Quelques
réflexions suite à la troisième séance sur les interventions préventives au
préscolaire faite le vendredi 15 octobre 2022 et présentée par Marie-France Morin, Line Laplante, Caroline Erdos, Corinne Vincent et Kathleen C. Durand.
Par Anne Gillain Mauffette
- Le
jeu - le vrai- constitue un important facteur de protection. Entre autres, il
diminue le cortisol chez les enfants, réduisant ainsi leur niveau de stress et
leur accordant un certain niveau de bien-être, nécessaire à tout apprentissage.
Hormis dans la section par rapport à la motricité, le lien entre le jeu et la prévention n’est
pas évoqué dans la présentation.
Voir le Résumé
du Rapport de l’American Academy of Pediatrics : Utiliser la puissance du
jeu comme mode principal d'apprentissage pour les enfants au préscolaire :
https://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/02/utiliser-la-puissance-du-jeu-comme-mode.html
- Le
jeu contribue au développement de comportements pro-sociaux un important
facteur dans la prévention et ignoré des
présentatrices.
- En
fait, le jeu est aussi un facteur de réussite éducative - car c’est de cela
dans le fond qu’il s’agit- permettant le développement des 40 composantes (ici
rebaptisés les «déterminants») du programme dont évidemment ceux de la
motricité, du langage et de la lecture/
écriture, des mathématiques, etc.
Voir :
Comment les différents types de jeux aident-ils les enfants d’âge préscolaire à
développer les composantes de la lecture et de l’écriture :
https://jeulibrequebec.blogspot.com/p/p_26.html
- Les
présentatrices, passent aussi sous
silence l’importance des fonctions exécutives dans la réussite éducative, qui
sont essentiellement développées dans le jeu et nécessaires à l’éveil de
l’écrit.
Voir : Trop d'activités dirigées peuvent nuire aux fonctions
exécutives:
https://jeulibrequebec.blogspot.com/2019/05/trop-dactivites-dirigees-peut-nuire.html
Voir : Le
développement exécutif par le jeu :
https://jeulibrequebec.blogspot.com/p/le-document-executif-par-le-jeu.html
- Certaines présentatrices semblent avoir une vision très réductrice de la prévention, axée surtout sur l’enseignement systématique des lettres. Elles établissent un cloisonnement entre le jeu (facteur de promotion) et les facteurs de préventions axés sur l’enseignement explicite systématique.
Le programme-cycle d'éducation préscolaire en est un de découverte, d’exploration et de
recherche avec les enfants. Cela ne transparaissait pas dans cette
présentation. Ce programme est inspiré du socio constructivisme (mot honni
par certains), les éléments de la présentation sur l’écrit, basés sur le
béhaviorisme.
Bien sûr nous sommes tous d’accord pour aider les enfants à
devenir des bons lecteurs et scripteurs mais l’enseignement systématique formel de la lecture n’est pas la seule manière d’y arriver. Il
peut même nuire à la motivation de certains enfants et aux garçons en
particulier (justement ceux dits « vulnérables» ou «à risque»).
- Dans le Powerpoint, une des auteures cite, entre autres, le rapport du National
Reading Panel américain (2008). Mais ce rapport a été très critiqué aux
États-Unis et le National Early Literacy Panel (2009,
dans Miller et Almon 2011) a été obligé de reconnaître qu’il n’y avait pas de
différence significative au niveau des résultats en lecture/écriture dans les
programmes basés sur le jeu et ceux qui ne le sont pas. Étant donné
l’importance du jeu dans l’équilibre et le développement global de l’enfant,
ces méthodes didactiques ne se justifient pas.
Alors pourquoi mettre
l’accent sur cette approche uniquement? Hors de l’enseignement
systématique, point de salut?
Il y a pour apprivoiser l’écrit des façons plus proches de la manière
d’apprendre des enfants et plus respectueuse de l’esprit du programme : les chansons, comptines, rimes, la
musique, le jeu symbolique, les
échanges, la lecture de livres par l’adulte, par l’enfant, la dictée à
l’adulte, l’apprentissage différencié et progressif -soutenu et par
l’enseignante- des lettres de son nom et de ceux des camarades, de ceux qu’il
aime, le jeu avec les lettres, ainsi que les projets, les sorties, etc.
Comme le dit si bien Hélène Makdessis : On doit favoriser l’entrée dans l’écrit «En faisant écrire les enfants avec leurs propres hypothèses, leur faire écrire les messages qui leur tentent…». (Communication privée)
Voir aussi: Le jeu symbolique soutenu par l'enseignante est plus efficace que l'enseignement explicite de la lecture : https://jeulibrequebec.blogspot.com/p/le-jeu-symbolique-soutenu-par_25.html
- Certaines présentatrices font fi des méta-analyses et des recherches qui vont à l’encontre de leur théorie.
Pour un autre son de cloche, voir:L’enseignement systématique de la lecture : Quelques recherches:
https://drive.google.com/file/d/1KxCfDSTA2DkRpqLE3l0e2moxXp6827UG/view?usp=sharing
L’insistance sur l’enseignement
de toutes
les lettres et sur les syllabes risque de donner ceci :
Fait vécu récent: Une
petite fille rentre à la maison «c’est plate à la maternelle, on ne fait que des
syllabes» dit-elle en étirant le mot. Elle est déjà tannée de l’école.
Pour
voir des alternatives :
Les
lettres, parlons-en (1):
PDF: https://drive.google.com/file/d/1-0S7TPkqFUQYkzvx0LDf4k7jWSYBx7jF/view?usp=sharing
Les
lettres, parlons-en (2)
PDF: https://drive.google.com/file/d/1kOg8FXKJEs_6jZaJAyq4RJa15U7A6BXi/view?usp=sharing
Savoir
raconter des histoires: une habileté à développer au préscolaire :
https://jeulibrequebec.blogspot.com/2021/12/savoir-raconter-des-histoires-une.html
- La vision qu’on a de l’enfant dans le programme est celle d’un enfant compétent, prêt à apprendre. Dans la présentation on affirme que la moitié de la population enfantine est à risque et qu’il faut la «cibler». Il s’agit des garçons. Je m’insurge contre ce déterminisme de leurs trajectoires. S’il y a plus de garçons qui décrochent ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas appris leurs lettres assez tôt. Il y a pleins d’autre déterminants qui entrent en jeu au cours de leur scolarisation (des méthodes trop stationnaires et contraignantes, des activités non signifiantes pour eux, le manque de valorisation de leur unicité, le nombre trop grand d’enfants dans les classes, le manque de soutien pendant leur parcours, etc.).
- Les méthodes didactiques proposées amènent leurs lots de tests dont on peut douter de la pertinence, car ces tests ne donnent pas un portrait réel de l'évolution de l'enfant dans tous les domaines de développement.
Voir : Accueillir
d’abord: Que penser des tests universels de dépistages précoces?
https://jeulibrequebec.blogspot.com/search?q=Accueillir+d%27abord
Conclusion :
Notre programme est très bien fait, puisque il
comprend toutes les composantes (renommés « les déterminants») pour assurer la
réussite éducative qui guident les enseignants dans leur travail. Les
enseignantes interviennent de toutes sortes de façons, à tout moment de la
journée, pour soutenir les enfants dans leurs apprentissages et renforcer
certaines habiletés. Les gestes préventifs (de groupe ou individuels) se font
là, au quotidien, dans le rythme naturel de la classe, selon les observations
des enseignantes et les besoins des enfants. Cela peut être à travers du matériel,
un commentaire et surtout à travers leur présence attentive, bienveillante et
encourageante. Et si besoin est, elles font appel à d’autres intervenantes
(quand il y en a). Les autres enfants participent également à la construction
des savoirs des uns et des autres.
Ne pourrait-on pas avoir une vision plus holistique de la prévention?
Le programme avec ses deux périodes de jeu
libres nous indique la voie. Gardons le cap!
Avant de
choisir vos stratégies par rapport à la lecture/écriture, je vous invite à lire
les recherches citées plus haut sur les désavantages et avantages des unes et
des autres. Faites-en part à vos directions, orthopédagogues, TES, conseillères
pédagogiques, enseignantes de première année, ainsi qu’aux autres enseignantes
de maternelle dans votre milieu.
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