Par Anne Gillain Mauffette
«Préparer à l’école»
Première partie
On me demande souvent : comment préparer l’enfant à l’école?
Je réponds toujours : par le jeu, les
projets et la lecture d’histoires
Jeu de construction avec des serviettes :
les enfants lisent dans leur cabane.
Notre mission première n’est pas de directement préparer les enfants pour l’école : on doit les aider à actualiser toutes leurs potentialités.
Car si on adopte cette optique de préparation: la famille va préparer l’enfant pour le CPE. Le CPE va préparer pour la maternelle, la maternelle pour le primaire, le primaire pour le secondaire on se prépare pour le travail, la retraite et finalement la mort.
Pendant ce temps on ne s’est pas intéressé aux désirs et besoins de l’individu ici et maintenant. Et pourtant, c’est cela le gage de la « réussite éducative».
Penser préparation, cela nous amène à de la scolarisation formelle précoce qui ne s’occupe en fait que d’une infime partie du développement cognitif. Cela nous amène à focaliser sur des critères étroits. Car avec notre obsession pour les lettres et les chiffres en particulier, on en oublie toutes les autres dimensions de l’enfant qui est devant nous. D’ailleurs ce qu’on appelle la «maturité scolaire», c’est beaucoup plus que la connaissance de quelques notions académiques : cela comprend le bien-être physique et développement moteur, le développement social et affectif, les fonctions exécutives, le langage, la cognition, les connaissances générales.
Nous savons que l’enfant est un tout qui agit et réagit dans un contexte culturel. Quand il se présente à vous ou dans une situation, il entre en relation avec son être entier. Il aborde la vie avec ses cinq sens, ses émotions, ses connaissances et expériences antérieures. Tout ce qu’on fait et dit a une influence sur son cerveau affectif et cognitif et cela irradie dans tout son corps et sa personne et influence ses comportements. C’est à la fois une énorme responsabilité et un immense privilège de les accompagner dans leur épanouissement.
L’apprentissage
Mais la conception qu’on se fait de l’apprentissage va déterminer nos interventions et créer des expériences très différentes pour les enfants.
Dans la vision béhavioriste on pense qu’il faut fragmenter le savoir en petites unités : comme des pièces de LÉGOS que l’enfant recollerait ensuite ensemble. On le teste sur certains éléments et si l’enfant n’a pas bien retenu ces éléments, on le considère comme un casse-tête avec des pièces manquantes et l’intervention va se centrer sur les manques.
L’éducatrice/enseignante est celle qui sait : elle va vouloir « leur montrer», «leur apprendre».
On peut dans ce modèle, facilement briser la confiance d’un enfant en lui faisant faire des choses pour lesquelles il n’est pas encore prêt. «Je ne suis pas bon pour faire des lettres, je les fais trop grandes» me dit Nathan 4 ans en sortant du CPE. Lui qui n’a pas encore fait un « bonhomme» et « dépasse encore» lorsque on l’oblige à colorier. Écrire des petits «n», est tout à fait prématuré pour lui).
Dans une approche qui respecte la globalité de l’enfant, on va plutôt lui proposer des choix, une participation dans des activités complexes où il exercera toutes ses capacités à la fois. Le jeu et les projets, par exemple, sont des situations où les enfants sont à la fois dans la motricité, le langage ou les langages, les habiletés sociales, le développement intellectuel (raisonnement, faire des comparaisons se poser des questions, faire des hypothèses et les vérifier, concepts mathématiques etc.), le développement moral, l’expression artistique etc.
Filmer une petite séquence de jeu et l’analyser suffit pour tirer cette conclusion : les enfants apprennent dans tous les domaines en même temps.
Notre rôle est de fournir un contexte et des conditions favorables au développement global : un environnement bien pensé et des activités qui correspondent aux intérêts et capacités des enfants.
Dans première, on est tout de suite dans l’abstraction : le symbole de la pomme, représentée par le dessin. L’enfant va nommer l’objet, colorier la forme et peut-être tracer les lettres. Souvent l’activité se fait en grand groupe et est obligatoire.
Dans la seconde, on est dans des actions concrètes : les enfants sont allés dans un verger ou ont des pommiers dans leur cour ou sont allés au marché ou encore l’enseignante a apporté toutes sortes de pommes. Ils vont appréhender le concept de pomme avec tous leurs sens dont y goûter bien sûr, et découvrir qu’il y en a de plusieurs formes et couleurs, faire des comparaisons (il y en a des plus petites, plus grosses, plus sucrées). Ils vont dire leurs préférences. Ils pourront faire des dessins d’observation ou libres de pommiers, examiner les feuilles etc. Une fois de retour en classe, ils vont pouvoir faire de la compote de pommes avec tous les apprentissages de chimie et de mesure que cela amène. Il y aura les échanges et le vocabulaire et la motricité globale et fine qui s’y seront exercés. Sans oublier … le plaisir
Laquelle des deux est la plus riche au niveau des apprentissages possibles?
La réponse est évidente.
Privilégier le jeu, les manipulations, l’exploration qui amènent des questionnements, des discussions, des lectures est la meilleure manière de permettre à l’enfant de se développer dans toutes ses dimensions et donc d’être prêt à profiter de ce que l’école va lui offrir. Encore faut-il que l’école, elle, soit prête à l’accueillir dans sa globalité et son unicité. Bref qu’on le considère comme compétent.
Suite: Considérer l'enfant comme compétent
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