lundi 6 octobre 2025

Un enfant qui grandit: Troisième partie: Avril à Juin

Par Ninon Denommée en collaboration avec Mélany Cannavino 

 AVRIL

En arrivant ce matin-là, Alex et Xavier sont bien pressés de raconter à tout le monde qu’ils se sont rencontrés la veille à l’épicerie, en compagnie de leurs parents. Mélany voit dans ce partage une volonté nouvelle de communiquer aux autres ce qu’ils ont fait même si cela s’est passé à l’extérieur de l’école. Ils ont aussi les mots pour le dire et assez d’assurance pour s’exprimer devant le groupe sans avoir besoin du soutien ou des questions de l’enseignante. 

 

Les enfants de la classe se sentent maintenant unis par des liens tissés lentement au fil des jours et qui continuent d’exister ailleurs, dans un autre cadre. Il n’est donc pas surprenant de retrouver les deux garçons assis l’un à côté de l’autre pour raconter cette anecdote ni de les voir partir ensemble pour choisir un jeu, car ils ont le sentiment de faire équipe. 

 

C’est d’ailleurs à ce moment-ci de l’année que les liens d’amitié se manifestent davantage. Les enfants reconnaissent de plus en plus leurs intérêts communs et se trouvent des ressemblances. Au début, ils ne savaient pas pourquoi ils se retrouvaient souvent au même jeu. À 4 ans, ils ont d’abord besoin de se connaître eux-mêmes et ils commencent souvent en trouvant des différences par rapport aux autres : « Moi, c’est pas pareil parce que… » Mélany profite donc de toutes les occasions pour nommer aux enfants ce qui les unit dans leurs choix de jeux ou d’activités, parler de leurs préférences, de ce qui les fait rire, de ce qu’ils aiment faire ensemble, car cela les amène à prendre conscience de leur place au sein du groupe et de la place de l’autre. 

 

Découvrir peu à peu les liens qui nous unissent, développer un sentiment d’appartenance à un groupe, cela demande du temps, un climat d’ouverture où chacun se sent reconnu pour ce qu’il est.

 

Mélany a constaté à quel point les enfants connaissent bien la routine, comme tout se fait rapidement sans qu’elle ait besoin d’intervenir pour rappeler ou donner des pistes. Cette semaine, elle a décidé d’ajouter un petit défi à l’activité du calendrier. La flèche bleue qui indiquait la journée sur le calendrier montré par le TNI n’apparaît plus. Les enfants doivent donc recourir à de nouvelles stratégies, trouver de nouveaux moyens de reconnaître la journée.  C’est avec confiance que Chrystal affirme : « Aujourd’hui, nous sommes mercredi parce qu’hier, c’était mardi, car il y avait de l’éducation physique. » Tout au long de l’année, les enfants se sont justement créé leurs propres repères à partir de ceux proposés par l’enseignante. Ils sont maintenant capables de les utiliser. Ils sont prêts à aller plus loin, à prendre des risques en partageant leurs idées, leurs réponses. Ils ne craignent pas l’erreur, car ils savent qu’ils ne seront pas jugés. Ils ont compris qu’ils ont la possibilité d’être au cœur de leurs apprentissages et, parce qu’ils ont gagné en confiance, ils savent qu’ils sont aussi capables de réussir. Ils osent.

 

Cette fois-ci, le livre qu’a choisi Mélany raconte l’histoire d’un chien, ce qui les fait réagir. Ils ont des questions, des commentaires, des suppositions, car ils anticipent ce qui peut arriver et le disent. Ils sont aussi attentifs aux questions des autres enfants et à leurs réponses. Ils sont intéressés non seulement par l’histoire, mais par les informations partagées. Xavier intervient pour confirmer des caractéristiques attribuées au chien de l’histoire, car il en a lui-même un, Némo, qui réagit de la même façon. Les autres l’écoutent attentivement, et il devient, le temps d’une histoire, l’expert en la matière. L’histoire est une occasion de plus où l’enfant peut s’exprimer, développer son écoute et son attention, questionner de nouvelles informations, consolider des connaissances et s’affirmer. 

 

Permettre à l’enfant d’exprimer des réactions, de poser des questions, de montrer ses connaissances et d’énoncer des hypothèses en lui donnant le droit à l’erreur, c’est aussi lui permettre de nourrir sa curiosité et d’être l’acteur de ses apprentissages. 

 

Avril est aussi l’occasion de découvrir l’univers du jardinage. Ainsi, on invite les parents à venir en classe semer de la ciboulette. Dans un premier temps, l’enfant et son parent doivent décider de quelle façon ils vont ensemble décorer le pot qui sera utilisé pour les semis. Dans un second temps, les enfants autonomes s’occupent d’aller chercher le matériel nécessaire au coin de la décoration avant de se mettre à la tâche avec leur parent. L’étape suivante sera d’aller chercher la terre, d’en remplir le pot, de semer et d’arroser un peu, mais pas trop. 

 

Quand ils ont terminé, parents et enfants s’installent devant le TNI et, comme au cinéma, on mange du maïs soufflé sauf qu’aujourd’hui, les vedettes à l’écran, ce sont les enfants en classe. Et l’action ne manque pas, car à 4 ans on aime bouger, chanter, danser, sauter, courir, construire, imiter, jongler, jouer, s’amuser et rire. Les enfants s’en souviennent et peuvent raconter à leurs parents ce qu’ils ont fait. On entend les « Oh! » des parents émerveillés, on entend leur fierté quand, à la fin diaporama, ils applaudissent. 

 

Donner à l’enfant l’occasion de vivre avec l’un de ses parents un moment de complicité unique où, ensemble, ils sont témoins de ce qu’il a fait en classe, de ses réussites, c’est l’occasion de semer du bonheur. 

 

Parents et enfants repartent souriants avec un pot bien rempli de terre et de semence et, en tête, de belles images d’enfants qui grandissent.

 


MAI

 

Les jeux occupent maintenant beaucoup plus de temps dans la journée. Les enfants ont plein d’idées et les réalisent. Ils se donnent des rôles de plus en plus élaborés. Ils ajoutent des éléments de costume et de décor, bien choisis pour l’occasion. Ils n’hésitent plus à déborder du coin de jeu original. 

 

On peut les voir au coin de la maison devenir un papa, une maman, un bébé, un grand frère, une grand-maman, un chien, etc., et porter des bijoux, des chapeaux, des sacs à main, etc. On peut voir toute cette petite famille préparer un pique-nique : on sort des assiettes, des verres, des ustensiles, des fruits, des morceaux de poulet, du pain, du fromage parce qu’on part en voyage en train. Vite, on a besoin d’aller placer en ligne des chaises qui seront, le temps d’un voyage, les bancs du train. C’est l’heure du départ. « Tchou tchou! » et on est arrivé. On pousse une table, car on doit installer la nappe sur le plancher pour faire le pique-nique. Tout le monde va s’asseoir autour de la nappe pour manger. Puis vient le temps de retourner chez soi. « Tchou tchou! » et enfin de retour à la maison. Un beau voyage!

 

Les enfants ont toujours un projet à réaliser. Ils sont maintenant capables de prévoir, de reconnaître et de nommer ce dont ils ont besoin pour réaliser leur projet. On veut construire une maison avec un toit? On va prendre le grand drap du coin des poupées et on l’attache sur le coin des meubles qu’on a déplacés. On va chercher le ruban adhésif. Zut! Ça ne tient pas bien. On aura donc recours à des blocs de bois. Ah non! Ça tombe toujours. Et si on utilisait les pinces de plastique dont Mélany  se sert parfois? C’est une bonne idée. On va les chercher et ça fonctionne. On a construit une maison avec un toit. On a réussi!

 

Les projets ne manquent pas et ils sont entrepris par les enfants, développés par eux. Ils ont acquis les stratégies nécessaires pour aller au bout de leurs idées. Ils sont capables de les communiquer aux autres et d’écouter leurs propositions. Ils sont inventifs et ingénieux.

 

Le temps des jeux s’allonge et la classe a souvent l’air d’un chantier où peuvent se vivre différents projets en même temps. Il faut donc s’ajuster dans le temps et l’espace, faire les choix nécessaires pour que ces projets puissent se réaliser. 

 

Des enfants qui, maintenant, entreprennent et réalisent des projets en s’y investissant témoignent non seulement du cheminement accompli, mais également de la place qu’ils ont pu occuper, appuyés par l’enseignante. 

 

Il arrive souvent que des enfants qui ont terminé leur projet invitent non seulement l’enseignante, mais également tous leurs camarades à venir le voir. Ils sont prêts à expliquer comment ils ont fait, le matériel qu’ils ont utilisé et les différentes étapes réalisées. Ils sont maintenant rendus bien loin de « Moi, chu pas capable ! ». Au contraire, ils ont envie de montrer ce dont ils sont capables. 

 

Mélany se rappelle Garvens qui, au début de l’année, lui disait : « chu pas bon; chu juste bon pour me faire mal », car c’est ce qu’il croyait, c’est ce qu’il avait déjà entendu. Maintenant, il a plein d’exemples de réussites qui lui confirment qu’il est bon et lui donnent le goût de les partager. 

 

Croire en l’enfant, être là et pouvoir témoigner de ses réussites lui permet de ressentir de la satisfaction pour ce qu’il a fait, mais surtout de construire et de renforcer son estime de soi.

 

Au mois de mai, Mélany constate qu’à la suite de ses observations, les enfants de sa classe sont maintenant dans une phase de transition. Elle les a accueillis si petits et si loin du monde scolaire; elle les voit maintenant de plus en plus intéressés par le vivre-ensemble et le « apprendre-ensemble ». Ils appellent de nouveaux défis.

 

Ils ont appris le vocabulaire du milieu scolaire, par exemple agenda ou journée pédagogique; ils connaissent et comprennent le sens de ces mots. 

 

À partir des livres, ils ont découvert un vocabulaire riche et imagé, des mots issus d’un monde imaginaire qui leur ont aussi permis de « se connecter » avec la réalité en les utilisant dans d’autres contextes. À travers leurs jeux et leurs projets, ils ont appris à communiquer aux autres leurs intentions, leurs idées, leurs propres conceptions et leurs émotions. Ils aiment de plus en plus les longues comptines ou chansons où ils ont la possibilité de répéter plusieurs fois une rime ou un refrain, de faire des gestes précis qui l’accompagnent, où ils ont à parler ou à chanter vite parce que le rythme le demande. Ils sont de plus en plus conscients des sons, des mots et des rimes, qui peuvent aussi être drôles et faire rire.

 

Plusieurs manifestent un intérêt à écrire, à garder une trace d’un message à transmettre. Ce matin, deux enfants dessinaient. L’une dit à son amie : « J’écris "Maman, je t’aime" » en utilisant les lettres suivantes : AASIM.  Son amie décide de faire la même chose : « Moi, j’écris "Je t’aime, maman. Papa, je suis contente" » en utilisant celles-ci : ZEAAM-PAEXZXZIII. » Elle explique à son amie quelle, « c’est plus ». Elle a écrit plus de lettres, car elle comprend que son message est plus long. 

 

De plus, quand ils offrent un dessin à un autre enfant de la classe, il arrive souvent qu’ils veulent écrire son nom et demandent comment. Mélany a vu une petite fille proposer à un autre enfant d’utiliser la liste des noms de la classe comme référence pour l’aider. 

 

L’écrit prend sa place aussi dans les jeux de rôles. Mélany a pu observer des enfants, au coin de la maison, prendre le temps d’écrire la liste d’épicerie ou, tenant le rôle d’un médecin, noter le médicament à prendre. Les enfants ont compris que ce qui est écrit a du sens et que cela se lit. 

 

C’est le début de l’émergence de l’écrit qui se développe doucement à leur rythme, quand ils sont prêts. 

 

Depuis le début de l’année, les enfants ont développé un langage oral efficace qui leur permettra d’agir, de conceptualiser et de s’engager. Ils commencent à comprendre les fonctions de l’écrit et à voir les liens avec le langage oral.

 


JUIN

 

Les enfants viennent à peine d’arriver qu’ils sont déjà entrés en classe et occupés. Chrystal,  entre en même temps que les autres, va prendre, d’un pas déterminé, un cerceau. Elle commence à le faire tourner autour d’elle en bougeant les hanches. Tout un exercice!

 

Mais, pendant qu’elle tourne et bouge avec son cerceau, elle aperçoit Gédéon qui pleure, assis près de la bibliothèque. Elle s’arrête, va chercher un papier mouchoir qu’elle lui apporte, puis retourne à son cerceau. 

 

Avoir conscience de l’autre, lui montrer de l’empathie parce qu’au fil des jours, dans un milieu sécurisant, on s’est ouvert à l’autre et qu’on a bâti un « nous » inclusif.

 

Mélany est assise près de Danyk, qui est triste, lui aussi. Sa journée a mal commencé au service de garde : « C’est une mauvaise journée; je n’ai pas bien écouté. » Mélany prend le temps de l’écouter, d’échanger avec lui.  Je vois Danyk lui faire un câlin et j’entends Mélany lui dire : « Moi, je trouve que tu as de bonnes idées. Je pense que, finalement, tu auras une belle journée et bien sûr que je t’aime. » 

 

Prendre le temps de mettre des mots sur les petits malheurs d’un enfant, l’amener à se raccrocher à des repères connus qui l’aident à se sentir en sécurité et lui permettre de retrouver sa confiance. 

 

Ce matin, Mélany a apporté plusieurs livres qu’elle vient d’acheter qu’elle présente aux enfants. Ils se montrent tout de suite intéressés et s’installent au tapis pour les regarder et les échanger entre eux. Les enfants sont vite emballés par toutes ces nouveautés. On entend « Prends celui-là! Yeah! Vraiment le fun! » ou « Je l’aime, cette histoire de loup. ». À la fin, Zaynab annonce qu’elle se charge de ramasser tous les livres pendant que les autres continuent de donner leurs commentaires sur ceux-ci. Le ton monte, ils ont beaucoup de choses à dire et on entend Gédéon qui pleure de nouveau. Mélany s’approche et lui demande pourquoi il pleure. Chrystal répond spontanément : « Moi, je sais pourquoi Gédéon pleure. C’est parce qu’il a marché sur un livre et que Zaynab était fâchée. »  Zaynab répond : « J’ai pas criéJ’ai juste dit… » et se met à pleurer aussi.

 

Mélany reprend calmement l’histoire depuis le début. Elle sait que les enfants sont fatigués à ce temps-ci de l’année, qu’ils sont plus fragiles et vulnérables. On les entend souvent pleurer pour un rien ou avoir des fous rires qui ne finissent plus. Elle trouve donc les mots pour consoler et une idée pour changer l’ambiance. Elle va chercher un sac de petits blocs de mousse et dit aux enfants : « Je sais que ce n’est pas toujours facile de ne pas marcher sur quelque chose qu’on voit sur le plancher à la dernière minute. Alors, si on s’exerçait? » Elle éparpille les blocs sur le tapis du coin de rassemblement et leur propose de se déplacer entre les blocs sans marcher dessus. Les enfants sont aussitôt debout et se promènent en évitant le plus possible de marcher sur les blocs et de tomber. Bref, ils s’exercent, s’amusent et on les entend rire de nouveau. Pour terminer, Mélany les rassemble et ils font un bilan pour réaliser que, parfois, il est très difficile d’éviter un obstacle, même si on le souhaite.

 

Reconnaître et accepter les réactions émotives, même en fin d’année. Continuer d’être là, de les comprendre sans juger, et les aider à retrouver leur équilibre.

 

Pendant la période de jeux, Gabriel est bien concentré à la table réservée aux dessins et aux bricolages. Il est occupé à dessiner et se sert de plusieurs feuilles qu’il tente de réunir. Après quelques essais de manipulation, il les plie au centre et rassemble le tout en utilisant, avec précaution, l’agrafeuse. Il vient voir Mélany et lui dit qu’il aura besoin de son aide, car il a fait un livre et il aimerait qu’elle écrive les mots de l’histoire qu’il a inventée et dessinée, mais qu’il ne peut pas écrire lui-même.

 

Gabriel a organisé son livre pour qu’à gauche se trouve le dessin et qu’à droite figurent les mots, ce qui lui a demandé de réfléchir et d’anticiper le résultat final. Mais, quand on a 4 ans et qu’on a dessiné sur toute une feuille placée à la verticale, on découvre que, finalement, on a à gauche la moitié d’un dessin et que l’autre moitié n’est pas disparue, mais qu’elle est plus loin. « Pas grave, on a juste à le trouver dans le livre », explique Gabriel. 

 

Avec beaucoup de sérieux, il dicte à Mélany les mots comme s’il en faisait lui-même la lecture.

« Loup gars », c’est le titre qu’elle écrit sur la première page.  Elle tourne la page et découvre à gauche les pattes et la queue du loup. À droite, place aux mots de l’histoire, qui commence par « Il était une fois un loup gars ». Un peu plus loin, il y a une « loup fille » et un cœur est tracé : « Sais-tu pourquoi il y a un cœur? Il faut écrire que c’est parce qu’elle est amoureuse du loup gars. » Et l’histoire se termine par le dessin d’une maison où « le loup gars et la loup fille vont rester ensemble avec, dans une boîte, des fusils et des couteaux pour pouvoir se défendre ».

 

Gabriel a terminé son histoire et est bien d’accord avec l’idée de Mélany de la présenter au reste de la classe à la fin de la journée. « Mais je ne peux pas lire les mots », observe-t-il. « Ce n’est pas grave », lui répond Mélany.  « Toi, tu raconteras l’histoire et moi, je lirai les mots. » Gabriel est fier de lui. Il a imaginé une histoire, fabriqué un livre qu’il partagera avec tout le groupe, une autre belle histoire de réussite.

 

Fournir à l’enfant le temps et le matériel dont il a besoin pour prendre des initiatives et créer son projet, prendre le temps de le découvrir à travers ses mots et ses yeux, et s’émerveiller avec lui, c’est aussi le porter vers la réussite.

 

Le mois de juin – parce qu’on est arrivé à la dernière page du calendrier scolaire, parce que les vacances viennent avec l’été, parce que les enfants poursuivront leur cheminement en maternelle 5 ans, mais surtout parce qu’un enfant de maternelle 4 ans ne sait pas encore tout cela – devient le premier jalon d’une nouvelle transition. Il faut donc trouver des façons de dire et de faire pour informer les enfants des changements qu’ils connaîtront, eux qui sont maintenant si à l’aise dans leur quotidien qu’ils ne peuvent même pas imaginer une suite différente. Il faut surtout trouver des façons de dire et de faire pour que les enfants se nourrissent de la confiance acquise pendant l’année et se sentent prêts à relever de nouveaux défis. Mélany voit bien, dans le regard d’Alex et de Danyk, toute l’inquiétude et le doute qui s’installent dès qu’elle parle de la maternelle 5 ans. 

 

En fin d’année, elle a l’habitude d’aller visiter les classes de maternelle 5 ans pour que les enfants y jouent un peu, se familiarisent avec de nouveaux lieux et fassent connaissance avec de nouvelles enseignantes, mais sans rien leur préciser puisque le classement n’est pas encore fait. Mais, cette année, Mélany sait que, si elle agit ainsi, elle suscitera davantage de stress que l’envie de se projeter dans ce nouvel univers et que c’est justement l’opposé du fait d’« assurer la transition ». Il faut donc penser autrement.

 

Pourquoi ne pas inviter les enseignantes de maternelle 5 ans à venir faire un tour, lors d’une période libre, dans la classe de maternelle 4 ans et leur offrir l’occasion de faire connaissance avec des enfants confiants dans un milieu de vie qui leur appartient encore? Cette proposition a été acceptée et a fait le bonheur des enseignantes puisqu’elles ont eu la chance de voir des enfants heureux et actifs, bien investis dans un jeu ou un projet. Pour elles, c’est bien différent du fait de les accueillir, tout intimidés, dans une classe qui ne sera peut-être même pas la leur.

 

Le plus important, c’est que les enfants ont vécu cette transition en douceur, forts d’appartenir à un groupe, forts du sentiment de sécurité qu’ils y trouvent. Cette façon de faire a permis à Alex, à Danyk et à tous les autres d’apprivoiser en confiance une nouvelle réalité et de s’y ouvrir un peu. 

 

Utiliser un environnement stable pour soutenir l’enfant, lui donner confiance, l’aider à se sentir en sécurité est un moyen d’assurer une transition efficace qui réponde à ses besoins.

 

Pour une enseignante de maternelle 4 ans, le mois de juin signifie aussi l’accueil des enfants et des parents avec lesquels elle se lancera dans une nouvelle aventure en septembre prochain. Les premiers gestes d’accueil sont importants, car les petits arrivent souvent inquiets à l’école. Mélany a l’idée de donner l’occasion aux nouveaux, parents et enfants, de rencontrer ceux de cette année, qui connaissent maintenant bien la classe et le milieu scolaire.

 

Elle organise donc une activité parents-enfants toute simple où tout le monde est invité, en fin d’après-midi, à s’amuser dans la cour d’école. Les enfants jouent dans les modules et le sable. Des personnes profitent de l’occasion pour raconter comment elles ont vécu l’entrée de leur enfant en maternelle 4 ans et parler des progrès réalisés, ce qui rassure plusieurs nouveaux parents. Les enseignantes de la maternelle 5 ans se joignent au groupe. L’activité se termine par le partage d’une collation à saveur d’été : de gros melons d’eau bien juteux.  Quelle belle façon de vivre une transition! 

 

Permettre aux parents et aux enfants d’apprivoiser l’école dans une ambiance chaleureuse qui favorisera l’établissement de liens de confiance.

 

Le titre du livre de ce matin est Ulysse fait des caprices. Cette histoire correspond bien à l’humeur d’enfants à la veille des vacances d’été. Ils ressentent les effets de la chaleur et des journées de plus en plus longues, et arrivent souvent fatigués le matin. Ils ont envie de tout et de rien, s’impatientent plus facilement. Ils ont autant besoin de bouger que de moments calmes. Cette histoire est une bonne façon de dédramatiser le tout en utilisant l’humour. Les enfants l’adorent, peut-être parce qu’ils se reconnaissent dans Ulysse, et répètent avec enthousiasme « Non Ulysse, pas de caprices ».

 

Tout en rigolant, Mélany profite de l’occasion pour leur parler des émotions qu’on vit, des demandes qu’on peut faire qui sont bien différentes des exigences ou des caprices. Alex et Chrystal lèvent plusieurs fois la main pendant l’échange pour partager, avec assurance, leurs commentaires et donner des exemples de caprices et de demandes. Ils ont compris le sens des mots et sont capables de faire des liens avec des situations vécues.

 

Après avoir écouté, réfléchi, discuté et analysé, il est temps de danser. Mélany fait jouer, au moyen du TNI, des vidéos de musique et de danse. Les enfants les connaissent : ils chantent en chœur et dansent avec une belle énergie retrouvée. Ils s’amusent, ils ont chaud. Vite, on va boire de l’eau puis jouer dehors. 

 

Utiliser le livre et l’humour pour mettre des mots sur des émotions ou sur des expériences vécues, aider les enfants à mieux comprendre ce qu’ils ressentent et à être capables de le communiquer aux autres. 

 

 

Juin, cest aussi

 

    Jouer dehors ensemble, le plus souvent possible, pour faciliter la transition vers l’été et les vacances. 

    Profiter de l’espace extérieur et observer les progrès des enfants, maintenant si habiles pour grimper dans les modules, glisser sans crainte et sans hésitation, courir avec endurance, se balancer seuls ou avec un peu d’aide au départ, s’installer à plusieurs dans le sable pour réaliser un projet de construction de chemins, de montagnes et d’espaces de stationnement pour  les pelles mécaniques et les camions. 

    Observer les enfants qui attendent maintenant leur tour avant de glisser dans le module de jeu pour éviter de blesser l’autre, les voir tendre la main pour aider celui qui grimpe afin qu’il les rejoigne, remarquer qu’un enfant tient la balançoire pendant qu’un autre essaie de s’y asseoir et constater que certains sont attentifs aux idées des autres, partagent les leurs et font des choix pour aller jusqu’au bout d’un projet commun.

C’est ainsi que s’achève cette année en maternelle 4 ans. Toutefois, ce n’est pas réellement une fin, car :

 

Cette histoire appartient aux enfants et ils vont la poursuivre. Ils vont continuer à grandir encore et encore, sur le chemin de la réussite, de leur réussite.


 

 Observer et prendre le temps de voir à quel point les enfants ont grandi pendant toute cette année, puisque:


·       On leur a offert un environnement riche où ils ont pu explorer, découvrir, faire des erreurs et être actifs dans leurs apprentissages.

·       On a su les écouter et mettre des mots sur ce qu’ils vivaient.

·       On a su montrer de la souplesse et de la flexibilité, et adapter l’horaire en fonction de ce qu’ils pouvaient faire.

·       On leur a laissé de la place et du temps pour qu’ils puissent parler, raconter, expliquer, présenter leurs idées.

·       On leur a donné des occasions de bouger, de courir, de sauter et de développer leurs habiletés motrices.

·       Ils se sont sentis écoutés et respectés; ils ont voulu écouter et respecter les autres.

·       Ils ont joué tous les jours et assez longtemps. Ils ont pu socialiser et s’imaginer ou se représenter le monde.

·       Ils ont été soutenus et encouragés; ils sont davantage capables de s’investir et de persévérer.

·       On a cru en eux et on a nommé leurs réussites. Ils ont gagné en confiance et renforcé leur estime de soi.

·       On leur a permis de questionner, de se questionner, on leur a donné du temps, on leur a proposé des moyens de réfléchir et de comprendre, et ils ont développé le goût d’apprendre ensemble.

·       Ils sont fiers de leurs réussites, confiants et prêts pour de nouveaux défis.


 Apprendre en maternelle 4 ans et pour toute la vie!                                           

Pour terminer, je voudrais remercier Mme Mélany Cannavino qui m’a ouvert sa porte et a accepté d’être observée en tant qu’enseignante dans ses gestes quotidiens, sachant qu’il en découlerait une forme de témoignage.

 

Merci de m’avoir fait confiance, car, si je partais de faits réels observés dans la classe, la démarche du projet demeurait tout à fait exploratoire puisque, durant cette année d’observation, je prenais des notes, mais je n’avais pas encore réfléchi à la forme que prendrait ce récit.

 

Merci à cette enseignante d’avoir permis l’écriture de cette histoire, car ses mots et ses réflexions sont une mise à nu de ses valeurs profondes, de ses croyances et de ses choix pédagogiques. À mon avis, son accord témoigne d’un grand professionnalisme et mérite tout mon respect et toute ma gratitude.

 

Merci aux petits qui m’ont acceptée dans leur groupe et qui ont partagé ces moments magiques avec moi. Cela a été un privilège de voir ces merveilleux enfants apprivoiser peu à peu le monde scolaire, s’approprier ce milieu qui leur permettait d’explorer, de s’exprimer, de découvrir, de questionner, de faire des choix, de réaliser des projets, de construire, de compter, de regrouper, d’assembler, de démolir, de faire des essais et des erreurs, de bouger, de chanter, de danser, de rire, de devenir acteurs, pompiers, superhéros, mamans ou professeurs, de courir, de grimper, de sauter, de jouer dehors, de jouer tous les jours, de peindre, de bricoler, de dessiner, d’écrire, de découvrir le monde du livre, des histoires, des mots, de l’imaginaire, de réaliser qu’ils sont capables de réussir, de développer leur confiance et leur estime de soi, de créer des liens, d’acquérir un sentiment d’appartenance et de faire confiance à l’adulte. Ce milieu leur a donné le goût d’apprendre toujours plus et leur a permis de grandir.

 

J’ai toujours aimé lire les récits qui témoignaient de ce qui se vivait en classe. Mario Lodi et Janine Hohl ont été des auteurs inspirants. Aussi était-il important pour moi de partir de la vie au quotidien et je souhaite que la lecture de ce récit a été une occasion de réfléchir sur votre  propre pratique.

 

J’espère avoir relevé cet immense défi que représentait pour moi l’écriture de cette histoire de l’enfant qui grandit, avoir trouvé les mots justes pour parler de l’importance de la place de l’enseignante en classe de maternelle 4 ans et pour donner le goût de croire aux enfants. 

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