L’enfant est compétent en naissant dans le sens où il est programmé pour apprendre. C’est même une question de survie. Les bébés sont déjà orientés vers les autres, sociables : un très jeune bébé va imiter les grimaces qu’on lui fait. Ils recherchent les visages et font tous leurs efforts pour comprendre le monde. Ils arrivent à déchiffrer le langage et lui donner du sens. Il faut lire le livre de Gopnik (The Scientist in the crib - Des scientifiques au berceau 1) qui nous montre toute l’intelligence des enfants à l’œuvre. Il n’y a donc qu’une posture à adopter : s’accroupir… et les soutenir dans ce qu’ils initient. On le fait pour l’enfant de 6 mois qui commence à s’asseoir, pour l’enfant d’un an qui fait ses premiers pas et qui persiste quand il tombe.
Notre mission est de permettre aux enfants de continuer à se percevoir comme des personnes capables d’apprendre,
ayant la volonté d’apprendre.
Il ne faut pas éteindre cette volonté qu’ils ont naturellement. Il faut les aider à maintenir cette attitude de curiosité et d’efforts
Alors pourquoi ne pas continuer à les étayer dans le reste de leur enfance.
Comment accompagner
l’enfant compétent?
On va se poser la question : Comment les enfants apprennent-ils le mieux? Ils apprennent le mieux quand il y a :
- beaucoup d’activités choisies librement par les enfants, en petits groupes
- très peu d’activités d’enseignement dirigé en grand groupe,
- des matériaux de qualité,
- des éducatrices et enseignantes ayant un haut niveau de formation.
Les activités qui contribuent le plus à leur succès sont les activités d’expression (arts plastiques, art dramatique, musique), celles de motricité globale et fine.
Celles qui y contribuent le moins sont les activités pré académiques et les routines de soin.
Quels outils avons-nous à notre
disposition?
Notre premier outil est donc d’observer les enfants en action, de les écouter au sens large du terme, d’essayer de comprendre leurs théories, préoccupations, leurs intérêts, leurs sentiments. D’apprendre à les connaître pour ensuite pouvoir proposer des expériences signifiantes et à l’intérieur de leur zone proximale de développement (c'est-à-dire : où il en sont par rapport à quelque chose) et à les aider à aller un peu plus loin.
Ceci m’amène à notre deuxième outil : la documentation. On va tenter de décrire ce qui se passe au quotidien. On va écrire de petits récits d’apprentissages qui vont témoigner de ce sur quoi les enfants « travaillent» et qui vont rendre visible leur évolution. Pour ce faire des photos et des vidéos sont fort utiles. On va partager cette documentation avec les enfants ce qui va nous fournir des informations supplémentaires, avec les parents qui vont aussi enrichir nos connaissances et avec les collègues qui vont apporter leur point de vue.
Qu’est-ce qu’on va documenter?
Ce qui vous semble signifiant pour cet enfant là à ce moment là ; un beau geste envers un autre, quelque chose qui indique le développement d’une habileté, de la persistance, du sens moral…
Je vais noter par exemple qu’à la collation Sophie a dit : « Mandarine c’est comme manger» ou «Clémentine c’est comme Justine» démontrant sa capacité de discrimination auditive et à identifier les sons initiaux et finaux des mots. Et qu’après l’histoire des trois petits cochons elle fait remarquer que « essoufflée c’est comme souffle», donc qu’elle s’intéresse même à la morphologie des mots. Elle n’aura certainement pas besoin d’activités formelles de conscience phonologique.
La documentation a
d’énormes avantages
Elle enthousiasme tout le monde :
- l’éducatrice/enseignante qui va observer et raconter des choses positives sur les enfants et mieux les connaître
- les enfants qui se rendent compte qu’on respecte ce qu’ils font et ce qu’ils disent : cela augmente leur goût de communiquer, de s’investir dans les activités, de créer, de persévérer.
Exemple : Un enfant peu enclin à faire une construction en avait fait une, j’ai pris une photo. Je lui dis que je vais la partager avec d’autres personnes si cela ne le dérange pas. Il me répond : «attends, je vais en faire une plus grande»
- et les parents : cela leur permet de se rendre compte de comment leur enfant apprend avec les autres et avec les matériaux et ce qu’il apprend. Ils découvrent sous les gestes quotidiens des enfants, des apprentissages, rendus visibles qui pouvaient passer inaperçus. Ils voient « les bons coups» de leurs enfants et en conçoivent une image positive. Ils peuvent contribuer au dialogue autour de l’enfant. La documentation va regrouper l’éducatrice/enseignante et le parent autour des actions et des capacités démontrées par l’enfant.
Le focus de la documentation va varier avec le temps de l’année et selon l’enfant. En début d’année on va focaliser sur les manifestations d’adaptation au milieu. On va montrer le degré de participation grandissante de l’enfant.
Pour ce faire il faut avoir une bonne connaissance des phases de développement dans les différents
domaines et dans les types d’activités
(la progression dans le dessin par exemple ou la construction) et savoir décoder les gestes et dires des
enfants. Il faut aussi connaître le
potentiel des situations offertes et des matériaux.
Jeu et projets
Mais notre outil principal est en petite enfance est le jeu : un outil puissant à la fois pour les enfants qui y explorent toutes sortes de concepts et y développent toutes sortes d’habiletés et pour les adultes car l’enfant se révèle dans le jeu. Mais encore faut-il que le niveau de jeu soit suffisamment élevé (nous y reviendrons).
Il y a aussi les projets dans lesquels les enfants vont s’investir.
Le vrai jeu est initié par l’enfant et contrôlé par l’enfant mais soutenu par l’adulte. J’inclue dans le jeu toutes les formes d’expression artistiques spontanées.
Un projet, est l’étude d’un sujet initié par l’intérêt des enfants pour un phénomène.
Les deux sont des vases communicants : le jeu donnant lieu à des projets et de la place est faite pour le jeu à l’intérieur des projets. Ces derniers vont en fait enrichir le jeu des enfants.
Avec la littérature enfantine, ils sont les piliers de l’apprentissage au préscolaire.
Un autre outil est votre CRÉATIVITÉ dans la planification de l’environnement et des matériaux. Qu’est-ce qu’on va offrir pour provoquer leur intérêt et leurs interrogations des enfants? Pour stimuler leurs représentations.
Un enfant ici expérimente avec toutes sortes d’objets. Il questionne à voix haute : «Qu’est-ce que ça va faire ça?», préoccupé par l’effet, pas encore dans un but de représentation. L’autre expérimente avec la glaise et tente de représenter un canard.
Les matériaux et
l’environnement
- Les matériaux sont de fortes invitations à agir.
Mettre un gros bloc de glaise sur une table, par exemple, va tout de suite intéresser certains enfants.
- On va aussi chercher à élargir la palette de médiums et formes de représentations : en plus du dessin, de la peinture on peut proposer par exemple la glaise, des explorations de la lumière sur le rétroprojecteur, la table lumineuse, le théâtre d’ombre, des matériaux recyclés et naturels pour faire des assemblages et des compositions, le fil de fer, les matériaux naturels, les matériaux recyclés, etc.
- Il faut aussi que le matériel soit en quantité suffisante (par exemple les blocs) pour que les enfants puissent faire des structures collaboratives et complexes.
- Qu’il soit varié, ouvert à toutes sortes de création
- Qu’il évolue dans le temps, on surprend avec des ajouts
- Que les activités proposées soient suffisamment complexes.
Exemple : sable + eau + objets naturels + animaux, personnages= situation complexe
Le sable est un médium intéressant qu’on peut sentir entre les doigts qu’on peut mesurer, peser, chronométrer, cuisiner… Si on ajoute de l’eau, cela multiplie les possibilités. Si encore on ajoute des éléments naturels, on augmente le potentiel de jeu et si on ajoute des personnages, c’est tout un univers qui s’ouvre.
Autre exemple : ici nous avons deux petites filles qui ont expérimenté avec du sable, de l’eau, plus de la colle et de la gouache, une recette plus efficace me disent-elles que leurs premiers essais avec du sable de l’eau et des teintures alimentaires. Elles multiplient les concoctions liquides ou solides, fabricant des glaçages, recherchant la consistance de la crème pâtissière, etc. Elles planifient d’ouvrir une pâtisserie. Ce qui fut fait.
- Autre exemple : varier les sortes de blocs (blocs magnétiques, de bois petits et gros, de type mécano). Les combiner, ajouter des rampes et assembler le tout.
L’environnement :
- Il doit être flexible : se prêter à des changements
- L’enseignante aussi doit être flexible et permettre par exemple que des éléments d’un coin de jeu se retrouvent dans un autre (la pâte à modeler dans le coin cuisine pour faire des carottes et des petits pois). Permettre que les enfants utilisent le matériel de façon alternative.
On voudra aussi utiliser le plus souvent possible l’environnement extérieur et examiner les contraintes qu’il impose aux enfants ainsi que les possibilités offertes.
On voudra aussi explorer, régulièrement, avec les enfants, aussi bien la nature que la vie urbaine dans le quartier et ailleurs. Cela augmente, entre autres, leurs connaissances générales et donc favorise la compréhension des histoires lues.
Ceci est d’autant plus important pour les enfants de milieux économiquement moins favorisés ou les nouveaux arrivants qui n’ont peut-être pas l’occasion de fréquenter des environnements variés.
Anne Gillain Mauffette 2021
Référence :
1. Gopnik, A.; Meltzoff, A.N.; Kulh P.K. (2000) The Scientist in the crib, Harper
Collins, New York.
Suite: Apporter des changements à l'environnement
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