jeudi 11 février 2021

Utiliser la «Puissance du jeu» comme mode d'apprentissage principal pour les enfants d'âge préscolaire

 Par Anne Gillain Mauffette

Un résumé des Recommandations de l’Académie Américaine de Pédiatrie 1

«En présence d’adversité dans l’enfance, le jeu devient encore plus important»

Photo © Danielle Jasmin


Dans son document La puissance du jeu, l’Académie Américaine de pédiatrie enjoint parents, éducatrices, enseignantes, organisations communautaires, administrateurs, et législateurs de privilégier le jeu sous toutes ses formes comme méthode d’apprentissage pour les enfants d’âge préscolaire, dès les premiers mois de la vie, à la maison, au CPE et à la maternelle. Dans ce texte alimenté des recherches les plus récentes, les auteurs :

-          Énumèrent les nombreux bienfaits du jeu sur le développement des enfants dans sa globalité. Le jeu :

· construit le cerveau des enfants : il enrichit sa structure et intensifie son fonctionnement,

· augmente leurs capacités d’auto régulation c’est-à dire les processus d’apprentissage plutôt que les contenus et leur contrôle inhibiteur,

· favorise leurs habiletés cognitives, sociales et socio-émotionnelles,

·augmente la curiosité qui aide la mémoire et l’apprentissage,

·stimule leur créativité,

· donne à l’enfant un sens de sa capacité d’agir et les moyens pour faire valoir ses idées et devenir un meneur,

· leur permet d’identifier leurs intérêts et préférences afin de passer de la dépendance à l’indépendance,

· les aide à apprendre à prendre des décisions, à collaborer, à négocier, à régler des conflits avec des mots, les rend progressivement maîtres de leurs fonctions exécutives, leur apprend à écouter des consignes, à diriger leur attention et se concentre sur des tâches,

· permet aussi d’apprendre à évaluer les risques, expérimenter et évaluer leurs limites, 

·nourrit le langage (plus sophistiqué) et la pensée,

· les familiarise avec les termes spatiaux et développe des concepts mathématiques,

·diminue le stress dont celui des transitions. Des enfants qui redoutaient l’entrée au préscolaire ont vu leur anxiété diminuer de moitié quand ils bénéficiaient de 15 minutes de jeu plutôt que de la lecture d’une histoire.  Il construit la résilience.

 

Photo ©Danielle Jasmin

 

-            Insistent sur les effets bénéfiques du jeu sur la santé des enfants : contrer l’obésité, augmenter la coordination, l’agilité, l’équilibre, diminuer la fatigue, le stress, les blessures et la dépression. Le jeu est considéré comme un antidote à l’impulsivité, à l’agressivité et aux émotions incontrôlées. Il développe les habiletés motrices tant globales que fines. Il les informe sur les termes spatiaux-temporels.

-           Mettent  l’accent sur l’importance du jeu à l’extérieur et des récréations. Ils encouragent  les jeux de « tiraillages» qui favorisent «l’acquisition d’habiletés à la communication, la négociation » et le développement de l’empathie et de l’intelligence émotionnelle, les enfants, encadrés, apprenant à ne pas faire mal à l’autre.

-          Nous avertissent des méfaits de la privation de jeu.  Elle est associée, entre autres, à un accroissement du déficit d’attention et d’hyperactivité. Ils condamnent l’accent mis sur les activités didactiques, soulignant que l’enseignement explicite limite la créativité des enfants.

-          Démontrent qu’il n’y a pas de gains à un enseignement systématique formel au préscolaire. Par exemple, une expérience récente d’intervention précoce en mathématique au préscolaire n’a démontré à peu près aucun gains dans les résultats plus tard à l’élémentaire. Ils suggèrent que nous laissions les enfants apprendre en observant et en s’engageant activement plutôt que par mémorisation passive ou instruction directe car les enfants qui jouent, sont engagés dans des découvertes signifiantes et  se comportent comme des scientifiques. Ils découvrent mieux par eux-mêmes, par exemple, les mécanismes de cause à effet quand ils mènent eux-mêmes leurs apprentissages.

-          Identifient les obstacles au jeu dont la concurrence avec les écrans.

-          Nous renseignent  sur les types de jeux qui favorisent davantage les habiletés des enfants dont les jeux traditionnels tels les blocs par exemple, préférables aux jeux digitaux. Les jeux peuvent être classés comme étant auto dirigés ou dirigés ou guidés par l’adulte. Le jeu auto dirigé ou jeu libre est qualifié comme «crucial pour l’exploration du monde par les enfants».

Photo © Anne Gillain Mauffette

-         Décrivent le rôle des adultes : parents, éducateurs et enseignants doivent jouer eux-mêmes avec les enfants et les soutenir dans leurs jeux. Le jeu consolide la relation entre l’adulte et l’enfant et diminue le niveau de stress  tant chez  l’enfant que chez  l’adulte. Il favorise «des relations sécuritaires, stables et nourricières». Le jeu avec l’adulte amène souvent de l’étayage. Il permet à l’adulte de mieux connaître l’enfant. Les adultes doivent aussi apprendre à reconnaître les apprentissages faits dans le jeu.

Photo ©Anne Gillain Mauffette

-        Citent des recherches qui indiquent que les enfants apprennent beaucoup mieux quand ils ont un certain pouvoir, un certain contrôle sur leurs actions et peuvent jouer un rôle actif dans leurs apprentissages. Ils recommandent d’opter pour des méthodes innovatrices pour permettre aux enfants de mieux apprendre et font mention entre autres du modèle des écoles préscolaires municipales de Reggio Emilia. Le modèle éducatif optimal est décrit comme celui où« l’enseignante implique les enfants dans des activités qui favorise les habiletés à l’intérieur de leur zone optimale de développement ce qui est accompli davantage par le dialogue et le soutien».

-         Insistent sur l’importance d’évaluer la maturation globale de l’enfant et non simplement sa maturité scolaire.

-          L’Académie  croit que les pédiatres peuvent jouer un rôle important en insistant sur l’importance de toutes les formes de jeu pour la promotion d’un développement sain de l’enfant. Elle les invite à militer pour la préservation du temps de jeu pour protéger l’intégrité des enfants. L’AMP incite donc les pédiatres à faire la promotion du jeu auprès des parents ainsi qu’auprès des intervenantes au préscolaire et du public.


Conclusion :

L’Académie souligne que« l’accent sociétal accru sur la préparation académique (…) a mené à un accroissement des activités structurées axées sur l’obtention de résultats académiques aussi tôt que le préscolaire, avec une diminution parallèle de l’apprentissage par le jeu.» Pourtant  quand le jeu manque dans la vie des enfants, le stress peut inhiber, entre autres, le développement des fonctions exécutives et l’apprentissage de comportements pro-sociaux. Elle reconnait que le jeu est «fondamentalement important pour l’apprentissage d’habiletés nécessaires au 21ème siècle telles que la résolution de problèmes, la collaboration, la créativité qui demandent une maîtrise des fonctions exécutives et sont critiques pour la réussite à l’âge adulte». On y lit : « La maternelle devrait offrir des occasions de jeu collaboratif et de manipulations exploratoires.»    « Au lieu d’insister exclusivement sur la récitation de l’alphabet, la littératie précoce, l’utilisation de « flash cards», des jeux  à l’ordinateur et d’enseigner les contenus des tests (…), il vaut mieux cultiver la joie d’apprendre par le jeu qui a plus de chances d’encourager la réussite académique à long terme.»

Nous vous invitons donc à faire comme les pédiatres et militer pour préserver le temps de vrai jeu, «afin de protéger l’intégrité de l’enfance».

Alors que les maternelles 4 ans, accueillant beaucoup d’enfants issus de milieux moins favorisés économiquement, se multiplient et que le nouveau programme cycle pour les enfants de 4 à 6 ans est modifié, nous espérons que ces recommandations soient prises très au sérieux.

 

Référence:

1The Power of Play: A Pediatric Role in Enhancing Development in Young Children

Michael Yogman, Andrew Garner, Jeffrey Hutchinson, Kathy Hirsh-Pasek, Roberta Michnick Golinkoff; Commitee on psychosocial aspects of child and family health and Council on communications and media.; Pediatrics, September 2018, 142 (3). 

Note : Il existe une traduction du document en entier (29 pages) ainsi qu’un résumé plus étoffé que celui-ci  (18 pages) que vous pouvez demander à l’auteure. Vous y trouveriez également  les 145 références. Anne Gillain Mauffette

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