dimanche 14 février 2021

Comment étayer le développement global (1): «Préparer à l'école»

Par Anne Gillain Mauffette

«Préparer à l’école»

Première partie

On me demande souvent : comment préparer l’enfant à l’école?

 Je réponds toujours : par le jeu, les projets et la lecture d’histoires

Jeu de construction avec des serviettes : les enfants lisent dans leur cabane.


Jeu de construction avec des serviettes: les enfants lisent dans leur cabane.
Photo © Danielle Jasmin

 

Notre mission première n’est pas de directement préparer les enfants pour l’école : on doit  les aider à actualiser toutes leurs potentialités.

Car si on adopte cette optique de préparation: la famille va préparer l’enfant pour le CPE. Le CPE va préparer pour la maternelle, la maternelle pour le primaire, le primaire pour le secondaire on se prépare pour le travail, la retraite et finalement la mort.

 Pendant ce temps on ne s’est pas intéressé aux désirs et besoins de l’individu ici et maintenant. Et pourtant, c’est cela le gage de la « réussite éducative».

Penser préparation, cela nous amène à de la scolarisation formelle précoce qui ne s’occupe en fait que d’une infime partie du développement cognitif. Cela nous amène à focaliser sur des critères étroits.  Car avec notre obsession pour  les lettres et les chiffres en particulier, on en oublie toutes les autres dimensions de l’enfant qui est devant nous. D’ailleurs ce qu’on appelle la «maturité scolaire», c’est beaucoup plus que la connaissance de quelques notions académiques : cela comprend le bien-être physique et développement moteur, le développement social et affectif, les fonctions exécutives, le langage, la cognition,  les connaissances générales.

 L’enfant est un tout

Nous savons que l’enfant est un tout qui agit et réagit dans un contexte culturel.  Quand il se présente à vous ou dans une situation, il entre en relation avec son être entier. Il aborde la vie avec ses cinq sens, ses émotions, ses connaissances et expériences antérieures. Tout ce qu’on fait et dit a une influence sur son cerveau affectif et cognitif et cela irradie dans tout son corps et sa personne et  influence ses comportements. C’est à la fois une énorme responsabilité et un immense privilège de les accompagner dans leur épanouissement.

L’apprentissage

Mais la conception qu’on se fait de l’apprentissage va déterminer nos interventions et créer des expériences très différentes pour les enfants.

Dans  la vision béhavioriste on pense qu’il faut fragmenter le savoir en petites unités : comme des pièces de LÉGOS que l’enfant recollerait ensuite ensemble. On le teste sur certains éléments et si l’enfant n’a pas bien retenu ces éléments, on le considère comme un casse-tête avec des pièces manquantes et l’intervention va se centrer sur  les manques.

L’éducatrice/enseignante est celle qui sait : elle va vouloir « leur montrer», «leur apprendre».

 On peut dans ce modèle, facilement briser la confiance d’un enfant en  lui faisant faire des choses pour lesquelles il n’est pas encore prêt. «Je ne suis pas bon pour faire des lettres, je les fais trop grandes» me dit Nathan 4 ans en sortant du CPE. Lui qui n’a pas encore fait un « bonhomme» et « dépasse encore» lorsque on l’oblige à colorier. Écrire des petits «n», est tout à fait prématuré pour lui).

Dans une approche qui respecte la globalité de l’enfant, on va plutôt lui proposer  des choix, une participation dans des  activités complexes où il exercera toutes ses capacités à la fois. Le jeu et les projets, par exemple, sont des situations où les enfants sont à la fois dans la motricité, le langage ou les langages, les habiletés sociales, le développement intellectuel  (raisonnement, faire des comparaisons se poser des questions, faire des hypothèses et les vérifier, concepts mathématiques etc.), le développement moral, l’expression artistique etc.

Filmer une petite séquence de jeu et l’analyser suffit pour tirer cette conclusion : les enfants apprennent dans tous les domaines en même temps.

Notre rôle est de fournir un contexte et des conditions favorables au développement global : un environnement bien pensé et des activités qui correspondent aux intérêts et capacités des enfants.

 Comparons ces deux situations.

Photo Anne Mauffette

Dans première, on est  tout de suite dans l’abstraction : le symbole de la pomme, représentée par le dessin. L’enfant va nommer l’objet, colorier la forme et peut-être tracer les lettres. Souvent l’activité se fait en grand groupe et est obligatoire.

Photo tirée du livre d'Anne Mauffette: Revisiter les environnements extérieurs

Dans la seconde, on est dans des actions concrètes : les enfants sont allés dans un verger ou ont des pommiers dans leur cour ou sont allés au marché ou encore l’enseignante a apporté toutes sortes de pommes. Ils vont appréhender le concept de pomme avec tous leurs sens dont y goûter bien sûr, et découvrir qu’il y en a de plusieurs formes et couleurs, faire des comparaisons (il y en a des plus petites, plus grosses, plus sucrées). Ils vont dire leurs préférences.  Ils pourront faire des dessins d’observation ou libres de pommiers, examiner les feuilles etc. Une fois de retour en classe, ils vont pouvoir faire de la compote de pommes avec tous les apprentissages de chimie et de mesure que cela amène.  Il y aura les échanges et le vocabulaire et la motricité globale et fine qui s’y  seront exercés. Sans oublier … le plaisir

Laquelle des deux est la plus riche au niveau des apprentissages possibles?

La réponse est  évidente.

Privilégier le jeu, les manipulations, l’exploration qui amènent des questionnements, des discussions, des lectures est la meilleure manière de permettre à l’enfant de se développer dans toutes ses dimensions et donc d’être prêt à profiter de ce que l’école va lui offrir. Encore faut-il que l’école, elle, soit prête à l’accueillir dans sa globalité et son unicité. Bref qu’on le considère comme compétent.

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Suite: Considérer l'enfant comme compétent

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