptent, mais surtout ce qu’ils n’acceptent pas. 

 

Puis débute la période de jeux. Sans hésitation, ils se dirigent vers l’activité de leur choix. Quelques enfants font des casse-tête. Quelques garçons, dont Xavier porte une cape noire et un chapeau de pirate, jouent à une table avec des figurines :  ils sont maintenant dans un monde de héros où les personnages peuvent voler. Chrystal et deux autres filles jouent avec des poupées. Après avoir discuté sérieusement, elles décident finalement de les installer au tapis, sur des couvertures, tout en prenant mille précautions. Deux petits sont retournés à la table de bricolage pour poursuivre la confection de leur bonhomme aux multiples boules de neige. 

 

Une petite fille demande à Mélany un « vrai crayon », car elle veut écrire son nom, mais en formant ses lettres comme le lui a montré sa maman, c’est-à-dire en traçant d’abord des petits points. Même si ce n’est pas une activité que privilégie Mélany, elle sait que la petite le fait parce qu’on le lui a appris ainsi à la maison. Pour Mélany, il est important de préserver le lien avec la famille et cela se vit aussi dans les gestes quotidiens avec les enfants. Elle répond donc à cette demande, lui fait choisir un crayon et reviendra à la fin pour souligner les efforts qu’elle aura fournis dans ce projet d’écriture. 

 

Pendant ce temps, Alex se déplace dans la classe en regardant un peu partout, mais surtout Mélany. Elle lui propose de l’aider, car elle veut vérifier les agendas et il pourrait les replacer dans leurs pochettes respectives ensuite. Alex accepte et les place avec soin dans un bac. Mélany me confie que, depuis le retour du congé des fêtes, Alex a souvent besoin de se retrouver près d’elle ou de son aide pour commencer une activité. Ainsi, sans trop en faire de cas – elle ne doute pas qu’il retrouve ses repères –, elle alterne entre lui proposer un jeu ou une activité et lui laisser du temps pour qu’il décide lui-même de passer à l’action. 

 

Pendant la période de jeux, Mélany demeure présente pour répondre aux demandes. Elle se penche, les regarde, les écoute, leur répond et leur sourit, fière de les voir s’investir ainsi et de leurs réussites. 

 

Ce matin-là, en arrivant, j’observe Chrystal, souriante devant son crochet, qui se déshabille rapidement pour vite entrer dans la classe. En entrant à mon tour, je vois qu’elle est allée s’installer directement au coin de peinture. Danyk vient me dire, avec un grand sourire et des yeux pétillants : « On joue au restaurant. » Bientôt, les enfants auront l’occasion de souper avec leurs parents, une activité prévue dans le cadre du volet Parents. Mélany me raconte que, pour les préparer à vivre cette nouvelle expérience où l’on doit choisir ce qu’on veut manger parmi plusieurs possibilités, se servir soi-même et se déplacer avec son assiette, elle a apporté des pinces de cuisine et placé différents petits objets, des pièces de jeux, des blocs Lego et des pailles résistantes dans des bacs. À l’aide des pinces, les enfants se préparent des assiettes. Les pailles deviennent des spaghettis, les blocs Lego, des boulettes et on s’imagine au restaurant. On doit se concentrer, car se servir des spaghettis et des boulettes avec des pinces, c’est tout un exercice. 

 

Les enfants doivent maintenant se regrouper pour l’activité du calendrier, la routine du matin. Mélany prend le temps de les féliciter : « Vous êtes venus vous asseoir vraiment rapidement. Je n’ai même pas eu besoin de chanter la chanson une deuxième fois. » Les enfants sont fiers; on le voit dans leurs yeux. On nomme l’ami du jour, qui, de façon très autonome, indique la journée sur le calendrier et entonne la nouvelle chanson des pingouins. Mélany démarre une vidéo de la chanson au moyen du TNI. Tout le monde chante et danse.

 

Puis Mélany demande aux enfants pourquoi ils font toujours l’activité du calendrier en classe et ce que cela leur apprend. Chrystal lève la main : « C’est pour savoir ce qu’on va faire et si on a de l’éducation physique. » Mélany lui répond : « Excellent! Tu as tout compris ». C’est justement le temps de partir pour le gymnase, où M. Maxime les attend.

 

Comme d’habitude, au retour, les petits prennent leur collation. Mélany et les enfants sont assis autour d’une table et discutent ensemble de ce qu’ils mangent et de leur collation préférée. Puis Chrystal nous annonce spontanément qu’il neige fort dehors. Mélany ouvre les toiles, ferme les lumières et invite les enfants à regarder les gros flocons qui tombent. On entend des « Wow! »; ils iront bientôt jouer dehors.

 

Une journée dans une classe de maternelle 4 ans peut être remplie de surprises, de petits événements qui permettent la découverte, l’exploration, le questionnement, l’apprentissage, la communication, la consolidation des acquis et l’affirmation de ses choix… si on le permet bien sûr.

  

On termine la collation. Il neige toujours; on part vite jouer dehors. Les enfants sont heureux.

 

VRIER

 

Mélany s’installe pour l’histoire. Deux enfants viennent immédiatement s’asseoir devant elle et, en quelques minutes, tout le monde est là. « C’est quoi, le titre de l’histoire? » demande un enfant. Voilà qu’on s’intéresse maintenant au titre. 

 

Dans l’histoire, un pingouin est de bonne humeur. Mélany demande : « Qu’est-ce qu’être de bonne humeur? » Les enfants répondent en affichant un grand sourire. Mélany poursuit :     « Connais-tu des enfants dans la classe qui sont de bonne humeur? » Un petit garçon répond en même temps qu’il lève la main : « Chrystal! » Chrystal le regarde timidement et lui répond par un sourire.  Danyk s’empresse d’ajouter : « Moi, je suis toujours de bonne humeur », suivi d’un chœur de « Moi aussi! Moi aussi! ». On poursuit l’histoire, qui se passe dans un restaurant. On parle de clients, de menu, de serveurs, d’un montant à payer. Oui, des sous, les enfants connaissent cela. Mélany improvise un restaurant en se rendant au coin de la maison et invite quelqu’un à venir la rejoindre. Spontanément, un enfant s’approche. Mélany dit : « Bonjour! Bienvenue dans mon restaurant! » L’enfant s’assoit et Mélany présente un menu qui n’existe pas. Elle propose au client le plat du jour. Nous voici donc maintenant partis d’une histoire pour en créer une nouvelle qui appartient aux petits. Au moment de payer, un enfant lance : « Ça prend des sous! » Mélany leur propose de fabriquer des sous. On s’arrête le temps de sortir papier et ciseaux. On découpe des cercles en guise de sous. L’histoire se poursuit; elle est devenue un jeu où les enfants, après s’être installés spontanément par petits groupes, s’approprient un rôle et terminent par un échange de sous.

 

Pouvoir partir d’un livre pour inventer son histoire et y intégrer le monde réel en même temps que l’imaginaire, bienvenue dans le monde merveilleux de l’enfant de 4 ans. 

 

C’est aujourd’hui que parents et enfants soupent ensemble. C’est l’occasion d’un tête-à-tête, car chaque enfant se retrouve avec ses parents à une petite table qui leur est réservée. Pour favoriser les échanges, de petits papiers ont été placés dans un pot sur la table. Sur chaque papier se trouve une question qui a été préparée avec les enfants. Les questions s’adressent non seulement aux parents, mais aussi à l’enfant pour qu’ils donnent tour à tour leurs réponses : « Quelle est ta couleur préférée? », « Quel est ton mets favori? », « Comment s’appelait ton école? », « Quelle était ton activité préférée à l’école? »,  « Quand tu étais petit, quel métier rêvais-tu de faire? » ou, adressée à l’enfant, « Quel métier aimerais-tu faire lorsque tu seras grand? », etc.

 

On se sert à une table où se trouve une variété de plats, « le buffet » comme disent les enfants.  Ils sont à l’aise lorsqu’ils choisissent et se servent puisqu’ils se sont souvent exercés en jouant au restaurant ces derniers temps. 

 

Pendant qu’ils mangent, parents et enfants continuent de répondre aux questions, font des petits jeux proposés ou parlent ensemble d’activités que les enfants ont choisi de raconter à leurs parents parce qu’ils avaient aimé y participer et qu’ils en sont fiers. Mélany profite de l’occasion pour faire le tour des tables, parler aux parents de leur enfant, décrire ses progrès et ses réussites.

 

L’ambiance est à la fête. Tous sont heureux de partager ce moment et Mélany remarque à quel point les enfants ont développé un fort sentiment d’appartenance. Elle voit que la force du groupe, du vivre-ensemble, leur permet de se sentir en confiance et de vivre pleinement, avec aisance et beaucoup de plaisir, cette activité qu’ils ont préparée, mais qui est une première pour eux.

 

La maman de Chrystal raconte à Mélany à quel point elle a été émue d’entendre sa fille répondre à la question « Que feras-tu lorsque tu seras grande? ». Sa réponse était de vouloir être une maman comme elle. Cette maman qui souhaite tellement obtenir un diplôme pour prouver à ses enfants ce qu’elle peut accomplir réalise, en entendant sa fille, qu’elle lui a transmis le désir d’être une mère. Elle se rend compte qu’elle est finalement un modèle d’avenir pour sa fille. Un grand moment d’émotion et de fierté.

 

Mélany considère que c’est à ce moment-ci de l’année que les rencontres avec les parents sont au mieux, car ils voient que leur enfant est heureux. Ils aiment entendre parler de ce que leur enfant est maintenant capable de faire. Ils sont témoins des progrès réalisés. De plus, parce qu’elle connaît tellement bien les enfants, qu’elle a observés régulièrement et dans différents contextes, il est maintenant plus facile pour elle de porter un regard global sur leur développement. Elle peut, par exemple, affirmer aux parents de Danyk : « Danyk a le bonheur facile », ce qui les rend très fiers. 

 

Offrir aux parents la possibilité de prendre conscience des progrès de leur enfant tout au long de l’année et de différentes façons, c’est aussi favoriser le développement du sentiment de fierté chez les enfants et les parents.

 

Nous sommes à la mi-année. Mélany observe que les enfants parlent plus souvent qu’au début de l’année, communiquent davantage leur savoir, posent plus de questions, élargissent leurs modes de jeu, manifestent maintenant le désir de jouer ensemble et de s’attribuer des rôles. Cela amène plus d’interactions verbales, de négociations, de recours à des stratégies acquises et d’acceptations communes.

 

On en ressent les effets dans la classe, qui est plus souvent bruyante puisque les enfants sont plus engagés et actifs. Il faut savoir s’adapter. En même temps, ils connaissent bien les limites établies, se respectent davantage entre eux et sont plus à l’écoute des autres. Ensemble, ils ont grandi. 

 

C’est aussi le temps de l’année où les enfants sont souvent malades, plus agités et fatigués. Ils ont besoin de beaucoup de choses, mais pas trop en même temps. Il faut pouvoir s’ajuster.

 

Observer encore et encore pour ajuster ses interventions en fonction des besoins des enfants et du groupe, selon le moment de l’année. 

 

lany me parle d’« intentions ». À cette étape de son cheminement professionnel, elle ne parle plus d’objectifs à atteindre ou de thèmes à aborder, car elle connaît le programme et l’essentiel du contenu des différentes thématiques qui ont du sens pour un enfant de 4 ans et qui forment le squelette de ses interventions. Ce qui est le plus important pour elle, c’est de se donner des intentions qui, à partir de l’observation des enfants dans ce qu’ils font, non seulement répondent à un besoin, mais aussi lui permettent de les amener plus loin. « Mon intention devient ce que je peux leur proposer », ajoute-t-elle.

 

Avoir des intentions qui se déplacent sur la ligne du temps au rythme de l’apprentissage des enfants.

 

Mélany devra s’absenter pendant quelques semaines. Les enfants sont capables de s’adapter à l’imprévu, car ils ne sont plus seuls. Ils sont bien entourés. Ils sont maintenant un groupe et  ont développé plusieurs compétences qui leur permettent de poursuivre leur routine quotidienne et de vivre de nouvelles expériences en toute confiance, sans jamais oublier Mélany.

 

Plutôt réservé, Xavier s’est montré, depuis le début de l’année, très habile pour faire des constructions toutes en hauteur, courir, grimper et sauter, mais il hésitait toujours à découper. Maintenant, il a décidé de découper de petits carrés qu’il garde précieusement dans une enveloppe et qu’il remettra à Mélany à son retour. C’est son cadeau. Xavier continuera ainsi, jusqu’à la fin de l’année, de découper de petites formes qu’il offrira en cadeau à Mélany, pour lui faire plaisir tout en lui prouvant et en se prouvant à lui-même qu’il peut découper, lui aussi.

 

Rendu en maternelle 5 ans, Xavier offrira toujours, de temps en temps, de petits cadeaux à Mélany, de petits découpages pour témoigner de ses réussites et de son attachement. 

 

Un lien d’attachement comme point d’ancrage permet à l’enfant de se donner de nouveaux défis avec confiance.

 


MARS 

 

Mélany retrouve sa classe et constate avec bonheur à quel point les enfants ont grandi, à quel point ils ont gagné en maturité et fait des acquis signifiants dans les différents domaines de développement.

 

En général, le mois de mars est un mois  ou le développement de l’enfant est exponentiel où l’on peut observer l’éclosion d’habiletés, la manifestation de connaissances permettant de faire des liens entre ce qu’on sait déjà et ce qu’on apprend, et surtout un intérêt nouveau pour le fait de le communiquer aux autres.

 

Mélany me fait remarquer : « Les enfants sont maintenant rendus à une nouvelle étape où ils sont plus ouverts à l’apprentissage, plus concentrés sur l’activité qui se vit ou la tâche à accomplir que sur leurs petits besoins personnels. Ils sont intéressés par ce qui se passe encore plus que par leurs souliers qui font de la lumière, par exemple. »

 

Aussi, pour bien cerner les propriétés des saisons qui changent, les enfants sont invités à placer dans un cerceau des objets qui appartiennent à l’hiver. Ils sont allés chercher au vestiaire des bottes, une tuque, des  mitaines et un foulard. Ils devaient chercher aussi dans la classe des objets qui appartiennent à l’été, ils ont trouvé des sandales, une caquette, un short et des lunettes de soleil qu’ils plaçaient dans un autre cerceau. Une petite fille soulève un point : les lunettes de soleil sont aussi pour l’hiver, car elle a vu Mélany en porter l’hiver quand il y avait du soleil. Qu’est-ce qu’on fait alors? La question est lancée et, rapidement, les enfants ont trouvé une solution. Ils rapprochent les deux cerceaux pour qu’ils se chevauchent et créent un espace commun à l’hiver et à l’été où l’on peut placer les lunettes de soleil. Ce matin, les enfants ont travaillé et développé le concept des ensembles et réinventé le diagramme de Venn. 

 

Donner aux enfants la possibilité d’être actifs pour explorer le monde leur permet de prendre des initiatives et d’exprimer leur créativité. 

 

Pour la première fois, en cette fin d’après-midi, une petite fille choisit un jeu de société qui contient un livret de règles à suivre. Elle demande à Mélany ce que c’est et à quoi cela sert. Mélany s’installe pour jouer avec elle tout en lui expliquant les différentes règles du jeu. Les autres enfants sont curieux et veulent comprendre. Ils s’entassent autour d’elle et se poussent un peu. « On veut voir !». Mélany perçoit un intérêt général pour la compréhension de ce jeu où l’on doit attendre son tour, piger une ou deux cartes ou parfois même passer son tour. Elle estime donc qu’il est mieux de reporter cette activité à demain, car il est presque le moment de partir et elle pourra ainsi la présenter à tout le groupe en même temps.

 

En la retrouvant à l’extérieur le lendemain matin, les enfants s’empressent de rappeler à Mélany la promesse de la veille. En entrant dans la classe, ils découvrent des cartons qui sont placés sur le plancher, la grosse maison de carton installée tout au bout et les chapeaux de pompiers bien alignés. Ils doivent même s’organiser différemment au coin de rassemblement pour ne rien déplacer. Mélany remarque qu’ils sont à l’aise avec ce changement, qu’ils restent attentifs pendant la routine du matin et qu’ils sont prêts pour le nouveau jeu, où ils devront suivre des règles. Mélany explique le but du jeu, sauver la maison pour ne pas qu’elle brûle, et attribue les rôles. Un petit groupe devra tourner les cartes, un autre sera constitué des pompiers, un autre encore sera le feu et le dernier annoncera ce que la carte retournée dicte de faire, soit avancer de deux cases (qui sont, pour l’instant, les cartons posés sur le sol) ou reculer de trois. Pas de gagnant, pas de perdant. On joue ensemble en se déplaçant sur les cartons et on espère que la maison ne brûlera pas. 

 

Les enfants ont donc l’occasion de s’approprier les règles tout en jouant ensemble et en étant eux-mêmes les pions du jeu qui se déplacent dans l’espace. Ceux qui le veulent auront la possibilité de faire de nouveau l’activité pendant la période de jeux libres, car les cartons, la maison, les chapeaux de pompiers et les cartes à jouer seront toujours disponibles. Le lendemain, Mélany sortira le jeu de table, qu’ils reconnaîtront puisqu’ils l’auront déjà apprivoisé ensemble et autrement. Par la suite, Mélany proposera d’autres jeux qui auront des règles à suivre et où ils devront se rappeler quand est leur tour, ne pas aller trop vite et faire attention pour ne pas faire tomber les pions des autres joueurs, car ils ont démontré leur intérêt et qu’ils étaient prêts.

 

Être à l’écoute des enfants pour choisir le bon jeu et le bon moment pour le présenter. Intervenir juste assez pour les soutenir, leur donner le goût de s’investir et d’apprendre tout en jouant.


Voir la troisième partie: De Mars à Juin:

https://jeulibrequebec.blogspot.com/2025/10/un-enfant-qui-grandit-troisieme-partie.html



 

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